Intervention de Nicole Bonnefoy

Réunion du 20 novembre 2013 à 14h30
Lutte contre la contrefaçon — Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Nicole BonnefoyNicole Bonnefoy :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la présente proposition de loi déposée par notre collègue Richard Yung reprend très largement une proposition de loi de l’ancien sénateur UMP Laurent Béteille, à la suite d’un rapport d’information qu’ils menèrent conjointement pour dresser une évaluation de la loi de lutte contre la contrefaçon du 29 octobre 2007.

Déposée et adoptée en commission des lois en 2011, elle n’avait pu être inscrite à l’ordre du jour et ainsi poursuivre son parcours législatif. La large approbation dont elle fit l’objet en commission démontrait pourtant la pertinence de cette proposition.

La loi de 2007 a constitué un net progrès dans la lutte contre les atteintes à la propriété intellectuelle par le biais de la contrefaçon. Cette avancée a été mise en évidence dans le rapport d’information.

Toutefois, il est apparu qu’il convenait, d’une part, d’apporter aux dispositifs de lutte contre la contrefaçon des précisions et clarifications attendues par les professionnels, et d’autre part, de renforcer encore la protection de la propriété intellectuelle en France. C’est ce double objectif que cette proposition de loi a enfin l’occasion de remplir.

Le fléau de la contrefaçon a en effet explosé ces dernières années, sous l’effet notamment de la mondialisation des échanges et de l’arrivée d’internet. D’après l’OCDE, le commerce de produits contrefaits a doublé depuis 2000 et représente aujourd’hui environ 10 % du commerce mondial. Dans le même temps, le volume des marchandises saisies en France par la douane a, quant à lui, a été multiplié par six. La contrefaçon touche ainsi, avec une acuité particulièrement féroce, notre pays et nos concitoyens.

En effet, le prix à payer pour le commerce de produits frauduleux est élevé.

Ce sont d’abord nos entreprises qui sont touchées, du fait de la baisse de leur chiffre d’affaires. Par répercussion, ce sont des dizaines de milliers d’emplois qui disparaissent – près de 40 000 en France selon les estimations –, les recettes fiscales de l’État qui sont, elles aussi, grièvement amputées. Chaque année, plus de 6 milliards d’euros manquent aux deniers publics : tel est le coût pour l’État de la contrefaçon.

La sécurité et la santé des consommateurs sont, quant à elles, sévèrement mises en danger.

Sans évoquer les risques causés par la circulation de jouets défectueux, d’appareils domestiques ne répondant à aucune norme ou de produits alimentaires non autorisés, je m’en tiendrai au fait que les ventes de médicaments contrefaits dans le monde ont doublé entre 2005 et 2010, et que la France n’est, bien sûr, pas en reste, puisque les saisies ont plus que triplé dans le pays entre 2011 et 2012.

Les risques d’accidents deviennent lourds lorsque les molécules de produits tels qu’aspirines ou anticancéreux sont remplacées par du sucre, voire par des substances nocives en elles-mêmes.

Hors de tout cadre légal, la fabrication et le commerce de produits contrefaits participent en outre à l’exploitation d’êtres humains et au travail illicite, et sert dans bien des cas à financer les activités d’organisations mafieuses et terroristes.

À l’occasion de mon travail de rapporteur de la mission commune d’information sur les pesticides, j’ai pu mesurer les effets potentiellement délétères pour la société que comporte la contrefaçon, à travers l’étude d’un exemple concret, celui du trafic de produits phytosanitaires frauduleux qui prospère en Europe.

Au cours d’une table ronde organisée dans le cadre de nos auditions, magistrats et juristes, douanes, répression des fraudes, veille sanitaire et alimentaire, responsables de l’administration, tous ont à leur tour insisté sur la .gravité des conséquences de la contrefaçon sur la santé des agriculteurs comme des consommateurs, sur les atteintes à l’environnement et le préjudice pour l’économie des entreprises touchées.

L’ensemble de ces acteurs concernés nous ont fait part de leurs attentes : accroître les moyens accordés à la justice et aux douanes, unifier les normes de sanctions pour une meilleure lisibilité juridique en matière de contrefaçon et accorder un niveau de sanctions pénales et civiles plus adéquat à la gravité des infractions.

Bien que la France possède déjà un arsenal juridique de lutte contre la contrefaçon important, il convient, pour contrecarrer ce fléau qui ne cesse de prospérer, d’aiguiser les moyens accordés à ce dispositif global.

Celui-ci fait intervenir de nombreux acteurs publics : douane, direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, police, gendarmerie, huissiers, magistrats.

Se dessine donc, à travers cette proposition de loi, un ensemble de dispositions s’appliquant diversement aux juridictions spécialisées dans le traitement des affaires de contrefaçon, aux moyens d’inspection accordés aux inspecteurs des douanes et à la justice, à l’arsenal répressif prévu à l’égard des contrefacteurs, aux mesures de réparation accordées aux personnes dont la propriété intellectuelle a été violée.

Cet ensemble cohérent permettra de manifester la volonté des pouvoirs publics de ne tolérer aucune forme de contrefaçon, et aucun des dommages qui y sont liés.

En renforçant la spécialisation des magistrats et juridictions traitant des affaires relevant de la contrefaçon, il s’agit d’affermir l’expertise des dossiers pour décider, avec la fermeté adéquate, des sanctions pénales et des indemnisations civiles les plus justes. Il est important de maintenir ainsi la réputation d’excellence et l’attractivité juridique de la France dans le domaine très concurrentiel de la propriété intellectuelle.

La réforme du calcul des dédommagements versés aux victimes d’actes de contrefaçon dont les auteurs ont été condamnés devrait permettre d’écarter enfin la possibilité de « fautes lucratives ». Cette expression désigne les situations fréquentes dans lesquelles l’auteur, malgré les dommages et intérêts qu’il est condamné à verser, conserve une marge bénéficiaire de son délit suffisante pour qu’il n’ait aucune raison de ne pas récidiver.

Or, lorsqu’un délit de contrefaçon est constaté et condamné, la sanction doit servir à dissuader de manière forte, sinon définitive – cela va de soi –, la personne qui s’est rendue coupable d’un tel forfait. Elle doit en même temps dédommager à la hauteur des méfaits subis les personnes dont la propriété intellectuelle a été violée, avec toutes les conséquences que cela comporte en termes de préjudices financiers, moraux et d’image. C’est en frappant directement au cœur des contrefacteurs, c’est-à-dire à leur portefeuille, que la dissuasion sera forte.

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