Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je profite de la présentation de cet amendement n° 10 rectifié pour vous exposer de manière liminaire les motifs ayant conduit le groupe CRC à déposer quatre amendements relatifs à la propriété intellectuelle dans le domaine agricole dans le cadre de l’examen de la présente proposition de loi.
Le 27 mars, le Sénat a organisé, sur l’initiative de notre groupe, un débat sur le droit de semer et la propriété intellectuelle. Il s’agissait pour nous d’ouvrir la discussion pour déterminer comment il est possible, dans le domaine agricole et, au-delà, dans celui du vivant, de concilier les droits de propriété au regard de la recherche et les droits que l’ensemble des hommes détiennent sur ce patrimoine naturel commun.
Comme vous le savez, la propriété intellectuelle dans le secteur agricole voit s’opposer deux systèmes : le certificat d’obtention végétale et le brevet. Nous préférence pour le certificat d’obtention végétale, qui garantit l’exception du sélectionneur, est sans ambiguïté. Cependant, nous considérons aujourd’hui que le COV ne devrait pas couvrir certaines pratiques, comme les semences de ferme ou les semences paysannes.
En outre, nous réitérons ici nos craintes sur l’acceptation de l’idée selon laquelle le vivant pourrait être breveté. Lors du débat, au mois de mars, nous avions expliqué que le COV ne protégeait pas l’obtenteur ou les agriculteurs contre le dépôt d’un brevet sur un gène de la plante. Personne dans cette Haute Assemblée ne semblait s’émouvoir de l’affaire du gène de résistance de la laitue au puceron. Quelques semaines plus tard, lors de son audition par la commission des affaires économiques, le président de l’Office européen des brevets a éludé la question que je lui avais posée sur la politique de l’Office en matière de brevetage du vivant. Pourtant, le 12 juin dernier, l’Office a accordé à une entreprise détenue par Monsanto un brevet sur un brocoli issu d’un procédé de sélection conventionnelle.
Selon les revendications du brevet, les droits du détenteur s’étendent aux plantes, aux graines, aux « têtes de brocolis coupées », ainsi qu’à une « pluralité de plantes de brocolis cultivées dans un champ ».
Aujourd’hui on assiste à la montée d’une vision ultralibérale de l’agriculture en faisant de la recherche dans le domaine du végétal une véritable bulle spéculative. Parallèlement, on assiste à une montée en puissance de la protection juridique de ces opérations commerciales.
C’est pourquoi, même si nous partageons l’objectif des auteurs de la proposition de loi de défendre la propriété intellectuelle, nous considérons que, avec la loi de 2011 relatives aux certificats d’obtention végétale et les dérives du brevet, le patrimoine naturel, bien commun, n’est, en l’état actuel, pas suffisamment protégé.
En ce sens, par nos amendements, nous souhaitons soustraire à la qualification de contrefaçon certaines pratiques agricoles et les produits qui en sont issus. §