Intervention de André Vairetto

Réunion du 20 novembre 2013 à 21h30
Prévention des inondations — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de André VairettoAndré Vairetto :

Monsieur le président, madame la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte que nous examinons ce soir s’inscrit dans le prolongement des préconisations de la mission commune d’information sur les inondations qui se sont produites dans le Var et, plus largement, dans le sud-est de la France au mois de novembre 2011, présidée par Louis Nègre et dont le rapporteur était l’auteur de la présente proposition de loi, Pierre-Yves Collombat.

Je veux saluer ici la ténacité et l’implication dont nos collègues ont fait preuve pour élaborer un dispositif législatif cohérent, qui permette une prévention véritablement efficace d’un fléau dont il a été rappelé combien il était coûteux, en termes financiers et, surtout, humains.

La liste des catastrophes survenues au cours de ces trois dernières années est longue, depuis la tempête Xynthia, en février 2010, jusqu’aux inondations en Haute-Garonne et dans les Hautes-Pyrénées, tout récemment, en passant évidemment par les inondations du Var ou d’autres régions de notre pays.

Le changement climatique, qui aboutira, semble-t-il, à une récurrence plus fréquente de tels phénomènes, laisse augurer de nouveaux dégâts, notamment là où les pouvoirs publics n’auront pas organisé la prévention des inondations.

Un constat préalable est ainsi unanimement partagé : l’absence de responsabilités clairement identifiées ou leur dilution aboutit à une prise en charge très inégale du risque d’inondation selon les territoires et rend surtout très difficile l’organisation de la prévention.

Dans un document de travail du 25 janvier 2013, le Comité national de l’eau appelait déjà de ses vœux une clarification de la définition des attributions en matière de gestion de l’eau dans le milieu naturel.

À ce jour, on constate que les collectivités locales assurent majoritairement les investissements liés à la protection et à l’entretien des cours d’eau, en se substituant souvent aux propriétaires riverains. En effet, si ces derniers sont tenus à l’entretien régulier des cours d’eau aux termes du code de l’environnement, force est de constater que cette mission, qui contribue à la prévention des inondations, est le plus souvent assumée par les collectivités locales.

Comme le soulignait également un document du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, la France dispose d’une politique de prévention des risques d’inondation et d’une politique de solidarité pour la réparation des dommages qui ont jusqu’à présent permis d’assurer la gestion des crises.

Cependant, ces politiques, qui sont mises localement en œuvre au gré des événements, souffrent d’une application inégale d’un territoire à l’autre et d’approches hétérogènes quant aux objectifs visés. Le manque d’une vision homogène et partagée des risques existants rend plus difficile encore l’évaluation de l’efficacité de ces politiques.

Il convient enfin de rappeler que, face au bilan catastrophique des inondations ayant eu lieu en Europe au cours des dernières décennies, la Commission européenne s’est mobilisée en adoptant, en 2007, la directive 2007/60/CE relative à l’évaluation et à la gestion des risques d’inondation, dite directive « inondation ».

La gestion des risques d’inondation proposée au travers de cette directive replace le partage des responsabilités au cœur d’un dispositif dans lequel les collectivités jouent un rôle important.

La proposition de loi qui nous est soumise comporte deux parties, consacrées l’une à la prévention des inondations, l’autre à la gestion de la crise à court et moyen termes.

Les articles 1er à 5, 13 et 14 de ce texte sont identiques ou quasiment identiques aux articles 35 B à 35 E du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, eux-mêmes introduits en première lecture au Sénat, sur l’initiative de Pierre-Yves Collombat. Ils visent principalement à la création d’une compétence obligatoire de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations et à la mise en place d’une taxe pour financer le transfert de cette nouvelle compétence. Le texte prévoit également le renforcement du rôle des établissements publics territoriaux de bassin et le transfert des digues. Le rapporteur a légitimement proposé leur suppression à la commission, qui l’a acceptée. En effet, faire coexister deux projets traitant d’un même sujet rendait totalement illisible la démarche parlementaire.

Si la suppression de ces articles est préférable du point de vue de la cohérence juridique, ils appellent cependant quelques observations.

Je me permets de rappeler que la commission des lois ne s’était pas prononcée sur l’article 35 B, considérant qu’elle ne disposait pas de l’ensemble des éléments pour le faire. Elle avait souhaité attendre l’examen de ces dispositions en séance publique.

Par ailleurs, l’évaluation financière du dispositif pose problème. Une étude d’impact portant sur le coût estimé de l’exercice de cette nouvelle compétence a été fournie par la Direction générale des collectivités locales : elle indique que la recette affectée – entre 600 millions et 650 millions d’euros – permettra de couvrir les dépenses d’investissement et d’entretien liées à la prévention des inondations et à la gestion des milieux aquatiques. Néanmoins, j’ai toujours quelques doutes sur cette estimation globale.

De plus, se posera à terme le problème de la péréquation du produit de la taxe destinée à financer l’exercice de la compétence de prévention des inondations. Prélevé par les EPCI compétents, ce produit pourrait se révéler insuffisant pour certains territoires. Les territoires ruraux, en particulier, doivent parfois supporter des coûts d’entretien importants, alors que la recette de la taxe, compte tenu de la densité d’habitation et d’activité, sera limitée.

Enfin, je rappelle que, à l’échéance de dix ans, les collectivités locales auront à assumer la charge de l’entretien des digues propriétés de l’État. Cela représentera une dépense très importante, même si le transfert doit porter sur des ouvrages respectant les obligations réglementaires et légales.

Ces interrogations rappelées, j’en reviens aux dispositions du texte en discussion.

L’article 6 vise à définir juridiquement la notion de cours d’eau en fonction de critères retenus par la jurisprudence. Cette définition législative du cours d’eau, complétée par la commission, sera de nature à résoudre certains contentieux liés à l’exercice de la police de l’eau et à la responsabilité des propriétaires riverains. Cependant, j’émettrai une réserve : il semble que seule une partie de la jurisprudence ait été reprise. Ainsi, un lit ouvert de main d’homme prend le statut de cours d’eau non domanial dès lors qu’il constitue l’exutoire unique de cours d’eau influents, selon la jurisprudence. Est-ce à dire que, dans cette situation, ce type de cours d’eau ne serait plus considéré comme tel, ce qui poserait de réels problèmes juridiques ?

Il serait souhaitable de s’assurer d’une transcription plus complète de la jurisprudence dans la loi, afin de parer au risque de ne résoudre que partiellement le problème posé, voire de l’aggraver pour certaines situations locales.

L’article 7 vise à modifier l’article 562-1 du code de l’environnement relatif aux plans de prévention des risques naturels, les PPRN, et à favoriser l’association des élus à leur élaboration.

À cet égard, le rapport de la mission commune d’information rappelle justement que l’entrée en vigueur d’un plan de prévention du risque inondation a des conséquences très importantes pour un territoire. En effet, celui-ci limite le choix des élus en matière d’urbanisme, puisque les plans locaux d’urbanisme et les plans d’occupation des sols doivent être compatibles avec lui. Le PPRI peut ainsi être perçu comme une contrainte et crée parfois des difficultés entre l’État et les élus ou entre l’État et la population.

Aussi l’objet de cet article, l’acceptation du PPRI, est-il fondamental. Néanmoins, le terme « conjointement » retenu dans la rédaction initiale posait problème, dans la mesure où il supposait l’engagement de la responsabilité des collectivités locales. C’est donc à juste titre que le rapporteur, soutenu par la commission, a substitué à la notion d’élaboration conjointe celle d’association.

Concernant l’article 8, visant à augmenter la part du collège des élus dans les instances délibérantes des comités de bassin ou à leur accorder la majorité dans celles des agences de l’eau, nous ne sommes pas opposés à l’évolution proposée. Toutefois, celle-ci paraît prématurée, dans la mesure où des travaux sont en cours sur la gouvernance de l’eau, notamment à la suite du rapport du député Michel Lesage.

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