La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Didier Guillaume.
Monsieur le président, madame la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte que nous examinons ce soir s’inscrit dans le prolongement des préconisations de la mission commune d’information sur les inondations qui se sont produites dans le Var et, plus largement, dans le sud-est de la France au mois de novembre 2011, présidée par Louis Nègre et dont le rapporteur était l’auteur de la présente proposition de loi, Pierre-Yves Collombat.
Je veux saluer ici la ténacité et l’implication dont nos collègues ont fait preuve pour élaborer un dispositif législatif cohérent, qui permette une prévention véritablement efficace d’un fléau dont il a été rappelé combien il était coûteux, en termes financiers et, surtout, humains.
La liste des catastrophes survenues au cours de ces trois dernières années est longue, depuis la tempête Xynthia, en février 2010, jusqu’aux inondations en Haute-Garonne et dans les Hautes-Pyrénées, tout récemment, en passant évidemment par les inondations du Var ou d’autres régions de notre pays.
Le changement climatique, qui aboutira, semble-t-il, à une récurrence plus fréquente de tels phénomènes, laisse augurer de nouveaux dégâts, notamment là où les pouvoirs publics n’auront pas organisé la prévention des inondations.
Un constat préalable est ainsi unanimement partagé : l’absence de responsabilités clairement identifiées ou leur dilution aboutit à une prise en charge très inégale du risque d’inondation selon les territoires et rend surtout très difficile l’organisation de la prévention.
Dans un document de travail du 25 janvier 2013, le Comité national de l’eau appelait déjà de ses vœux une clarification de la définition des attributions en matière de gestion de l’eau dans le milieu naturel.
À ce jour, on constate que les collectivités locales assurent majoritairement les investissements liés à la protection et à l’entretien des cours d’eau, en se substituant souvent aux propriétaires riverains. En effet, si ces derniers sont tenus à l’entretien régulier des cours d’eau aux termes du code de l’environnement, force est de constater que cette mission, qui contribue à la prévention des inondations, est le plus souvent assumée par les collectivités locales.
Comme le soulignait également un document du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, la France dispose d’une politique de prévention des risques d’inondation et d’une politique de solidarité pour la réparation des dommages qui ont jusqu’à présent permis d’assurer la gestion des crises.
Cependant, ces politiques, qui sont mises localement en œuvre au gré des événements, souffrent d’une application inégale d’un territoire à l’autre et d’approches hétérogènes quant aux objectifs visés. Le manque d’une vision homogène et partagée des risques existants rend plus difficile encore l’évaluation de l’efficacité de ces politiques.
Il convient enfin de rappeler que, face au bilan catastrophique des inondations ayant eu lieu en Europe au cours des dernières décennies, la Commission européenne s’est mobilisée en adoptant, en 2007, la directive 2007/60/CE relative à l’évaluation et à la gestion des risques d’inondation, dite directive « inondation ».
La gestion des risques d’inondation proposée au travers de cette directive replace le partage des responsabilités au cœur d’un dispositif dans lequel les collectivités jouent un rôle important.
La proposition de loi qui nous est soumise comporte deux parties, consacrées l’une à la prévention des inondations, l’autre à la gestion de la crise à court et moyen termes.
Les articles 1er à 5, 13 et 14 de ce texte sont identiques ou quasiment identiques aux articles 35 B à 35 E du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, eux-mêmes introduits en première lecture au Sénat, sur l’initiative de Pierre-Yves Collombat. Ils visent principalement à la création d’une compétence obligatoire de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations et à la mise en place d’une taxe pour financer le transfert de cette nouvelle compétence. Le texte prévoit également le renforcement du rôle des établissements publics territoriaux de bassin et le transfert des digues. Le rapporteur a légitimement proposé leur suppression à la commission, qui l’a acceptée. En effet, faire coexister deux projets traitant d’un même sujet rendait totalement illisible la démarche parlementaire.
Si la suppression de ces articles est préférable du point de vue de la cohérence juridique, ils appellent cependant quelques observations.
Je me permets de rappeler que la commission des lois ne s’était pas prononcée sur l’article 35 B, considérant qu’elle ne disposait pas de l’ensemble des éléments pour le faire. Elle avait souhaité attendre l’examen de ces dispositions en séance publique.
Par ailleurs, l’évaluation financière du dispositif pose problème. Une étude d’impact portant sur le coût estimé de l’exercice de cette nouvelle compétence a été fournie par la Direction générale des collectivités locales : elle indique que la recette affectée – entre 600 millions et 650 millions d’euros – permettra de couvrir les dépenses d’investissement et d’entretien liées à la prévention des inondations et à la gestion des milieux aquatiques. Néanmoins, j’ai toujours quelques doutes sur cette estimation globale.
De plus, se posera à terme le problème de la péréquation du produit de la taxe destinée à financer l’exercice de la compétence de prévention des inondations. Prélevé par les EPCI compétents, ce produit pourrait se révéler insuffisant pour certains territoires. Les territoires ruraux, en particulier, doivent parfois supporter des coûts d’entretien importants, alors que la recette de la taxe, compte tenu de la densité d’habitation et d’activité, sera limitée.
Enfin, je rappelle que, à l’échéance de dix ans, les collectivités locales auront à assumer la charge de l’entretien des digues propriétés de l’État. Cela représentera une dépense très importante, même si le transfert doit porter sur des ouvrages respectant les obligations réglementaires et légales.
Ces interrogations rappelées, j’en reviens aux dispositions du texte en discussion.
L’article 6 vise à définir juridiquement la notion de cours d’eau en fonction de critères retenus par la jurisprudence. Cette définition législative du cours d’eau, complétée par la commission, sera de nature à résoudre certains contentieux liés à l’exercice de la police de l’eau et à la responsabilité des propriétaires riverains. Cependant, j’émettrai une réserve : il semble que seule une partie de la jurisprudence ait été reprise. Ainsi, un lit ouvert de main d’homme prend le statut de cours d’eau non domanial dès lors qu’il constitue l’exutoire unique de cours d’eau influents, selon la jurisprudence. Est-ce à dire que, dans cette situation, ce type de cours d’eau ne serait plus considéré comme tel, ce qui poserait de réels problèmes juridiques ?
Il serait souhaitable de s’assurer d’une transcription plus complète de la jurisprudence dans la loi, afin de parer au risque de ne résoudre que partiellement le problème posé, voire de l’aggraver pour certaines situations locales.
L’article 7 vise à modifier l’article 562-1 du code de l’environnement relatif aux plans de prévention des risques naturels, les PPRN, et à favoriser l’association des élus à leur élaboration.
À cet égard, le rapport de la mission commune d’information rappelle justement que l’entrée en vigueur d’un plan de prévention du risque inondation a des conséquences très importantes pour un territoire. En effet, celui-ci limite le choix des élus en matière d’urbanisme, puisque les plans locaux d’urbanisme et les plans d’occupation des sols doivent être compatibles avec lui. Le PPRI peut ainsi être perçu comme une contrainte et crée parfois des difficultés entre l’État et les élus ou entre l’État et la population.
Aussi l’objet de cet article, l’acceptation du PPRI, est-il fondamental. Néanmoins, le terme « conjointement » retenu dans la rédaction initiale posait problème, dans la mesure où il supposait l’engagement de la responsabilité des collectivités locales. C’est donc à juste titre que le rapporteur, soutenu par la commission, a substitué à la notion d’élaboration conjointe celle d’association.
Concernant l’article 8, visant à augmenter la part du collège des élus dans les instances délibérantes des comités de bassin ou à leur accorder la majorité dans celles des agences de l’eau, nous ne sommes pas opposés à l’évolution proposée. Toutefois, celle-ci paraît prématurée, dans la mesure où des travaux sont en cours sur la gouvernance de l’eau, notamment à la suite du rapport du député Michel Lesage.
Aussi notre groupe avait-il déposé un amendement de suppression de cet article. Cela ne témoignait en aucun cas d’un manque de confiance envers les élus, mais nous estimions préférable d’attendre les résultats de la réflexion globale engagée au début de l’année, qui pourraient trouver leur concrétisation dans le cadre de l’élaboration de la prochaine loi sur la biodiversité. Néanmoins, pour éviter une interprétation tendancieuse de cet amendement, nous avons pris la décision de le retirer.
La seconde partie de cette proposition de loi concerne la phase post-inondations, qui va de la gestion de la crise elle-même à l’indemnisation des victimes et des collectivités locales.
Le texte vise à mieux associer les maires à la gestion de crise et à renforcer le rôle des réserves communales de sécurité. Il prévoit également la mise en place d’une commission de suivi des opérations, de reconstruction et d’indemnisation, avancée très positive à laquelle nous souscrivons.
Là encore, le travail de la commission a été profitable et a permis de lever certaines inquiétudes. Je pense en particulier à l’article 9 : la meilleure association des élus à la gestion immédiate de la crise ne devait pas se traduire par une responsabilité accrue du maire.
S’agissant de la délicate question du régime de garantie des catastrophes naturelles, dit « régime catnat », l’article 11 traite de la constatation de l’état de catastrophe naturelle.
Plusieurs rapports consacrés au régime des catastrophes naturelles pointent en effet les inconvénients associés à son fonctionnement actuel, fondé sur une commission interministérielle sans existence législative.
Il a notamment été relevé que l’appréciation des critères fondamentaux utilisés pour définir l’état de catastrophe naturelle, c'est-à-dire l’« intensité anormale » et la « cause déterminante », est subjective et peut conduire à des erreurs d’interprétation. L’État peut ainsi être soupçonné de manquer d’équité. Les services du Défenseur des droits, fréquemment saisis, font d’ailleurs état du manque de clarté des critères sur lesquels s’appuient les décisions et de lisibilité des réponses. La décision n’est souvent pas comprise par les citoyens et est vécue comme une injustice.
Les retards parfois pris par l’État pour traiter les demandes des communes, particulièrement après la sécheresse de 2003, sont également mal perçus.
Enfin, la composition de la commission est purement administrative, même si elle bénéficie d’avis ponctuels d’experts, alors que son rôle est essentiellement technique.
L’article 11 vise donc à remplacer la commission interministérielle en vigueur par une commission permanente, dont la définition de la composition est renvoyée à un décret, mais en précisant que seront associés l’ensemble des acteurs concernés : élus, représentants des sociétés d’assurances et personnes qualifiées. Il constitue donc une première réponse satisfaisante aux problèmes que je viens d’évoquer.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi, déposée par notre collègue Pierre-Yves Collombat, visant à la prévention des risques naturels liés aux inondations et à la protection des populations lorsque celles-ci surviennent, est l’aboutissement d’un long et sérieux travail législatif, engagé notamment à la suite des deux inondations dont le Var a été victime, en juin 2010 puis en novembre 2011. Nos collègues Pierre-Yves Collombat et Louis Nègre avaient alors conduit conjointement une mission d’information dont les travaux furent d’une qualité remarquable et remarquée. Ils ont remis leur rapport il y a un peu plus d’un an, après avoir réalisé un véritable travail de terrain et procédé à de nombreuses auditions d’experts, de scientifiques et d’acteurs politiques et socioéconomiques.
Tirant tous les enseignements de la double catastrophe survenue dans le Var, nos collègues ont établi un diagnostic clairvoyant sur la prévention du risque d’inondation dans notre pays, accompagné d’un certain nombre de préconisations utiles. Le caractère exemplaire de ce travail trouve, par conséquent, un prolongement à la fois logique et bienvenu dans une initiative législative qui ne pouvait, dans ce contexte, qu’émaner du Sénat.
Le premier intérêt de cette proposition de loi est d’aborder de manière résolue un sujet majeur, mais quelquefois sous-estimé dans notre pays : celui de la gestion des risques naturels.
Dans le monde, nombre de gouvernements comportent un ministre chargé spécifiquement de la prévention et de la réparation des risques naturels, disposant bien sûr des moyens administratifs et budgétaires adéquats.
À la vérité, tel est le cas surtout dans les pays les plus exposés à ce type de risques, où la sensibilité aux questions de prévention et de réparation des catastrophes naturelles est évidemment plus forte. Je ne vais pas forcément regretter que la France ne soit pas dans cette situation ! En effet, par rapport à d’autres, notre pays est tout de même faiblement exposé aux risques naturels majeurs ; c’est sans doute la raison pour laquelle cette question y est moins sensible qu’ailleurs.
Pour autant, nous ne sommes bien évidemment pas exempts de risques de différentes sortes, et il est donc absolument essentiel d’adopter une stratégie de prévention et de protection des populations.
Ainsi, quoique l’activité sismique y soit faible, la France n’est pas à l’abri d’éventuels dégâts matériels provoqués par les tremblements de terre qui s’y produisent quelquefois, en particulier dans le Sud. Les précédents historiques sont rares, mais certains ont été de véritables désastres, à l’image du tremblement de terre de Lambesc, survenu en 1909.
M. le rapporteur acquiesce.
De même, si notre climat tempéré nous exempte, au moins en métropole, des menaces les plus graves, comme les ouragans, et si nous n’avons pas en permanence une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes, nous sommes exposés aux feux de forêt en période de sécheresse estivale, ainsi qu’à des tempêtes susceptibles de causer de graves dégâts humains et matériels, comme en décembre 1999, ou à des inondations.
La prise de conscience des risques naturels invite les responsables politiques que nous sommes à créer les structures et les stratégies propres à y répondre.
Nous ne sommes bien sûr pas démunis en la matière, mais l’excellent travail accompli par nos collègues au sein de la mission commune d’information sur les inondations qui se sont produites dans le Var et, plus largement, dans le sud-est de la France au mois de novembre 2011 a parfaitement démontré que nous devons mieux prendre en compte le renforcement tendanciel de ces risques, lié à l’étalement urbain, qui réduit considérablement, dans de nombreuses zones de notre territoire, l’absorption des eaux pluviales par les sols, en particulier en cas d’intempéries subites et intenses.
Le dispositif de la présente proposition de loi offre des pistes pour une amélioration sensible de la gestion de ce risque.
Il vise à permettre une modernisation des outils à la disposition des acteurs publics pour mener à bien deux missions essentielles : la prévention, consistant à réduire l’exposition au risque par des politiques d’aménagement plus intégrées, et la réparation, consistant à rendre plus souple, plus rapide et plus effective la réponse des autorités publiques aux situations d’urgence, en vue de mieux venir en aide aux populations victimes des inondations.
Pour satisfaire à ce double objectif, la proposition de loi tend à rénover l’architecture de la gouvernance du risque et de la prévention des inondations.
Tout d’abord, elle vise à faire de l’échelon intercommunal l’acteur clé de cette politique territorialisée, pour renforcer la lisibilité et l’identification de l’action publique.
La commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire a estimé que ces dispositions avaient déjà été adoptées par notre assemblée, dans le cadre de l’examen en deuxième lecture du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.
De même, la création de structures ad hoc pour la gestion des bassins versants, prévue par la proposition de loi, a déjà été débattue dans cet hémicycle. Je me contenterai donc de rappeler que la création d’établissements publics spécifiques, dotés d’un statut mieux adapté, permettra de renforcer les organismes publics qui existent déjà dans ce domaine. Elle permettra aussi de rationaliser l’action publique de prévention de l’inondation, assurée jusqu’ici par d’autres types d’organismes, comme les syndicats mixtes ou les syndicats de rivière.
Enfin, la question de la création d’une taxe destinée à financer la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations a également été examinée lors de la discussion du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. Il s’agit d’assortir la clarification des responsabilités locales de moyens d’action effectifs, renforcés évidemment par les programmes de l’État dans ce domaine. En tant que rapporteur pour avis du programme « protection de l’environnement et prévention des risques » du projet de loi de finances pour 2014, je suis particulièrement attentif à ce problème.
La proposition de loi renforce les éléments d’une gouvernance locale du risque inondation déjà mis en place. Ainsi, s’agissant des plans de prévention des risques naturels prévisibles, la commission du développement durable a tenu à rappeler que, s’ils relèvent de la responsabilité exclusive de l’État, ils doivent être pilotés en concertation étroite avec les élus locaux à chaque étape de leur conception et de leur mise en œuvre. Pour être moi-même un élu local subissant en ce moment l’élaboration d’un PPRN, je puis vous assurer que la participation du maire et de la population est absolument indispensable !
M. le rapporteur acquiesce.
Dans sa seconde partie, la proposition de loi comporte des mesures relatives à la gestion de la crise consécutive à l’inondation et de l’après-crise, ainsi qu’à l’indemnisation des dommages.
En ce qui concerne la gestion de la crise, elle renforce la coordination des actions sur le terrain et prévoit une association plus étroite des maires aux opérations conduites par le préfet.
En ce qui concerne l’après-crise, elle met en place une commission de suivi des opérations : l’action de cette instance très importante et très attendue permettra d’inscrire dans la durée le suivi des travaux, l’indemnisation des dommages et le traitement de l’ensemble des problèmes se posant tant aux élus qu’à leurs administrés à la suite du sinistre.
Enfin, la proposition de loi prévoit des évolutions substantielles du régime assurantiel des catastrophes naturelles. Elle responsabilise l’assuré en prévoyant le retrait de la garantie « catastrophe naturelle » dans un cas strictement défini : lorsque des biens immobiliers ont été implantés illégalement dans une zone classée inconstructible par un PPRN. Elle instaure également une modulation de la prime d’assurance visant à inciter les particuliers à entreprendre des travaux de protection contre le risque d’inondation.
M. Philippe Esnol. Mes chers collègues, les pistes ouvertes par cette proposition de loi représentent des avancées utiles et importantes en vue de l’amélioration de la réponse publique au risque d’inondation. Elles ont été considérées favorablement par la commission du développement durable ; du reste, je crois que, sur un tel sujet, il y a peu de place pour les débats politiciens. J’ai grande confiance dans le fait que le Sénat reprendra cette initiative à son compte. Pour sa part, le groupe RDSE soutiendra bien évidemment la proposition de loi de notre collègue Pierre-Yves Collombat !
Applaudissements .
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, j’ai l’honneur de suppléer Ronan Dantec, qui fut membre de la mission commune d’information sur les inondations survenues en 2011.
Plusieurs des préconisations formulées par cette mission ont été intégrées, avec le soutien des écologistes, dans le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. Je pense en particulier à celles qui touchent à la gouvernance de l’eau à l’échelle des intercommunalités et du bassin versant, prévoyant les moyens de mettre en œuvre ces responsabilités locales grâce à des ressources fiscales dédiées.
Toutefois, nous regrettons que l’idée, avancée par la mission commune d’information, d’inscrire l’aménagement des zones inondables dans les schémas régionaux d’aménagement du territoire n’ait pas été prise en compte, et que les régions n’aient pas été désignées comme chefs de file pour la gestion de l’eau, ainsi que nous l’avions proposé, hélas sans succès.
Nombre des dispositions de la proposition de loi sont issues des travaux approfondis menés par la mission commune d’information. Elles jettent les bases d’une politique de prévention des inondations, inexistante jusqu’ici.
Les écologistes soutiennent toutes les politiques de prévention des risques. En effet, nous estimons que le principe de prévention, ignoré jusqu’à présent, doit nous guider à l’avenir, en même temps que la connaissance du passé.
Les crues intenses et rapides sont sorties de la mémoire collective, alors que nos ancêtres avaient su transmettre leur souvenir pour mieux s’en prémunir. Nous vivons à une époque où l’être humain se croit invincible face à la nature, mais si on peut éteindre – difficilement – le feu, on ne peut pas arrêter l’eau…
Pourtant, dans la mythologie nationale, c’est le feu qui fait peur, pas les inondations ! Ainsi, on parle des « soldats du feu », et non des « soldats de l’eau », alors que ce sont les mêmes pompiers qui interviennent dans les deux cas. Cette simple observation linguistique explique peut-être pourquoi les inondations ne font pas l’objet de mesures de prévention, au contraire des incendies : elles ne sont pas prises au sérieux, alors qu’elles aussi causent des morts, peut-être autant que les feux de forêt.
Dès lors, ce sont malheureusement les catastrophes qui, encore une fois, nous servent de pédagogues et d’inspiratrices : la proposition de loi fait suite à la mission commune d’information sur les inondations survenues dans le Var en 2011, qui avaient été particulièrement meurtrières et destructrices.
S’il va dans le bon sens, ce texte ne porte que sur la gestion des flux de l’eau lorsque celle-ci s’est agglomérée en torrents. Or, il faut rappeler cette évidence que, avant d’être torrent, l’eau est pluie : cette pluie qui, lorsque l’absence d’exutoire dans le sol la contraint à rester en surface, forme un torrent au lieu de rester simple rivière.
Ce problème de l’imperméabilisation des sols n’est pas abordé par la proposition de loi. Il est vrai qu’il touche à la gestion de la maîtrise du foncier, sujet épineux s’il en est, mais il n’est pas possible de l’oublier. C’est la raison pour laquelle les sénateurs écologistes ont déposé trois amendements visant à limiter le ruissellement des eaux lié à l’artificialisation des sols, phénomène qui est l’une des causes des inondations, comme l’a souligné la mission commune d’information.
Nous devons réfléchir aussi à l’aménagement des zones de crue, notamment en termes de mutualisation des espaces : les vases d’expansion des crues peuvent être des espaces publics hors période de crue et servir de réservoirs de biodiversité. Nous pourrions permettre aux collectivités territoriales de réaliser des économies substantielles en aménageant de telles zones.
Cependant, n’oublions pas le rôle essentiel de l’État, notamment en ce qui concerne la police de l’eau. De ce point de vue, les coupes dans le budget de l’écologie et les suppressions de postes sont difficilement acceptables. En particulier, l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques devrait voir ses moyens sanctuarisés.
Au moment où se tient la conférence de Varsovie sur le climat, nous ne devons surtout pas ignorer que la lutte contre le changement climatique fait partie de la prévention des inondations. Le changement climatique aggrave les événements climatiques extrêmes et augmente leur fréquence, même sous nos climats tempérés : j’espère que ce point fait maintenant consensus.
Mes chers collègues, ce n’est pas une proposition ou un projet de loi qui permettra de faire face à cette réalité ; seule la prise en compte du changement climatique dans toutes les politiques nationales et internationales pourra en limiter les effets : en aurons-nous la volonté ?
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le sujet dont nous débattons ce soir revêt une importance significative pour de nombreux territoires, touchés par des inondations dans un passé proche ou plus lointain.
Certes, en matière d’inondations, des dispositifs existent pour gérer la crise et l’après-crise ; mais, comme l’a très bien montré la mission commune d’information, des lacunes existent sur les plans de la prévention et du financement de la gestion des risques.
Tous les départements, ou presque, ont connu un jour cette catastrophe naturelle aux conséquences dramatiques sur les plans humain, matériel, moral et financier.
Il importe de réfléchir, notamment, à l’articulation des rôles de chaque niveau de collectivités territoriales et aux obligations auxquelles devraient se conformer les collectivités, en matière d’assurances, de création de fonds spécifiques, etc. La proposition de loi prévoit une meilleure implication des collectivités locales ; nous souscrivons à cet objectif.
Je tiens à saluer le travail de Pierre-Yves Collombat et de ses collègues du groupe RDSE ayant cosigné cette très judicieuse proposition de loi. Je salue également le travail de Louis Nègre, qui a brillamment présidé la mission commune d’information sur les inondations survenues dans le Var et, plus largement, dans le sud-est de la France en 2011, dont le rapport a fortement inspiré la proposition de loi.
La commission du développement durable a supprimé une grande partie des articles, en particulier les articles 1er à 5, 13 et 14, portant sur l’articulation des rôles entre les collectivités territoriales. Ils étaient en effet redondants, dans la mesure où le sujet a déjà été traité dans le cadre de la discussion du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.
Je souhaiterais néanmoins aborder rapidement cette problématique, qui reste vaste et délicate, à la lumière de mon expérience locale. En juin dernier, en effet, des inondations ont touché les Hautes-Pyrénées et les Pyrénées-Atlantiques.
Il me semble que le transfert des ouvrages aux collectivités territoriales est extrêmement contraignant pour celles-ci. Or les inondations, à un certain degré de gravité, réclament, dans tous les cas, la mise en jeu de la solidarité régionale et nationale, ainsi que, le plus souvent, des engagements financiers aussi importants que conjoncturels. Dans ces conditions, je considère que ce transfert ne doit pas être synonyme de désengagement !
Les inondations n’ont pas toutes la même cause et les mêmes caractéristiques, selon que l’on est sur le littoral, en bordure de fleuve ou de rivière torrentueuse. Dans certains cas, il est quasiment impossible d’intervenir contre les inondations ; dans d’autres, les plus fréquents, les inondations résultent de négligences répétées et durables, notamment dans l’entretien des ouvrages de protection.
Un transfert linéaire, régulier, selon des lignes budgétaires annuelles est, à mon sens, une réponse forte, mais partielle, au problème posé. De fait, nous connaîtrons toujours des cas de figure exceptionnels, qui nécessiteront un appel à la solidarité nationale.
Nous avons connu voilà peu, dans le Sud-Ouest, une crue dévastatrice, qui a littéralement saccagé les Hautes-Pyrénées et les Pyrénées-Atlantiques. Cet événement à caractère exceptionnel, d’une ampleur dépassant largement l’échelle départementale ou intercommunale, ne pouvait que relever de la solidarité nationale. Ainsi, dans de nombreux cas, une approche nationale est nécessaire et doit être adoptée. L’inondation très médiatisée de la grotte de Lourdes en a été un exemple emblématique. Le maire de la ville a bien résumé la situation, déclarant : « Nous ne pouvons rien faire, la situation est exceptionnelle. »
Cela étant, même dans les situations où le recours à la solidarité nationale s’impose, le rôle du maire et des acteurs locaux, fort bien évoqué aux articles 9 et 10 de la proposition de loi, demeure bien entendu primordial. Le travail d’équipe des élus locaux et de l’État, incarné notamment par le préfet, est essentiel pour conduire les opérations de résolution de crise.
L’article 12 de la proposition de loi s’inscrit également dans cette perspective, puisqu’il vise à instaurer une commission de suivi des opérations liées à l’après-crise, présidée par le préfet. Ce dernier doit donc sans cesse renforcer ses liens avec les élus locaux, afin de faire le relais entre le terrain et le niveau national.
Je souhaite aussi évoquer brièvement l’article 8 de la proposition de loi, qui tend à modifier les conditions de représentation des élus au sein des organes délibérants des comités de bassin et des agences de l’eau, afin de les rendre majoritaires, ce qui nous paraît extrêmement opportun. Je me permets de rappeler l’importance des agences de l’eau, dont le projet de loi de finances pour 2014 prévoit de ponctionner le fonds de roulement à hauteur de 210 millions d’euros, ce qui induira une réduction de leurs marges de manœuvre et de leur champ d’intervention. Il faut à tout prix sauvegarder ces beaux outils que sont les agences de l’eau.
Je souhaite aborder une autre question importante, celle de l’assurance. Faut-il la rendre obligatoire ? Convient-il de généraliser l’obligation d’assurance permettant d’asseoir la garantie des catastrophes naturelles ? Pour ma part, je serais tenté de me rallier à la proposition de la commission, mais n’oublions pas que les assurances, pour la réparation de dommages engendrés par des intempéries, sont à mon sens le seul moyen de solidarité et de péréquation nationales. En effet, c’est bien l’effort consenti par chaque assuré qui constitue le fonds national. Je sais que cette question fait débat ; si j’y insiste, c’est parce que l’assurance est aussi le gage de la solidarité et de la responsabilisation de l’ensemble des citoyens.
Par ailleurs, soulignons-le, quel que soit le type de dommages, le coût de la prévention des risques est souvent inférieur à celui de la réparation des dommages et de l’indemnisation des sinistrés.
Quant à l’article 21 du texte, il visait à opérer un transfert de charges du régime des calamités agricoles vers celui des catastrophes naturelles. Sa suppression nous semble sage. En effet, les fonds de ces deux régimes étant insuffisants, il serait tout à fait prématuré, en l’état actuel des choses, d’envisager un quelconque transfert de charges.
Un autre sujet important, souvent évoqué par mon collègue Pozzo di Borgo, a trait aux risques de crue centennale en Île-de-France. Il s’agit d’une question vitale pour le Grand Paris. Il semblerait qu’elle soit envisagée sous l’angle de la gestion immédiate de la crise, alors qu’il conviendrait avant tout, là encore, de travailler à la prévention de celle-ci. Une réelle prise de conscience du risque, ou plutôt de l’étendue des conséquences de sa réalisation, est fondamentale.
Vous l’aurez compris, le groupe UDI-UC est favorable à cette proposition de loi et la votera. Nous comptons sur vous, madame la ministre, pour que ce texte, dont l’esprit est excellent et qui comble en grande partie une insuffisance incontestable, soit appliqué dans les plus brefs délais.
Pour résumer, nous considérons que l’adoption de cette proposition de loi constituera un réel progrès, car nous avons beaucoup à gagner à la clarification des responsabilités, à l’association beaucoup plus active des élus et des populations et au renforcement de la présence des élus dans les organes délibérants des agences de l’eau. Notre débat inachevé concernant les dispositions assurantielles est positif.
Nous voterons ce texte avant tout parce qu’il donne la priorité à la prévention, sous deux aspects : celui des indicateurs de risques de catastrophes, pouvant permettre de sauver des vies humaines, et celui de l’entretien vigilant des ouvrages de protection, notamment des digues, qui suppose des dotations budgétaires suffisantes et, je me risque à le dire, une attitude peut-être un peu plus dynamique et réaliste de l’administration. §
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi traduit les préconisations du rapport d’information sur la prévention des inondations adopté en septembre 2012 sur l’initiative de notre collègue Pierre-Yves Collombat.
Au cours du débat qui s’est tenu en novembre 2012, nous avions déjà fait part de nos fortes réserves sur ces préconisations. Depuis, le contenu de cette proposition de loi a été pour majeure partie intégré au projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles : je pense notamment aux articles 1er à 5, qui constituaient pourtant le cœur du texte et dont l’objet était d’affirmer la compétence des communes en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, tout en précisant que la compétence devrait être exercée à l’échelon intercommunal.
Il s’agit une nouvelle fois d’entériner le désengagement de l’État de ses missions premières. Ce transfert de compétence est ainsi justifié par le fait que celui-ci n’assume plus ou assume mal ses missions depuis de nombreuses années.
Nous ne partageons pas cette philosophie. En effet, jusqu’à aujourd’hui, la gestion du risque inondation était partagée entre l’État, les collectivités et les citoyens, dans une logique de contractualisation.
Les principaux outils sont les PPRN, les plans de prévention des risques naturels, élaborés par les préfets en association avec les communes concernées et soumis à enquête publique, et les PAPI, les programmes d’actions de prévention contre les inondations, qui rassemblent les opérations contractualisées entre les collectivités et l’État. Il faut savoir que, aujourd’hui, au titre des PAPI, l’État refuse par principe de financer les opérations relevant des compétences obligatoires des communes, comme la mise en place des plans communaux de sauvegarde.
Nous craignons que la reconnaissance explicite de l’octroi de la compétence de prévention des inondations aux communes ne conduise à priver les collectivités d’un soutien financier de l’État. En témoigne d’ailleurs l’article 8, qui prévoit d’augmenter la représentation des élus locaux au sein des instances délibérantes des comités de bassin. Il s’agit a priori d’une bonne mesure, sauf qu’une telle montée en puissance se traduit par une baisse de la représentation de l’État. Parce que nous ne souhaitons pas une telle évolution, nous avons déposé un amendement sur ce point en commission.
Dans le même esprit, le transfert des ouvrages de prévention constitue à nos yeux un cadeau empoisonné aux collectivités. À ce propos, j’aimerais savoir si celles-ci ont été consultées et si elles savent ce qui les attend. Des conventions d’une durée de dix ans sont prévues, mais qu’en sera-t-il à l’issue de ce délai ? La responsabilité de la gestion de ces ouvrages peut s’avérer extrêmement lourde pour les collectivités territoriales. Ce transfert engendrera en outre une dépense importante – de l’ordre de 600 millions d’euros, selon certains calculs – pour les collectivités, qu’il s’agisse de la gestion des digues ou de l’entretien des cours d’eau non domaniaux.
Pour financer l’exercice de ces compétences, la rédaction initiale de la proposition de loi prévoyait la création d’une taxe, acquittée par les habitants des zones concernées. Nous continuons, pour notre part, de penser que la prévention des inondations relève de la solidarité nationale. Une telle mesure est par ailleurs contradictoire avec la volonté d’opérer une pause fiscale affirmée par le Gouvernement.
Par ailleurs, la généralisation des établissements publics territoriaux de bassin ne semble pas être une idée pertinente pour tous les territoires, au regard des fortes disparités territoriales constatées.
Quant aux dispositions relatives au régime des catastrophes naturelles, figurant dans les seuls articles restant finalement en discussion, elles sont très contrastées. Si certaines sont positives, notamment celles qui visent à permettre une meilleure association des maires à la gestion de crise ou celles qui portent sur l’accélération des indemnisations, d’autres le sont beaucoup moins.
On veut introduire beaucoup de nouveautés, alors même que toutes les propositions faites à la suite d’événements précédents n’ont pas été mises en œuvre jusqu’au bout. De la même manière, il a été fait peu de cas des outils issus de la loi Grenelle II, qui transpose pourtant la directive « inondation » de 2007.
Alors que le rapport d’information invitait à changer de paradigme en mettant au cœur de la prévention non pas la protection contre le risque, mais l’aménagement du territoire pour rendre celui-ci moins vulnérable, rien dans la proposition de loi ne relève d’une telle démarche. À cet égard, nous regrettons que la diminution continue des moyens humains au sein des préfectures ne permette pas de renforcer les contrôles de légalité sur les constructions en zones inondables. L’effectivité de ce contrôle est pourtant essentielle.
Force est de constater, au final, qu’aucune ressource budgétaire supplémentaire n’est prévue pour financer la prévention des inondations. Dans ce cadre, nous regrettons notamment que la question du recentrage du fonds Barnier sur ses missions premières ne soit pas évoquée.
Quant à la création du fonds qui était prévue à l’article 14 et qui a finalement été intégrée dans la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, nous craignons que la sanctuarisation liée à l’inscription des crédits en loi de finances n’entraîne un effet de blocage de la dépense.
Cependant, nous estimons que le travail en commission a permis d’améliorer le texte, y compris par la prise en compte de nos propositions. En particulier, nous sommes satisfaits de la suppression de l’article 16, qui permettait aux communes de s’affranchir purement et simplement du respect du code des marchés publics. Nous nous félicitons également que l’idée d’instaurer un malus en matière d’assurance ait été abandonnée, sur notre proposition et celle du rapporteur. Un tel dispositif semblait peu efficace et fortement pénalisant.
Pour autant, nous avons défendu en commission des propositions alternatives. Il s’agissait du dispositif relatif au régime des catastrophes naturelles préconisé par le groupe socialiste et soutenu dès 2005 par Nicole Bricq, qui nous paraissait plus simple et plus efficient. Malheureusement, le couperet de l’article 40 de la Constitution est tombé, ce qui ne nous permet pas d’y revenir.
Au fond, nous estimons qu’il est important de reconsidérer la place de l’État dans la prévention des inondations et le régime des catastrophes naturelles. L’État est supposé garantir la sécurité des personnes et des biens contre les éléments naturels, mais il est aujourd’hui évident que ce sont bien les collectivités qui l’aident à s’acquitter de ses missions, et non l’inverse. Cette proposition de loi en prend simplement acte.
Les charges et responsabilités ont été reportées sur les collectivités locales, qui ont par ailleurs subi la lente érosion du soutien de l’État par l’agonie de l’ingénierie publique. De manière factuelle, cette initiative parlementaire se heurte clairement au calendrier gouvernemental. En effet, la présente proposition de loi est débattue au moment même où une concertation est menée par le Gouvernement en vue de l’élaboration d’une stratégie nationale de gestion des risques d’inondation. Nombre d’associations d’élus ont donc souhaité que soit suspendue l’adoption de mesures législatives, dans l’attente de l’aboutissement de ces consultations, qui ne saurait tarder. C’est le sens de la position commune arrêtée en octobre par treize associations nationales de collectivités territoriales. Parce que nous partageons cette volonté de respecter la concertation aujourd’hui en cours, nous nous abstiendrons sur ce texte. §
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si le mot « inondation » est, pour beaucoup, associé aux adjectifs « subite », « ponctuelle » et « aléatoire», il est inscrit, pour d’autres, en filigrane de la plupart des volets de la vie publique locale.
Les travaux de la mission commune d’information ont permis de le souligner : eu égard à l’ampleur et à la récurrence de l’aléa, les habitants du département du Gard, du représentant de l’État au citoyen, de l’élu local à l’entrepreneur, se sont forgés depuis un quart de siècle une culture du risque.
Cette culture a en quelque sorte permis de pousser jusqu’à ses limites vertueuses un modèle empirique. Mais l’expérience et le retour d’expérience trouvent leurs limites en l’absence d’environnement législatif et réglementaire adapté.
Cette culture s’est imposée par la force des réalités. Non seulement les collectivités touchées ont de facto la charge d’inventer la prévention et la protection, mais elles ont aussi celle de frapper à toutes les portes pour tenter de les financer.
Dans ces conditions, comment s’étonner que beaucoup voient en l’État non plus le grand aménageur du territoire qu’il fut, mais un simple service administratif censeur, au mieux un « contrôleur des travaux finis » ? Si bien que, dans chaque commune de France concernée, le document des documents en la matière, le PPRI, a pris le statut de « livre maudit ». La protection et la prévention des risques devraient repousser les frontières pour les hommes, pour l’économie ; au lieu de cela, elles les figent. Aujourd’hui, l’administration, se fondant sur le principe de précaution, ouvre – soit dit sans jeu de mots – un parapluie tellement grand qu’il ne pousse plus rien sur nos territoires…
S’il est un domaine où l’existence de cet état d’esprit apparaît en pleine lumière, c’est bien celui qui est abordé au travers de cette proposition de loi. La mission commune d’information l’a souligné, nous sommes bien loin des Pays-Bas, en termes non seulement de méthode, d’investissements et de moyens mobilisés, mais aussi et surtout de philosophie et d’objectifs.
Protéger pour mieux vivre, protéger pour développer l’activité : voilà ce qu’il faudrait faire. Quand, aux Pays-Bas, on construit la croissance à l’abri des digues et des polders, nous décrétons le désert !
Nos PPRI font fi des investissements réalisés. Ils ne semblent avoir d’autre objet que de garantir leurs auteurs contre toute mésaventure judiciaire. Ce n’est pas comme cela que l’on mobilise les énergies.
Le pire, c’est qu’avec ces postures systématiques de précaution mal évaluées, on n’encourage pas l’investissement pour la protection. En revanche, on en rajoute à l’atonie d’un pays sans envie, sans projet.
Ce constat amène à poser un problème de fond. Je regrette que l’on légifère pour attribuer formellement, au plus tard le 1er janvier 2016, aux intercommunalités la responsabilité en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, comme prévu aux feus articles 1er et 5, intégrés à la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, mais que, par ailleurs, nous maintenions la prééminence étatique en matière d’urbanisme, ou plutôt d’interdictions urbanistiques, donc économiques.
D’un côté, on fait confiance aux élus pour sauver le vivant et la richesse ; de l’autre, on leur refuse tous les moyens de développer celle-ci. On leur donne des véhicules juridiques intéressants pour agir, comme aux feus articles 3 et 4, on va même jusqu’à leur permettre de lever une taxe dédiée, « la taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations ».
À cet égard, je me demande si cette taxe, même plafonnée à 40 euros par foyer ou par entreprise et hypothétiquement compensée par la baisse des primes d’assurance, n’est pas un cadeau empoisonné en cette période. Mais soit, si c’est pour un gain d’efficacité et un surcroît de financement de travaux colossaux qui ne peuvent être envisagés qu’au travers d’un plan pluriannuel d’investissement ; soit, si effectivement le fonds de prévention des risques naturels majeurs demeure une ressource accessible aux élus pour le financement des études et, accessoirement, des travaux.
Pour autant, pour faire pendant à cette confiance placée en les élus pour agir, édifier, protéger, il faudrait leur faire confiance en matière de droit des sols. Or je crains que les dispositions de l’article 7 associant les collectivités territoriales et les EPCI à l’élaboration du PPRI, aussi louables soient-elles, ne restent vaines en termes de résultats. Pas un maire de mon département n’a échappé aux affres de l’élaboration de son PLU, alors que c’est le maire, dans ce cas, qui est censé avoir la main.
Alors, ne parlons pas d’une procédure strictement étatique comme l’élaboration du PPRI. D’ailleurs, sur un plan plus formel, voilà vingt ans, le décret du 5 octobre 1995 définissant la procédure d’élaboration des plans de prévention des risques formalisait déjà la consultation des collectivités par avis du conseil municipal et celle des populations par enquête publique. On sait ce qu’il en est ! Dans l’immense majorité des cas, en vérité, l’amélioration concrète et réelle de la situation due aux investissements lourds n’est pas prise en compte in fine par les préfets lors de la signature de l’arrêté, quel que soit le niveau de concertation tout au long de la procédure d’élaboration. On retrouve grand ouvert le fameux parapluie ! Il y a donc un chemin à parcourir pour que la peur des uns ne pétrifie pas le territoire des autres.
Dans nos communes, nos départements et nos régions, pour la prévention comme pour la protection, il y a des actes, beaucoup d’actes. Il en est ainsi en tout cas dans le Gard, à Nîmes, à Alès, à Beaucaire, à Sommières, dans le Gard rhodanien, dans les Cévennes ou la Petite Camargue : on s’y livre à de vrais sprints tant l’énergie des équipes et la mobilisation des finances sont fortes, à des courses contre la montre aussi, parce que chaque année pèse sur nos communes la récurrence de l’aléa. Mais ces sprints se disputent sur des distances marathoniennes, et ces contre-la-montre sur le long terme. Des œuvres de grande ampleur sont menées, comme à Nîmes depuis vingt ans, comme dans le Gard rhodanien et la Petite Camargue depuis dix ans, mais il n’existe aucune perspective pour repousser les frontières.
Il y a des démarches expérimentales, il y a un creuset de réflexion au sein des collectivités, il y a même des comités de pilotage, mais notre République cartésienne peine à élaborer une politique générale.
La diversité des traitements appropriés aux différents types de bassins, de submersions ou d’aléas ne change rien à la nécessité, pour ceux qui en ont la charge, de s’appuyer sur un corpus commun. Pour autant, l’absence de politique générale pourrait très bien trouver un terme non pas du fait de l’État, mais de l’Europe. La directive « inondation » trace une voie commune en termes de méthode et d’outils ; on peut la critiquer, elle perturbe parfois les dispositifs locaux en place, mais elle a au moins le mérite d’obliger la France, comme les autres pays, à s’organiser partout sur son territoire, à partir d’une cartographie établie. Le présent texte la complète opportunément.
S’agissant de la seconde partie de la proposition de loi, relative au traitement des crises, je suis bien placé pour vous dire que, dans mon département, l’organisation est bien rodée. Il est proposé d’inscrire dans la loi que le maire est l’interlocuteur des services de l’État, devant être informé en temps et en heure des moyens mis en œuvre : c’est une mécanique qui, lorsqu’elle est pratiquée régulièrement, comme c’est le cas dans le Gard, entre naturellement dans les habitudes de tous les protagonistes ayant à gérer ces événements exceptionnels.
Tels sont les éléments que je souhaitais apporter à la discussion du texte. Les collectivités dont le territoire est exposé au risque d’inondation ont des responsabilités particulières, certes, mais elles doivent conserver toute latitude pour organiser leur développement, en contrepartie des efforts qu’elles consentent pour mettre à l’abri les biens et les personnes.
Au-delà du texte de loi – ou en deçà, devrais-je plutôt dire –, nombre des vingt-deux propositions de la mission commune d’information relèvent d’actes réglementaires, parfois de simples comportements de l’administration à l’égard des acteurs de terrain : ces maires, ces conseillers généraux, ces présidents d’EPCI qui attendent avec impatience une évolution de la perception par l’État du risque, l’apparition d’une autre culture du risque.
En conclusion, je ne peux qu’être favorable à ce texte, qui va vraiment dans le bon sens.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et du RDSE.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le sujet qui nous occupe aujourd’hui est la prévention des inondations et la protection contre celles-ci. Nous ultramarins connaissons bien ces problèmes, car ils sont récurrents et constituent une préoccupation majeure en Martinique et en Guadeloupe, où les risques naturels sont plus nombreux et plus dangereux qu’ailleurs.
Ainsi, le risque d’inondation est élevé aux Antilles, puisque les pluies y provoquent des crues rapides, violentes et de courte durée. En outre, le risque de mouvements de terrain est présent à des degrés divers : certaines zones à risque sont connues, d’autres sont plus délicates à repérer. De plus, les risques naturels dans les DOM pourraient s’aggraver à l’avenir, car le changement climatique est susceptible d’entraîner une élévation du niveau de la mer et un accroissement de l’intensité des tempêtes et des cyclones.
C’est pourquoi la proposition de loi relative à la prévention des inondations et à la protection contre celles-ci m’apparaît comme un texte majeur. Je salue la prise en compte de cette problématique au travers de la double perspective de la prévention et de la protection.
Concernant la prévention, je souhaite souligner que, aux Antilles, sur le plan juridique, nous sommes confrontés à des interprétations contradictoires des dispositions combinées du code général de la propriété des personnes publiques et du code de l’environnement.
Par exemple, les termes des articles L. 2124-11 et L. 2111-9 du code général de la propriété des personnes publiques et L. 215-14 du code de l’environnement donnent à penser que l’entretien des berges des cours d’eau domaniaux est à la charge de l’État, puisque celui-ci est responsable de l’entretien du lit aux rives et que les berges relient le lit aux rives. Or ces éléments sont en contradiction avec l’article L. 215-14 du code de l’environnement, aux termes duquel « le propriétaire riverain est tenu à un entretien régulier du cours d’eau ».
Sur cette base, les services de l’État refusent d’intervenir pour l’entretien des berges des cours d’eau domaniaux. Ainsi, il n’existe pas de plan de gestion assorti d’une fréquence régulière d’entretien pour les cours d’eau domaniaux en Martinique. C’est pourquoi il est indispensable que le préfet ait les moyens d’organiser les interventions régulières de l’État pour l’entretien des cours d’eau domaniaux.
Par ailleurs, les spécificités géographiques ne sont pas non plus prises en compte sur le plan juridique. Par exemple, il n’y a pas de fleuve aux Antilles. La définition jurisprudentielle – et, à terme, réglementaire – des cours d’eau – présence d’un lit naturel et d’un débit suffisant la majeure partie de l’année – exclut donc d’office les ravines insulaires du champ réglementaire. Or la prise en compte de leur entretien et de leur aménagement est capitale pour la gestion des « cours d’eau » dans un espace insulaire caribéen soumis à des pluies parfois violentes et sporadiques à la fois, d’autant que, en Martinique, les bassins versants sont relativement petits et souvent pentus en amont, ce qui accroît l’érosion.
Il importe donc d’ajuster la définition pour que les ravines soient considérées comme des cours d’eau. Cette qualification représente un enjeu essentiel pour les Antilles, surtout sur le plan financier.
En effet, l’entretien des cours d’eau non domaniaux et les travaux de protection sont à la charge des riverains. Ceux-ci, faute de moyens suffisants, se retournent vers les communes, qui, souvent, ne sont pas en mesure d’agir. Alors, les riverains interviennent de façon inappropriée dans le lit des rivières.
Enfin, concernant le volet relatif à la protection, il m’apparaît utile, à ce stade, de formuler des remarques sur le chapitre II, intitulé « Dispositions relatives à la gestion de la crise, à la réhabilitation et à l’indemnisation ».
L’article 10 prévoit, à bon escient, le renforcement de la mission des réserves communales de sécurité civile. Compte tenu de notre insularité, la faculté de recourir à une réserve revêt une importance cruciale.
Toutefois, trois points méritent d’être clarifiés.
D’abord, il faudrait prévoir l’affectation de moyens financiers spécifiques à la création et à la gestion de ces réserves, qui voient leur rôle renforcé.
Ensuite, la formule « dès que la probabilité de survenance d’un événement calamiteux exceptionnel est forte » pourrait à mon sens être remplacée par les mots « dès que des événements excédant les capacités des moyens disponibles ». Ainsi, l’élu disposerait d’une plus large possibilité de faire appel à la réserve.
Enfin, s’il est intéressant de légitimer la mutualisation des moyens entre communes, il convient de préciser l’autorité de commandement, le champ de la responsabilité des réserves et la prise en charge de leur couverture en cas de problème.
Telles sont les propositions que je formule pour enrichir ce texte que je considère de bonne facture.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer le travail accompli par nos collègues Pierre-Yves Collombat, auteur de cette proposition de loi, et Louis Nègre, rapporteur.
Selon l’ONU, un milliard de personnes vivent dans des zones exposées aux inondations et leur nombre devrait doubler d’ici à 2050, cela sans prendre en compte la multiplication des événements extrêmes résultant du changement climatique.
Nous le savons, le principal risque naturel, en France, c’est le risque d’inondation. L’agglomération parisienne est, économiquement, la région la plus menacée de notre pays.
Élu de Seine-et-Marne et président du syndicat intercommunal du Grand Morin depuis vingt-quatre ans – c’est essentiellement à ce titre que je m’exprime ce soir à cette tribune –, j’ai déjà mis en œuvre à peu près toutes les mesures prévues dans cette proposition de loi. Sachez, mes chers collègues, que cela fonctionne bien et que nous obtenons des résultats.
Au cours des siècles, les débordements de la Seine et de ses affluents ont régulièrement dévasté la capitale et ses abords. Nous avons tous en mémoire les photographies de la grande crue de 1910, mais sommes-nous capables d’imaginer aujourd’hui les conséquences qu’aurait une inondation de ce type dans une agglomération dont l’importance, le nombre d’habitants et la complexité ne cessent de croître ?
On évalue à 20 milliards d’euros les dommages directs qu’engendrerait une crue majeure dans l’agglomération ; ce montant double si l’on ajoute les dommages indirects. Des millions de personnes seraient touchées, en particulier par l’interruption des services publics et l’incapacité des entreprises à poursuivre leur activité. Cela ne concernerait pas seulement les zones inondées ! Au-delà de la seule agglomération parisienne, c’est l’économie tout entière de notre pays qui pâtirait durablement. Il s’agit là de l’exemple que je connais le mieux, mais nous avons assisté à des drames dans d’autres régions de France.
Nos collectivités subissent de plein fouet, depuis plusieurs années, la crise. Aussi tout euro dépensé doit-il être un euro utile. La sécurité publique, la sécurité matérielle et économique ont un coût qui peut paraître élevé, mais il n’est rien en comparaison de l’argent qu’il faut débourser après qu’une catastrophe naturelle s’est abattue sur un territoire mal préparé.
Alors, mieux vaut prévenir que guérir, et nous devons nous donner les moyens d’atténuer dès aujourd’hui les conséquences de crues dont on sait qu’elles peuvent survenir à tout moment.
Depuis 1955, la Seine et ses affluents sont à peu près calmes, ce qui a pour conséquence une sorte d’amnésie collective du risque d’inondation. Or, on a également tendance à l’oublier, après une inondation, l’herbe est plus verte, si j’ose dire !
Gouverner, c’est prévoir. Mettre en place les dispositifs pour former, informer et prévenir relève de notre responsabilité collective. Seule une meilleure prévention des risques permettra de réduire la facture laissée par ces événements exceptionnels sur les populations et leurs activités. Il faut donc réduire la vulnérabilité des villes et des villages face à ces catastrophes naturelles.
L’inondation est pourtant inscrite historiquement dans le fonctionnement des sociétés riveraines. Les crues étaient même acceptées en Camargue au milieu du XIXe siècle. De même, de nombreuses civilisations ont prospéré à partir des effets positifs des inondations. Souvenez-vous du Nil, des années de vaches maigres et des années de vaches grasses !
Fermons cette parenthèse qui visait à affirmer que les crues sont des phénomènes naturels qu’il faut apprendre à gérer ; nous devons tous, collectivités locales, société civile, État, unir nos efforts et agir ensemble pour prévenir les risques.
Le syndicat que je préside et qui regroupe vingt-cinq communes a mis en place un système de vigilance et d’alerte. Il a été l’un des premiers à instaurer la surveillance par téléalarme. Il faut dire que le Grand Morin, qui est un affluent de la Marne, peut prendre soixante centimètres en l’espace de huit heures. Le système que nous avons établi permet d’évacuer rapidement vers la Marne le trop-plein. Le signal de la levée de vannes est initié par des balises situées à trois endroits stratégiques sur le cours d’eau. Elles sont reliées à une téléalarme, qui, lorsqu’une balise déclenche l’alerte, téléphone, quelle que soit l’heure du jour ou de la nuit, à un responsable, d’abord au président, puis aux vice-présidents, car il faut absolument lever les vannages de l’aval vers l’amont.
Grâce aux méthodes que j’ai appliquées, en douze ans, nous n’avons plus connu aucune crue, …
… alors qu’auparavant les crues se produisaient tous les deux ou trois ans.
Ce système donne satisfaction depuis plusieurs années, mais nous ne perdons pas de vue que la grande inondation viendra un jour où l’autre. À cet égard, les travaux que nous avons entrepris, qui sont d’ailleurs préconisés par la proposition de loi, nous permettent de regarder les risques d’inondation à trente ans.
La couverture assurantielle des communes est généralement mal adaptée pour faire face à des inondations graves : soit la commune est en « auto-assurance », ce qui est un cas encore fréquent, soit les polices contractées prennent très mal en compte des dommages d’inondations, qui n’ont pas été analysés en détail au moment d’établir le contrat. Au final, la commune doit prendre à sa charge des dommages qui correspondent, en valeur, à plusieurs années d’investissement.
La proposition de loi va, à mon avis, dans le bon sens, et je la voterai. Cependant, bien qu’il soit aujourd’hui facultatif, l’article 35 B prévoit que les communes ou les EPCI à fiscalité propre peuvent instituer une taxe. J’espère simplement que cette taxe sera levée avec discernement, afin de ne pas apparaître comme un impôt nouveau.
M. Michel Houel. La prévention des risques d’inondation est un défi d’avenir que les maires doivent relever en ajoutant un volet « réduction des risques d’inondation » à chacune de leurs actions, tant à l’échelle communale qu’intercommunale. C’est un défi d’avenir, car il nous permettra de léguer aux générations futures des territoires mieux préparés à faire face aux menaces certaines des inondations. Pour y parvenir, anticiper s’avère vital, s’adapter est capital et ne pas aggraver le risque est essentiel.
Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UDI-UC, du RDSE et du groupe écologiste.
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles du texte de la commission.
CHAPITRE IER
Dispositions relatives à la prévention
(Supprimé)
Mme Lebranchu n’ayant pu assister à la présentation de cette proposition de loi, je souhaite revenir sur la signification de la suppression des articles 1er à 5 et 13 à 14, ainsi que sur les enjeux du texte.
Si les articles 1er à 5, présents dans la proposition de loi initiale, ne figurent plus ici, ce n’est pas parce qu’ils manquaient d’intérêt ou étaient superfétatoires, mais parce que les dispositifs qu’ils prévoyaient ont déjà été adoptés en première lecture au Sénat et à l’Assemblée nationale, puis, sous une forme améliorée par la concertation entre notre commission des lois et le Gouvernement, en seconde lecture au Sénat lors de l’examen du projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dont ils constituent les articles 35 B à 35 E.
Au lieu d’un texte unique relatif à la lutte contre l’inondation, les hasards et les méandres de la discussion parlementaire ont donc fait que nous avons deux fers au feu : l’un relatif à la prévention des inondations, objet des articles 35 B à 35 E du projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, l’autre, le présent texte, essentiellement relatif à la gestion de la crise, de l’après-crise et de l’indemnisation.
Les articles 35 B à 35 E du projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, parce qu’ils organisent la gouvernance de la politique de prévention de l’inondation et donnent les moyens d’une telle politique sur l’ensemble du territoire et dans la durée sont des éléments essentiels du dispositif. C’est pour cela, madame la ministre, que nous aurons besoin, dans trois semaines à l’Assemblée nationale, du même soutien que celui dont vous nous avez témoigné lors de leur examen au Sénat.
Avec ces propositions, nous ne disons pas aux acteurs de terrain qu’ils doivent s’organiser de telle ou telle façon si ce qu’ils ont mis en place les satisfait, pas plus que nous ne les contraignons à lever des ressources nouvelles s’ils ne le jugent pas nécessaire. Nous ne décidons pas pour eux ; nous leur donnons simplement le libre choix des moyens. Par conséquent, pas de faux procès, les enjeux sont trop graves !
J’ai rappelé ces enjeux en dressant la liste des inondations catastrophiques depuis février 2010 – voyez que je ne suis pas remonté au déluge ! –, à savoir huit catastrophes notables, quatre-vingts morts, entre 3 et 3, 5 milliards d’euros de dégâts, et ce n’est pas parti pour s’arrêter, car ce qu’on sait n’est pas vraiment rassurant.
Comme je l’ai déjà dit, le prérapport de l’OCDE sur la situation de l’Île-de-France n’est pas non plus rassurant : la prochaine inondation centennale dans la région qui abrite le tiers du potentiel économique de la France coûterait 40 milliards d’euros ! Quant au nombre de victimes, mystère… Lorsqu’on sait que les zones inondables de l’Île-de-France sont urbanisées de 40 % à 90 %, il y a quelques soucis à se faire. La conclusion de l’OCDE est la suivante : aujourd’hui Paris est protégé, la banlieue non ! Précisions que Paris est préparé seulement pour l’inondation centennale et non pour une catastrophe de plus grande ampleur.
Voilà les enjeux, madame la ministre, mes chers collègues ! Ils sont tels que tous les reproches que l’on peut faire à nos propositions, même ceux qui sont justifiés, restent quand même un peu légers. Que valent en effet les objections juridiques devant l’étendue du défi ?
Je sais bien cependant qu’il ne suffit pas de voter une loi pour régler les problèmes ; si tel était le cas, cela se saurait ! La seule prétention de ce texte est de rompre avec le système « autobloquant » dans lequel nous nous sommes enfermés progressivement, d’ouvrir le possible à ceux qui le voudront bien. Pour le reste, l’avenir jugera.
Concertation ! Concertation ! Telle est l’urgence, nous dit-on. Personnellement, je pense non pas qu’il est urgent d’attendre, mais qu’il est urgent d’agir. Si ce soir, comme dans trois semaines à l’Assemblée nationale, nous pouvons donner les moyens d’agir, nous aurons fait une bonne action. La concertation s’affinera par la suite.
Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, de l’UMP et de l’UDI-UC.
(Supprimés)
Après l’article L. 215-7 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 215-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 215-7-1 . – Constitue un cours d’eau un écoulement d’eaux courantes dans un lit naturel à l’origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l’année.
« L’écoulement peut ne pas être permanent compte tenu des conditions hydrologiques et géologiques locales. »
L'article 6 est adopté.
Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Le I de l’article L. 562-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les plans de prévention des risques naturels prévisibles identifient la nature du ou des risques naturels prévisibles pour le territoire concerné et précisent la qualification du ou des risques conformément au II et aux décrets en Conseil d’État visés au VII. » ;
2° Le deuxième alinéa de l’article L. 562-3 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Sont associés à l’élaboration de ce projet les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale concernés, préalablement à la prescription du plan de prévention des risques naturels prévisibles et à chaque étape de son élaboration.
« La population concernée est informée et consultée sur le projet de plan de prévention des risques naturels prévisibles. »
L’une des conclusions de la mission commune d’information sénatoriale sur les inondations qui se sont produites dans le Var et plus généralement dans le sud-est de la France est qu’il faut changer la conception des PPRI. Or la commission du développement durable a lyophilisé mon texte. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement visant à rétablir la rédaction initiale.
Même si c’est un peu long, je veux vous lire ce qui est écrit à la page 263 du rapport intitulé Se donner les moyens de ses ambitions : « Le caractère antagonistique des relations État/élus, voire État/une partie de la population lors de l’élaboration des PPRI est une constante, plus ou moins affirmée certes, mais une constante. » – notre collègue Fournier l’a rappelé – « Cette opposition porte tantôt sur le principe du PPRI, tantôt sur les modalités d’application de celui-ci. En réalité, sous couvert de discussions techniques, ce sont généralement deux objectifs politiques qui s’affrontent : un objectif de protection maximale, porté par les services de l’État – au nom de leur interprétation de la loi, ce qui est dans leur rôle, voire de principes transcendants, ce qui l’est moins – contre un objectif de développement ou d’intérêt local, défendu par les élus.
« Cette opposition trouve généralement sa résolution au terme d’un marchandage, ce qui conduit parfois à douter de la cohérence de l’action de l’État dès lors qu’on se risque à comparer le traitement réservé à chaque territoire.
« Le sentiment de la mission que la seule manière de sortir de cet affrontement qui mène à une impasse, c’est de poser le problème autrement, de le poser sous l’angle de l’aménagement du territoire et non plus du seul point de vue de la sécurité, la sécurité devenant l’une des conditions du développement, condition essentielle mais d’autant moins unique qu’elle ne saurait […] être absolue.
« Loin de favoriser cette approche, les modèles mathématiques utilisés par les bureaux d’études dans l’élaboration des PPRI, la rendent plus difficile, leurs présupposés n’étant jamais mis sur la table et encore moins présentés pour ce qu’ils sont, des choix humains, choix raisonnables sans doute, mais choix. Un tel usage non scientifique des modèles de simulation est non seulement un abus de pouvoir, une cause de blocages ultérieurs. Si ce n’était pas le cas pourquoi pourrait-on trouver avec eux, comme Tartuffe avec le ciel, des accommodements au terme d’un marchandage ? » Que marchande-t-on ? Des droits à construire contre des risques ! Quelle allure cela a-t-il ?
« Il conviendrait, comme le soulignait lors de son audition M. Paul-Henri Bourrelier, de se souvenir que les modèles sont relatifs et que leurs résultats dépendent largement des données introduites en amont. » Le problème est qu’on ne sait jamais quelles sont les données introduites en amont !
« Pour sortir de cette impasse, la mission s’est demandé comment faire évoluer l’élaboration des PPRI. Probablement en creusant la voie indiquée par Mme Stéphanie Bidault, délégué générale du CEPRI, lors de son audition qui faisait observer qu’un partenariat [entre État et collectivités territoriales] fonctionne mieux qu’une logique réglementaire descendante. »
La rédaction de l’article 7 que je propose répond à cette logique ainsi qu’à une forte attente des élus et de la population.
Premièrement, si les PPRN sont mis en application par l'État, qui garde le dernier mot, ils sont élaborés conjointement, c'est-à-dire dans le cadre d'un échange sur les modalités techniques d'élaboration des choix – d'où le décret en Conseil d’État –, ce qui n'a rien à voir avec les modalités actuelles d'association prévues à l'article L. 562-3 du code de l'environnement, qui se résument le plus souvent à une information sur les propositions des bureaux d'études missionnés et de l'administration qui les valide, le tout suivi du marchandage décrit plus haut. Je précise que le PPRI étant publié par arrêté préfectoral, la responsabilité des élus n’est pas plus engagée qu’aujourd'hui. L’objection qui m’a été faite au sujet de la responsabilité ne me paraît donc pas du tout pertinente.
Deuxièmement, les PPRN ne se limitent pas à affirmer une volonté générale aussi exigeante que vague de protection contre un risque, mais, sur le modèle des Pays-Bas, ils fixent le niveau de protection visé et les dispositifs à mettre en place pour assurer cette protection. C’est illusoire de penser que l’élaboration d’un plan d’urbanisme suffit à tout régler.
Troisièmement, si on admet que les PPRN définissent les règles de protection d’un territoire pour l’habiter en sécurité, il est logique que celles-ci puissent évoluer en fonction des efforts faits pour le sécuriser. Or, actuellement, l’élaboration d’un PPRN est si hasardeuse, si pénible, qu’une fois que la décision est arrêtée, personne n’a envie d’y revenir. Selon la doctrine officielle, les investissements qui peuvent être faits par les collectivités, produisant un faux sentiment de sécurité, sont dangereux ; voilà qui ne risque pas de stimuler l’initiative ! C’est à se demander pourquoi on dépense entre 250 et 350 millions d’euros par an pour assurer une protection active contre l’inondation.
Il ne faut donc pas s’étonner que notre système de prévention de l’inondation soit « autobloquant ». Comme l’a dit l’un de nos collègues, il est tout à fait essentiel de faire évoluer cette façon de pratiquer les PPRN. La rédaction retenue par la commission du développement durable est donc trop proche de la rédaction actuelle pour induire véritablement un changement d’attitude.
Je souhaite intervenir sur cet article, non pas pour son fondement même, mais pour évoquer la situation particulière de Paris.
La proposition de loi de Pierre-Yves Collombat constitue une réelle avancée. Elle doit permettre une prise de conscience de l’enjeu financier et humain que représentent les inondations sur notre territoire. Notre collègue pointe deux grandes lacunes : notre absence de culture de la gestion des risques naturels et le manque de gouvernance qui en découle pour apporter une réponse pérenne à un tel enjeu.
Paris est symptomatique du déficit de gouvernance. Mais, de par son importance, je crois que la capitale aurait besoin d’une réponse spécifique. À ce titre, je voudrais saisir l’occasion pour évoquer le risque de crue centennale – il y a déjà été fait référence – dans la capitale. Cette problématique n’est pas simplement parisienne, ni même francilienne ; elle revêt un caractère national.
L’Île-de-France, c’est 29 % du PIB national. Or, malgré l’enjeu, chacun des acteurs, qu’il s’agisse de la ville de Paris, des communes, de la région et de l’État, tente de diluer les risques dans un activisme de façade qui n’est pas à la mesure des conséquences que provoquerait une inondation majeure.
Pourtant, tous les experts s’accordent. La question est de savoir non pas si une inondation comme celle de 1910 surviendra – à Paris, on voit encore la ligne qui indique le niveau auquel l’eau était montée –, mais quand elle se produira. Chaque année, la région capitale a 1 chance sur 100 d’être frappée par une telle catastrophe... Prague, qui dispose d’une géographie comparable à Paris, a eu sa crise centennale, avec des dégâts énormes.
Notre région capitale est vulnérable. Le plan ORSEC de la zone de défense de Paris et le plan Neptune du ministère de la défense visent davantage l’organisation des secours que la mise en place d’un dispositif de protection en amont limitant la montée des eaux. Nous sommes dans la gestion immédiate de la crise quand le véritable enjeu réside dans sa prévention. C’est d’ailleurs ce que relève le rapport de l’OCDE, qui pointe un manque de prise de conscience du risque et un défaut de gouvernance.
La région capitale a été épargnée depuis longtemps par des catastrophes de ce type. Les différents acteurs n’ont donc pas de mémoire en la matière, ni d’expérience face à ce genre d’événement. Pourtant, il suffit de regarder les inondations de New York en 2011 pour en prendre la mesure : 19 milliards de dollars de dégâts rien que pour Manhattan, 42 milliards de dollars pour l’État du New Jersey, 20 milliards de dollars au titre de perte de production, 26 000 entreprises touchées et 60 000 faillites.
À l’échelle du Grand Paris, selon l’OCDE, 5 millions de personnes et des dizaines de milliers d’entreprises seraient touchées. Les dégâts directs seraient de 11 milliards d’euros selon la préfecture de police et de 40 milliards d’euros selon l’OCDE. Monsieur Collombat, contrairement à ce que vous affirmez, la ville de Paris n’est pas protégée.
L’établissement public Seine Grands Lacs, qui a bien travaillé, a depuis longtemps identifié les risques et les conséquences. Il a proposé la construction d’un nouveau barrage-réservoir, celui de la Bassée, seul moyen de réduire de 30 % les dégâts éventuels en cas de crue centennale. Au sein du conseil d’administration siègent les quatre départements correspondant à l’ancien département de la Seine. Ils sont donc au plus près pour avoir connaissance des risques et des moyens de les limiter. Pourtant, depuis plusieurs années, le projet demeure à l’état d’embryon.
Au conseil de Paris, à plusieurs reprises, j’ai saisi le maire de la capitale sur le sujet ; il m’a répondu récemment qu’il commençait à s’y intéresser… Je me suis maintes fois adressé au préfet pour qu’il prenne la mesure de cet enjeu vital pour la région. Au sein même de cet hémicycle, j’ai interrogé les ministres des différents gouvernements pour qu’ils prennent le dossier en main. Je me souviens de ma première intervention voilà une dizaine d’années : il manquait 800 millions. Sauf que cela permettrait d’économiser 40 milliards d’euros de dégâts !
Personne ne bouge ! Aucune initiative n’a véritablement été prise, si ce n’est, après dix ans de réflexion, le lancement pour 2019 d’une expérimentation d’un seul casier test sur les dix que compte le projet de la Bassée, ce qui revient à ne rien faire. Une telle inaction des différents acteurs dans ce dossier est coupable, chacun se renvoyant la responsabilité de prendre la décision politique.
Passer d’une « logique de protection pour elle-même des territoires inondables à une logique d’aménagement de ces territoires » apparaît comme une ambition plus que souhaitable. J’émets toutefois un bémol : c’est difficile à mettre en pratique sur un territoire comme l’Île-de-France, dont la complexité a été renforcée par la loi sur la métropole de Paris, les compétences se chevauchant entre la métropole, la région, les départements et les communes...
Je veux conclure en rappelant que le risque de crue centennale dans la région capitale échappe à la logique classique de gestion des risques naturels. Plus qu’un problème de gouvernance, c’est une question de prise de conscience réelle des conséquences d’une telle catastrophe qui doit primer !
L’article 7 nous permet d’aborder un point qui me paraît important : les modalités d’association des collectivités locales à l’élaboration des plans de prévention des risques d’inondation.
Certains de nos collègues ont rappelé les difficultés liées aux premiers PPRI. Dans ma commune, le premier date de 1998. C’est donc une problématique que nous connaissons bien. D’ailleurs, notre nouveau plan d’occupation des sols a été élaboré à partir des réflexions menées sur l’évolution possible de nos territoires qui sont soumis à des risques de grandes crues, comme celle de la Loire en 1866. Au demeurant, Saint-Pierre-des-Corps n’est pas la seule commune concernée. Notre collègue Jean-Jacques Filleul, qui est maire de Montlouis-sur-Loire, connaît également bien le sujet. (En effet, en cas de rupture de digue, ma commune et plusieurs autres seraient recouvertes par plus de deux mètres d’eau !
La question de l’avenir de nos territoires a donc été au centre de nos réflexions au cours de cette période. Nos collectivités locales se sont constituées en associations, afin d’y travailler ensemble.
Je dois dire que, dans le cadre de la transposition en droit français de la directive européenne de 2007, un certain nombre d’interrogations que nous avions alors soulevées, en ayant du mal à être entendus, commencent à être prises en compte. Je vous renvoie à ce qui se fait actuellement au ministère de l’écologie. Le Gouvernement a ainsi lancé une consultation sur la stratégie nationale. Un débat a d’ailleurs eu lieu cet après-midi à la Commission mixte inondation, la CMI. Je n’ai pas pu y assister : on ne peut pas être au four et au moulin !
Sourires.
Telle qu’elle est conçue actuellement, la stratégie nationale a le grand intérêt, à mon sens, de poser non seulement la question de la protection, mais aussi celle de la situation des territoires. Nous le savons, un outil de protection peut constituer une fragilité. Par exemple, la digue qui avait été installée entre L’Aiguillon-sur-Mer et La Faute-sur-Mer s’est révélée être un véritable piège.
Bien sûr ! C’est pour cela qu’il faut faire très attention aux travaux que l’on entreprend !
Il faut donc faire preuve de beaucoup de vigilance.
Les risques d’inondation auxquels nos territoires sont soumis peuvent revêtir de multiples formes : submersions marines, crues torrentielles, remontées lentes des eaux, … Ces situations très diverses complexifient encore la recherche de solutions. Nous devons donc nous interroger sur les instruments de protection les plus adaptés et sur leur financement. À cet égard, j’ai beaucoup de réserves sur la taxe envisagée, qui ne peut pas, me semble-t-il, être levée dans des territoires déjà soumis à un certain nombre de pressions et de règles réduisant leurs capacités financières. Et il ne me paraît pas non plus envisageable d’en faire porter la charge aux seules populations !
Dans le même temps, nous devons réfléchir au devenir des territoires concernés et voir comment les rendre moins vulnérables. Il faut trouver les moyens qui permettent aux habitants de revenir y vivre rapidement après une crue. Des travaux en ce sens sont en cours.
Les réponses qui sont proposées aujourd’hui sont peut-être pertinentes pour certaines parties du territoire, mais il faut, me semble-t-il, appréhender la gestion du risque d’inondation dans sa globalité ; l’approche actuelle me paraît trop étroite. C’est pourquoi j’aurais souhaité que l’on attende que le travail de la stratégie nationale soit plus avancé. Nous aurions ainsi pu aboutir à un dispositif plus rigoureux, plus solide, avec un meilleur contenu. C’était sans doute l’affaire de quelques mois. En effet, des progrès importants ont tout de même été réalisés. Par exemple, la CMI a été consultée.
Nous travaillons actuellement sur des initiatives, dont certaines concernent le type de constructions engagées dans nos communes. Il y a des exemples en ce sens. Mercredi dernier, le Gouvernement a lancé des ateliers de réflexion menés sur un certain nombre de territoires concernés par de tels risques. C’est le cas en Île-de-France ou sur les rives de la Loire. Des réflexions sur le sujet vont donc être menées dans plusieurs secteurs.
Je pense qu'adopter un tel dispositif à ce stade ne permettrait pas de répondre à la totalité des cas de figure. Il est évidemment important que les communes soient associées à la démarche, mais elles ne doivent pas se substituer à l’État. Car c’est bien à l’État qu’incombe la responsabilité de traiter le problème sur l’ensemble du territoire !
L’initiative de mon ami Pierre-Yves Collombat, que je tiens à féliciter, me permet d’évoquer les crues qui ont ravagé la vallée de la Garonne et la vallée des Gaves.
La montée des eaux liée à une fonte des neiges prématurée et à des températures très élevées a carrément arraché la roche-mère, à tel point que le village de Barèges ressemblait à certaines cités du Moyen-Orient après un bombardement. La route entre Barèges et Luz-Saint-Sauveur, longue de sept kilomètres, s’est littéralement effondrée sur quatre kilomètres. Comme ces vallées sont en cul-de-sac, les populations se sont retrouvées isolées du reste des Hautes-Pyrénées. Il a évidemment fallu panser les plaies rapidement. Madame la ministre, vous avez pu voir l’ampleur du désastre.
Les relations ont très vite été rétablies. Un certain nombre de travaux ont été faits sur le lit majeur, en s’affranchissant totalement d’un certain nombre de règles. C’est la preuve que la loi sur l’eau est parfaitement inadaptée face à ce type d’événements.
De la même manière, les travaux ont été réalisés sans passation de marché. Au lendemain de la catastrophe, le président du conseil général a réuni les entreprises, qui ont réagi spontanément en prévoyant un bordereau de prix rigoureusement identique. C’est ainsi que nous avons cheminé, ce qui a permis de régler un certain nombre de problèmes.
Que dire de ce service qui, depuis deux mois, est pratiquement absent sur le secteur, je veux parler de l’ONEMA, l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques ? Voilà des gens bardés de certitudes, armés comme des shérifs américains et qui prennent les maires pour des délinquants, …
Je crois qu’il faudrait profiter de l’occasion pour leur rappeler que, s’il y a des règles à respecter, trop c’est trop, si vous voulez bien me pardonner cette locution facile.
Nous ne pouvons pas accepter, nous qui sommes la représentation nationale, que des fonctionnaires interprètent les lois en fonction de leurs désirs. Je sais que, en disant cela, je ne vais pas me faire des amis au sein de ces services dans les Hautes-Pyrénées, mais cela ne me gêne pas. Je vous le dis très clairement, madame la ministre, si je les voyais disparaître, cela me gênerait encore moins.
Nous continuerons bien entendu à réaliser des travaux sur les rivières pour tenter de régler le problème des crues.
Je dois dire que les services de l’État comme ceux du département, eux, ont été exemplaires. C’est grâce à eux, parce que les secours ont été conduits de manière remarquable, qu’il n’y a eu finalement que deux morts, même si c’est bien évidemment deux morts de trop. Vous le voyez, je ne suis pas négatif envers tous les services de l’État.
Applaudissements sur les travées du RDSE.
Je n’avais pas prévu d’intervenir, mais les propos de Mme Beaufils me poussent à prendre la parole.
Ma commune subit des inondations d’une ampleur limitée. Même s’il n’y a jamais eu de mort, elle enregistre des dégâts pratiquement tous les ans. Pour les personnes touchées, c’est toujours traumatisant.
Cela étant, connaissant les inondations à une échelle beaucoup plus importante pour avoir rencontré, avec le Haut Comité français pour la défense civile, un certain nombre de personnes s’occupant des inondations à Paris ou à New York, après le passage de l’ouragan Sandy, je peux dire que nous manquons cruellement en France d’une culture de la prévention du risque, tant dans les services de l’État et les services départementaux et communaux que chez nos concitoyens. C’est pourquoi je pense que plus on parlera de prévention, plus on provoquera une prise de conscience.
La prévention des risques en général, comme d’ailleurs la gestion des crises, nécessite un maillage, un partenariat, un véritable travail en réseau et une prise de conscience de la part des citoyens comme de tous les pouvoirs publics. Cependant, nous ne pourrons jamais réaliser d’un seul coup le travail parfait que souhaite Mme Beaufils. Il faut bien sûr l’avoir en point de mire, et, pour s’en rapprocher, il faut commencer le plus tôt possible. C’est pourquoi l’initiative de notre collègue Collombat est excellente. C’est marche après marche, pas après pas, que nous y parviendrons.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE . – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1, présenté par M. Collombat, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° L’article L. 562-1 est ainsi modifié :
a) Le I est ainsi modifié :
« I. – L’État, les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale intéressés élaborent conjointement des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations, les mouvements de terrains, les avalanches, les incendies de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes ou les cyclones. Les établissements publics en charge de la prévention de l’inondation sont associés aux plans de prévention des risques d’inondation. Ces plans sont mis en application par l’État. » ;
b) Après le I, il est inséré un I bis ainsi rédigé :
« I bis. – Les plans de prévention des risques naturels prévisibles identifient la nature du risque naturel prévisible pour le territoire et fixent le niveau de risque contre lequel les dispositions du plan entendent protéger la population et les biens. Ils déterminent les travaux permettant de réduire le risque, dans quelle proportion et selon quelle probabilité.
« La population est associée aux processus d’identification, de détermination et de réduction du risque aussi précocement que possible. » ;
c) Le début du VII est ainsi rédigé :
« VII. – Des décrets en Conseil d’État définissent les modalités selon lesquelles l’État, les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération internationale concernés élaborent conjointement les plans de prévention des risques naturels prévisibles, les règles relatives à la détermination des zonages, les modalités de qualification… (le reste sans changement) » ;
2° L’article L. 562-4-1 est complété par un III ainsi rédigé :
« III. – Lorsque, sans remettre en cause l’économie générale du plan, la révision a uniquement pour objet une modification limitée des zones ou des prescriptions qui leur correspondent, lorsque la réalisation des équipements prévus au I bis de l’article L. 562-1 du code de l’environnement et la mise en place d’une politique de sensibilisation de la population au risque inondation le justifient, elle peut être effectuée selon la procédure simplifiée prévue à l’alinéa précédent. »
II. – Dans un délai d’un an après l’approbation du dernier des deux plans, le plan de prévention du risque d’inondation et le plan local d’urbanisme de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale compétent sont mis en conformité.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
Je crois que tout le monde est d’accord pour dire qu’il faut changer la façon de concevoir les PPRI si l’on veut en faire de vrais outils de prévention permettant que les territoires puissent être habités en sécurité.
Je veux insister sur trois points.
Premièrement, le fait que l’État, les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale intéressés élaborent « conjointement » des plans de prévention des risques naturels prévisibles signifie qu’un échange d’informations doit avoir lieu, en particulier sur la façon de déterminer les risques, à rebours de la situation actuelle, où les services de l’État tiennent leurs renseignements de bureaux d’études qui ont été missionnés et qui anticipent pratiquement partout des crues de deux mètres. C’est ce qu’ils ont fait chez moi où, comme je leur ai fait observer, ce n’est pas le Danube qui passe, mais un simple ru ! J’ignore où ils prennent leurs modèles et comment ils les font, sans doute sur le gabarit des fleuves. On retrouve le même problème avec les PPRIF, les plans de prévention des risques d’incendies de forêt.
Évidemment, s’il y a un risque sérieux que la crue atteigne deux mètres, on ne va pas rendre le terrain constructible. Le problème c’est que, très souvent, ce qu’on nous dit ne correspond à rien, et il faut se battre comme des chiffonniers pour arriver à faire changer d’avis l’administration. Je le répète, on est face à cette absurdité : on marchande des risques contre des droits à construire. Cela n’a rigoureusement aucun sens !
Quant à l’idée qu’on proposerait un transfert de responsabilité aux communes, elle est fausse. Le préfet publie l’arrêté et les modalités de concertation sont établies par un décret en Conseil d’État. L’État conserve donc la suprématie en la matière, mais nous voulons avoir la possibilité de discuter des outils.
Deuxièmement, une fois que les aménagements ont été réalisés, nous voulons pouvoir faire évoluer facilement le PPRI. Cela ne veut pas dire qu’on construira des maisons dans des zones où il y aura deux ou trois mètres d’eau si la digue s’effondre, mais quand la crue ne dépasse pas cinquante centimètres, on peut peut-être faire un certain nombre de choses. D’où l’idée, assez répulsive, mais qu’on retrouve aux Pays-Bas, qui consiste à préciser contre quel type de risques on veut se prémunir. Aujourd’hui, c’est simple, on veut une protection absolue et pas simplement contre la crue centennale, mais aussi contre celle qui aura lieu dans mille ans, dans deux mille ans, dans trois mille ans…
Dans le même temps, on essaie de déterminer quels seraient les travaux et les politiques nécessaires, parce que l’implication de la population – on le verra tout à l’heure avec le problème des réserves communales de sécurité – est essentielle.
Je vous conseille d’aller visiter Sommières.
D’abord, parce que c’est très beau. Ensuite, parce que la ville est établie depuis le Moyen Âge dans le lit majeur du fleuve, le Vidourle.
Ce n’est pas un petit ruisseau paisible, croyez-moi, et ses crues, les « vidourlades », sont redoutées. Sur la place du marché, certains repères des crues atteignent jusqu’à sept mètres ; pour autant, les gens continuent à y vivre ! Certes, on y a mis les moyens, avec de véritables plans de prévention.
Nous voulons changer complètement de logique, en passant de la protection pure et simple – il est illusoire de croire qu’il suffit d’élaborer des plans d’urbanisme pour tout régler – à un dispositif qui, naturellement, assurera toujours la protection, mais qui permettra aux populations d’habiter les zones concernées. Pour cela, il faut bien sûr y mettre les moyens.
Troisièmement, si le PPRI s’impose au PLU, il faut parfois du temps pour les mettre en conformité. L’amendement vise donc à fixer à un an après l’approbation du dernier des deux plans le délai pour la mise en conformité. Tout le monde réclame cette mesure. Cela simplifierait les choses : les personnes qui voudront construire sauront au moins à quelles conditions elles pourront ou non le faire.
L'amendement n° 2, présenté par M. Collombat, est ainsi libellé :
Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :
3° – L’article L. 562-4-1 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« III. – Lorsque, sans remettre en cause l’économie générale du plan, la révision a uniquement pour objet une modification limitée des zones ou des prescriptions qui leur correspondent, lorsque la réalisation des mesures prévues au 4° du II de l’article L. 562-1 du code de l’environnement et la mise en place d’une politique de sensibilisation de la population au risque inondation le justifient, elle peut être effectuée selon la procédure simplifiée prévue à l’alinéa précédent. »
... – Dans un délai d’un an après l’approbation du dernier des deux plans, le plan de prévention du risque d’inondation et le plan local d’urbanisme de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale compétent sont mis en conformité.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
vient de défendre ses amendements de façon remarquable, ce qui lui ressemble bien.
M. Louis Nègre, rapporteur. Plongé dans l’eau, le texte lyophilisé prend une autre allure…
Sourires.
Par rapport à ce que vous avez dit, il y a donc un hiatus. Nous avons bien compris votre démarche, mais élaborer conjointement les plans soulèverait de sérieux problèmes en termes de responsabilité pénale des élus. Or, nous le savons, ce n’est pas ce que vous recherchez. Voilà pourquoi en commission un amendement visant à réécrire l’article a été adopté, à l’unanimité si ma mémoire est bonne. Nous avons en effet jugé préférable de préciser à l’article L. 562-3 du code de l’environnement que les collectivités territoriales sont associées à l’élaboration des plans avant leur prescription et à chaque étape de leur élaboration.
Nous mettons en place une véritable procédure. Nous ne nous payons pas de mots : c’est bien à chaque étape de l’élaboration du plan que les collectivités seront associées. Je pense que cette mesure répond entièrement à votre volonté, sans engager la responsabilité pénale des élus.
Vous proposez également d’associer la population « aux processus d’identification, de détermination et de réduction du risque aussi précocement que possible ». Sur ce point aussi, la commission est parvenue à une solution plus équilibrée que la vôtre, en prévoyant que la « population concernée est informée et consultée sur le projet de plan de prévention des risques naturels prévisibles », conformément, du reste, à une recommandation du rapport d’information.
J’en viens à la mesure visant à faciliter la révision et la modification des PPRN.
Notre collègue Fortassin a fort bien expliqué qu’en cas d’urgence absolue il fallait pouvoir prendre des mesures. C’est ce que vous souhaitez également, comme nous tous. Vous proposez donc d’ajouter – et c’est ce point que nous n’avons pas réussi à comprendre – des critères supplémentaires par rapport au droit en vigueur. Pour pouvoir recourir à la procédure simplifiée de révision, il ne suffira plus de ne pas remettre en cause l’économie générale du plan, il faudra en outre que la révision proposée ait uniquement pour objet une modification limitée des zones ou des prescriptions qui leur correspondent, ou encore que la mise en place d’une politique de sensibilisation de la population au risque d’inondation puisse justifier le recours à la procédure simplifiée.
Pourquoi aller au-delà du droit actuel, qui nous permet d’ores et déjà d’intervenir pour réviser un PPRN ? Je vous suggère d’en rester à la solution préconisée par la commission, car nous ne souhaitons pas ajouter des critères supplémentaires qui rendraient la révision encore plus difficile.
Pour toutes ces raisons, la commission vous invite à retirer vos deux amendements ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Je remercie à mon tour M. Collombat et M. le rapporteur du travail qui a été accompli et de l’avancée qu’on leur doit, ainsi qu’à tous leurs collègues. Il est vrai que sur ces sujets nous faisons bouger les choses.
Il a été fort justement rappelé que la stratégie nationale est en cours d’élaboration et que le principe d’une collaboration entre l’État et les collectivités est absolument indispensable. Il me semble que M. Collombat dit vrai quand il fait état de la nécessité absolue d’associer – je dis bien d’associer – les collectivités territoriales à l’élaboration du plan. L’État peut faire appel à des experts. Les collectivités, si elles avaient la pleine responsabilité du plan, feraient de même. Mais il m’est difficile d’imaginer que même un groupe de collectivités puisse disposer de suffisamment d’experts en son sein pour émettre un avis sur les critères scientifiques, techniques, géologiques, etc.
Il m’a semblé que M. Collombat, en défendant ses amendements, voulait mettre l’accent sur la façon dont il fallait tenir compte, au sens juridique du terme, des recommandations des experts en matière de risques. Je ne suis pas totalement certaine que l’article 7, tel qu’il est rédigé par la commission, soit suffisant de ce point de vue. Je le pense profondément. Il faudrait réfléchir à une solution dans le cadre de la stratégie nationale et à partir des propositions de M. Collombat. En revanche, rejoignant les propos du rapporteur sur la responsabilité pénale du décisionnaire, je suis dans l’incapacité de proposer une autre rédaction de l’article.
Monsieur Collombat, il serait préférable pour nous tous que vous acceptiez de retirer ces amendements. En échange de quoi, je prends l’engagement, au nom de mes collègues du Gouvernement, parce que je ne suis pas seule responsable sur ces sujets, de voir si, au cours du cheminement du texte, en évitant le terme « conjointement » pour les questions de responsabilité pénale que le rapporteur a évoquées, on ne peut pas faire mieux que la rédaction actuelle de la proposition de loi.
Il me semble que l’on peut s’engager à essayer de faire mieux. À l’heure où je vous parle, je me donne une obligation de moyens, pas forcément une obligation de résultat.
Il faudra assurément se montrer extrêmement prudent sur la façon de rédiger l’article. En particulier, j’entends bien l’argument avancé selon lequel les travaux réalisés à tel endroit de notre territoire pour protéger d’un risque ne modifient pas automatiquement le plan de prévention tel qu’il est prévu. C’est une question de bon sens, même si je n’aime pas cette expression, qui n’est assise sur rien.
Quoi qu’il en soit, on sent que vous parlez d’expérience. Il manque effectivement quelque chose. Un plan est écrit, des préconisations sont faites : une fois les travaux réalisés, quel est le devenir du plan tel qu’il a été élaboré avant les travaux ? J’entends aussi cette question.
Le seul engagement que je me sens capable de prendre est de faire cheminer ce texte et d’expertiser la proposition de M. Collombat, pour améliorer l’article.
J’ai pris un peu de temps, monsieur le président, pour exprimer l’avis du Gouvernement, mais il est important que je puisse apporter une réponse à l’ensemble des sentiments qui s’expriment sur les travées du Sénat. Il est vrai que les collectivités territoriales, cela a été rappelé cet après-midi au cours d’une réunion bien connue, ont manifesté une forme d’agacement en ce qui concerne certaines prescriptions. Par exemple, quand un PPRI absolument nécessaire n’est pas élaboré dans les délais et qu’entre-temps des actions sont engagées qui rendent le plan inopérant. Cette remarque nous a été faite.
De nombreuses procédures s’additionnent et retardent la réalisation des projets !
J’ai dit dans cet hémicycle, il n’y a pas très longtemps, qu’il me semblait possible de réduire le nombre des documents d’urbanisme, mais en les rendant plus précis et en faisant en sorte qu’une fois élaborés ils soient révisables différemment. Nous voyons que des tas de questions se posent.
Je veux dire au sénateur Fortassin que je n’accepte pas que l’on montre du doigt les agents qui, ici ou là, auraient fait excès de zèle.
Ils appliquent des règles qu’on leur demande de mettre en œuvre et qui, parfois, sont nées d’amendements parlementaires et pas seulement de textes du Gouvernement ! Je pense à la loi sur l’eau, par exemple.
Je me souviens de beaucoup d’amendements parlementaires qui, de bonne foi juridique et pragmatique, ont alourdi la barque. Il faut faire attention à tout.
J’ai été un peu longue, car cet article est sans doute le point le plus délicat ; j’interviendrai plus brièvement par la suite. En tout état de cause, il me semble que M. Collombat pourrait retirer ses amendements. La modification des PPRN est déjà inscrite dans le code, qui prévoit que la procédure simplifiée peut s’appliquer dès lors que les modifications envisagées ne remettent pas en cause l’économie générale du plan.
Si vous maintenez vos amendements, monsieur le sénateur, je serai obligée d’émettre un avis défavorable, non sur l’esprit, mais plutôt sur la lettre.
Je suis sensible aux efforts consentis pour essayer de régler un vrai problème.
Dans les articles 35 B à 35 E du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, hormis les problèmes de transfert ou autres, les points essentiels sont la compétence et le financement. C’est là qu’est la pierre d’achoppement, qui non seulement hérisse tout le monde mais provoque aussi un blocage. D’ailleurs, c’est ça qui est dramatique !
On demande aux élus d’élaborer des PPRI, mais ils ne sont pas fous. Ils savent qu’ils ne pourront plus rien faire. Ils réaliseront des investissements, mettront en place des politiques pour, au final, se développer encore moins qu’avant. Il faut donc lier le développement local à la protection.
J’accepte la rédaction proposée par le rapporteur pour le a) de l’article du code de l’environnement, qui est peut-être préférable pour des raisons métaphysiques qui m’échappent. En revanche, ce serait un plus que les plans de prévention des risques fixent le niveau de protection de la population et déterminent les travaux à réaliser.
Mon cher Louis Nègre, c’est ce que préconisait notre rapport.
Par ailleurs, on nous dit : « Mais vous pouvez le faire, c’est marqué. » Sauf qu’on ne le fait pas ! La précision « la mise en place d’une politique de sensibilisation de la population au risque inondation » n’est pas anodine. Cette problématique rejoint la question de la mobilisation de la population. Ce n’est pas seulement le problème des investissements, c’est aussi celui de l’acquisition d’une culture du risque, c’est un tout !
Si, au moment du PPRI, on envisage tous ces sujets, et pas seulement la question de savoir si on peut construire ou non et à quelle condition, on a une chance de faire adhérer la population à la transformation du territoire en faveur de davantage de sécurité. C’est le sens de cette proposition. Je n’ai aucun intérêt particulier à faire prévaloir telle rédaction plutôt que telle autre, mais ce point est vraiment essentiel.
J’ai entendu votre proposition, madame la ministre. Je note qu’elle émane de quelqu’un qui a visiblement été maire en son temps. Le débat de ce soir offre un bel exemple de l’intérêt du cumul des mandats : tous les intervenants qui ont fait référence à leur expérience de terrain et se sont appuyés sur elle pour asseoir leurs propositions sont des maires !
Le jour où ces maires, qui sont directement concernés, ne siégeront plus sur ces travées, nous ne pourrons plus bénéficier de la même expertise.
Nous ne faisons qu’évoquer dans cet hémicycle une difficulté dont nos collègues se plaignent sur le terrain : ils sont exclus de l’élaboration des PPRI et ne les découvrent qu’à la fin, ne sachant pas très bien comment ils ont été décidés. La plupart du temps, le résultat les laisse insatisfaits.
Le Gouvernement demande le retrait de l’amendement. Je ne sais pas si Pierre-Yves Collombat répondra positivement à cette sollicitation. Pour ma part, j’y mettrai une condition. Certes, le Gouvernement s’engage devant nous de manière formelle. J’ai donc confiance. Simplement, madame la ministre, si vous me le permettez, je poserai comme condition le temps de la navette. Dans la mesure où il y aura deux lectures, cela laisse un peu de temps pour améliorer la rédaction du texte, mais ne reportons pas sine die la décision.
Je les maintiens. On pourra toujours les modifier par la suite, mais, en attendant, ils seront là comme une mauvaise conscience.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 7 est adopté.
I. – L’article L. 213-8 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Au 1°, le pourcentage : « 40 % » est remplacé par le pourcentage : « 50 % » ;
2° Au 2°, après les mots : « de la pêche », sont insérés les mots : «, des associations de victimes des inondations » ;
3° Au 3°, le pourcentage : « 20 % » est remplacé par le pourcentage : « 10 % ».
II. – L’article L. 213-8-1 du même code est ainsi modifié :
1° Au début du 2°, il est inséré le mot : « Majoritairement » ;
2° Au huitième alinéa, la référence : « 2°, » est supprimée.
L'amendement n° 11, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la ministre.
Je l’ai dit à M. Collombat tout à l’heure, la question de la gouvernance de la gestion de l’eau et des milieux aquatiques est un sujet qui doit être étudié dans sa globalité.
Vous le savez, un travail est en cours. Je salue d’ailleurs les sénateurs Henri Tandonnet et Michel Doublet, qui sont à l’origine de nombreuses propositions. Il serait très délicat pour un gouvernement d’accepter d’y mettre un terme – j’espère que vous entendrez cet argument – si cet article était adopté. Cela signifierait que la démarche engagée a été inutile et que c’est ce soir que l’on décide de tout.
Le Gouvernement se doit de respecter la parole qu’il a donnée à l’ensemble des acteurs – collectivités territoriales, associations – qui œuvrent au sein du Comité national de l’eau. Il serait très embêtant de clore leur discussion. Cet article ne pouvant être retiré, je propose donc de le supprimer.
Madame la ministre, j’ai bien compris votre raisonnement, mais je n’y souscris pas, car la proposition de M. Collombat constitue une décision politique au sens noble du terme.
Le Sénat représente les territoires. Or les élus locaux, qui vont désormais avoir la compétence, seront les payeurs et les décideurs. Dans ces conditions, que propose Pierre-Yves Collombat ? Il propose tout simplement que la part des élus passe de 40 % à 50 %. C’est bien le moins ! Alors qu’ils auront la compétence, paieront, décideront, ils n’auraient même pas la moitié des sièges ?
La commission qui va se pencher sur cette question devra prendre acte, me semble-t-il, de cette nécessité. Si elle veut accorder davantage que 50 % des sièges aux élus locaux, nous en sommes tout à fait d’accord. En tout cas, je ne peux pas imaginer un seul instant qu’on puisse leur en attribuer moins. L’avis est donc défavorable.
Comme je l’ai déjà indiqué dans la discussion générale, le groupe socialiste avait déposé un amendement visant à supprimer l’article 8.
Nous ne sommes pas opposés au renforcement de la présence des élus dans les instances des agences de l’eau et des comités de bassin, mais nous considérons que la réflexion qui est engagée doit aboutir.
Je rappelle que la commission avait émis un avis favorable sur l’amendement que nous avons retiré avant la séance publique.
C’est bien parti… Si les choses continuent ainsi, il ne restera plus rien du tout dans cette proposition de loi. Vous pourrez donc la voter à l’unanimité sans état d’âme.
Pourtant, on nous dit qu’il y a urgence, que des drames, des catastrophes se préparent, puis qu’il faut attendre, qu’il y a l’article 12 B ou 34 C, la concertation qui est lancée, qu’il ne faut pas paniquer… Comme vous voulez !
Ce qu’a dit Mme la ministre est exact, il y a probablement quelque chose à faire. Mais je constate quand même que la part des élus est réduite à la portion congrue partout alors qu’on les charge de plus en plus, …
… et même des rythmes scolaires !
Il faudrait donc savoir ce qu’on veut. Essaie-t-on de faire avancer les choses ou, au contraire, cherche-t-on à multiplier toutes les raisons de ne pas agir, au prétexte qu’il faut se concerter et attendre parce qu’on ne sait jamais ?
Sourires.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 8 est adopté.
L'amendement n° 7, présenté par Mme Lipietz, M. Dantec et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la dernière phrase de l’article L. 110 du code de l’urbanisme après les mots : « Leur action en matière d'urbanisme contribue » sont insérés les mots « à la prévention des inondations, ».
La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Cet amendement vise à substituer la culture de la prévention à la culture du risque. Il précise, en complétant l’article L. 110 du code de l’urbanisme, qui est le premier article de ce code, que les actions des collectivités locales en matière d’urbanisme contribuent à la prévention des inondations.
Rappeler que la culture de la prévention des inondations relève des collectivités territoriales apparaît comme un premier pas.
L’article L. 110 du code de l’urbanisme fixe les règles générales d’utilisation du sol. Sa dernière phrase prévoit que l’action des collectivités publiques en matière d’urbanisme « contribue à la lutte contre le changement climatique et à l’adaptation à ce changement ».
Cet amendement vise à compléter cette phrase en indiquant que l’action des collectivités doit aussi contribuer à la prévention des inondations. Il s’agit là d’une disposition opportune : les politiques d’urbanisme doivent être guidées par le souci de la prévention des inondations. La commission a donc émis un avis favorable.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 8.
L'amendement n° 8, présenté par Mme Lipietz, M. Dantec et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l’article L. 111-6-1 du code l’urbanisme, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les surfaces affectées aux aires de stationnement sont couvertes d’un revêtement perméable. »
La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Cet amendement vise à réduire l’imperméabilisation de notre territoire, notamment les aires de stationnement. Celles-ci prennent de plus en plus de place, grignotent nos cultures, empiètent sur nos terres agricoles, comme c’est notamment le cas en Seine-et-Marne. De surcroît, en l’absence de réglementation, elles empêchent la pénétration des eaux de pluie dans le sol, ce qui cause de véritables problèmes. D’ailleurs, dans leur rapport sur les inondations dans le Var, MM. Collombat et Nègre évoquent le risque de ruissellement urbain auquel contribuent ces aires de stationnement.
C’est pourquoi je propose que les surfaces affectées aux aires de stationnement soient couvertes d’un revêtement perméable. Cette disposition aura certes un coût mais dans la mesure où cet amendement concerne la surface maximale des aires de stationnement des commerces et des cinémas, ce coût sera à la charge de ces entreprises et ne pèsera pas sur les collectivités territoriales.
Lutter contre l’imperméabilisation des sols est aussi un facteur de prévention des inondations.
Cet amendement vise à imposer que toutes les surfaces affectées aux aires de stationnement soient couvertes d’un revêtement perméable.
Je comprends l’objectif d’une telle mesure, qui vise à lutter contre le ruissellement urbain dont on sait qu’il contribue à une saturation rapide du réseau d’évacuation des eaux. Toutefois, le dispositif proposé n’est pas satisfaisant : aucune réflexion préalable sur le coût d’une telle obligation – vous avez vous-même, madame Lipietz, parlé d’un surcoût non négligeable – qui serait probablement important pour les entreprises, surtout dans une période difficile, ou sur le délai d’entrée en vigueur de cette mesure n’a été menée.
En conséquence, la commission ne peut qu’être défavorable à votre amendement, même si le problème que vous soulevez est réel.
Le Gouvernement, au cours de la discussion de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi ALUR », avait déjà émis un avis défavorable sur cet amendement. Vous comprendrez donc que son avis reste inchangé.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 9, présenté par Mme Lipietz, M. Dantec et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 111-1 du code de la voirie routière est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est complété par les mots : « notamment en matière d’écoulement naturel des eaux de pluie » ;
2° La première phrase du troisième alinéa est complétée par les mots : « notamment en matière d’écoulement naturel des eaux de pluie ».
La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Cet amendement vise à modifier le code de la voirie routière, afin que les collectivités engagent une réflexion. Il n’en résultera, à ce stade, aucun coût puisqu’il s’agit uniquement, au travers de la modification de l’article L. 111–1 du code de la voirie routière, de changer les modalités de réflexion en matière d’écoulement naturel des eaux de pluie. L’idée qui sous-tend cet amendement est la même que dans l’amendement n° 7, qui a été précédemment adopté.
Cet amendement vise à préciser que l’État et les collectivités doivent veiller à la diffusion, à la recherche et à la mise en œuvre de dispositifs d’écoulement naturel des eaux, là encore pour limiter le ruissellement.
Il serait intéressant de connaître la position du Gouvernement sur la portée normative concrète d’un tel amendement. Toutefois, dans la mesure où nous en partageons l’objectif, la commission y est favorable.
L’objet de cet amendement est intéressant. Toutefois, il risque de complexifier le droit existant. Même s’il n’est malheureusement pas suffisamment respecté, le droit de l’urbanisme prévoit depuis longtemps, pour chaque construction, des dispositions concernant les eaux pluviales : faut-il ou non détourner le ruissellement, vers où doit-on le réorienter, etc. ?
Je le répète, votre amendement, madame la sénatrice, aboutirait à complexifier le droit en vigueur, qui n’a peut-être pas été assez souvent respecté, en particulier sur des opérations d’urbanisme importantes où on a oublié de vérifier l’existence du plan de ruissellement des eaux pluviales, pourtant obligatoire.
L’objectif que vous visez est donc d’ores et déjà satisfait. J’ajoute qu’il serait intéressant que tout le monde satisfasse au droit.
Si j’ai bien compris, il s’agit simplement d’intégrer dans la réflexion de l’État et des collectivités territoriales qui ont la responsabilité des routes, le problème du ruissellement. Il n’y a aucun impératif pratique. Cela ne me paraît pas une mauvaise idée.
La principale critique que l’on pourrait faire à cet amendement, c’est de ne former qu’un vœu pieux. Mais on ne peut le rejeter au motif que le droit existant prévoit déjà une telle disposition, qui joue pour toutes les constructions. Il me semble qu’en matière de réfection et d’entretien des routes, que celles-ci relèvent de l’État – il n’y en a pas beaucoup – ou des départements, ce n’est pas une mauvaise idée.
Personnellement, je voterai cet amendement.
Comme je l’ai déjà dit, au détour des amendements, on complexifie, on crée de la norme, on rend les choses beaucoup plus difficiles.
Plusieurs dispositions du code de l’environnement permettent la gestion globale des eaux pluviales sur les plans qualitatif et quantitatif. En particulier, tout projet de voirie est soumis au régime de la loi sur l’eau et doit dès lors répondre aux objectifs de la bonne gestion des eaux pluviales. Tel est le droit en vigueur.
Monsieur Collombat, vous nous dites que cet amendement est un vœu pieux et que, pour cette raison, vous allez le voter. Je vous réponds que, si vous le votez, ce vœu pieux deviendra du droit.
Vous ajouterez donc de la norme à la norme.
J’ai été convaincu par l’explication de texte de Mme la ministre.
La démarche de Mme Lipietz figurera dans nos débats parlementaires. Nous pourrons donc l’approfondir, demander à aller plus loin si nécessaire. Si, à l’avenir, le juge a besoin de renseignements complémentaires, il pourra également se reporter à nos travaux.
Nous avons bien compris quelle était la démarche poursuivie. Nous voulons bien essayer de ne pas oublier cette disposition, mais, puisqu’elle figure déjà dans notre droit, évitons de surcharger les textes ! Nous nous plaignons déjà suffisamment du millefeuille normatif.
Nous nous plaignons tous des lourdeurs et du surcroît de normes. Pourtant, nous finissons toujours par ajouter de nouvelles dispositions, au motif qu’elles peuvent être utiles. Or leur interprétation aboutit parfois à créer des obligations supplémentaires pour les collectivités.
Il suffit quelquefois d’un simple bassin de stockage de l’eau pour prévenir une inondation. Mais avec la loi sur l’eau et toutes les autres normes, cela prend trois à cinq ans pour régler le problème.
À la première inondation, les personnes qui ont les pieds dans l’eau vous accueillent comme un sauveur. La deuxième fois, ils commencent à vous regarder de travers. Au bout de trois ou quatre ans, ils se demandent ce que vous venez faire, car ils vous considèrent comme un bon à rien…
À force d’ajouter des normes, on finit par compliquer les choses, alors que nous souhaitons simplifier. Nous devons être raisonnables. Je ne voterai donc pas cet amendement.
Nous sommes moins confrontés à ce problème à Paris, où il est plutôt bien géré.
J’ai écouté avec grande attention Mme la ministre, que je ne connaissais pas. Ses propos me semblent empreints d’une grande sagesse. Si j’ai bien compris, cet amendement tend à insérer une disposition sur l’écoulement des eaux pluviales, alors qu’il existe dans un autre code une disposition similaire qui n’est pas vraiment appliquée.
Pourquoi ajouter une disposition qui ne fera qu’alourdir les choses ? Peut-être par volonté pédagogique ?
Sourires.
Puisque la disposition n’est pas appliquée, alors même qu’elle figure déjà dans un texte, il n’est peut-être pas inutile de l’inscrire à nouveau. Je voterai donc cet amendement.
La commission du développement durable a longuement débattu de cette idée, qui est intéressante. Néanmoins, elle n’a pas voulu rajouter une norme supplémentaire. Elle a donc émis un avis de sagesse, en attendant de connaître l’avis du Gouvernement.
Mme la ministre ayant émis un avis défavorable sur cet amendement, le groupe socialiste ne le votera pas.
Mes chers collègues, je voudrais essayer de vous convaincre.
On ne peut pas dire, comme c'est le cas depuis le début de la discussion, que nous sommes favorables à la prévention si, dès qu’on met en avant un élément de prévention qui ne mange pas de pain, on nous rétorque qu’il s’agit d’une norme supplémentaire. Mais ce n’est pas de cela qu’il est question !
Aux termes de l’article L. 111-1 du code de la voirie routière, « l’État veille à la cohérence et à l’efficacité du réseau routier dans son ensemble ; il veille en particulier à la sécurité, » – alors que le rôle de l’État est de veiller à la sécurité, vous avez estimé que cette formulation n’était pas redondante, et vous l’avez laissée – « à la cohérence de l’exploitation et de l’information des usagers, à la connaissance statistique des réseaux et des trafics ainsi qu’au maintien, au développement et à la diffusion des règles de l’art ». Par mon amendement, je demande simplement que cet alinéa soit complété par la formulation : « notamment en matière d’écoulement naturel des eaux de pluie ».
Il arrive que des zones soient touchées trois ou quatre années de suite par des inondations. Cela signifie donc que les règles de l’art, notamment en matière d’écoulement naturel des eaux de pluie, n’ont pas été respectées.
Je propose d’insérer la même précision dans le troisième alinéa de cet article, aux termes duquel « sur les réseaux relevant de leur compétence, les collectivités territoriales et leurs groupements définissent conjointement avec l’État les programmes de recherche et de développement des savoir-faire techniques ».
Ce n’est donc pas une nouvelle norme qui s’impose aux collectivités. Le jour où les programmes de recherche et de développement techniques, notamment en matière d’écoulement naturel des eaux de pluie, seront au point, nous pourrons alors envisager d’avoir de nouvelles normes. En attendant, mon amendement n’en crée aucune.
J’ajoute qu’il faut très certainement revoir, ce que l’adoption de mon amendement permettrait, la formation des ingénieurs des ponts et chaussées – j’en connais quelques-uns personnellement – et des techniciens des routes, pour qu’ils acquièrent cet automatisme de prévention.
Je vous renvoie à l’article R. 214-3 du code de l’environnement, à la rubrique « eaux pluviales ». Cette disposition existe bien !
Je vous rappelle qu’un certain nombre de grandes surfaces commerciales ont d’ailleurs été obligées, après avoir imperméabilisé des surfaces pour créer des parkings, soit de refaire les travaux, soit de créer des bassins de rétention et d’épurer les eaux.
Cette disposition est d’application « bouillante », si vous me passez l’expression, pour certaines installations ne respectant pas les dispositions de l’article que je viens de mentionner s’agissant en particulier du ruissellement des eaux.
Je suis étonnée d’entendre qu’il faudrait ajouter des dispositions législatives. Mieux vaudrait faire appliquer les textes existants. Nous devons d’ailleurs être vigilants sur ce point.
Je l’ai dit à l’époque de la mission d’information sur Xynthia, si les lois avaient été appliquées, les conséquences de la submersion marine n’auraient pas été aussi graves.
Ce n’est pas toujours en ajoutant des obligations qu’on règle le problème. Faisons en sorte que l’appropriation des textes par les élus qui sont sur le terrain soit bien plus large que ce n’est le cas aujourd’hui !
Je partage les propos de Virginie Klès. Je me bats aussi pour que la population s’approprie la réglementation. Avec notre association d’élus, nous avons fait cette année encore, comme tous les ans, un partage de connaissances sur ces sujets, car cela nous semble absolument indispensable. C'est notre rôle !
Certains textes sont enfouis, on ne les lit plus, et on finit par ajouter de nouvelles règles. Voilà pourquoi j’approuve les propos de Mme la ministre.
Je voudrais appuyer les propos de Mme Beaufils. Il faut bien avoir conscience que si l’on vote cet amendement, les mêmes dispositions pourront exister dans deux codes, sous des formes différentes, et être appliquées différemment.
Lorsqu’on voudra les modifier, il faudra se rappeler qu’elles figurent dans les deux codes, avec des rédactions distinctes. On risque d’être confronté, à la longue, à des interprétations contradictoires de ces deux textes, qui finiraient par devenir totalement inapplicables.
Il est inutilement complexe, et même dangereux, d’écrire la même chose dans deux codes. Puisque la disposition existe déjà, il faut s’en tenir là.
L'amendement n'est pas adopté.
Mes chers collègues, je vous rappelle que les propositions de loi présentées respectivement par M. Pierre-Yves Collombat et M. Jacques Mézard ont été inscrites par la conférence des présidents à l’ordre du jour de notre assemblée pour une durée totale de quatre heures. Je serai donc contraint de lever la séance à minuit trente.
Si l’examen de l’une de ces propositions de loi n’est pas achevé d’ici à la fin de la séance, il reviendra à une prochaine conférence des présidents de l’inscrire à l’ordre du jour de nos travaux.
CHAPITRE II
Dispositions relatives à la gestion de la crise, à la réhabilitation et à l’indemnisation
La troisième phrase de l’article L. 742-2 du code de la sécurité intérieure est remplacée par trois phrases ainsi rédigées :
« Il assure la direction des opérations de secours en contact régulier avec les maires des communes intéressées, si les moyens de communication le permettent. Les maires sont tenus régulièrement informés de l’évolution de la situation. Ils sont obligatoirement membres des cellules de crise quand leurs communes sont directement concernées et que lesdites cellules sont constituées. » –
Adopté.
L’article L. 724-1 du code de la sécurité intérieure est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Elles peuvent participer à des actions au-delà des limites de leur commune dès lors que les maires des communes concernées par l’intervention ont donné leur accord écrit. »
L'amendement n° 3, présenté par M. Collombat, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 724-1 du code de la sécurité intérieure est ainsi rédigé :
« Art. L. 724-1. – Les réserves communales de sécurité civile concourent avec les services en charge de la sécurité civile au soutien et à l'assistance des populations, à l'appui logistique, au rétablissement des activités ainsi qu’à la préparation de celles-ci face aux risques.
« Elles peuvent participer à des actions au-delà des limites de leur commune dès lors que les maires des communes concernées par l’intervention ont donné leur accord écrit. »
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
Dans la rédaction actuelle du code de la sécurité intérieure, « les réserves communales de sécurité civile ont pour objet d'appuyer les services concourant à la sécurité civile ».
La nouvelle rédaction que je propose est conforme aux conclusions de notre rapport. Elle tend à assurer une meilleure implication des réserves de sécurité civile à la fois au moment de la crise et à titre préventif, comme relais avec les populations pour développer une culture du risque.
On l’a bien vu dans le Var, les services sont « préfecto-centrés ». Tout part du préfet, tout est organisé par lui. Mais lorsqu’il n’y a plus de communication, comme cela a été le cas en juin 2010 dans ce département, chacun doit se débrouiller dans son coin ! On était bien content d’avoir les comités communaux feux de forêts et les réserves communales de sécurité civile pour faire le travail et réconforter la population.
L’idée qui sous-tend mon amendement est d’associer davantage ces réserves communales. En revanche, je souhaite modifier la rédaction initiale de cet article de ma proposition de loi pour que, lorsqu’elles participent, ce qui est nouveau, à des actions au-delà des limites de leur commune, les maires donnent leur accord, qui pourrait d’ailleurs très bien ne pas être écrit. Dans ce cas, elles sont sous la responsabilité et la direction du préfet.
Monsieur le président, nous avons bien entendu votre appel. Le maître des temps nous a indiqué que la séance devait être levée à minuit trente, nous allons donc faire simple : la commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement, auquel, personnellement, je suis favorable.
Le Gouvernement estime que la rédaction de l’article 10 telle qu’elle est issue des travaux de votre commission est satisfaisante. Il semble en effet préférable de conserver, comme l’a fait la commission, l’architecture actuelle de l’article L. 724-1 du code de la sécurité intérieure.
Par ailleurs, l’efficacité de la gestion de crise peut justifier de se passer d’un accord écrit.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, il y sera défavorable.
Le mot « écrit » relève effectivement d’une exigence quelque peu excessive. Mais on dit qu’il faut changer les choses, alors qu’en réalité on les maintient en l’état. Les préfets vont continuer à tout faire !
Actuellement, les réserves communales de sécurité civile sont chargées d’appuyer les services ; elles ne sont pas des acteurs à part entière du dispositif. Quand les services officiels sont absents en raison d’une catastrophe, elles doivent se débrouiller seules.
On s’obstine – nous le verrons également sur la question des assurances – à dire que la situation actuelle est satisfaisante. Gardons ! Conservons ! Nous disons, nous, que tout ne va pas bien. Si l’on arrive à mieux associer la population de manière préventive et au moment de la crise, via les réserves communales de sécurité civile, pourquoi s’en priver ? Parce qu’on a peur de ce qui va se passer ?
Non, tout ne marche pas très bien ! Non, les services ne sont pas extrêmement performants dans toutes les situations ! Dans ces conditions, je maintiens l’amendement. Cela dit, je le rectifie en supprimant le mot « écrit ».
Je suis donc saisi d’un amendement n° 3 rectifié, présenté par M. Collombat, et ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 724-1 du code de la sécurité intérieure est ainsi rédigé :
« Art. L. 724-1 . – Les réserves communales de sécurité civile concourent avec les services en charge de la sécurité civile au soutien et à l'assistance des populations, à l'appui logistique, au rétablissement des activités ainsi qu’à la préparation de celles-ci face aux risques.
« Elles peuvent participer à des actions au-delà des limites de leur commune dès lors que les maires des communes concernées par l’intervention ont donné leur accord. »
Quel est l’avis de la commission sur cet amendement rectifié ?
L'amendement est adopté.
La première phrase du quatrième alinéa de l’article L. 125-1 du code des assurances est ainsi rédigée :
« En cas de survenance d’événements climatiques ou géologiques présentant un caractère irrésistible, l’état de catastrophe naturelle peut, après avis d’une commission permanente dont la composition, précisée par décret, comprend des représentants des collectivités territoriales, des représentants d’entreprises d’assurances et des personnalités qualifiées, être constaté par un arrêté interministériel qui détermine les zones et les périodes où s’est située la catastrophe ainsi que la nature des dommages résultant de celle-ci couverts par la garantie visée au premier alinéa du présent article. »
L'article 11 est adopté.
Le titre IV du livre VII du code de la sécurité intérieure est complété par un chapitre III ainsi rédigé :
« Chapitre III
« Gestion de l’immédiat après-crise
« Art. L. 743-1 . – Après une inondation d’ampleur exceptionnelle, le représentant de l’État dans le département met en place, dans les meilleurs délais, une commission de suivi des opérations de reconstruction, de réhabilitation et d’indemnisation dont il fixe l’effectif. Il en assure la présidence. Cette commission est composée des élus, des services de l’État et des institutions financières concernés, de représentants des personnes sinistrées, des entreprises d’assurance et des médiateurs des assurances ainsi que des organismes consulaires.
« Sur convocation régulière de son président, elle fait le point sur les problèmes en cours, l’état d’avancement des solutions mises en œuvre, les difficultés rencontrées et les moyens envisagés pour les résoudre jusqu’à ce que la majorité de ses membres constate l’achèvement de sa mission. »
Je suis très satisfait que cet article relatif à la gestion de l’immédiat après-crise ait été retenu par la commission : ses dispositions répondent à une demande unanime de toutes les personnes que nous avons rencontrées.
Dans la semaine, voire les quinze jours qui suivent la catastrophe, tout le monde est mobilisé, les choses vont le plus vite possible et chacun fait ce qu’il peut. Mais, comme chacun le sait, plus le temps passe, plus la gestion de la crise devient difficile… Dans ces conditions, la création d’une commission de suivi des opérations de reconstruction, de réhabilitation et d’indemnisation qui se réunira régulièrement est de nature à améliorer les choses.
L'article 12 est adopté.
(Supprimés)
Le III de l’article L. 1615-6 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « reconnues par décret » sont supprimés ;
2° Le deuxième alinéa est supprimé.
Je souhaite expliquer brièvement en quoi consiste cet article, rédigé dans le patois des bureaux.
Il s’agit de pouvoir récupérer la TVA sur les travaux réalisés à la suite de la catastrophe dans l’année. Cette disposition peut être utile, car, actuellement, la possibilité de récupérer la TVA existe déjà, mais il faut un décret. Or il arrive que ce décret ne soit publié que des mois plus tard, ce qui crée des problèmes budgétaires.
L'article 15 est adopté.
(Supprimé)
L'amendement n° 4, présenté par M. Collombat, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Peuvent être négociés sans publicité préalable et sans mise en concurrence, les marchés publics et les accords-cadres conclus pour faire face à une urgence impérieuse résultant de circonstances imprévisibles pour le pouvoir adjudicateur et n’étant pas de son fait, et dont les conditions de passation ne sont pas compatibles avec les délais exigés par les procédures d’appel d’offres ou de marchés négociés avec publicité et mise en concurrence préalable, et notamment, les marchés conclus pour faire face à des situations d’urgence impérieuse liées à une catastrophe naturelle.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
Je me heurte à forte partie puisque j’ai contre moi non seulement Bercy, mais aussi les assurances. Autant vous dire, mes chers collègues, que mes chances de succès sont minces… D'ailleurs, l’article 16 a été supprimé en commission.
Cet article visait à faciliter les opérations de sécurisation et de remise en état d’urgence après la catastrophe, sans avoir à mettre en place toute l’artillerie censée protéger la concurrence libre et non faussée. Pour ma part, je préférerais que l’on puisse engager le plus vite possible les travaux directement liés à la remise en état.
La commission du développement durable n’a pas supprimé l’article 16 parce qu’elle conteste le bien-fondé de cette dérogation au code des marchés publics. Celle-ci est, au contraire, très utile pour permettre aux collectivités territoriales de procéder, au plus vite, aux réparations les plus urgentes après une inondation, sans qu’elles soient retardées par les délais des procédures ordinaires.
Cher Pierre-Yves Collombat, cette dérogation est tellement opportune, au vu des circonstances, qu’elle est déjà prévue par l’article 35 du code des marchés publics, lequel est de nature entièrement réglementaire. Le rétablissement de l’article 16 n’apporterait donc rien au fond du droit existant. Son seul effet juridique serait de donner une valeur législative à des dispositions actuellement de valeur réglementaire. Dans ces conditions, l’adoption de l’amendement ne présenterait pas d’intérêt particulier et risquerait de poser un problème de cohérence en conférant une valeur législative à une disposition isolée du code des marchés publics.
Permettez-moi de vous lire un extrait de l’article 35 de ce code : « Peuvent être négociés sans publicité préalable et sans mise en concurrence […] les marchés et les accords-cadres conclus pour faire face à une urgence impérieuse résultant de circonstances imprévisibles pour le pouvoir adjudicateur et n’étant pas de son fait, et dont les conditions de passation ne sont pas compatibles avec les délais exigés par les procédures d’appel d’offres ou de marchés négociés avec publicité et mise en concurrence préalable, et notamment les marchés conclus pour faire face à des situations d’urgence impérieuse liées à une catastrophe technologique ou naturelle ». Tout est dit !
L’avis du Gouvernement est également défavorable, pour les motifs que le rapporteur vient si bien d’exposer.
L'amendement n'est pas adopté.
(Supprimé)
L'amendement n° 5, présenté par M. Collombat, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après le titre Ier du livre II du code des assurances, il est inséré un titre Ier bis ainsi rédigé :
« TITRE IER BIS
« L’ASSURANCE HABITATION
« CHAPITRE UNIQUE
« Art. L. 214-2 . – Toute personne physique ou morale autre que l’État, propriétaire d’un local à usage d’habitation, doit être couverte par une assurance garantissant au minimum le risque d’incendie ainsi que le risque résultant d’un dégât des eaux, pour ledit local, ses dépendances et les objets mobiliers présents à l’intérieur.
« Art. L. 214-3 . – Toute personne physique ou toute personne morale autre que l’État est obligée de s’assurer contre les risques de responsabilité civile dont elle doit répondre en sa qualité de propriétaire, de locataire ou d’occupant d’un local à usage d’habitation.
« Art. L. 214-4 . – I. – Toute personne mentionnée aux articles L. 214-2 et L. 214-3 qui, ayant sollicité la souscription d'un contrat auprès d'une entreprise d'assurance couvrant en France les risques visés auxdits articles, se voit opposer un refus, peut saisir un bureau central de tarification dont les conditions de constitution et les règles de fonctionnement sont fixées par décret en Conseil d'État.
« II. – Le bureau central de tarification a pour rôle exclusif de fixer le montant de la prime moyennant laquelle l'entreprise d'assurance intéressée est tenue de garantir le risque qui lui a été proposé. Il peut, dans les conditions fixées par le décret en Conseil d'État susmentionné, déterminer le montant d'une franchise qui reste à la charge de l'assuré.
« III. – Est nulle toute clause des traités de réassurance tendant à exclure certains risques de la garantie de réassurance en raison de la tarification adoptée par le bureau central de tarification.
« IV. – Toute entreprise d'assurance qui couvre le risque de responsabilité civile mentionné au premier alinéa qui maintient son refus de garantir le risque, dont la prime a été fixée par le bureau central de tarification, est considérée comme ne fonctionnant plus conformément à la réglementation en vigueur. Elle encourt, selon le cas, soit le retrait des agréments prévus aux articles L. 321-1, L. 321-7, L. 321-8 ou L. 321-9, soit les sanctions prévues aux articles L. 351-7, L. 351-8 et L. 363-4. »
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
Il s’agit simplement de généraliser, donc de rendre obligatoire, y compris pour les propriétaires de locaux à usage d’habitation, ce qui n’est pas le cas actuellement, une assurance qui les couvre en cas de catastrophes naturelles.
On m’a expliqué tout à l'heure qu’une telle disposition est contraire aux exigences de Bruxelles…
… ou à que sais-je encore. Cela ne m’a pas du tout convaincu !
Une telle mesure pourrait être utile pour les propriétaires d’un bâtiment qui, par suite d’une catastrophe naturelle, s’écroule et porte atteinte au bien d’autrui.
Il est vrai que, sur le plan pratique, assurer 2 % de personnes en plus ne changera pas grand-chose. Mais, sur le plan des principes, si on part de l’idée, qui sous-tend le rapport, que la solidarité doit être organisée au niveau des territoires, alors tout le monde doit contribuer. En effet, si des travaux sont réalisés pour aménager le territoire, il n’y a pas de raison que l’ensemble des personnes qui en bénéficieront ne participent pas à cet effort collectif.
Je le répète, cela ne changera pas grand-chose sur le plan pratique, mais je constate quand même encore une fois que bouger une virgule dans le domaine des assurances, c’est plus que déplacer le ciel ! Nous en verrons d’autres exemples tout à l'heure.
Je ne suis pas sûr de pouvoir suivre l’auteur de la proposition de loi sur ce point.
Pierre-Yves Collombat nous dit qu’il prend une position de principe. Il a rappelé, à juste raison, ce à quoi avait conclu le rapport de la mission présidée par Louis Nègre.
Sauf que, après les auditions, on s’est rendu compte que, sur le plan pratique, une telle mesure serait sans effet, qu’il faudrait installer une administration supplémentaire pour contrôler la couverture des 2 % de propriétaires récalcitrants et qu’en dépit de ce contrôle le nombre de ces derniers ne baisserait pas. Au final, on alourdirait le système de manière significative, sans obtenir le résultat recherché.
En conséquence, l’avis de la commission est défavorable.
À notre connaissance, ce n’est même pas 2 % de la population qui, pour un tas de raisons, n’a pas souscrit cette assurance, mais seulement 0, 6 %. Au demeurant, il existe déjà une section catastrophe naturelle permettant de fournir une assurance multirisque habitation aux personnes désireuses de s’assurer contre les risques de catastrophe naturelle et qui ne trouveraient pas d’offre sur le marché.
Je ne vois donc pas ce qu’apporterait l’adoption de cet amendement, qui créerait une norme supplémentaire, dont il faudra contrôler le respect, alors qu’elle ne concernerait que 0, 6 % des propriétaires, et que l’offre existe déjà. Dans ces conditions, l’avis du Gouvernement est très défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
I. – L’article L. 125-2 du code des assurances est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités selon lesquelles cette clause comporte une règle de réduction de la prime, conformément au quatrième alinéa de l’article L. 113-4, en fonction des mesures de prévention prises par les assurés pour renforcer leur propre protection. » ;
2° Après la troisième phrase du quatrième alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Elles ne peuvent, en aucun cas, être modulées en fonction du fait qu’une commune est ou non dotée d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles pour le risque faisant l’objet d’un arrêté portant constatation de l’état de catastrophe naturelle ou du nombre de constatations intervenues pour le même risque sur le territoire de ladite commune au cours d’une période donnée. »
II. – À la seconde phrase du dernier alinéa de l’article L. 561-1 du code de l’environnement, les mots : « quatrième alinéa » sont remplacés par les mots : « cinquième alinéa ». –
Adopté.
I. – L’article L. 125-6 du code des assurances est ainsi modifié :
1° Les trois premiers alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les terrains situés dans des zones inconstructibles d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé ou appliqué par anticipation dans les conditions fixées au chapitre II du titre VI du livre V du code de l’environnement, l’assuré est déchu du bénéfice de la garantie contre les effets des catastrophes naturelles s’agissant de dommages causés à des biens mentionnés à l’article L. 125-1 par un phénomène sur lequel porte le plan, lorsque ces biens ont été construits postérieurement à la publication du plan, sans autorisation administrative de construire. » ;
2° Au quatrième alinéa, les mots : « deuxième alinéa » sont remplacés par les mots : « troisième alinéa ».
II. – L’article L. 194-1 du même code est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, les mots : «, à l’exception du quatrième alinéa de l’article L. 125-6 et sous réserve des adaptations suivantes » sont supprimés ;
2° Les troisième à cinquième alinéas sont supprimés. –
Adopté.
Après le deuxième alinéa du I de l’article L. 750-1-1 du code de commerce, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’en application du premier alinéa, les concours sont apportés pour faciliter le retour à une activité normale à la suite de circonstances exceptionnelles susceptibles de provoquer une atteinte grave au tissu commercial de proximité, les aides financières prennent en compte le montant des franchises retenu par les entreprises d’assurance conformément aux dispositions du cinquième alinéa de l’article L. 125-2 du code des assurances. » –
Adopté.
(Supprimé)
L'amendement n° 6, présenté par M. Collombat, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le premier alinéa de l’article L. 125-5 du code des assurances est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 125-5 . – Lorsqu’une partie des biens outre ceux réservés à l’habitation, d’une exploitation agricole, bénéficie des garanties prévues à l’article L. 125-1, les dégâts causés aux récoltes non engrangées, aux cultures, aux sols et au cheptel vif hors bâtiment, peuvent bénéficier de la clause prévue à l’article L. 125-2.
« Les contrats d’assurance garantissant ces dommages peuvent être soumis au versement de la prime ou cotisation additionnelle. »
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
Sans aller jusqu’à dire que cet amendement est un cri de détresse, il vise à apporter une solution à un problème qui nous a été signalé : celui de l’articulation qui peut parfois se poser entre, d’une part, l’indemnisation au titre des catastrophes naturelles et, d’autre part, l’indemnisation au titre des calamités agricoles.
En particulier, un agriculteur pourra être indemnisé – s’il est assuré, bien évidemment – au titre des catastrophes naturelles pour les productions qui se trouvent à l’intérieur de ses bâtiments et au titre des calamités agricoles pour ce qui est à l’extérieur. Il en résulte des retards, entre autres difficultés, et, au final, un sacré méli-mélo.
Nos interlocuteurs ont reconnu l’existence de ce problème, mais nous ont assuré qu’une réflexion était en cours. Si Mme la ministre s’engage à nous proposer une solution, dans le cadre de la navette, d’ici à la deuxième lecture – il paraît qu’un groupe de travail réfléchit à ce sujet –, je veux bien retirer mon amendement, dont la rédaction, j’en ai bien conscience, est loin d’être parfaite, pose des problèmes et ne mérite pas que je me fasse couper la tête.
Cela dit, il faut répondre aux attentes des agriculteurs, qui peuvent se retrouver dans une situation vraiment dramatique.
Monsieur Collombat, je m’engage à ce que nous trouvions une solution. D'ailleurs, le travail est déjà en cours.
Dès lors, je vous invite à retirer votre amendement, dont la rédaction ne convient pas.
Les éventuelles conséquences financières résultant pour les collectivités territoriales de la présente proposition de loi sont compensées à due concurrence par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
La perte de recettes résultant pour l’État du premier alinéa est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts –
Adopté.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
Nous avons fait un travail utile puisqu’un certain nombre de propositions figurant dans notre rapport ont été retenues. J’ai quand même un énorme regret, c'est que nous n’ayons pas progressé sur les PPRI, qui restent une pierre d'achoppement.
Si la prévention se limite à interdire des constructions, même si l'on nous dit qu’il n’en est rien et que des aménagements sont prévus, on continuera à avoir une gestion chaotique et conflictuelle des PPRI. Il est normal que la dimension « aménagement » ou « urbanisme » conduise, dans certains cas, jusqu'à l'interdiction formelle, mais à condition que les règles soient claires. En particulier, il serait bon de savoir comment les risques sont mesurés, afin de pouvoir bâtir une stratégie non seulement d'interdiction, mais aussi de reconstruction et d'investissement. On en aura les moyens si cette politique est portée par les intercommunalités et que sa mise au point s'effectue dans le cadre des syndicats mixtes.
Les PPRI doivent évoluer, afin d’encourager les collectivités territoriales à investir et à développer la culture du risque et les populations à prendre en charge leurs lieux de résidence et à en améliorer la sécurité.
À ce regret près, je remercie les membres de la commission du développement durable de m’avoir suivi, en particulier le rapporteur, avec qui j’ai cheminé – pas sur les eaux, mais à côté – pendant deux ans.
Madame la ministre, je le répète, il est essentiel que nous puissions compter sur vous à l’Assemblée nationale, afin que cet ensemble cohérent perdure. À partir de là, nous pourrons engager une action dans la durée, ce qui nous permettra d'affronter les événements qui ne manqueront pas de survenir. Nul besoin d’être Nostradamus pour le prédire !
Les conséquences des inondations qui reviennent régulièrement – certaines d’entre elles ont été évoquées, mais la liste est longue – sont souvent humainement et économiquement dramatiques.
Le groupe UMP votera donc ce texte, qui comporte des avancées significatives tant en termes de prévention que de traitement et de réparation. Nous remercions Pierre-Yves Collombat et ses collègues du groupe du RDSE d’avoir présenté cette proposition de loi, ainsi que Louis Nègre, aujourd'hui rapporteur, qui s'est fortement investi, comme tout le monde l’a reconnu. Je rappelle qu’il était président de la mission d’information qui a travaillé sur cette question en amont et dont le rapport a été beaucoup cité.
Il faut avoir été confronté à ces situations pour comprendre à quel point nos concitoyens sont sensibles aux inondations qui surviennent à répétition. Cela m'est arrivé à plusieurs reprises.
Madame le ministre, on a beaucoup parlé de prévention, mais c’est un sujet sur lequel il faudra revenir. Pour les rivières, par exemple, ce sont normalement les riverains qui sont chargés de l’entretien. Certains le peuvent, d'autres non. Or quand les branchages n’ont pas été enlevés, cela peut avoir des conséquences importantes.
Quand on songe également aux incendies dans le Sud, on se dit que si, comme par le passé, les forêts étaient entretenues – c’était notamment le cas grâce aux bergers –, bien des problèmes seraient réglés. Il y va de même pour les avalanches.
Je pense qu’il faut mettre à profit la navette pour réfléchir au moyen d’améliorer la prévention.
Après le vote de l’article 35 B du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, qui crée une compétence en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, cette proposition de loi est un ajout positif.
Comme nous l'avons déjà indiqué, le groupe socialiste votera ce texte, car il renforce la participation des élus dans le processus de décision concernant la déclaration de catastrophe naturelle, qui enclenche l'indemnisation, dans le suivi des opérations post-inondations et parce qu’il permet une indemnisation plus rapide et plus juste des collectivités locales et des personnes sinistrées.
Je voudrais moi aussi adresser des remerciements à l'auteur de la proposition de loi et à son rapporteur. Il s'agit d'une œuvre au long cours, depuis la mission commune d’information sur les inondations dans le Sud-Est et dans le Var.
M. Louis Nègre, rapporteur. À l'évidence un consensus très large se dégage sur cette proposition de loi, qui va faire bouger les lignes, qui va bousculer le droit établi. Je tiens tout particulièrement à remercier son auteur pour sa ténacité, sa volonté et, bien que cela puisse surprendre, sa sagesse puisqu’il a retiré un amendement.
Sourires.
Je veux dire la chance que j’ai eue de travailler avec Pierre-Yves Collombat ; je m'en félicite tous les jours. Même s'il n’a pas obtenu totalement satisfaction, je tiens à le rassurer : le Gouvernement s’est engagé à aller encore plus loin que ce que nous avions prévu pour associer les élus locaux aux PPRI. Cette demande forte représentera une avancée de ce texte.
Voilà une batterie de mesures pour mieux protéger les populations et éviter la destruction de biens. Nous l’avons vu sur le terrain, à cause d'inondations récurrentes, des entreprises sont restées fermées pendant des mois et des centaines de salariés n’ont pas pu reprendre leur travail. Pourtant, on savait que les inondations se produisaient aux mêmes endroits au XIXe siècle !
Il est de notre devoir de nous occuper des problèmes du quotidien, qui sont des problèmes graves pour l'économie de notre pays et pour la vie de nos concitoyens. C'est l'honneur du Sénat de montrer que, avec une proposition de loi du groupe du RDSE rapportée par un sénateur du groupe UMP, il sait travailler en bonne intelligence pour l'intérêt général !
Applaudissements sur les travées de l'UMP, du RDSE et du groupe écologiste.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
La proposition de loi est adoptée.
Il reste six minutes avant que je ne lève la séance. J’ose à peine vous interroger, monsieur Mézard…
M. Jacques Mézard . Le sourire narquois de Pierre-Yves Collombat est regrettable
Sourires.
Sourires.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 21 novembre 2013 :
À neuf heures trente :
1. Projet de loi autorisant la ratification de l’accord relatif à une juridiction unifiée du brevet (Procédure accélérée) (n° 97, 2013-2014) ;
Rapport de M. Jacques Berthou, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 141, 2013-2014) ;
Texte de la commission (n° 142, 2013-2014).
2. Conclusions des commissions mixtes paritaires sur le projet de loi organique et sur le projet de loi portant application de l’article 11 de la Constitution ;
Rapport de M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour le Sénat (n° 110, 2013-2014) ;
Textes de la commission (nos 111 et 112, 2013-2014).
À onze heures :
3. Projet de loi de finances pour 2014 (n° 155, 2013-2014) ;
Rapport de M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances (n° 156, 2013-2014).
-Discussion générale.
De quinze heures à quinze heures quarante-cinq :
4. Questions cribles thématiques sur la sécurité : les chiffres de la délinquance.
À seize heures et, éventuellement, le soir :
5. Suite de l’ordre du jour du matin.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le jeudi 21 novembre 2013, à zéro heure vingt-cinq.