L’une des conclusions de la mission commune d’information sénatoriale sur les inondations qui se sont produites dans le Var et plus généralement dans le sud-est de la France est qu’il faut changer la conception des PPRI. Or la commission du développement durable a lyophilisé mon texte. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement visant à rétablir la rédaction initiale.
Même si c’est un peu long, je veux vous lire ce qui est écrit à la page 263 du rapport intitulé Se donner les moyens de ses ambitions : « Le caractère antagonistique des relations État/élus, voire État/une partie de la population lors de l’élaboration des PPRI est une constante, plus ou moins affirmée certes, mais une constante. » – notre collègue Fournier l’a rappelé – « Cette opposition porte tantôt sur le principe du PPRI, tantôt sur les modalités d’application de celui-ci. En réalité, sous couvert de discussions techniques, ce sont généralement deux objectifs politiques qui s’affrontent : un objectif de protection maximale, porté par les services de l’État – au nom de leur interprétation de la loi, ce qui est dans leur rôle, voire de principes transcendants, ce qui l’est moins – contre un objectif de développement ou d’intérêt local, défendu par les élus.
« Cette opposition trouve généralement sa résolution au terme d’un marchandage, ce qui conduit parfois à douter de la cohérence de l’action de l’État dès lors qu’on se risque à comparer le traitement réservé à chaque territoire.
« Le sentiment de la mission que la seule manière de sortir de cet affrontement qui mène à une impasse, c’est de poser le problème autrement, de le poser sous l’angle de l’aménagement du territoire et non plus du seul point de vue de la sécurité, la sécurité devenant l’une des conditions du développement, condition essentielle mais d’autant moins unique qu’elle ne saurait […] être absolue.
« Loin de favoriser cette approche, les modèles mathématiques utilisés par les bureaux d’études dans l’élaboration des PPRI, la rendent plus difficile, leurs présupposés n’étant jamais mis sur la table et encore moins présentés pour ce qu’ils sont, des choix humains, choix raisonnables sans doute, mais choix. Un tel usage non scientifique des modèles de simulation est non seulement un abus de pouvoir, une cause de blocages ultérieurs. Si ce n’était pas le cas pourquoi pourrait-on trouver avec eux, comme Tartuffe avec le ciel, des accommodements au terme d’un marchandage ? » Que marchande-t-on ? Des droits à construire contre des risques ! Quelle allure cela a-t-il ?
« Il conviendrait, comme le soulignait lors de son audition M. Paul-Henri Bourrelier, de se souvenir que les modèles sont relatifs et que leurs résultats dépendent largement des données introduites en amont. » Le problème est qu’on ne sait jamais quelles sont les données introduites en amont !
« Pour sortir de cette impasse, la mission s’est demandé comment faire évoluer l’élaboration des PPRI. Probablement en creusant la voie indiquée par Mme Stéphanie Bidault, délégué générale du CEPRI, lors de son audition qui faisait observer qu’un partenariat [entre État et collectivités territoriales] fonctionne mieux qu’une logique réglementaire descendante. »
La rédaction de l’article 7 que je propose répond à cette logique ainsi qu’à une forte attente des élus et de la population.
Premièrement, si les PPRN sont mis en application par l'État, qui garde le dernier mot, ils sont élaborés conjointement, c'est-à-dire dans le cadre d'un échange sur les modalités techniques d'élaboration des choix – d'où le décret en Conseil d’État –, ce qui n'a rien à voir avec les modalités actuelles d'association prévues à l'article L. 562-3 du code de l'environnement, qui se résument le plus souvent à une information sur les propositions des bureaux d'études missionnés et de l'administration qui les valide, le tout suivi du marchandage décrit plus haut. Je précise que le PPRI étant publié par arrêté préfectoral, la responsabilité des élus n’est pas plus engagée qu’aujourd'hui. L’objection qui m’a été faite au sujet de la responsabilité ne me paraît donc pas du tout pertinente.
Deuxièmement, les PPRN ne se limitent pas à affirmer une volonté générale aussi exigeante que vague de protection contre un risque, mais, sur le modèle des Pays-Bas, ils fixent le niveau de protection visé et les dispositifs à mettre en place pour assurer cette protection. C’est illusoire de penser que l’élaboration d’un plan d’urbanisme suffit à tout régler.
Troisièmement, si on admet que les PPRN définissent les règles de protection d’un territoire pour l’habiter en sécurité, il est logique que celles-ci puissent évoluer en fonction des efforts faits pour le sécuriser. Or, actuellement, l’élaboration d’un PPRN est si hasardeuse, si pénible, qu’une fois que la décision est arrêtée, personne n’a envie d’y revenir. Selon la doctrine officielle, les investissements qui peuvent être faits par les collectivités, produisant un faux sentiment de sécurité, sont dangereux ; voilà qui ne risque pas de stimuler l’initiative ! C’est à se demander pourquoi on dépense entre 250 et 350 millions d’euros par an pour assurer une protection active contre l’inondation.
Il ne faut donc pas s’étonner que notre système de prévention de l’inondation soit « autobloquant ». Comme l’a dit l’un de nos collègues, il est tout à fait essentiel de faire évoluer cette façon de pratiquer les PPRN. La rédaction retenue par la commission du développement durable est donc trop proche de la rédaction actuelle pour induire véritablement un changement d’attitude.