Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la commission mixte paritaire, qui s'est réunie le 25 janvier dernier au Sénat, est parvenue à un accord sur la rédaction du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
Cet accord couronne une navette parlementaire exemplaire, qui a permis d'enrichir le texte de façon considérable. Ainsi, il faut voir dans le nombre important d'articles qui restaient en discussion non pas la marque d'une divergence de vues entre les deux assemblées, comme auraient voulu le faire croire certains esprits chagrins, mais un témoignage des approfondissements successifs de notre réflexion sur le thème majeur de la citoyenneté des personnes handicapées.
En réalité, une dizaine de points seulement devaient être clarifiés, et encore faut-il préciser que la difficulté résidait davantage dans la formulation que dans l'esprit du texte.
Avant d'aborder les principales modifications adoptées par la commission mixte paritaire, je voudrais revenir sur les malentendus qui sont apparus et sur les mauvais procès qui ont été faits à notre assemblée ces dernières semaines.
Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de soins, le Sénat réclame une nouvelle législation sur la compensation du handicap. C'est la commission des affaires sociales du Sénat qui, la première, a évoqué l'idée même d'une prestation de compensation personnalisée, établie en fonction des besoins de la personne handicapée.
Au cours des lectures, des avancées majeures ont été obtenues dans cet hémicycle : l'ouverture, partielle mais immédiate, de la prestation de compensation aux enfants ; le mode très favorable de calcul des ressources pour évaluer le montant de la prestation ; la limitation du « reste à charge » de la personne handicapée ; la non récupération des sommes versées ; et la liste est encore longue.
Parallèlement, notre souci était de ne pas entretenir dans une illusion les personnes handicapées et leurs familles.
Notre approche s'est toujours voulue pragmatique, car nous avons conscience que ce n'est pas en renvoyant dos à dos personnes handicapées et personnes valides que nous ferons évoluer le regard que notre société porte sur le handicap.
J'en viens maintenant aux principales conclusions auxquelles a abouti la commission mixte paritaire.
En matière de représentation des personnes handicapées dans les instances qui les concernent, nous avons voulu le pluralisme des associations, notamment pour permettre une meilleure prise en compte des attentes des personnes handicapées qui souhaitent vivre à domicile. Mais il n'a jamais été question de renier l'héritage de l'histoire associative de notre pays.
La commission mixte paritaire s'est donc entendue sur le principe de la garantie d'une simple présence simultanée des associations participant à la gestion des établissements médicosociaux et des associations n'y participant pas.
En ce qui concerne la prestation de compensation, il nous a paru fondamental de garantir aux personnes les plus lourdement handicapées une assistance vingt-quatre heures sur vingt-quatre, et de faire en sorte que les montants attribués au titre des aides humaines tiennent compte des obligations légales et conventionnelles de la personne handicapée employeur.
Nous avons également choisi d'alléger les procédures de contrôle du bon usage des fonds en demandant aux personnes handicapées de conserver leurs factures et justificatifs, quand le texte aurait conduit à des enquêtes détaillées, nécessairement ressenties par les intéressés comme une intrusion beaucoup plus insupportable dans leur vie privée.
Subsistait enfin la question du rôle du fonds départemental de compensation. L'Assemblée nationale avait choisi de le faire participer à l'obligation de résultat consistant à ne jamais laisser à la charge de la personne handicapée des frais de compensation supérieurs à 10 % de ses revenus.
Après mûre réflexion, nous nous sommes ralliés à cette nouvelle rédaction. Car elle permet non seulement de conserver les financements actuellement apportés par les financeurs extralégaux, mais également de les responsabiliser davantage dans un esprit de mutualisation.
Dans le domaine de la scolarisation des enfants handicapés, il nous restait à trancher le débat sur le rôle respectif des parents et de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées dans la décision finale d'orientation.
La question du « dernier mot aux parents » est l'un des points qui a soulevé le plus de malentendus, à la fois entre les deux assemblées et vis-à-vis du monde associatif.
Je tiens à clarifier un point : il n'a jamais été question au Sénat d'exclure les enfants handicapés de l'école ordinaire sous prétexte qu'ils en seraient des éléments perturbateurs. Nous souhaitions seulement tenir compte du fait que la scolarisation en milieu ordinaire peut parfois aller à l'encontre de l'intérêt même de l'enfant et que ses parents éprouvent naturellement du mal à admettre cette situation.
En réalité, ce débat avait été mal engagé, en opposant, par principe, parents et professionnels.
Nous avons donc souhaité repartir sur de nouvelles bases, en privilégiant le dialogue entre les parties, dans l'intérêt de l'enfant.
A cet effet, nous avons prévu le recours à une procédure de conciliation s'il y avait blocage de la discussion. En cas d'échec, un recours classique devant la juridiction compétente sera d'ailleurs toujours possible.
Au sujet de l'accessibilité, nous avions à résoudre la délicate question des obligations à imposer aux réseaux de métro et de RER existants. Il s'agit, une fois encore, d'un sujet sur lequel les positions du Sénat ont été mal comprises.
Il n'est assurément pas question d'exonérer ces réseaux de l'obligation de mise en accessibilité et, notamment, de celle de planifier les travaux nécessaires. Mais nous avons considéré qu'il fallait tenir compte des contraintes qui pèsent sur ces réseaux ; le délai de dix ans, en particulier, nous a paru illusoire.
Nous avons donc proposé que lesdits réseaux ne soient pas soumis à ces contraintes, à condition qu'ils remplissent deux obligations cumulatives : élaborer un schéma directeur pour planifier leurs travaux de mise en accessibilité ; mettre en place, dans un délai de trois ans, un transport de substitution chaque fois qu'une accessibilité complète serait impossible.
Permettez-moi de faire référence à ce que la commission a pu observer lors de sa mission d'étude à Toronto.
Le métro de Toronto est, certes, souvent cité en exemple. Mais il faut savoir que les stations de ce métro ont été rendues accessibles aux personnes handicapées selon une fréquence d'une station tous les cinq ans. Il faut comparer ce qui est comparable !
Enfin, nous sommes parvenus à un compromis sur le niveau de la future prestation de compensation pour les actuels bénéficiaires de l'allocation compensatrice pour tierce personne, l'ACTP.
L'Assemblée nationale avait voulu garantir son maintien à un niveau équivalent. Or, dès l'origine, notre assemblée s'était opposée à cette idée de « cliquet », considérant qu'elle était contraire à la logique même d'une compensation individualisée du handicap et qu'elle risquait de conduire à une forfaitisation de la compensation.
Après examen, nous avons constaté que la prestation de compensation ne serait inférieure à l'actuelle ACTP que dans certains cas limités, notamment pour les personnes aveugles.
C'est la raison pour laquelle la commission mixte paritaire a décidé d'autoriser les personnes qui estiment que le régime actuel est plus favorable que le nouveau à conserver le bénéfice de leur ACTP. Cette solution a l'avantage de ne pas introduire de dérogation dans le régime même de la prestation de compensation.
Au total, la commission des affaires sociales se félicite des avancées majeures permises par ce texte et du nouvel élan qu'il donne à la participation des personnes handicapées à la vie de la cité.
Un an jour pour jour après le dépôt du projet de loi, nous achevons aujourd'hui la première étape de la réforme de la loi d'orientation du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées.
Je parle de première étape, car l'élaboration des nombreux décrets requis pour l'application de ce texte, la mise en place sur le terrain des structures nécessaires pour rendre effectif le droit à compensation, tout cela reste un travail de long terme auquel les parlementaires souhaitent naturellement d'être associés.
Je conclurai en soulignant que, bien évidemment, la commission vous invite à adopter ce projet de loi tel qu'il résulte des travaux de la commission mixte paritaire.