Intervention de Alain Vasselle

Réunion du 15 février 2011 à 14h30
Débat d'orientation sur la prise en charge de la dépendance et la création d'un cinquième risque — Mission commune d'information

Photo de Alain VasselleAlain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information :

En troisième et dernier lieu, le poids des dépenses consacrées à la prise en charge des personnes âgées dépendantes s’accroît très fortement dans le budget des départements et met ceux-ci dans une situation particulièrement difficile. En effet, la participation des départements avoisine 70 %, contre 30 %, voire 25 %, au titre de la solidarité nationale.

Face à ces différents constats, un grand nombre des propositions formulées par le rapport d’étape de 2008 demeurent pleinement d’actualité.

Je n’évoquerai que brièvement les questions financières, qui ont été parfaitement présentées voilà quelques instants par Philippe Marini. J’ajouterai simplement que nous gagnerions sans doute à évoquer de manière globale la question du vieillissement de la population et de ses conséquences. Il y a quelques mois, nous avons examiné l’importante réforme des régimes de retraite. Dans peu de temps, nous statuerons sur la prise en charge de la dépendance. Nous n’échapperons pas, par ailleurs, à des réformes dans le secteur de l’assurance maladie, compte tenu de son déficit préoccupant : 14 milliards d’euros, comme l’a rappelé Philippe Marini. À un moment donné, il serait certainement utile de nous interroger sur l’effort global qui nous paraît devoir et pouvoir être fait pour répondre au défi du vieillissement.

Ce débat n’est pas médiocre et ne justifie aucun catastrophisme. L’allongement de la durée de la vie est une bonne nouvelle pour notre société qui a, en outre, la chance d’avoir un taux de natalité relativement élevé. Les conséquences économiques et financières du vieillissement de la population sont loin d’être entièrement négatives. En effet, les personnes âgées ont moins besoin d’épargner, contribuent pour une part importante à la consommation de notre pays, viennent en aide à leurs enfants et petits-enfants. Je vous renvoie à un rapport du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, qui a montré que la corrélation entre vieillissement et dépenses d’assurance maladie était complexe et pas aussi automatique que l’on veut bien le dire parfois.

Je crois donc, mes chers collègues, que nous devons réfléchir sereinement aux moyens de financer de manière équitable, et soutenable pour nos finances publiques, les besoins nouveaux liés au vieillissement. À cet égard, les propositions de la mission sont équilibrées et reposent sur une articulation nécessaire entre solidarité nationale et prévoyance individuelle.

En 2008, la mission s’était engagée clairement en faveur d’un financement mixte public-privé de la prise en charge de la dépendance, souhaitant garantir un socle élevé de solidarité complété par le développement de garanties assurantielles. L’aggravation de la situation des finances publiques intervenue depuis lors ne fait que conforter ce choix.

La gestion du cinquième risque ne pourra se faire, je l’ai évoqué tout à l’heure, en décalquant les schémas mis en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

De la même manière, notre choix de distinguer la compensation du handicap et la prise en charge de la dépendance des personnes âgées conserve sa pertinence. Il existe en effet des différences objectives entre le handicap, qui revêt un caractère aléatoire et accidentel – je parle sous le contrôle de Bernadette Dupont, qui très au fait de ces questions –, légitimant un très large recours à la solidarité nationale, et la dépendance, qui constitue un risque prévisible. En outre, une prise en charge de la dépendance exactement calquée sur les modalités mises en œuvre pour le handicap entraînerait un quasi-triplement de l’allocation personnalisée d’autonomie et serait budgétairement insoutenable.

Notre collègue Jacques Blanc a attiré mon attention sur le fait que les personnes handicapées de plus de 60 ans sont doublement pénalisées. Je rappelle que lorsqu’une personne handicapée atteint l’âge de 60 ans – 62 ans demain –, elle peut opter pour le maintien de la prestation de compensation du handicap – ou de l’ancienne allocation compensatrice pour tierce personne, pour ceux qui la perçoivent encore –, ou pour l’allocation personnalisée d’autonomie. De surcroît, et je parle sous le contrôle d’un président de conseil général, elle reçoit la visite d’une équipe médico-sociale qui ajuste le plan d’aide en fonction de l’évolution de son niveau de handicap ou de dépendance.

Il nous apparaît essentiel de maintenir des actions de prévention de la dépendance. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles nous ne sommes pas favorables à la suppression du quatrième groupe iso-ressources, ou GIR 4, proposée par les députés. Une telle proposition peut apparaître séduisante dès lors que les personnes en GIR 4 ont un niveau de dépendance encore peu important, mais la suppression de certaines interventions, à domicile ou en établissement, pourrait avoir des effets négatifs en termes de prévention et accélérer le passage de certaines personnes âgées à un niveau de dépendance plus lourd.

En ce qui concerne la prise en charge à domicile, il nous apparaît essentiel de rendre fiable la grille AGGIR – autonomie gérontologie groupes iso-ressources – afin de permettre une évaluation plus objective de la perte d’autonomie et de mieux prendre en compte la maladie d’Alzheimer et les pathologies apparentées. Ces mesures sont indissociables de l’instauration d’un véritable partenariat public-privé – j’insiste sur ce point – qui doit aboutir à l’élaboration de référentiels communs d’évaluation des besoins et d’attribution des prestations entre financeurs publics et privés. À ce titre, un groupe de travail animé par la CNSA a formulé une dizaine de propositions en ce sens, et a suggéré la création d’une commission nationale du partenariat public-privé.

La proposition de la mission de relever les plafonds d’aide de façon ciblée pour les personnes isolées et les patients atteints de maladies neuro-dégénératives ou de pathologies de type Alzheimer reste d’actualité. Nous proposons que soit revalorisé périodiquement le montant des plans d’aide.

La mission d’information estime également que la définition du cadre juridique de l’aide à domicile doit relever d’une approche plus globale et plus précise. En particulier, la coexistence d’un régime d’autorisation et d’un régime d’agrément qualité pour les services d’aide à domicile est difficilement compréhensible pour les usagers et les services. Cette dualité de procédures ne permet pas une régulation rationnelle du secteur. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons la suppression du régime d’autorisation.

Dans le domaine de la prise en charge en établissement, la maîtrise du reste à charge reste un axe de réflexion prioritaire. Nous faisons deux propositions.

D’une part, les dépenses d’animation-service social ainsi qu’une part accrue des charges d’agents de service pourraient être transférées sur la partie dépendance.

D’autre part, l’intégralité du financement des aides-soignants devrait être basculée vers le tarif soins. Autrement dit, la part de cette dépense que supportent actuellement les départements serait prise en charge par l’assurance maladie. Bien entendu, il faudra veiller que cette dernière reçoive une juste compensation pour éviter de creuser encore davantage son déficit global.

Nous proposons également de mettre en place parallèlement un tarif dégressif de l’APA. Cela permettrait de réduire la dépense pour les personnes disposant de revenus élevés et qui ne supportent pas de reste à charge. Le gain global pour les personnes hébergées en établissement atteindrait 1, 2 milliard d’euros, soit une diminution moyenne de près de 200 euros par mois du reste à charge.

Dans la mesure où, comme je l’ai dit à l’instant, l’assurance maladie verrait a contrario ses charges accrues, il faudrait lui assurer des ressources nouvelles. Dans le domaine de l’efficience de la dépense, d’importants progrès restent donc à accomplir.

Le Parlement a voté, en 2008, une importante réforme de la tarification des EHPAD, laquelle, madame la ministre, n’est pas encore entrée en vigueur, le décret d’application n’étant toujours pas publié, ni approuvé d’ailleurs. J’espère que vous ne prendrez pas prétexte du débat national pour retarder la mise en œuvre d’une réforme adoptée voilà deux ans dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

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