Séance en hémicycle du 15 février 2011 à 14h30

Résumé de la séance

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  • domicile
  • dépendance
  • dépendante
  • d’autonomie
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La séance

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La séance, suspendue à midi, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle la discussion du débat d’orientation sur les conclusions de la mission commune d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création d’un cinquième risque.

Après avoir entendu le président et le rapporteur de la mission commune d’information, puis les orateurs et la réponse de Mme le ministre des solidarités et de la cohésion sociale, qui tracera peut-être les perspectives du futur, nous procéderons à un débat interactif et spontané, dont la durée a été fixée à une heure trente par la conférence des présidents.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le président de la mission commune d’information.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord, au nom de la mission commune d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque, à remercier le président du Sénat d’avoir proposé à la conférence des présidents l’organisation du présent débat, qu’il nous fait d’ailleurs l’honneur de présider. Il confirme ainsi la capacité d’anticipation du Sénat, sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres.

Dès 2007, dans l’enceinte du palais du Luxembourg, le Président de la République a exprimé son souhait que le Parlement soit saisi d’un projet de loi sur la dépendance. La Sénat, soucieux de prendre toute sa part à ce débat, a alors constitué une mission commune d’information composée à parts égales de membres de la commission des affaires sociales et de membres de la commission des finances.

Nous avons tenu de multiples séances de travail, auditionné un grand nombre d’acteurs et accompli, je parle sous le contrôle de nos collègues, des travaux très pluralistes. Nous avons par ailleurs effectué plusieurs déplacements de travail et de documentation dans divers pays, au sein et à l’extérieur de l’Europe, afin d’observer le fonctionnement des systèmes de protection contre le risque de dépendance. Nous avons ainsi pu élaborer un rapport d’étape, publié en juillet 2008, qui dressait un panorama complet de la prise en charge de la dépendance et des enjeux essentiels auxquels notre pays est aujourd’hui confronté, et le sera plus encore dans les années à venir. Plusieurs questions se posent à nous.

Premièrement, comment prendre en compte le vieillissement de la population et assurer la meilleure prise en charge possible des personnes en perte d’autonomie ?

Deuxièmement, quels financements mobiliser pour relever un tel défi et comment répartir les moyens entre solidarité nationale et prévoyance individuelle ?

Troisièmement, quelle gouvernance construire pour ce nouveau risque qui ne pouvait, par nature, être pris en compte dans l’architecture de la sécurité sociale en 1945 ?

Le rapport d’étape qu’Alain Vasselle et moi-même avons présenté en 2008 a, me semble-t-il, été un élément important du débat qui a cheminé depuis lors et nos orientations, souvent soutenues, parfois critiquées, ont été au cœur des discussions.

Alors que le Président de la République et le Gouvernement ont lancé le débat national sur la dépendance, il était justifié d’achever les travaux de la mission, qui n’a plus d’existence juridique depuis le 31 janvier.

L’essentiel des analyses et propositions que nous avions formulées en 2008 a été validé. En revanche, les finances publiques ont évolué dans le mauvais sens. La situation financière des administrations publiques est, hélas ! beaucoup plus dégradée après la crise qu’elle ne l’était sur la base des comptes de 2007. Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, nous avions préconisé d’utiliser les excédents de la branche famille de la sécurité sociale. Or, aujourd’hui, les excédents ont disparu et nous devons même faire face à un déficit substantiel !

Madame la ministre, vous avez bien voulu nous réserver vos réflexions lors de la dernière séance de la mission commune d’information. Nous ne nous doutons guère qu’au cours de cette phase de lancement du débat national, vous vous garderez soigneusement de vous prononcer sur les orientations privilégiées par la mission. Sinon, vous ne joueriez en effet pas totalement le jeu du débat. Nos échanges d’aujourd’hui pourront cependant nous permettre d’approfondir la discussion, d’élargir la connaissance de ce difficile sujet et de bien mettre en évidence notre objectif, qui est d’assurer une prise en charge de qualité, équitable et soutenable, au sens de la soutenabilité financière, de la perte d’autonomie des personnes âgées.

Permettez-moi d’évoquer les aspects financiers des propositions de notre mission commune d’information auxquels, vous le comprendrez, je suis particulièrement attaché.

Mes chers collègues, nous nous devons de rechercher les moyens les plus efficaces d’articuler solidarité nationale et prévoyance individuelle. Nos propositions sont axées sur un partenariat public-privé. La mission considère en effet que la prise en charge de la dépendance doit continuer à reposer en premier lieu sur un socle solidaire large. Il n’est pas question, dans notre esprit, d’organiser une quelconque privatisation progressive de la prise en charge des personnes âgées dépendantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

, président de la mission commune d’information. Eh bien, c’est une profonde erreur, car de tels propos ne sont pas fidèles aux propositions de la mission !

Nous observons simplement que la situation actuelle des finances publiques, et leur évolution prévisible, ne permettra sans doute pas d’augmenter massivement le niveau des ressources publiques consacrées au cinquième risque, même s’il est nécessaire, et nous faisons des propositions en ce sens, de trouver des sources de financement complémentaire par rapport à ce qui existe actuellement.

Certains nous disent, et je voudrais, mes chers collègues, vous inviter à lutter contre cette tendance, que l’effort à accomplir ne serait pas si considérable que cela…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

commune d’information. … car le nombre des personnes dépendantes ne va pas exploser brutalement au cours des prochaines années.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

On trouve, en particulier du côté gauche de cet hémicycle, des représentants d’une école assez « minimisante », si j’ose ainsi m’exprimer. Mais il faut bien admettre que de tels propos ne sont pas nécessairement erronés.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Dans une vision à court terme, ils sont même assez pertinents, mais ils négligent deux éléments fondamentaux.

En premier lieu, notre objectif n’est pas de proposer un emplâtre pour que la situation tienne quelques années de plus. Nous cherchons au contraire à définir des solutions de financement pérennes pour les prochaines décennies, qui verront arriver à l’âge de la dépendance potentielle les générations du baby-boom. Nous sommes confrontés à un enjeu de société, ce qui suppose d’inspirer confiance sur le long terme et de trouver des règles du jeu aussi durables que possible.

En second lieu, la prise en charge de la perte d’autonomie n’est pas le seul domaine où les besoins en ressources sont appelés à croître. Je rappelle que le déficit de l’assurance maladie devrait avoisiner les 14 milliards d’euros en 2011. En outre, rien ne nous permet d’affirmer que les besoins en soins diminueront à l’avenir.

C’est à l’aune de l’ensemble de ces éléments que nous pensons, en toute sincérité, que la prévoyance individuelle doit venir compléter le socle de solidarité.

Dans ce cadre, l’une des propositions les plus commentées de la mission commune d’information, celle qui a retenu un peu l’attention des médias, tend à permettre de conditionner le versement de l’allocation personnalisée d'autonomie, l’APA, à une prise de gage sur le patrimoine des personnes âgées au moment de leur entrée en dépendance. Cette suggestion suscite parfois des incompréhensions et favorise des commentaires qui me paraissent éloignés de l’esprit de nos travaux.

Les critiques que l’on entend le plus souvent sont de deux ordres : d’une part, le gage conduirait des personnes âgées modestes à renoncer au bénéfice de l’APA pour préserver l’héritage de leurs enfants ; …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

… d’autre part, le gage constituerait une rupture d’égalité entre les personnes qui meurent de la maladie d’Alzheimer et vivent donc une période de dépendance et celles qui décéderaient des suites d’un cancer ou d’une maladie cardio-vasculaire.

Je tiens d’abord à rappeler les contours exacts de la proposition de la mission commune d’information.

Tout d’abord, la prise de gage ne concernerait que la fraction de patrimoine dépassant un seuil que nous imaginons pouvoir être fixé entre 150 000 euros et 200 000 euros, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

... ce qui exclurait les patrimoines modestes.

En 2008, lorsque nous avions proposé ces seuils, le patrimoine médian des personnes âgées de 70 ans et plus s’élevait à 150 000 euros. Depuis lors, le niveau des patrimoines a pu se modifier et il conviendrait, à l’issue du débat national, de reconsidérer le seuil de déclenchement de cette disposition. Il n’en reste pas moins que, en aucun cas, on ne peut affirmer que nous risquons de porter atteinte aux droits des personnes les plus modestes.

D’abord, la nature de la prise de gage est très loin de celle du recours sur succession : le choix est fait en toute clarté au moment de la mise en place du plan d’autonomie. Les héritiers ne sont donc pas pris par surprise après le décès. Par ailleurs, le montant du gage, plafonné à 20 000 euros quelle que soit la durée de la période de dépendance, ne représente qu’une part très faible de la valeur de la succession.

J’en viens à la comparaison entre la dépendance et d’autres affections graves. Il convient de rappeler que la prise de gage que nous proposons ne concernerait en aucun cas les dépenses de soins : elle serait réservée aux dépenses couvertes par l’APA, de sorte qu’il ne saurait y avoir de rupture d’égalité entre catégories de malades. De plus, la prise de gage ne concernerait que l’APA à domicile et non l’APA versée aux personnes accueillies en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, EHPAD. J’insiste sur cet élément qui figure déjà de manière claire dans les conclusions du rapport d’étape de 2008. Les sommes versées au titre de l’APA aux personnes âgées dépendantes en EHPAD sont soumises au recours sur succession si ces personnes bénéficient de l’aide sociale à l’hébergement.

À travers cette mesure, notre intention est non seulement de maîtriser la dépense publique, mais aussi et surtout de mettre en œuvre une solidarité intergénérationnelle. Est-il anormal que, dans une famille disposant d’un patrimoine significatif, une petite partie de celui-ci puisse être mobilisée pour permettre la prise en charge la plus adaptée aux besoins d’un parent qui entre en dépendance et traversera une période difficile nécessitant l’appel à la solidarité de ses enfants, voire de ses petits-enfants ? Il nous semble qu’il s’agit là d’une mesure profondément équitable. Indépendamment même des modalités financières qui l’accompagneront, celle-ci traduit une certaine vision de la société et des rapports entre générations.

Je souhaite évoquer maintenant les nouvelles sources de financement qui pourraient être mobilisées pour faire face au développement des besoins en matière de prise en charge de la dépendance.

Dans le rapport d’étape de 2008, afin d’alléger le reste à charge des familles, nous proposions certains transferts entre les différents tarifs des EHPAD – le rapporteur reviendra certainement sur ce sujet, qui est crucial – et nous imaginions de financer cette mesure en utilisant les excédents de la branche famille de la sécurité sociale. Aujourd’hui, cette branche est à son tour devenue déficitaire. Il nous faudra donc trouver des ressources complémentaires.

Plusieurs propositions ont été formulées par les différentes personnalités que nous avons auditionnées : d’aucuns suggèrent d’étendre l’assiette de la contribution solidarité autonomie, d’autres de créer une seconde journée de solidarité, d’autres encore d’aligner le taux de CSG payé par les retraités sur celui des actifs…

Pour les membres de la mission, chacune de ces pistes doit être analysée avec prudence dans le contexte actuel de sortie de crise et de niveau déjà élevé des prélèvements obligatoires. Toutefois, les deux premières devraient être expertisées avec un soin particulier. Nous estimons même que la solution la plus réaliste serait la création d’une seconde journée de solidarité.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Cette nouvelle journée de solidarité pourrait rapporter environ 2, 3 milliards d’euros, ce qui est loin d’être négligeable.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini, président de la mission commune d’information. Surtout, cela accroîtrait le volume d’heures travaillées dans l’économie et favoriserait sa compétitivité !

Sourires ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Cela favoriserait le commerce extérieur et aurait un effet positif sur la croissance.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Il s’agirait également d’un élément de solidarité qui permettrait à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, de doubler à peu près ses ressources et de mieux contribuer au financement des départements. Nous connaissons tous ce sujet : même si elle n’a pas de fondement législatif, la règle de partage équitable des dépenses entre l’État et les départements est pour nous un objectif dont il faudra se rapprocher. Pour ce faire, nous ne voyons pas de meilleure solution que les deux propositions que je viens de formuler : une nouvelle journée de solidarité et le gage patrimonial.

J’en viens à présent aux aspects relatifs à l’assurance.

La position de notre mission commune d’information diffère de celle de nos collègues députés. Ceux-ci ont proposé de créer une assurance dépendance obligatoire à compter de l’âge de 50 ans. La solution est séduisante : une telle assurance obligatoire mutualiserait le risque. Néanmoins, ce dispositif présente à nos yeux des difficultés telles qu’il ne peut pas être sérieusement envisagé.

Tout d’abord, dans notre pays, jusqu’à présent, les assurances obligatoires sont réservées à la protection des tiers.

Ensuite, mettre en œuvre une assurance obligatoire dans le domaine de la dépendance imposerait de répondre à des questions d’une redoutable complexité. Par quels moyens contrôler le respect de l’obligation d’assurance ? Quelles sanctions appliquer en cas de défaut d’assurance ? Quelles seraient les prérogatives déléguées aux organismes d’assurance en matière de refus de garantie, de tarifs, de sélection médicale ?

Enfin et surtout, à notre sens, une telle solution serait hypocrite. Comment, dans le même temps, déclarer qu’il n’est pas opportun d’augmenter les prélèvements obligatoires et proposer de créer un système d’assurance qui s’impose à tous ? Quelle différence existe-t-il réellement entre ces deux mesures ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Notre préférence va à la généralisation de la base assurantielle fondée sur une adhésion volontaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Cela suppose des incitations fiscales à la souscription, dans le cadre d’un redéploiement de la dépense fiscale de ce secteur.

En la matière, les solutions sont nombreuses. Je me contenterai de les évoquer. Il est possible de prolonger l’assurance-vie, de la faire déboucher sur un élément de couverture du risque de dépendance, de greffer cette couverture sur des produits existants, par exemple, sur des produits d’entreprise comme le plan d’épargne retraite collectif, le PERCO, qui est proposé aujourd'hui par un très grand nombre d’entreprises.

Enfin, et c’est un élément nouveau, il nous semble que l’utilisation des contrats complémentaires santé comme vecteur de diffusion de la couverture de la perte d’autonomie s’intègre également dans l’approche multisupport que préconise la mission commune d’information. Aujourd’hui, 93 % de la population est couverte par un tel contrat. Je rappelle aussi que, d’ores et déjà, les mutuelles de la fonction publique offrent depuis 1996, à plus de 3 millions de nos concitoyens, une couverture dépendance en inclusion automatique à leur contrat de complémentaire santé et prévoyance. Sous réserve d’un examen approfondi des modalités d’un tel développement, en liaison avec les organismes mutualistes et assurantiels, il nous semble que nous pourrions progresser dans cette voie.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous trouverez dans le rapport de la mission commune d’information d’autres analyses que je ne détaillerai pas ici. Nous sommes face à un sujet crucial et nouveau en matière de couverture des risques sociaux. Il s’agit d’un domaine dans lequel l’État comme les départements partagent une responsabilité.

Nous connaissons la situation financière des départements et savons que les difficultés auxquelles ils sont confrontés sont notamment induites par la progression des charges payées au titre de l’APA. Par ailleurs, les situations peuvent différer d’un département à l’autre. Par conséquent, même si la base des dépenses à la charge des communes est définie par la loi à l’échelon national, il n’est pas inutile de développer dans chaque département des éléments d’action sociale reflétant la réalité du terrain.

Nous savons enfin – notre collègue de Dordogne nous le confirmait pendant nos travaux – que pour certains départements vieillissants et ruraux, les soins à domicile, la prise en charge de la dépendance des personnes âgées, constituent un vrai secteur d’activité, source de vrais emplois qui, sans le défi social que nous devons relever, n’auraient sans doute jamais été créés.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini, président de la mission commune d’information. De ce point de vue, l’implication des assemblées locales est un élément crucial. C’est pourquoi la mission souhaite une gouvernance partagée et un partage égal des financements entre l’État et les départements.

Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’organisation du présent débat confirme – si besoin était – le rôle de vigie que joue le Sénat sur les sujets de société les plus importants.

En créant une mission d’information dès 2007, la Haute Assemblée s'est penchée la première, de manière approfondie, sur la prise en charge de la perte d’autonomie et les moyens de faire face au vieillissement de la population.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

M. Jean-Louis Carrère. Les plus âgés, surtout !

Rires

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Il y a deux ans, comme l’a rappelé Philippe Marini, après la publication de notre rapport d’étape, nous pensions que le Parlement serait rapidement appelé à légiférer. Il n’en a rien été. Le vrai débat, c’est celui que le Gouvernement a décidé de lancer en prenant le temps de la concertation. Mme la ministre, en s’inscrivant dans la ligne des propositions tracée par le Président de la République, a donc mis en place des groupes de travail chargés de réfléchir sur ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Lors des six mois à venir, je ne doute pas, madame la ministre, que les travaux du Sénat et de l’Assemblée nationale enrichiront la réflexion de ces groupes de travail.

Finalement, le retard pris sur ce chantier est peut-être un mal pour un bien. En effet, si nous avions statué sur ce sujet dès 2008, nous n’aurions pu prendre en considération les effets de la crise économique et financière et il est fort probable que nombre de propositions seraient restées lettre morte, ce qui n’aurait pas manqué de créer une certaine désillusion.

En outre, il serait de mauvaise foi de considérer que rien n’a été fait dans le domaine de la prise en charge de la perte d’autonomie. Bien au contraire, le secteur de la dépendance a connu de très importantes réformes, dont celle de la tarification des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, que nous avions introduite dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, les membres de la commission des affaires sociales s’en souviennent certainement. Sont aussi à considérer tous les apports concernant la gouvernance du secteur médico-social, intégrés dans la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, ou loi HPST, que vous avez défendue pied à pied devant le Sénat, madame la ministre Roselyne Bachelot, en dépit des états d’âme que suscitaient certaines dispositions du texte. La raison a toutefois fini par l’emporter et, aujourd’hui, les agences régionales de santé, les ARS, ont leur place dans le paysage institutionnel.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Nous devrions rapidement constater les retombées – que nous espérons positives – de leur action.

Le Sénat qui fut, hier, le premier à formuler des propositions est, aujourd’hui, le dernier à présenter des conclusions complémentaires. Compte tenu des suggestions formulées par d’autres instances, notamment celles de la mission d’information de l’Assemblée nationale, il nous est apparu utile et pertinent d’actualiser et de compléter nos travaux.

Notre objectif n’était pas de proposer une réforme clé en mains, c’eût certainement été très prétentieux de notre part, d’autant que nous ne disposions pas de tous les éléments pour se faire. Notre objectif était plutôt de dégager des orientations, d’affirmer des préférences et d’écarter certaines solutions ne nous paraissant pas acceptables. Ainsi en est-il de la création d’une assurance obligatoire, proposée par la mission de l’Assemblée nationale, qui, à nos yeux, présente plus d’inconvénients que d’avantages. Je constate d’ailleurs que cette idée est étrangère à ce Gouvernement, comme elle l’était à ceux qui l’ont précédé. La création d’une cinquième branche de la sécurité sociale, qui était défendue par quelques parlementaires – ils n’étaient pas légion –, n’a jamais été retenue ni par le Gouvernement de M. Jospin, ni par Martine Aubry lorsqu’elle était en charge de la solidarité, ni par les gouvernements qui se sont succédé.

Le présent débat a pour objet de nous permettre d’approfondir les différentes dispositions présentées par la mission commune d’information. Pour actualiser les propositions que nous avions formulées en 2008, nous avons tenu compte de trois éléments importants.

En premier lieu, les marges de progrès en matière de qualité de la prise en charge des personnes dépendantes sont encore grandes. Le problème du reste à charge en établissement, en particulier, n’est toujours pas réglé. Il varie de manière considérable. Alors qu’il s’établit en moyenne, pour les établissements publics, entre 1 400 et 1 500 euros par mois, il s’élève à 2 200 euros et peut même atteindre 5 500 euros par mois dans des établissements médico-sociaux privés. Ces différences de prix s’expliquent en partie par la localisation géographique, le coût du foncier étant très élevé en Île-de-France ou dans d’autres régions.

En deuxième lieu, la question du financement de la prise en charge de la dépendance reste entière dans un contexte financier et budgétaire extrêmement contraint. Dans ces conditions, certaines hypothèses de financement que nous envisagions sont devenues caduques, notamment, Philippe Marini l’a rappelé, l’utilisation des excédents de la branche famille ou encore la mobilisation du Fonds de réserve pour les retraites, le FRR, qui, nous le savons, servira à financer les déficits de la branche vieillesse jusqu’en 2018.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

En troisième et dernier lieu, le poids des dépenses consacrées à la prise en charge des personnes âgées dépendantes s’accroît très fortement dans le budget des départements et met ceux-ci dans une situation particulièrement difficile. En effet, la participation des départements avoisine 70 %, contre 30 %, voire 25 %, au titre de la solidarité nationale.

Face à ces différents constats, un grand nombre des propositions formulées par le rapport d’étape de 2008 demeurent pleinement d’actualité.

Je n’évoquerai que brièvement les questions financières, qui ont été parfaitement présentées voilà quelques instants par Philippe Marini. J’ajouterai simplement que nous gagnerions sans doute à évoquer de manière globale la question du vieillissement de la population et de ses conséquences. Il y a quelques mois, nous avons examiné l’importante réforme des régimes de retraite. Dans peu de temps, nous statuerons sur la prise en charge de la dépendance. Nous n’échapperons pas, par ailleurs, à des réformes dans le secteur de l’assurance maladie, compte tenu de son déficit préoccupant : 14 milliards d’euros, comme l’a rappelé Philippe Marini. À un moment donné, il serait certainement utile de nous interroger sur l’effort global qui nous paraît devoir et pouvoir être fait pour répondre au défi du vieillissement.

Ce débat n’est pas médiocre et ne justifie aucun catastrophisme. L’allongement de la durée de la vie est une bonne nouvelle pour notre société qui a, en outre, la chance d’avoir un taux de natalité relativement élevé. Les conséquences économiques et financières du vieillissement de la population sont loin d’être entièrement négatives. En effet, les personnes âgées ont moins besoin d’épargner, contribuent pour une part importante à la consommation de notre pays, viennent en aide à leurs enfants et petits-enfants. Je vous renvoie à un rapport du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, qui a montré que la corrélation entre vieillissement et dépenses d’assurance maladie était complexe et pas aussi automatique que l’on veut bien le dire parfois.

Je crois donc, mes chers collègues, que nous devons réfléchir sereinement aux moyens de financer de manière équitable, et soutenable pour nos finances publiques, les besoins nouveaux liés au vieillissement. À cet égard, les propositions de la mission sont équilibrées et reposent sur une articulation nécessaire entre solidarité nationale et prévoyance individuelle.

En 2008, la mission s’était engagée clairement en faveur d’un financement mixte public-privé de la prise en charge de la dépendance, souhaitant garantir un socle élevé de solidarité complété par le développement de garanties assurantielles. L’aggravation de la situation des finances publiques intervenue depuis lors ne fait que conforter ce choix.

La gestion du cinquième risque ne pourra se faire, je l’ai évoqué tout à l’heure, en décalquant les schémas mis en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

De la même manière, notre choix de distinguer la compensation du handicap et la prise en charge de la dépendance des personnes âgées conserve sa pertinence. Il existe en effet des différences objectives entre le handicap, qui revêt un caractère aléatoire et accidentel – je parle sous le contrôle de Bernadette Dupont, qui très au fait de ces questions –, légitimant un très large recours à la solidarité nationale, et la dépendance, qui constitue un risque prévisible. En outre, une prise en charge de la dépendance exactement calquée sur les modalités mises en œuvre pour le handicap entraînerait un quasi-triplement de l’allocation personnalisée d’autonomie et serait budgétairement insoutenable.

Notre collègue Jacques Blanc a attiré mon attention sur le fait que les personnes handicapées de plus de 60 ans sont doublement pénalisées. Je rappelle que lorsqu’une personne handicapée atteint l’âge de 60 ans – 62 ans demain –, elle peut opter pour le maintien de la prestation de compensation du handicap – ou de l’ancienne allocation compensatrice pour tierce personne, pour ceux qui la perçoivent encore –, ou pour l’allocation personnalisée d’autonomie. De surcroît, et je parle sous le contrôle d’un président de conseil général, elle reçoit la visite d’une équipe médico-sociale qui ajuste le plan d’aide en fonction de l’évolution de son niveau de handicap ou de dépendance.

Il nous apparaît essentiel de maintenir des actions de prévention de la dépendance. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles nous ne sommes pas favorables à la suppression du quatrième groupe iso-ressources, ou GIR 4, proposée par les députés. Une telle proposition peut apparaître séduisante dès lors que les personnes en GIR 4 ont un niveau de dépendance encore peu important, mais la suppression de certaines interventions, à domicile ou en établissement, pourrait avoir des effets négatifs en termes de prévention et accélérer le passage de certaines personnes âgées à un niveau de dépendance plus lourd.

En ce qui concerne la prise en charge à domicile, il nous apparaît essentiel de rendre fiable la grille AGGIR – autonomie gérontologie groupes iso-ressources – afin de permettre une évaluation plus objective de la perte d’autonomie et de mieux prendre en compte la maladie d’Alzheimer et les pathologies apparentées. Ces mesures sont indissociables de l’instauration d’un véritable partenariat public-privé – j’insiste sur ce point – qui doit aboutir à l’élaboration de référentiels communs d’évaluation des besoins et d’attribution des prestations entre financeurs publics et privés. À ce titre, un groupe de travail animé par la CNSA a formulé une dizaine de propositions en ce sens, et a suggéré la création d’une commission nationale du partenariat public-privé.

La proposition de la mission de relever les plafonds d’aide de façon ciblée pour les personnes isolées et les patients atteints de maladies neuro-dégénératives ou de pathologies de type Alzheimer reste d’actualité. Nous proposons que soit revalorisé périodiquement le montant des plans d’aide.

La mission d’information estime également que la définition du cadre juridique de l’aide à domicile doit relever d’une approche plus globale et plus précise. En particulier, la coexistence d’un régime d’autorisation et d’un régime d’agrément qualité pour les services d’aide à domicile est difficilement compréhensible pour les usagers et les services. Cette dualité de procédures ne permet pas une régulation rationnelle du secteur. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons la suppression du régime d’autorisation.

Dans le domaine de la prise en charge en établissement, la maîtrise du reste à charge reste un axe de réflexion prioritaire. Nous faisons deux propositions.

D’une part, les dépenses d’animation-service social ainsi qu’une part accrue des charges d’agents de service pourraient être transférées sur la partie dépendance.

D’autre part, l’intégralité du financement des aides-soignants devrait être basculée vers le tarif soins. Autrement dit, la part de cette dépense que supportent actuellement les départements serait prise en charge par l’assurance maladie. Bien entendu, il faudra veiller que cette dernière reçoive une juste compensation pour éviter de creuser encore davantage son déficit global.

Nous proposons également de mettre en place parallèlement un tarif dégressif de l’APA. Cela permettrait de réduire la dépense pour les personnes disposant de revenus élevés et qui ne supportent pas de reste à charge. Le gain global pour les personnes hébergées en établissement atteindrait 1, 2 milliard d’euros, soit une diminution moyenne de près de 200 euros par mois du reste à charge.

Dans la mesure où, comme je l’ai dit à l’instant, l’assurance maladie verrait a contrario ses charges accrues, il faudrait lui assurer des ressources nouvelles. Dans le domaine de l’efficience de la dépense, d’importants progrès restent donc à accomplir.

Le Parlement a voté, en 2008, une importante réforme de la tarification des EHPAD, laquelle, madame la ministre, n’est pas encore entrée en vigueur, le décret d’application n’étant toujours pas publié, ni approuvé d’ailleurs. J’espère que vous ne prendrez pas prétexte du débat national pour retarder la mise en œuvre d’une réforme adoptée voilà deux ans dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Nous n’aimerions pas vivre une situation analogue à celle que nous avons connue en matière d’identification des médecins hospitaliers prescripteurs, lorsque nous avions attendu plusieurs années la sortie du décret d’application.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Par ailleurs, une source non négligeable d’économies réside dans les possibilités offertes par les reconversions de lits. Faut-il le rappeler, c’est dans la loi HPST que fut intégrée la fameuse notion de « fongibilité asymétrique » ?

En outre, la mission souhaite la mise en place de référentiels de coûts d’hébergement, qui gagneraient, à terme, à devenir opposables. Mes chers collègues, il est à craindre que certains établissements médico-sociaux privés – d’aucuns vont encore dire que je leur fais un procès d’intention ! – n’essaient de se refaire une santé, si je puis m’exprimer ainsi, en faisant évoluer à la hausse les faux frais d’hébergement, les tarifs dépendance et soins étant, quant à eux, encadrés.

J’en viens à la question de la gouvernance.

Si celle-ci a été très largement réglée dans le cadre de la loi Hôpital, patients, santé et territoires, nous souhaitons tout de même une modification de la loi organique, pour permettre au Parlement de se prononcer sur l’ensemble des recettes et des dépenses du secteur médico-social, y compris les ressources propres de la CNSA et le complément que la caisse apporte sur ces mêmes ressources à l’objectif national des dépenses d’assurance maladie pour le secteur médico-social, ou ONDAM médico-social.

Nous devrions également pouvoir nous prononcer sur l’ensemble de l’objectif global de dépenses. Si une révision constitutionnelle se révélait nécessaire, nous pourrions prendre appui sur le projet de loi constitutionnelle, que le Gouvernement souhaite déposer prochainement et dont la presse se fait en ce moment l’écho, …

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

… pour inscrire dans la Constitution la trajectoire de réduction de nos déficits publics.

Nous proposons aussi de réaffirmer le principe de parité de financement de l’APA entre l’État et les conseils généraux. Le Sénat a toujours plaidé en faveur de cette répartition égalitaire. Pour ce faire, Philippe Marini l’a rappelé tout à l’heure, l’une des voies envisageables est la création d’une seconde journée de solidarité.

J’évoquerai maintenant la question de la péréquation de l’APA entre les départements, à laquelle notre collègue Bruno Sido tient comme à la prunelle de ses yeux.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Nous proposons de supprimer la référence au nombre de bénéficiaires du RMI, …

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

… pour la remplacer par un critère de revenu par habitant, et de substituer la notion de « potentiel financier » à celle de « potentiel fiscal ».

Nous entendons nous engager dans la voie de l’expérimentation, préoccupation à laquelle notre collègue Éric Doligé est très sensible. C’est en effet lors d’un déplacement que nous avons effectué dans le département du Loiret que nous est venue cette idée : permettre à certains départements d’expérimenter, sur une base volontaire, une gestion déléguée des crédits d’assurance maladie des EHPAD, ce qui présenterait l’avantage de ne plus avoir qu’une autorité unique et d’agir plus efficacement qu’aujourd’hui sur le reste à charge en EHPAD.

La mission considère que la CNSA devrait être confortée en tant qu’agence rassemblant l’ensemble des acteurs de la prise en charge de la perte d’autonomie.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Dans le cadre du partenariat public-privé que nous appelons de nos vœux, la mission avait proposé la création d’un comité ad hoc au sein de la caisse, dans lequel siégeraient les représentants des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance. Si cette suggestion n’a pas été suivie d’effet, nous observons avec satisfaction que le groupe de travail piloté par la CNSA sur l’évaluation des situations de perte d’autonomie s’est déclaré favorable à la création d’une commission nationale du partenariat public-privé, que j’ai évoquée au début de mon propos.

Mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir m’excuser d’avoir été un peu long. Mais le rapport d’information est tellement riche en propositions…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. … qu’il m’a semblé utile de m’y attarder quelques minutes. Je ne doute pas un seul instant que chacun saura tirer les fruits de ce travail, notamment le Gouvernement, qui, je l’espère, nous présentera des propositions dès le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, voire au-delà si nous n’avions pas pu faire tout le chemin nécessaire pour répondre à l’attente de nos concitoyens.

Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

J’indique au Sénat que, compte tenu de l’organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 33 minutes ;

Groupe socialiste, 26 minutes ;

Groupe Union centriste, 10 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, 10 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 8 minutes ;

Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe, 3 minutes.

Dans la suite du débat, la parole est à M. Bernard Cazeau.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le rapport d’information fait au nom de la mission commune d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création d’un cinquième risque, et qui sert de socle à nos débats, retranscrit assez bien l’atmosphère sereine et constructive ayant présidé à nos travaux.

Au final, nous avons à mon sens affiché une certaine indépendance d’esprit, à la fois par rapport aux formations politiques dont nous sommes issus, par rapport au Gouvernement qui cherche, du moins le prétend-il, à définir sa doctrine sur le sujet, et par rapport à l’Assemblée nationale avec laquelle nous avons des divergences sur plusieurs points fondamentaux. Peut-être est-ce là la preuve que nous recherchons, au bénéfice de nos concitoyens, une vérité utile !

Il faut dire que l’enjeu est considérable, et ce à plusieurs titres.

C’est un enjeu humain, parce que la dépendance est synonyme de fragilité sanitaire et psychologique pour celui qui la traverse, synonyme d’une peine dont toute la société doit avoir conscience.

C’est un enjeu sociétal, car la structure familiale et les rapports intrafamiliaux sont transformés par le vieillissement accéléré d’une partie de la population.

C’est un enjeu social, dans la mesure où le grand âge équivaut à la mise en danger des personnes et des familles les plus modestes.

Bref, nous sommes non seulement dans un débat technique, mais aussi devant une question de société, dans l’acception la plus noble du terme.

Parlons, d’abord, de l’évolution démographique et des dépenses afférentes.

Les perspectives dressées par l’INSEE laissent envisager une progression de 25 % du nombre de personnes âgées de plus de 75 ans à l’horizon 2025. C’est important, mais ce n’est pas bouleversant ! Notons encore que la part des plus de 80 ans dans la population, ceux dont la probabilité d’être dépendants est la plus élevée, ne progressera que de 1 % d’ici à 2025.

En revanche, il est indéniable que les perspectives portant sur la période 2025-2055 sont plus préoccupantes, puisqu’à cette date la population française comptera 15 % de personnes âgées de plus de 75 ans, contre 8 % aujourd’hui, conséquence de l’arrivée aux âges élevés des générations du baby-boom.

En clair, nous allons vivre, au cours des vingt prochaines années, la même évolution démographique que celle que nous avons connue depuis les années soixante-dix, mais que nous avons su absorber tout en créant des droits nouveaux pour les personnes dépendantes. L’obstacle n’est donc nullement infranchissable ; il n’y a pas de tsunami à l’horizon.

S’ajoute à cela une question importante et difficilement prévisible, celle de la prévalence de la dépendance selon l’âge.

On ne peut en effet projeter dans l’avenir les observations actuelles concernant l’âge moyen de survenue de la dépendance. Avoir 85 ans n’aura pas la même signification dans quinze, vingt ou trente ans qu’aujourd’hui, du fait du recul probable de l’âge moyen de la dépendance.

Les projections en termes de coûts attestent d’ailleurs pleinement du caractère maîtrisable des évolutions en cours.

Les dépenses en faveur de l’autonomie devraient en effet passer de 1, 17 % à 1, 55 % du PIB au cours des quinze prochaines années. Autrement dit, il conviendrait de dégager un milliard d’euros supplémentaires par an pour maintenir la qualité actuelle des prises en charge et stabiliser le coût résiduel à la charge des usagers.

La prise en charge annuelle atteindrait alors 32 milliards d’euros à l’horizon 2025, montant qui correspond, d’ailleurs, pour 80%, à des créations d’emplois dans le secteur de l’aide à domicile et les établissements d’accueil. Nous parlons de plus d’un million d’emplois dans la prochaine décennie, contre 600 000 actuellement.

Dans la période économique que nous connaissons, marquée par la stagnation et la désindustrialisation, n’est-ce pas un objectif motivant et primordial pour la société française ? N’est-ce pas une lueur d’espoir pour les millions de salariés qui ne trouvent pas d’emploi ?

Nous sommes donc d’accord, à ceci près que nous nous refusons à sombrer dans un certain catastrophisme quant au diagnostic démographique et financier.

Un autre point d’accord concerne la gouvernance du système, qu’il convient de stabiliser et de simplifier sans pour autant remettre en cause la pertinence des acteurs actuels.

Il convient de conforter et de clarifier le rôle de la CNSA, ainsi que les nombreux circuits financiers contribuant au financement de la dépendance.

Dans le domaine de la programmation médico-sociale, il faut donc remettre de l’ordre, réintroduire de la stabilité et de la logique. À cet égard, la perspective de faire des départements les véritables responsables de la politique médico-sociale est tout à fait bienvenue et devrait, à notre sens, être étudiée de manière approfondie.

Dernier point d’accord entre nous, la nécessité de régler les grandes lacunes du fonctionnement actuel.

Il y a d’abord la répartition inacceptable du financement de l’allocation personnalisée d’autonomie. Comme cela a été dit, il n’est plus tolérable de laisser se creuser l’écart entre solidarité nationale et solidarité locale. La répartition paritaire des coûts entre État et conseils généraux doit redevenir la règle.

Il convient aussi de définir un outil d’évaluation de la dépendance plus complet que l’actuelle grille AGGIR. Nous constatons tous, sur le terrain, que les instruments de mesure ne sont aujourd'hui pas toujours performants et qu’ils n’évitent pas certains écueils. Aussi, loin d’envisager, comme cela a pu être écrit, la suppression du GIR 4, nous devons moderniser l’évaluation médico-sociale. Dans mon département, l’expérimentation, avec la CNSA, du SMAF, système de mesure de l’autonomie fonctionnelle qui nous vient du Québec, donne de très bons résultats.

Il importe enfin de diminuer le reste à charge des résidents en maison de retraite en rénovant l’actuel système de tarification.

Le plan Solidarité-Grand-Âge a eu une vertu importante, celle de moderniser les conditions d’accueil en EHPAD. Mais il a eu une autre conséquence plus fâcheuse : l’accroissement des tarifs d’hébergement payés par les résidents, dans le cadre des conventions tripartites. Aujourd’hui, ce sont 1 500 à 2 000 euros que les personnes hébergées doivent débourser pour être accueillies en EHPAD, soit des montants sans commune mesure avec les revenus de l’immense majorité des familles.

Sans laisser penser que les enfants pourront se dispenser des frais d’hébergement de leurs parents, nous soutenons que des améliorations doivent être apportées. La perspective d’une réforme de la tarification provoquant le transfert d’un milliard d’euros de dépenses des résidents vers l’assurance maladie est intéressante. Elle pose toutefois le problème, monsieur le rapporteur, du déséquilibre actuel des comptes de la sécurité sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

Mes chers collègues, j’en viens à nos points de désaccords, qui tiennent essentiellement à la question du mode de financement du droit à l’autonomie.

M. le président et M. le rapporteur de la mission commune d’information savent bien que de nouvelles recettes sont indispensables, mais les pistes qu’ils suggèrent ne sont pas satisfaisantes à nos yeux.

J’écarte, d’emblée, la création d’une seconde journée de solidarité, tant la première fut un fiasco mémorable. Du reste, seuls les salariés seraient touchés par une telle décision ; ce n’est pas la peine de leur en demander plus ! Je ne parle pas non plus d’une extension des prises en charge au titre du régime général de la sécurité sociale, tant le niveau de déficit est abyssal et structurel.

La perspective d’excédents éventuels de la branche famille a fondu avec la crise. L’éventualité d’une cinquième branche, alors que les quatre autres sont en déficit, n’est pas non plus très crédible à court terme.

Vient alors la réponse de la majorité, qui constitue pour nous une impasse : celle du financement individuel de la couverture dépendance. Ce financement individuel prendrait deux formes : la prévoyance personnelle sous forme de produits d’assurance et le gage sur héritage.

Nous considérons que les assurances individuelles sont injustes, car elles sont réservées à une certaine catégorie de revenus. De plus, nous le savons toutes et tous, l’assurance privée conduira à une sélection des clients, ainsi qu’à des coûts dérivés importants. Méditons, à cet égard, l’exemple américain : la gestion privée de l’assurance-maladie conduit à ce que 15 % des dépenses concernent non pas les soins, mais la rémunération des compagnies d’assurance.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

Outre-Atlantique, en matière de dépendance, l’assurance privée individuelle n’est pas fonctionnelle, et les seniors américains aspirent à une prise en charge publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

Selon nous, les compagnies d’assurance n’ont rien à faire dans la couverture des risques liés à la dépendance.

En ce qui concerne le rétablissement d’une forme, certes optionnelle, de recours sur succession, nous considérons que le caractère volontaire du gage n’enlève rien à la rupture d’universalité qu’il constitue. Il y aura bien, demain, deux catégories de bénéficiaires de l’APA, selon le mode de récupération successorale choisi.

La question des seuils est, elle aussi, très problématique, car elle vise très directement les propriétaires de résidence principale, du petit pavillon périurbain à la fermette des zones rurales ; rappelons ici que 75 % des retraités sont propriétaires de leur logement.

Enfin, quelle égalité y aura-t-il entre ceux qui, avec 20 000 euros de gage, perdront 15 % de leur patrimoine et ceux, les plus riches, qui n’en perdront qu’une infime fraction ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

De surcroît, cette mesure ne réglerait rien à court terme, puisque les gains espérés n’interviendront qu’avec un long décalage. Monsieur Marini, dans mon département, nous sommes encore en train de récupérer des successions datant de la prestation spécifique dépendance, tant les procédures sont complexes et les conseillers en patrimoine astucieux !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

C’est bien dans l’approche financière du dossier que nous divergeons. Celui-ci mérite, selon nous, d’être envisagé sous l’angle de la solidarité nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

Nous ne sommes pas là face à un obstacle insurmontable pour les finances publiques ; nous sommes face à la nécessité de définir des priorités politiques et sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

Les pistes de financement existent : le persistant paquet fiscal, dont le seul volet « successions » prive chaque année l’État de 2 milliards d’euros de recettes ; le cadeau fait aux grosses entreprises dans le cadre de la suppression de la taxe professionnelle, qui oblige l’État à payer aux collectivités ce qu’elles percevaient auparavant des sociétés imposées sur leurs territoires. Vous savez bien, monsieur Marini, en tant que rapporteur général de la commission des finances, que le financement paritaire de l’APA coûte trois fois moins que la réforme de la taxe professionnelle en régime de croisière !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

D’autres voies, encore, sont à explorer, qui mobiliseraient une fiscalité spécifique d’un niveau globalement faible, à l’assiette large et évolutive, et susceptible de progresser au gré des besoins.

Les Français sont prêts à faire face à cette solidarité nouvelle. Ils ne veulent ni assurance ni recours sur succession ; vous pouvez le vérifier ! Ils veulent une réforme porteuse de progrès et d’humanité. Ils veulent une gestion de proximité et une garantie pour l’avenir de leurs parents et grands-parents.

Tout cela est possible, c’est une question de volonté politique. C’est donc à cet élan nouveau et à la mise en pratique de la justice sociale que je vous invite !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Yvon Collin applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le temps de parole qui m’est imparti se limitant à trois minutes, je me dispenserai des formules de politesse et vous demanderai de bien vouloir excuser le caractère lapidaire de mon propos.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Si vous souhaitiez quelques précisions, je vous les apporterai hors de l’hémicycle, faute de temps.

Un débat sur la dépendance ! Cette idée n’est tout de même pas banale ... On fait un peu comme si ce sujet n’avait pas été maintes fois exploré, comme si on en ignorait les données, alors qu’il existe, dans chaque département, un schéma gérontologique.

Madame la ministre, l’heure n’est plus aux colloques, aux interrogations, à la réflexion sur la dépendance. Nous savons tout sur ce sujet ! L’heure est désormais à l’action.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

M. Philippe Adnot. Pour agir, nous devons poser quelques principes. Le premier de ces principes est que la solidarité nationale doit financer le handicap, la dépendance et le revenu de solidarité active, le RSA.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

L’écart entre le financement qui incombe aux départements et la participation de l’État ne cesse de se creuser, et l’on fait supporter par les plus faibles les charges les plus lourdes. Or, plus le nombre de personnes âgées et de chômeurs est élevé et plus ces charges sont lourdes !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Un autre principe est que ces charges ne doivent pas incomber aux collectivités locales ; elles relèvent de la solidarité nationale. Il s’agit non pas de résoudre le problème de quelques-uns, mais de respecter le principe républicain de solidarité, et nous devons tous nous y consacrer !

Par ailleurs, il est important de sauvegarder le principe de la responsabilité des familles, qui doivent être les premières sollicitées. Dans la société actuelle, on oublie que la famille est, au premier chef, responsable des aînés et des enfants. Cela signifie qu’il faudra prévoir une participation de leur part, soit immédiate, soit différée.

Il faut conserver un ticket modérateur à la charge des départements pour inciter à la bonne gestion et au contrôle de l’effectivité. La prise en compte de la dépendance par la nation doit se faire par rapport à une dépense moyenne par GIR, au niveau des plans d’aide, afin d’éviter un certain laxisme en ce qui concerne le classement des dépendances.

Madame la ministre, je ne serais pas choqué que l’on accorde une prime aux départements qui sont les plus rigoureux dans le contrôle de l’effectivité. Certaines statistiques mettent en évidence des différences de situation pour le moins édifiantes. Dans certains départements, une personne sur deux âgées de plus de 75 ans est dépendante, soit trois fois plus que la moyenne, et les plans d’aide y sont deux fois supérieurs à la norme. Si l’on doit compenser les dépenses des départements, mieux vaut le faire sur des moyennes de strates, et ne pas encourager les gestionnaires laxistes.

En matière de financement, nous devons faire preuve de lucidité. Évoquer la création d’un cinquième risque avant de s’être mis d’accord sur des cotisations nouvelles relève du non-sens. Il y va de l’acceptabilité du système ! L’assurance doit d’abord permettre aux familles d’assumer leurs responsabilités. Ce mode de financement ne peut donc être envisagé qu’avec prudence pour la prise en charge de l’autonomie.

Contrairement à ce qu’a dit Charles Guené, l’État ne peut pas se retrancher derrière sa situation budgétaire pour ne rien faire. De quelle marge d’action peuvent disposer des départements désormais privés de la capacité de lever l’impôt ? On ne peut se cacher derrière cet argument illusoire...

Je soutiens, pour ma part, la solution défendue par M. Sido, qui consiste à retrancher deux journées de RTT, car elle permet d’apporter une réponse immédiate à des problèmes auxquels il faut en tout état de cause remédier rapidement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Par ailleurs, cette solution ne coûterait rien au budget de l’État, à l’équilibre duquel nous sommes tous attentifs, et serait la marque de la solidarité de l’ensemble de la société française. Or il est de notre devoir d’être solidaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Ce sont toujours les salariés qui paient ! C’est une fausse bonne solution !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

M. Philippe Adnot. Ce système permettrait d’avancer en attendant de trouver la solution idéale. Nous ne pouvons plus attendre : nous devons agir vite et de façon globale. Le temps des colloques est révolu, madame la ministre !

Applaudissements sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous vivons de plus en plus longtemps : on peut s’en réjouir ! La France devrait compter, selon les prévisions de l’INSEE, 4 millions de personnes âgées de plus de 80 ans en 2020, et 11 millions en 2050.

Malheureusement, l’allongement de la durée de la vie s’accompagne souvent d’une perte d’autonomie, ce qui nous impose de réfléchir aux moyens d’accompagner aux mieux nos aînés, de répondre à leurs besoins, et de leur permettre de vivre dans le respect et la dignité. Nous sommes donc confrontés à un véritable enjeu de société, à un défi social considérable.

« Je créerai une cinquième branche de la protection sociale pour consacrer suffisamment de moyens à la perte d’autonomie et garantir à tous les Français qu’ils pourront rester à domicile s’ils le souhaitent ». Ces propos, vous le savez, ont été tenus par le Président de la République en 2007, lorsqu’il annonçait la mise en œuvre d’une « grande politique de la fin de vie ». Il aura tout de même fallu patienter quatre ans avant que le débat ne soit enfin engagé !

La question qui se pose désormais est simple : quelle politique mettre en place, et avec quels moyens, pour assurer la prise en charge de la perte d’autonomie, qui frappe de plus en plus souvent certains de nos concitoyens ?

Sur un tel sujet, les radicaux attendent un texte ambitieux et respectueux des valeurs humanistes qui sont au cœur de notre pacte républicain. Hélas ! les dernières déclarations du Président de la République remettent en cause les promesses de création d’une cinquième branche de la protection sociale fondée sur la justice sociale et la solidarité nationale, création qu’il appelait pourtant de ses vœux en 2007, à grand renfort de tambours et trompettes.

Madame la ministre, vous envisagez d’intégrer dans le processus les mutuelles, les compagnies d’assurance et les organismes de prévoyance. Ce choix, regrettable, est également préconisé par le rapporteur de la mission commune d’information du Sénat, M. Alain Vasselle. Quant au député Valérie Rosso-Debord, elle va bien au-delà puisqu’elle propose, dans son rapport, de rendre obligatoire dès l’âge de 50 ans la souscription d’une assurance contre la perte d’autonomie, dispositif voué à se substituer progressivement à l’allocation personnalisée d’autonomie.

Nous déplorons ces différentes orientations. Ainsi, à cause des déficits abyssaux de nos finances publiques – une situation très bien décrite par Philippe Marini ! –, nos concitoyens devraient recourir aux assurances privées ! Je considère, pour ma part, que la prise en charge de la perte de l’autonomie ne doit pas s’inscrire dans une logique assurantielle qui, nous le savons, aggraverait les inégalités entre les plus aisés et les plus modestes. Or tel n’est pas, je l’imagine, le but que vous recherchez !

En revanche, je suis favorable à la proposition de M. le rapporteur, lequel préconise l’instauration d’un mécanisme de gage patrimonial optionnel, différent du recours sur succession mis en œuvre dans le cadre de la prestation spécifique dépendance, certains d’entre nous s’en souviennent. Limité à 20 000 euros, ce gage ne concernerait que les personnes choisissant de bénéficier de l’allocation à taux plein et dont la valeur du patrimoine est supérieure à 150 000 ou 200 000 euros – le seuil reste à fixer –, c’est-à-dire déjà assez élevée. L’économie ainsi dégagée pourrait donc être redéployée par les conseils généraux afin d’améliorer la situation des personnes âgées dépendantes les plus démunies.

En effet, nous le savons, l’enjeu financier est considérable. Les départements sont véritablement asphyxiés par le financement de l’APA. Rappelons-le, le poids de cette prestation était, pour 2010, de 5, 5 milliards d’euros, le nombre de ses bénéficiaires ayant quasiment doublé depuis 2002, c’est-à-dire depuis que la prestation spécifique dépendance a été remplacée par l’allocation personnalisée d’autonomie.

Certes, les conseils généraux sont, du fait de leur proximité avec les administrés, les plus aptes à évaluer les situations individuelles et à coordonner les actions avec les principaux partenaires. Toutefois, leurs ressources fiscales désormais inexistantes et la rigueur implacable de l’État, qui a déjà gelé les dotations, ne leur permettent plus de faire face à leurs dépenses en général, notamment à celles qui sont liées à I’APA. En outre, les transferts massifs de compétences qui ont été effectués n’ont pas été accompagnés, pour les départements, des compensations nécessaires qu’il aurait pourtant été indispensable et juste de leur verser.

Mes chers collègues, ce désengagement organisé de l’État est inacceptable. En effet, lors sa création, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie était censée financer l’APA pour moitié, mais sa part a chuté de 50 % en 2002 – seule année, je le rappelle, où les engagements ont été tenus – à moins de 30 % aujourd’hui ! Les conseils généraux sont donc contraints de pallier les carences de l’État ; l’urgence est patente.

Madame la ministre, comment comptez-vous les aider à sortir de l’impasse financière dans laquelle la récente réforme de la fiscalité locale les a placés ? J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur ce sujet en décembre dernier, lors de l’examen de trois propositions de loi identiques et relatives à la compensation des allocations individuelles de solidarité versées par les départements, textes déposés par les sénateurs de l’opposition. Je vous avais alors alertée sur l’urgence d’octroyer aux conseils généraux les ressources financières nécessaires pour assumer les compétences que la loi leur attribue. En vain !

La mission sénatoriale préconise – utilement – le partage de la charge de I’APA selon une règle de stricte égalité entre l’État et les départements. Je m’en félicite, car ce serait le juste retour du respect des engagements pris.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale

Aucun engagement n’a été pris !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Dans le même ordre d’idée, il serait également souhaitable que les décisions en matière d’action sociale soient également partagées, car les conseilleurs, voire les décideurs, ne sont pas toujours les payeurs.

En tout état de cause, la prise en charge de la dépendance ne doit pas se limiter au seul aspect financier. Elle doit être envisagée dans sa globalité, notamment, et même surtout, dans sa dimension humaine. Je pense tout particulièrement à la place primordiale des aidants, dont je tiens à saluer le dévouement. La prise en charge des personnes âgées repose fortement sur ces 3, 5 millions de non-professionnels qui, il est vrai, sont souvent des membres de la famille. Les aidants ont besoin d’être accompagnés, soutenus et reconnus. Ils sont, vous le savez, confrontés non seulement à des difficultés financières, mais aussi à des épreuves psychologiques, à des responsabilités qui affectent leur vie familiale, sociale ou professionnelle et qui les mènent parfois à un certain isolement social.

Madame la ministre, les radicaux de gauche, comme le groupe du RDSE, ont à cœur la mise en place d’une réforme de la dépendance, réforme que nous souhaitons de grande ampleur, à la hauteur de ses enjeux financiers et surtout humains. Ne nous y trompons pas : oui, il faut une réforme, mais pas n’importe laquelle, et certainement pas une réforme qui s’appuierait encore et toujours sur les mêmes : les collectivités locales d’un côté, les Français les plus faibles de l’autre.

Soyez donc assurée, madame la ministre, que nous serons à la fois attentifs et vigilants quant aux modalités et au contenu d’une grande loi relative à la prise en charge de la dépendance, loi que nous appelons de nos vœux.

Applaudissements sur les travées du RDSE, M. le président de la mission commune d’information et M. Jean-Pierre Fourcade applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

M. Guy Fischer. Vous lisez en moi, chers collègues !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Depuis 2008 que le débat et la réflexion sur ce que votre majorité appelle « la prise en charge de la dépendance » a commencé au Sénat, notre conviction de fond a peu évolué…

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Pour la faire évoluer, c’est dur !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

… et nous demeurons plus que jamais attachés à un principe pour nous essentiel : apporter une réponse solidaire, juste et nationale aux besoins de nos concitoyens.

Cette exigence de justice sociale est d’autant plus importante pour nous que le Président de la République et son Gouvernement s’attachent méthodiquement à mettre à bas ce qui fonde notre République : son caractère social.

Les récentes prises de position du chef de l’État sur ce dossier le confirment. Il entend franchir avec la dépendance une nouvelle étape vers l’instauration d’une société assurantielle. Or un tel modèle de société se situe à l’exact opposé du pacte social qui unit nos concitoyens depuis 1946, c’est-à-dire depuis la mise en œuvre du programme du Conseil national de la Résistance.

Avant de poursuivre cette démonstration, il m’apparaît important de préciser certains concepts fondamentaux qui justifient notre opposition au projet que préparent conjointement le Gouvernement, les parlementaires de sa majorité et les représentants du patronat, des assurances privées et des groupes bancaires.

Tout d’abord, nous ne souhaitons pas que l’on appréhende le débat qui s’annonce sous l’angle restrictif de la « dépendance ». Nous préférons à ce terme l’expression « prise en charge des besoins liés à la perte d’autonomie ».

Vous comprendrez bien que la différence entre ces deux dénominations n’est pas uniquement de nature sémantique. L’expression que nous retenons correspond en effet à une approche globale des besoins des personnes en situation de perte d’autonomie, situation qui peut survenir progressivement, du fait du vieillissement, ou brutalement, à la suite d’un accident ou d’une maladie invalidante.

Pour nous, la perte d’autonomie est la résultante multifactorielle de situations qui jalonnent la vie de tout individu. Ces situations, prévisibles ou non, peuvent mener à une perte d’autonomie physique, psychologique ou cognitive et avoir des répercussions matérielles, sociales et familiales. Elles peuvent être cumulatives, porter atteinte à la dignité, voire à la poursuite de l’existence.

Les personnes qui souffrent d’une perte d’autonomie peuvent se retrouver dépendantes de leurs proches, au premier rang desquels les membres de leur famille, ou de personnes intervenant dans un contexte professionnel. Pour atténuer le risque de dépendance, il est impératif que nous construisions, en amont, une politique publique et solidaire.

L’autre divergence fondamentale que nous avons avec le Gouvernement porte sur le champ de ce que devrait recouvrir la perte d’autonomie. Nous l’avions indiqué en 2008, nous l’avons réaffirmé dans notre contribution au rapport de la mission commune d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création d’un cinquième risque, en janvier dernier : nous souhaitons une prise en charge universelle des besoins résultant de la perte d’autonomie. Autrement dit, nous ne voulons pas que ce débat débouche sur des dispositions légales qui écarteraient les personnes en situation de handicap. Bien qu’il s’agisse là de deux manifestations distinctes de la perte d’autonomie pouvant appeler des réponses matérielles et humaines différentes, l’exigence reste la même : éviter que l’autonomie perdue ou en voie de l’être ne se traduise par une destruction, même partielle, du lien social.

La prise en charge de la perte d’autonomie n’a de sens que si elle place au cœur de ses ambitions la satisfaction des besoins propres à chacun de nos concitoyens. Et nous soutenons que le motif invoqué par le Gouvernement pour écarter aujourd’hui l’intégration des besoins liés au handicap dans la prise en charge de la perte d’autonomie est uniquement d’ordre économique.

Madame la ministre, alors que vous participiez aux manifestations célébrant les cinquante ans de l’Union nationale des associations de parents et amis de personnes handicapées mentales, l’UNAPEI – je tiens d’ailleurs à saluer cette fédération pour son travail et ses cinquante ans de combat –, vous avez affirmé : « La réforme se limitera donc aux personnes âgées dépendantes. Dans un contexte budgétaire tendu, c’est là la garantie que cette réforme ne se traduira pas par un recul des droits pour les personnes handicapées, recul qui aurait pu résulter d’une convergence vers le bas. » Autrement dit, pour vous, il ne pourrait y avoir de réformes tendant à renforcer les droits de toutes et de tous ; voilà un bel aveu !

Nous considérons pour notre part que la perte d’autonomie, qu’elle soit due à l’âge ou consécutive à un handicap, doit faire l’objet d’une même prise en charge. C’est d’ailleurs cette conviction qui nous a conduits, dès 2008, à refuser la dénomination de « cinquième risque » utilisée alors.

Cette appellation, issue du secteur assurantiel, à qui vous entendez livrer le marché de la dépendance, n’est pas appropriée à la perte d’autonomie. Pour le groupe CRC-SPG, la vie, ses évolutions, les éventuelles dégradations des conditions d’existence ne sont pas des risques assurantiels ; ce sont des besoins à satisfaire. La référence au risque n’est donc pas neutre : elle s’inscrit dans votre volonté de substituer l’assurance à la solidarité, de faire croire que la seule prévention possible reposerait sur la conclusion de contrats d’épargne ou d’assurance pouvant, le cas échéant, permettre le financement au moins partiel des besoins liés à cette situation. Or la dépendance, pour reprendre votre vocable, n’est ni un risque en soi, ni un risque pour la société.

Tout d’abord, la perte d’autonomie pourrait être considérablement limitée si nous construisions une politique solidaire, une véritable politique de prévention mobilisant toutes les énergies et toutes les solidarités en amont. Cela passe notamment par le développement du concept de design universel ou d’architecture pour tous : l’espace public doit faire l’objet d’une réappropriation par tous les publics. Concrètement, il faut pour cela créer et promouvoir des équipements, des architectures, des environnements simples d’emploi et adaptés au plus grand nombre possible d’utilisateurs. Cela implique de revenir sur l’ensemble des dérogations relatives au bâti et de faire de l’accessibilité pour tous un principe incontournable, un préalable à toute nouvelle construction ou à tout projet pouvant accueillir du public.

Mes chers collègues, si les assurances sont très intéressées par le pactole que pourrait constituer votre conception de la prise en charge de la dépendance, elles ne veulent pas entendre parler du handicap, et ce pour une simple et bonne raison : elles estiment ne rien avoir à y gagner, contrairement à ce qui se passe avec le vieillissement.

En 2008, la Fédération française des sociétés d’assurance, la FFSA, comptait 2 007 600 assurés versant 387, 6 millions d’euros de cotisations au titre d’un contrat pour lequel la dépendance était la garantie principale et elle payait 112, 4 millions d’euros de rente, soit une différence de 275, 2 millions d’euros. En 2009, 2 024 200 assurés versaient 403, 1 millions d’euros de cotisations pour 127, 7 millions d’euros de rente versés, soit une différence de 275, 4 millions d’euros.

Le 8 février dernier, Nicolas Sarkozy annonçait devant le Conseil économique, social et environnemental : « […] je demande à chacun d’entre vous d’examiner toutes les autres options possibles, de n’écarter d’emblée aucune solution, y compris celle de l’assurance, pour des a priori idéologiques. » Derrière cette déclaration se dissimule en réalité l’affirmation, d’emblée, précisément pour des raisons idéologiques, du transfert de la dépendance du champ de la solidarité au domaine marchand.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Notez, mes chers collègues, la contradiction suivante : celui qui déclare ne vouloir écarter aucune piste pour des motifs idéologiques en repousse précisément une : celle de la solidarité nationale !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

C’est pourtant cette piste, et elle seule, qui peut garantir, à l’ensemble de nos concitoyens, un traitement équitable et de nature à répondre à tous leurs besoins.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

C’est pourquoi, pour notre part, nous proposons le principe d’un financement assumé par ces deux piliers que sont la sécurité sociale et le financement public.

Nous suggérons, tout d’abord, de repenser en profondeur le financement de la sécurité sociale et de réformer considérablement les cotisations sociales, afin que celles-ci soient calculées en fonction à la fois de la masse salariale versée par l’entreprise, du niveau de qualification et de la qualité de l’emploi. Cette modulation entraînera immanquablement une modification des comportements des employeurs, favorable à l’emploi et aux rémunérations.

Le financement que nous proposons doit également s’accompagner d’une réforme fiscale conforme à l’idée que nous nous faisons d’une fiscalité juste et redistributive. Il n’est en effet pas acceptable, comme le préconisent les partisans d’une taxation du patrimoine des classes moyennes ou modestes ou de l’instauration d’une seconde journée de solidarité, que ce financement pèse indistinctement sur tous les ménages.

À l’opposé de cette logique, nous voulons créer une contribution supplémentaire portant sur les revenus financiers des entreprises, des banques et des assurances, ainsi que sur les ménages les plus riches. Une telle contribution permettrait de dégager, sur la base des profits réalisés en 2009, près de 40 milliards d’euros pour l’assurance maladie, 25 milliards d'euros pour la retraite et 16 milliards d'euros pour la famille, étant entendu que la part du financement supportée par la sécurité sociale devrait provenir, selon nous, de l’assurance maladie. La dernière étape de cette réforme fiscale résiderait dans la suppression progressive de la CSG, couplée à une réforme des tranches de l’impôt sur le revenu.

Les sommes ainsi dégagées seraient destinées, pour la part issue de la sécurité sociale, au paiement des prestations et, pour les ressources tirées de la fiscalité, au financement d’un pôle public national structuré de manière départementale, chargé non seulement de financer, mais également d’imaginer de manière cohérente une vaste politique d’élaboration de structures d’accueil, de formation, de professionnalisation et de création d’emplois qualifiés en nombre dans le domaine des services d’aide à la personne, en partenariat avec le monde associatif.

Bien que favorables au maintien du caractère national des prestations en cause, garantie d’une égalité territoriale et d’une solidarité nationale entre nos concitoyens, nous n’écartons pas pour autant les départements, qui doivent continuer à jouer un rôle incontournable. Si l’échelon national est plus adapté à la définition des critères servant à l’attribution des prestations, le département doit demeurer le niveau opérationnel de proximité.

Or, on le constate bien aujourd’hui eu égard aux difficultés que rencontrent les départements dans le cadre de la distribution des allocations individuelles de solidarité, notamment l’APA, l’État ne joue plus son rôle. Nous entendons lui permettre d’assurer, grâce à de financements nouveaux, une véritable compensation, à l’euro près, des sommes engagées par les départements.

Madame la ministre, monsieur le président et monsieur le rapporteur de la mission commune d’information, tels sont, exposés de manière nécessairement synthétique, les éléments de réflexion et de proposition que les membres du groupe CRC-SPG entendaient vous livrer et soumettre prochainement à débat, en associant l’ensemble des acteurs intéressés par ce sujet. Ces propositions sont à l’opposé de celles que vous formulez et que, croyez-le bien, nous combattrons.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Jégou

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les nombreux textes relatifs au domaine social que nous avons eu à examiner l’automne dernier – projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale, projet de loi portant réforme des retraites, projet de loi de financement de la sécurité sociale et projet de loi de finances – ont mis en évidence, avec acuité, les difficultés de financement auxquelles notre régime de sécurité sociale est aujourd’hui confronté.

Or, comme j’ai eu l’occasion de l’indiquer, les mesures qui ont été alors prises, certes nécessaires, sont loin de solder le passé et de sécuriser l’avenir, d’autant que notre système de sécurité sociale doit faire face à un autre défi, objet de notre débat aujourd’hui : le vieillissement de la population. Cette évolution démographique emportera, en effet, des conséquences fortes en termes de dépenses de santé, de pensions de retraite et de dépenses liées à la prise en charge de la dépendance.

L’effort public consacré à la prise en charge de la perte d’autonomie est déjà aujourd’hui non négligeable : plus de 20 milliards d’euros par an. Des progrès importants ont été réalisés, qu’il s’agisse de la mise en place de l’allocation personnalisée d’autonomie ou de plans pluriannuels – plan Vieillissement et solidarités, plan Solidarité-Grand Âge – ; ils ont permis une amélioration, tant qualitative que quantitative, de l’offre de soins et d’hébergement.

Néanmoins, la tâche est encore considérable ; je pense en particulier au reste à charge des familles qui demeure, dans de nombreux cas, très élevé.

Le défi auquel nous sommes confrontés aujourd’hui en matière de prise en charge des personnes âgées dépendantes relève cependant quelque peu, pardonnez-moi l’expression, de la quadrature du cercle : comment continuer à garantir à nos concitoyens une base solide de prestations financées par la solidarité nationale dans un contexte budgétaire aussi contraint, marqué, par ailleurs, par la compétition accrue entre les économies, qui empêche d’augmenter les cotisations sociales pesant sur le travail ?

La mission sénatoriale d’information privilégie un financement mixte public-privé de la prise en charge de la dépendance. Cette voie me paraît, en effet, la plus raisonnable, compte tenu de la situation des finances publiques de notre pays. Par ailleurs, comme l’a souligné notre collègue Alain Vasselle, rapporteur de la mission, les différents risques couverts par les actuelles branches de la sécurité sociale donnent déjà lieu aujourd’hui à des financements complémentaires. Il conviendra néanmoins de prévoir une aide pour l’assurance des personnes aux revenus modestes.

La mission sénatoriale d’information suggère d’autres pistes de réflexion : mise en place d’un gage sur le patrimoine pour l’APA à domicile ; création d’une seconde journée de solidarité, que les orateurs précédents ont évoquée ...

Compte tenu de l’ampleur des dépenses actuelles – et que dire de celles qui s’annoncent –, de la dégradation des comptes sociaux et de l’effet différé de certaines réformes proposées – ainsi, la mise en place d’une assurance ne produira des effets qu’à moyen terme –, des recettes nouvelles devront être affectées à la prise en charge de la perte d’autonomie.

Cependant, le poids de cet effort ne saurait, à mes yeux, peser sur les seules générations actuelles d’actifs. Au moment où la réforme des retraites a principalement sollicité ces derniers – j’ai déjà eu l’occasion de le souligner –, il convient d’engager une réflexion sur l’augmentation de l’effort contributif des retraités aux dépenses liées au vieillissement de la nation.

Le niveau de vie moyen des retraités s’est considérablement amélioré depuis les années soixante-dix. Si l’on prend en compte les revenus du patrimoine, les placements financiers et immobiliers et les loyers non versés – les retraités sont souvent propriétaires –, leur niveau de vie moyen paraît même légèrement supérieur à celui des actifs. De ce fait, certains avantages fiscaux dont ils bénéficient, notamment le taux réduit de CSG sur les pensions, pourraient être aujourd’hui révisés.

J’avais déposé un amendement allant dans ce sens lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. Cet amendement tendait à préserver les « petites » pensions : je proposais que le taux de la CSG ne soit relevé que pour les contribuables imposés au taux de 6, 6 %. Les personnes exonérées de CSG sur leurs pensions, ou bénéficiant du taux réduit de 3, 8 %, n’étaient pas concernées. Cette mesure aurait conduit à un surcroît de recettes de près de 1, 7 milliard d’euros.

Cette piste ne pourra pas être écartée éternellement, car il me semble particulièrement légitime de demander un effort à toute la population, à l’heure où le Parlement vient d’accepter non seulement d’utiliser de manière anticipée le Fonds de réserve pour les retraites, mais aussi de prolonger de quatre années la durée de vie de la Caisse d’amortissement de la dette sociale, autrement dit, de reporter sur les générations futures une charge qu’il souhaitait pleinement assumer voilà encore cinq ans.

La sécurisation des recettes de notre système de sécurité sociale représente un enjeu majeur qui doit être concilié non seulement avec les impératifs de compétitivité économique de notre pays, mais aussi avec un devoir d’équité, dans le cas présent d’équité entre les générations. Celle-ci conditionne en partie l’acceptation du système.

Le débat sur la prise en charge de la dépendance ne se réduit certes pas, et heureusement, à des considérations financières, mais ces dernières constituent néanmoins l’un des paramètres incontournables du problème à résoudre. Si le calendrier annoncé par le Gouvernement n’est pas modifié, c’est par des mesures d’ordre financier que le débat parlementaire débutera, dans le cadre de l’examen des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Jégou

M. Jean-Jacques Jégou. Bien sûr, le débat reste ouvert et toutes les pistes de réforme doivent être étudiées. Néanmoins, des choix importants devront être rapidement effectués. Madame la ministre, compte tenu de la proximité d’une élection majeure, je crains que nous ne puissions guère progresser avant 2012.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la France vieillit ! Un Français sur trois sera âgé de plus de 60 ans en 2050, contre moins d’un sur cinq aujourd’hui. Plus de 15 % de la population sera âgée de plus de 75 ans ; le nombre de personnes âgées dépendantes devrait connaître une augmentation de 1 % par an jusqu’en 2040 ; chaque année, 80 000 personnes supplémentaires dépassent l’âge de 80 ans. Ces faits sont le revers de la médaille du baby-boom et de l’allongement continu de l’espérance de vie.

Vivre plus longtemps, en meilleure forme, et rester chez soi jusqu’à un âge avancé est non pas un problème mais, au contraire, une immense chance.

L’allocation personnalisée d’autonomie représente une belle avancée sociétale. Je pense que nous sommes tous d’accord sur ce point.

Sur cette question majeure, je considère qu’il est de la responsabilité de la représentation nationale, avec le concours du Gouvernement, de rechercher et de trouver une solution partagée, qui soit le fruit d’un accord transcendant les clivages habituels entre la gauche et la droite, entre la majorité et l’opposition.

Se fixer pour objectif la mise en place d’un consensus est primordial : c’est la condition sine qua non pour refonder le pacte républicain de solidarité entre les générations.

En matière de prise en charge de la perte d’autonomie, il est indispensable de prendre suffisamment de hauteur par rapport aux contingences politiques quotidiennes. En rassemblant la majorité, l’opposition, le Gouvernement et les acteurs clés de la dépendance que sont les conseils généraux, nous nous donnons collectivement les moyens de réussir à déterminer des solutions pérennes, qui engagent bien au-delà du jeu démocratique des alternances politiques.

Comme l’a clairement relevé notre collègue Alain Vasselle dans le cadre de la mission commune d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création d’un cinquième risque, le statu quo n’est tout simplement pas tenable. Les pistes de réflexion sont multiples.

Je me félicite que, malgré les difficultés économiques, nous ayons trouvé jusqu’à présent les moyens financiers d’honorer cette obligation morale que les enfants, que nous sommes tous, ont envers leurs parents. Cet acte de solidarité entre les générations est à la base du « vivre ensemble » : quelle mère de famille compte le temps et les efforts qu’elle consacre à ses enfants ? Quel père n’a pas constamment à l’esprit la réussite et l’avenir de ses enfants ?

De mon point de vue, la question de la dépendance n’est donc pas une affaire d’argent. L’objectif est d’ordre sociétal.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Tout à fait !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Ensuite, seulement, il nous revient de trouver les moyens matériels à mettre en œuvre pour assurer la pérennité d’un acquis menacé.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Exactement !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

L’APA représente un coût de 22 milliards d’euros par an, dont 17 milliards d'euros sont supportés par l’assurance maladie et l’État et 5 milliards d'euros sont à la charge des conseils généraux.

Alors que le Président de la République a lancé le grand débat national sur la dépendance, les départements ont vocation à participer à cette concertation d’envergure. Force est de le constater : l’APA pèse fortement sur les finances locales et va même – M. Adnot l’a souligné – au-delà de ce qu’elles peuvent supporter.

Comme le rappelait la Cour des comptes dans un rapport paru à l’automne 2009 : « ce sont souvent les départements les plus pauvres, ceux qui disposent des recettes fiscales les moins dynamiques, qui doivent en même temps faire face aux charges les plus importantes ».

L’écart entre les sommes versées directement par les départements et celles qui leur sont transférées par l’État au titre de la solidarité nationale s’établit aujourd’hui à plus de 4 milliards d’euros. Cette situation, que le Gouvernement connaît, a des conséquences sur l’ensemble des politiques départementales.

Je tiens à cet égard à remercier M. le Premier ministre de la qualité de son écoute. Je lui sais gré d’avoir commandé à Pierre Jamet un rapport, devenu incontournable, qui a permis d’établir un diagnostic aujourd’hui partagé.

Madame la ministre, nous serons à vos côtés lors du débat que vous organiserez d’ici à juin prochain, et auquel les départements prendront toute leur part.

Si l’APA semble stabilisée – en fonction du vieillissement naturel de la population, bien entendu –, la prestation de compensation du handicap voit actuellement s’envoler le nombre de ses bénéficiaires et ses coûts. Les réponses à apporter devront aussi tenir compte de ce constat pour s’inscrire dans la durée, tant il vrai que dépendance et handicap sont étroitement imbriqués.

J’en viens à mes propositions. Je fais partie de ceux qui souhaitent le recours à une seconde journée de solidarité. Certes, c’est une contrainte, mais elle est nécessaire pour trouver les moyens de nous occuper convenablement de nos parents et pourrait rapporter plus de 2 milliards d’euros chaque année, comme l’a indiqué M. Marini. Je ne doute pas que cet effort sera accepté, s’il est équitablement réparti. De fait, les familles, aujourd’hui, sont éclatées : les enfants sont souvent établis loin du domicile de leurs parents et ne peuvent s’occuper d’eux au quotidien – c’est un changement important qui est intervenu dans notre société au cours des dernières décennies – ; le soin d’assurer une présence aux côtés des parents doit donc être confié à d’autres personnes et représente, très légitimement, un coût.

En d’autres termes, en acceptant de travailler une journée de plus dans l’année, nous aiderons nos parents à rester autonomes le plus longtemps possible. Encore faudra-t-il s’assurer, et j’insiste sur ce point, que les crédits destinés aux personnes âgées aillent, dans leur intégralité, aux personnes âgées…

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

À cette fin, la gouvernance de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie devra être revisitée.

En ce qui concerne l’augmentation de la CSG, je suis favorable à un alignement des taux, sans distinction.

Le mode assurantiel représente aussi une partie de la solution : pourquoi ne pas envisager la souscription d’une assurance volontaire obligatoire, labellisée par la CNSA, qui garantirait un socle de prestations ? À ce jour, près de 5 millions de Français ont déjà souscrit une assurance dépendance. Bien sûr, pour ceux qui n’ont ni revenus suffisants ni patrimoine, la solidarité nationale doit jouer, comme c’est le cas aujourd’hui avec l’aide sociale.

Qu’en est-il du recours sur succession ? Quoi que l’on en pense, cette option se heurte à de multiples obstacles. Je n’en évoquerai qu’un : les personnes âgées dont le patrimoine est restreint risquent d’être nombreuses à refuser l’aide dont elles ont pourtant besoin afin de ne pas amoindrir leur succession. D’un point de vue humain, cette question est donc très complexe. Je n’insiste pas en cet instant, mais il faudra y revenir. Toutes ces orientations méritent d’être étudiées avec objectivité et lucidité, sans tabou.

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, j’ai le sentiment qu’il n’existe pas de solution unilatérale. Si nous voulons répondre au défi de la dépendance, qui est aussi pluriel que le vieillissement est singulier, il est important de considérer l’intérêt, les attentes et les besoins de chacun. Au regard des pistes proposées, la solution devra être globale et l’effort partagé.

À l’occasion de ce débat, il nous est demandé de réfléchir, dans une optique de nouvelle gouvernance, à ce que seront, dans un futur proche, les bases de nos aides sociales et les moyens de leur financement : autant de questions qui méritent que nous dépassions notre quant à soi pour nous engager dans la création de ce nouveau champ de solidarité collective. Le débat sur la dépendance nous offre l’opportunité de renforcer notre cohésion nationale et de garantir à nos enfants un avenir plus serein.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant même l’examen des orientations présentées aujourd’hui, il me paraît nécessaire de procéder à une mise en perspective préalable du débat sur la prise en charge de la perte d’autonomie, que vient de rouvrir le Président de la République.

Trois questions se posent, en effet, et la portée de la réforme annoncée dépend des réponses qui y seront apportées.

En premier lieu, pourquoi relancer ce débat maintenant ? Il y a en effet près de quatre ans que l’actuel Président de la République déclarait, haut et fort, à Bercy, le 29 avril 2007, vouloir créer pas moins qu’un « droit opposable à la prise en charge de la dépendance ». Puis, nous n’en avons plus du tout entendu parler. De même, le projet de loi que l’ancien ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité avait annoncé vouloir déposer n’a finalement pas été présenté avant son départ du Gouvernement, en janvier 2009. Le rapport qui nous est présenté aujourd’hui rappelle utilement, dans sa page 7, la chronologie de ces quatre années « blanches ».

Pour quelle raison, après tout ce temps écoulé – la mission commune d’information sénatoriale ne s’était d’ailleurs plus réunie depuis le 8 décembre 2008 –, assistons-nous au brusque déploiement d’une véritable machine de guerre, dès après la conférence de presse du 16 novembre 2010 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

On nous annonce le lancement d’un débat national, la publication d’un décret portant création d’un comité interministériel sur la dépendance, la mise en place de quatre groupes thématiques réunissant l’ensemble des acteurs – et pas moins de cinquante personnes par groupe –, l’engagement de débats interrégionaux, la création d’un site internet de recueil de contributions citoyennes, la saisine du Conseil économique, social et environnemental...

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Deuxième cause d’étonnement, le calendrier de la réforme annoncée est fixé avant même que ne le soient ses objectifs !

Le rendez-vous législatif serait la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, à l’automne prochain. Est-ce mieux dire que le Gouvernement, en fait de réforme de la prise en charge de la perte d’autonomie, n’envisage que des mesures financières d’ajustement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Il y aurait là, pour le moins, comme un paradoxe, une distorsion frappante, au regard de l’ampleur du débat national engagé, qui porte sur la place des seniors dans la société. Mais il est vrai que le discours du 8 février 2011 a modifié ce dispositif, en annonçant la présentation, avant l’été prochain, d’un projet de loi spécifique préparé par le Gouvernement. Que croire ?

Depuis 2007, le Président de la Réplique manie en effet l’ambiguïté, alternant, au fil de ses déclarations, son intention de créer, un jour, une « cinquième branche de la protection sociale » et, le lendemain, un « cinquième risque de sécurité sociale », quand il ne se réfère pas à ces deux notions distinctes dans un même discours, alors que le recours à une loi organique serait, pour cela, indispensable. Il ne l’ignore pas, bien sûr, puisqu’il a lui-même écarté cette hypothèse.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Troisième source d’étonnement, pourquoi ce ton et ce vocabulaire de dramaturge : « un déficit de financement colossal », « l’un des problèmes les plus douloureux auxquels nos familles seront confrontées », « un sujet aussi grave », « apporter une réponse à l’angoisse de la dépendance »...

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Le projet de réforme sera-t-il limité, comme l’a voulu le Président de la République, aux seules personnes âgées en perte d’autonomie, à l’exclusion, singulièrement, des personnes handicapées laissées sur le bord de la route ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Cette communication anxiogène vise-t-elle indirectement à déstabiliser plus encore ce qui reste de financement solidaire de notre système de protection sociale ?

Dans le premier cas, ce discours ne correspond pas à la réalité de l’évaluation démographique et financière des besoins à venir, lesquels ne prendront la forme – les constats sont ici partagés – ni du « tsunami gris » ni de la « bombe à retardement » qui sont parfois brandis.

Si l’exercice prospectif est rendu difficile par plusieurs incertitudes quant à l’évolution du mode de vie des femmes – et des conséquences qui en résulteront sur leur espérance de vie –, de la médecine ou du contexte financier, nous savons, en revanche, que la courbe de l’évolution des âges n’est pas celle de la dépendance, que l’incapacité survient de plus en plus tard, essentiellement après 85 ans, et dure de moins en moins longtemps, soit quatre ans en moyenne. Nous savons également – et nous sommes, là aussi, en accord avec la mission –, que l’évolution qui porterait les 1 % de PIB d’ores et déjà consacrés au financement de la dépendance à 1, 5 % à l’horizon de 2030 est parfaitement supportable.

Reste alors la seconde hypothèse, celle d’une fragilisation telle des financements de la sécurité sociale qu’il ne sera nul besoin, comme s’en est d’ailleurs défendu par avance le Président de la République, il y a quelques jours, devant le Conseil économique, social et environnemental, de privatiser une sécurité sociale moribonde, dont le Gouvernement réduit constamment le taux de couverture.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

À ces trois questions, trois réponses, en forme de suggestions, laissent entrevoir, au-delà des discours compassionnels, un joli coup de billard à trois bandes pour le Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Qu’est-ce qu’on est intelligent !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Et d’une : il satisfait dans l’immédiat son calendrier électoral.

Et de deux : il pourrait, par le biais du rendez-vous d’ores et déjà fixé à la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, établir un apparent équilibre de l’assurance maladie par un transfert de la part de l’ONDAM consacrée à la dépendance et peut-être aussi, du même coup, satisfaire à la réserve d’interprétation posée par Conseil constitutionnel dans sa décision du 10 novembre 2010 sur la loi organique relative à la gestion de la dette sociale. En interdisant au Gouvernement de puiser dans les ressources destinées à la sécurité sociale pour abonder le remboursement de la dette transférée à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, cette décision impose pratiquement, cette année, le recours aux prélèvements obligatoires dont vous ne voulez pas.

Et de trois : « grâce » à la dépendance, le Gouvernement pourrait imposer l’ouverture encore plus large de la prise en charge des risques sociaux au secteur privé commercial et à la concurrence.

Je ne crois pas, pour ma part, au flou savamment entretenu sur le contenu et l’ampleur de la réforme annoncée…

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Je suis bien convaincu qu’elle est, pour l’essentiel, déjà écrite, de même que la stratégie en est fixée, comme l’était par avance celle de la réforme des retraites. Je ne crois pas à la sincérité de l’organisation de ce grand débat, dont nous voyons bien qu’il est mis au service de convictions profondément individualistes !

Ce n’est pas le moindre des paradoxes, à cet égard, d’entendre le Président de la République se féliciter de ce que la France a mieux absorbé les effets de la crise que d’autres pays européens, grâce à l’existence d’un système de protection sociale solidaire qui en a amorti une partie des effets. Or c’est en contradiction absolue avec les principes mêmes de ce système protecteur que s’esquissent les grandes lignes du projet de réforme, que nous retrouvons dans les orientations liminaires du rapport de la mission commune d’information, à savoir : le rôle donné à la prévoyance individuelle pour la prise en charge de la perte d’autonomie ; la perspective de réinstaurer le gage patrimonial ; enfin, la distinction opérée entre les personnes âgées et les personnes handicapées.

Les constats et plusieurs propositions de ce rapport, cela a été dit, recueillent cependant notre accord : le maintien du GIR 4 dans le dispositif de l’APA, l’exclusion du recours à l’assurance obligatoire – ouf ! –; l’affirmation du principe de parité de financement de l’APA entre l’État et les conseils généraux. La majorité sénatoriale a rejeté une proposition de loi relative à la compensation des trois allocations de solidarité, que j’avais défendue à cette même tribune le 9 décembre dernier. Elle y revient aujourd’hui, tant mieux, même si ce n’est que très partiellement !

Bien sûr, nous serons également très attentifs à la décision que rendra le Conseil constitutionnel, si le Conseil d’État décide de le saisir de la question prioritaire de constitutionnalité qui lui a été récemment transmise par le tribunal administratif de Montreuil sur ce problème de compensation.

Mais nous ne pouvons suivre la mission d’information sur la question de la convergence. Le monde du handicap vit mal, et à juste titre, sa mise à l’écart d’un projet de réforme relatif à la perte d’autonomie. La barrière d’âge produit des écarts profondément inéquitables de prise en charge ! Elle constitue clairement une discrimination, humainement indéfendable et juridiquement contestable, en particulier au regard du droit européen qui prohibe toute distinction par l’âge dans l’attribution des prestations sanitaires et sociales. Je le rappelle, l’article L. 114-1-1 du code de l’action sociale et des familles, issu de la loi du 11 février 2005, énonce un droit à compensation « quels que soient l’origine et la nature de [la] déficience, [l’]âge et [le] mode de vie » ; au-delà de l’affirmation du droit, la loi prévoyait une mise en œuvre réaliste, car étalée dans le temps.

Certaines problématiques, nous le savons, sont communes aux deux catégories de population. Ainsi, les règles en matière d’accessibilité des lieux publics, issues de la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, profitent surtout, dans les faits, aux personnes âgées. Il en va de même des règles d’accessibilité dans le domaine de l’habitat ou de l’urbanisme : les personnes âgées vivent le plus souvent à domicile ; c’est seulement à partir de 96 ans que plus de 50 % d’entre elles se retrouvent dans des institutions.

La convergence sans confusion – car personne n’imagine, aujourd’hui ni demain, une allocation unique qui se substituerait à l’APA et à la PCH – est techniquement possible et financièrement supportable, dans un cadre solidaire rétabli et progressif.

S’agissant du recours à la prévoyance individuelle, nous savons que les coûts de gestion sont supérieurs à ceux de la sécurité sociale. Nous savons que les assurances commerciales trient les risques. Nous savons que les primes peuvent fortement varier et que les assurés paient beaucoup plus aux assureurs qu’ils ne paieraient en prélèvements obligatoires. Nous savons que les prestations forfaitaires servies ne sont pas adaptées aux besoins. Nous savons que nombre d’assurés ont tout perdu avec la chute des fonds de pension.

Mme Raymonde Le Texier et M. Jacky Le Menn approuvent.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Cela devait être rappelé !

Selon Cynthia Fleury, c’est « supercherie […] de faire croire que le meilleur agent de protection de l’individu, c’est l’individu lui-même. Alors que l’on sait que l’individu sans structures collectives de défense devient plus vulnérable. »

L’enjeu est bien celui de notre contrat social, issu des Jours heureux, le programme du Conseil national de la résistance.

Permettez-moi, mes chers collègues, de citer une dernière phrase : « C’est dans le sort qu’elle réserve, dans la place qu’elle donne, dans la considération qu’elle porte aux plus humbles, aux plus vulnérables, aux plus fragiles, aux plus innocents des siens que se mesure la valeur morale et humaine d’une société ». Cette phrase est du Président de la République !

Madame la ministre, ce sont vos propositions, construites ou non sur une action collective, construites ou non sur la solidarité nationale, qui confirmeront ou détruiront la crédibilité de ces propos.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Fournier

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, nous abordons aujourd’hui au Sénat un des débats les plus importants de ces prochaines années. Portant sur une question de société, c’est aussi un débat moral très attendu par nos concitoyens, parce qu’il concerne – ou concernera – la plupart d’entre nous un jour ou l’autre.

Sur un tel sujet, nous pouvons et nous devons éviter les clivages politiques, socioprofessionnels ou générationnels. Faisons en sorte, ou essayons de faire en sorte que ce débat garde son caractère humaniste. La dépendance ne concerne-t-elle pas pour beaucoup, malheureusement, une étape de la vie qui devrait être belle, cette période de transmission du témoin à nos enfants, de transmission de nos valeurs…

Il est de notre devoir, de notre responsabilité de parlementaires d’anticiper les grandes évolutions de nos sociétés et d’y apporter des solutions.

Le thème de la dépendance se retrouvera naturellement, au cours des prochaines années, dans la plupart des politiques publiques menées par les gouvernements, qu’ils soient de droite ou de gauche. Bien sûr, c’est une question de santé publique, une question de société, mais aussi une question familiale, économique, urbaine.

La dépendance est tout simplement le résultat de l’allongement de la durée de la vie et de sa principale conséquence, le vieillissement de la population française.

Nonobstant les progrès considérables de la médecine, il faudra trouver des réponses adaptées pour tous ces Français qui connaissent une perte d’autonomie importante et qui ne peuvent pas toujours compter sur leur famille.

Un tiers des Français – cela a été dit – aura plus de soixante ans en 2035. Onze millions d’entre eux auront plus de quatre-vingts ans en 2050. Si, bien sûr, ces données démographiques constituent une très bonne nouvelle pour notre pays, c’est l’ensemble de notre modèle économique et social qui va s’en trouver bouleversé.

Cette évolution fondamentale, il nous faut dès maintenant l’accompagner. En effet, seule une personne âgée sur cinq est aujourd’hui en mesure de financer sur ses seuls revenus son hébergement en maison de retraite.

Pour toutes ces raisons, le Président de la République et le Gouvernement ont souhaité que la prise en charge de la perte d’autonomie soit un chantier majeur en 2011. Dans son discours de politique générale du 24 novembre 2010, le Premier ministre a annoncé une grande concertation nationale sur la protection sociale, ayant pour objectif principal de traiter la question de la dépendance, dont le coût est estimé à 21 milliards d’euros par an.

Au-delà de ces différentes remarques sur le plan sociétal et humain, il nous appartient de trouver des financements viables et pérennes.

Nous le savons, cette réforme intervient dans un contexte financier dégradé. Malgré la sortie de crise, la situation demeure fragile. L’état de nos finances publiques est préoccupant et nous sommes tous conscients que la maîtrise de nos déficits est une impérieuse nécessité.

Il nous faudra donc faire preuve d’imagination, d’inventivité, et surtout il nous faudra trouver de nouveaux financements si nous voulons mettre en place une prestation universelle de compensation de la perte d’autonomie.

En somme, nous avons trois impératifs : ne pas accroître nos déficits ; ne pas taxer plus le travail en augmentant les charges sociales et ne pas laisser aux familles toute la charge financière de la dépendance.

L’un des enjeux du cinquième risque est celui du financement des prestations individuelles et du « reste à charge » pour les usagers. Le recours à la prévoyance collective ou individuelle a été évoqué par le Président de la République comme un financement complémentaire aux financements émanant des solidarités nationale et familiale, ainsi que de la participation directe de l’usager.

Nous devrons aussi être très attentifs à la place du conseil général, qui, depuis la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, est devenu le chef de file de l’action sociale en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées. Dans mon département, le conseil général vient de voter un budget avoisinant 200 millions d’euros pour 2011 en faveur de ces publics, soit pratiquement 30 % du budget total.

M. Pierre Jamet, directeur général des services du conseil général du Rhône, qui a remis son rapport sur les finances départementales, le 22 avril 2010, au Premier ministre, a mis en exergue les difficultés croissantes des départements pour absorber dans leur budget la montée en charge des prestations sociales, avec la diminution inversement proportionnelle de leurs recettes.

Pour répondre à cette urgence, la loi de finances rectificative pour 2010 a mis en place un fonds exceptionnel de soutien aux départements en difficulté, abondé à hauteur de 150 millions d’euros.

Aujourd’hui, nous ne partons pas de rien.

L’excellent rapport sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque, rédigé, au nom de la mission commune d’information, par notre collègue Alain Vasselle, nous rappelle très précisément toutes les mesures qui ont été prises depuis des années. Mais il dresse aussi le constat de l’accroissement significatif et nécessaire de l’effort public en direction des personnes âgées dépendantes.

Depuis 2008, M. le rapporteur les a soulignées, de nombreuses évolutions très positives ont eu lieu. Je pense en particulier au plan de relance de l’économie, qui a permis d’accélérer la création de nouvelles places dans les structures d’accueil. Je pense au plan Alzheimer, mais aussi à la réforme de la tarification des EHPAD ou encore à la réforme de la gouvernance du secteur médico-social, avec la création des agences régionales de santé.

N’ayant pas le temps d’évoquer toutes les mesures préconisées dans le rapport de la mission commune d’information, je voudrais conclure mon intervention en insistant sur celles qui, à mes yeux, sont les plus pertinentes.

Tout d’abord, il m’apparaît effectivement indispensable d’accentuer la politique de prévention de la perte d’autonomie et d’améliorer l’évaluation des besoins, la « solvabilisation » des personnes âgées en perte d’autonomie, ainsi que la gestion de l’APA.

Des efforts doivent être fournis pour assurer et développer le maintien à domicile. C’est d’ailleurs un souhait qu’expriment de nombreuses personnes âgées : elles désirent conserver le plus longtemps possible le cadre de vie dans lequel elles ont leurs habitudes, leurs repères, leurs souvenirs. Nous devrons donc être très attentifs, à terme, au décrochage qui peut survenir entre l’effectif des personnes dépendantes et celui des aidants à domicile, ce décrochage pouvant avoir une influence sur les possibilités de maintien à domicile.

Par ailleurs, je soutiens le principe d’une organisation et d’un financement de la prise en charge de la dépendance reposant sur un partenariat entre les secteurs public et privé. Je suis opposé à une assurance obligatoire, mais favorable à une assurance facultative, contractée sur la base du volontariat.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Fournier

La prise en compte de la dépendance ne doit pas reposer sur la seule puissance publique ; elle doit tendre vers un juste équilibre entre la solidarité nationale, la prévoyance, la solidarité familiale et la responsabilité individuelle. C’est pour cela, aussi, que l’idée de la création d’une deuxième journée de solidarité peut avoir beaucoup de sens.

Enfin, il est aussi important d’affirmer le principe de parité de financement de l’APA entre l’État et les conseils généraux.

En conclusion, je me félicite que le Président de la République et les membres de la mission commune d’information aient très clairement rappelé qu’ils ne souhaitaient pas « diluer le handicap dans la dépendance ».

Ces débats vont se poursuivre dans les prochains mois, au Parlement, mais aussi dans nos territoires. D’ailleurs, dès après-demain, M. le président du Sénat se rendra dans mon département de la Loire pour que nous échangions autour du sujet de la dépendance. Nous vous ferons donc part, madame le ministre, des observations et des propositions que nous pourrons recueillir dans nos territoires respectifs.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Mme Valérie Létard applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à partir du constat juste et équilibré dressé par nos collègues Alain Vasselle et Philippe Marini, il nous faut, en abordant ce sujet sensible de la prise en charge de la dépendance, essayer de nous poser les bonnes questions.

À mon sens, celles-ci sont au nombre de trois. Comment respecter le libre choix des personnes âgées entre domicile et établissement ? Comment concilier l’équité et la proximité ? Comment partager justement le coût financier de cet effort ?

Première question : comment respecter le libre choix des personnes âgées ?

C’est un engagement pris, dès 2007, par le Président de la République. C’est une question de respect et de dignité. Mais, il ne faut pas se le cacher, c’est aussi une inflexion à donner pour orienter une partie plus importante de nos efforts sur le développement de l’offre à domicile – soins infirmiers à domicile, accueils de jour, hébergements temporaires –, plutôt que de se concentrer sur la seule poursuite de créations massives de structures d’hébergement.

Ce choix a plusieurs conséquences, que je listerai rapidement.

S’agissant du renforcement de notre effort en matière de prévention, le rapport de notre collègue Valérie Rosso-Debord contient des pistes intéressantes.

S’agissant du maintien impératif du groupe iso-ressources 4, le GIR 4, dans le dispositif de l’APA et son amélioration, je partage complètement l’analyse de la mission sénatoriale. Supprimer ce niveau d’entrée dans l’aide reviendrait à fragiliser l’ensemble du système, car nous prendrions ainsi le risque d’accroître les hospitalisations accélérées et, donc, les dépenses de santé.

S’agissant de l’effort important nécessaire pour former les personnels à prendre en charge des personnes très dépendantes à domicile, il faut poursuivre le plan de développement des métiers et formations du secteur médico-social que j’avais déjà soutenu en 2008. Je persiste à penser que c’est une des clés de la réussite de notre politique en faveur des personnes âgées, qu’elles restent à leur domicile ou qu’elles intègrent un établissement.

Enfin, il faut repenser l’articulation entre le domicile et l’établissement pour aller vers des plateformes de services couvrant tout le parcours des personnes, afin d’éviter les ruptures de prise en charge.

Deuxième question, fondamentale elle aussi, comment concilier équité et proximité ?

Comme devant la maladie, nous ne sommes pas tous égaux devant le vieillissement. Cela implique que ce risque relève d’abord de la solidarité nationale, et une société solidaire doit aider à prendre en charge cet aléa collectivement, d’où la proposition de la CNSA en octobre 2007 de créer un droit universel à une compensation personnalisée pour l’autonomie.

Ce droit doit donner accès à une évaluation des besoins d’aide, à un plan de compensation et au versement d’une prestation personnalisés. Pour ma part, je reprends complètement à mon compte ces propositions et c’est sur ces bases qu’il nous faut, à mon sens, construire la réforme.

En pratique, cela implique trois déclinaisons logiques.

Premièrement, nous acceptons une péréquation afin d’assurer cette aide à toutes les personnes âgées, de manière équivalente en tout point du territoire. Les départements ruraux pauvres ou urbains pauvres doivent être assurés du soutien financier nécessaire. Il faut réfléchir à la manière dont nous répartirons la charge entre l’État, les départements, les usagers et revoir la clé de répartition de l’APA.

Deuxièmement, nous acceptons la nécessité d’établir une équité entre les plus riches et les plus pauvres en fonction de la capacité financière de chacun. Dans cette optique, il est d’ailleurs légitime d’encourager les personnes disposant de revenus suffisants à recourir au système assurantiel.

Troisièmement, nous nous fixons comme un des objectifs majeurs de la réforme de réduire le reste à charge des résidents en établissement, en agissant sur la prise en charge des aides-soignantes et de l’animation.

Dernière question enfin, quels choix financiers pour assurer cette prise en charge ?

Il est difficile d’évaluer précisément le besoin de financement – M. Alain Vasselle avançait le chiffre d’un milliard d’euros par an. Mais, contrairement à l’assurance maladie, et grâce au mode de fonctionnement de la CNSA et des départements, nous partons d’une situation saine, car les besoins à couvrir ne s’accompagnent d’aucun endettement ou passif à apurer.

Du côté des économies possibles, on pourrait certes choisir de revenir au recours sur succession de la prestation spécifique dépendance, la PSD. D’une manière ou d’une autre, ce serait une fausse économie et je n’y suis pas favorable. On peut en revanche s’interroger sur le bien-fondé de l’aide fiscale à l’hébergement en EHPAD. Ces 300 millions d’euros pourraient être plus utilement affectés.

Mais le compte n’y sera pas sans envisager d’autres recettes.

La plus simple, à l’assiette la plus large et au taux le plus faible, est la contribution sociale généralisée, la CSG. 0, 1 point de CSG représente 1, 3 milliard d’euros. Toutefois, je n’ignore pas la difficulté à agir sur ce levier dans le contexte financier actuel.

La piste de la seconde journée de solidarité, que vous avez rappelée, est très intéressante et il faut la creuser.

Bravo ! sur plusieurs travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Mais commençons par la piste que le groupe de l’Union centriste avait proposée dès 2004, c'est-à-dire l’élargissement de cette journée de solidarité aux non-salariés sur la base du taux appliqué aux cotisations des salariés : cela représenterait une recette de 750 millions d’euros.

Troisième piste, pourquoi ne pas réfléchir, à l’occasion de la refonte de la fiscalité sur le patrimoine, à l’affectation d’une fraction des droits sur les successions au financement de la dépendance : 1 % représenterait 2 milliards d’euros ?

Dernière piste, enfin, pourquoi ne pas réaménager la dégressivité de l’aide en GIR 1, afin de concentrer l’aide sur les personnes qui en ont le plus besoin ?

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

On le voit, les curseurs à faire bouger sont multiples et l’objectif est à notre portée. Il demande réflexion, mais surtout souci d’équité…

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

C’est plutôt l’inégalité qui prévaut !

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Mme Valérie Létard. … et de justice sociale et un nécessaire consensus de tous les acteurs permettant d’aboutir à un compromis satisfaisant pour tous, la solidarité nationale restant le cœur du dispositif.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, la mission nous a éclairés sur les chiffres. La perte d’autonomie concerne aujourd’hui 12 % des plus de soixante-quinze ans ; 600 000 personnes vivent en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, EHPAD. La perte d’autonomie coûte aujourd’hui 21 milliards d’euros par an et coûtera 8 milliards de plus dans quinze ans. Nous sommes tous d’accord !

Ainsi, le besoin de financement serait de 0, 5 point de PIB supplémentaire à l’horizon 2025. Mais nous n’avons pas la même lecture des conséquences.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Chers collègues, arrêtons le catastrophisme. La compensation de la perte d’autonomie n’est pas un problème insurmontable à l’échelle des problèmes planétaires.

Cela menace-t-il l’environnement mondial, problème numéro un aujourd’hui ? Non !

Cela crée-t-il des tensions sur les ressources naturelles ? Non !

Cela crée-t-il des tensions d’approvisionnement des ressources alimentaires ? Non !

Cela pose-t-il des problèmes pour les générations futures ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Non ! Notre collègue Guy Fischer l’a dit, ce n’est pas un risque pour la société. C’est un problème de financement. Eh oui ! Et ce problème de financement pose le problème de la solidarité nationale, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. … celui de la redistribution des richesses.

Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Et comment résoudre le problème de la redistribution des richesses ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Le problème, c’est que notre société est de plus en plus inégalitaire.

La première des inégalités est celle de l’espérance de vie, particulièrement celle de l’espérance de vie en bonne santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Nous avons déjà eu l’occasion d’en parler longuement lors du débat sur les retraites. Dégradation de l’environnement, épidémies de cancer, mal-être au travail : nos conditions de vie se détériorent, surtout pour les plus précaires d’entre nous.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

L’autre grande inégalité se trouve dans les écarts de richesses. En ce qui concerne les personnes âgées, ce n’est pas en faisant baisser les pensions de retraite que les choses vont s’arranger.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Nous avons sauvé la retraite par répartition pour éviter que les retraites ne diminuent !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Alors, dans ce contexte marqué par la précarité, à la question : « Comment assurer à tout citoyen ayant perdu son autonomie une vie dans un cadre matériel décent, permettant de maintenir les liens familiaux et sociaux, avec des solutions qu’il ou elle a librement choisies ? », je réponds : en organisant un service public de la compensation de la perte d’autonomie.

Avec tambours et trompettes – ou plutôt tambours et tromperies –, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

… le Président de la République prétend ouvrir le débat alors que les bases de discussion sont déjà fermées. D’ores et déjà, il a exclu le débat sur la convergence en faisant le choix de ne traiter que de la perte d’autonomie des personnes âgées. D’ores et déjà, il a laissé entendre que les compagnies d’assurance auront un rôle à jouer dans la « cinquième protection ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Mais, pour nous, la compensation de la perte d’autonomie ne doit pas devenir un marché juteux pour le privé.

Premièrement, il faut absolument élargir l’APA et aller plus loin car, au-delà de la dépendance, la question de l’hébergement reste entière et non traitée.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Demain, on rase gratis !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

En effet, 80 % des personnes accueillies en maison de retraite doivent faire appel aux ressources de leurs proches, qui, évidemment, n’ont pas tous les moyens d’assumer une telle charge. Cette situation est devenue intolérable, et cela a été dit sur toutes les travées de notre assemblée.

Deuxièmement, nous souhaitons une meilleure formation aux métiers de la dépendance. Actuellement, ces métiers sont trop peu attractifs et les salaires trop faibles.

Moins d’un aidant à domicile sur cinq est diplômé aujourd’hui. Il est urgent d’offrir des services de qualité à domicile et en établissement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Les écologistes sont pour le soutien à domicile des personnes âgées mais également pour le développement de solutions intermédiaires, alternatives aux maisons médicalisées et impersonnelles, notamment grâce à l’économie sociale et solidaire et au tiers secteur. Il faut encourager l’ouverture de structures à taille humaine, la vie en petite communauté, tout cela sans but lucratif et à tarifs abordables pour les personnes dépendantes et leurs familles.

Il faut également aider davantage les aidants familiaux, trop souvent isolés et ayant des difficultés à allier leur vie professionnelle avec la mission d’aidant.

Troisièmement, il faut de la prévention, encore de la prévention et toujours de la prévention !

J’ai eu l’occasion de le dire lors de l’examen de la mission « Santé » du projet de loi de finances : la prévention est essentielle, et pourtant si peu financée.

Il faut informer les personnes vieillissantes et les suivre. Il faut aussi adapter l’environnement aux seniors, rendre la ville plus lente et le logement plus facile à vivre. L’urbanisme doit avoir pour visée une ville plus douce, plus accessible aux personnes âgées, aux personnes à mobilité réduite.

Un exemple : en 2004, les chutes constituaient 84 % des 20 000 accidents de la vie courante survenus chez les plus de soixante-cinq ans. Il est possible de limiter ces accidents dont les conséquences sont parfois dramatiques.

Certes, financer un grand plan pour l’habitat des seniors, former des aidants, investir dans des structures adaptées et diverses pour répondre aux besoins de chacun, cela coûte de l’argent et vous allez nous ressortir l’argument selon lequel on ne peut se permettre de prendre en charge la compensation de la perte d’autonomie vu l’état des finances publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Notons que l’augmentation de ces besoins ne va pas croître indéfiniment, car la prise en charge des baby-boomers en situation de dépendance ne se prolongera pas au-delà de 2040.

Mais, au-delà de ces éléments, je pense que la compensation de la perte d’autonomie crée de l’emploi – et cela a été dit, même sur les travées de la droite –…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

… et il s’agit d’emplois socialement utiles, non délocalisables et non polluants. Le must !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Alors que l’on recherche justement des solutions en matière d’emplois, là, nous avons la solution.

De toute façon, prendre en charge nos aînés n’est pas une option.

C’est pourquoi j’affirme ici que les écologistes sont pour un droit universel à la compensation de la perte d’autonomie et, au-delà du seul enjeu des moyens, pour une écologie des seniors insérant véritablement les personnes âgées dans la vie sociale et citoyenne.

La compensation de la perte d’autonomie est un problème de redistribution des richesses, de solidarité. La solution réside dans une refonte de la fiscalité, plus juste et plus équitable.

Pour nous, monsieur le rapporteur, qu’il soit obligatoire ou optionnel, nous ne sommes pas pour le système assurantiel.

En conclusion, je rappellerai que, pour nous, la dépendance pose la question cruciale de la solidarité nationale.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Fournier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sur le fond, comme l’a dit le Président de la République, ce qui nous rassemble aujourd’hui n’est pas un débat simplement technique. C’est effectivement bien plus que cela. C’est l’une de ces marques qui traduisent l’état d’une société.

À ce titre, le rapport de la mission commune d’information nous rappelle que notre pays n’a pas à rougir de sa politique publique. Les plans successifs « vieillissement et solidarités » et « solidarité-grand âge » ont placé la France en tête des pays européens pour la prise en charge technique de la dépendance.

La volonté de solidarité est bien présente tant dans l’opinion publique que sur l’ensemble des travées de cet hémicycle. Encore faut-il qu’on sache anticiper les limites financières du système actuel, et surtout que l’on sache organiser le système autour de l’aidant et du médecin. Ce lien social est à la fois la clef de la qualité mais aussi celle de l’efficience économique.

Le remarquable rapport de la mission commune nous éclaire sur une situation d’une absolue complexité administrative et décrit précisément les perspectives statistiques et financières, à moyen et long termes.

Le débat ne devrait pas être seulement technique, mais il le sera inévitablement.

D’abord, sur la recherche d’une gouvernance simplifiée, tout ce qui revient à l’humain devrait être lisible. La clarté est nécessaire tant pour les familles que pour les professionnels. Actuellement, les administrations et les structures manquent de coordination entre elles, si bien qu’un médecin traitant ne sait plus à qui s’adresser quand un patient chronique se déstabilise. Alors, c’est la solution sans retour, celle des urgences de l’hôpital le plus proche.

Lors de l’hospitalisation, les bilans sont refaits sans réelle nécessité, et pour peu que le séjour se prolonge, le patient devient inapte au retour au domicile. Et c’est le placement dans un service de long séjour onéreux, où il finira sa vie. C’est le pire sur le plan humain, c’est aussi le pire sur le plan financier, sachant qu’une journée d’hospitalisation à domicile est facturée à la tarification à l’acte environ 200 euros alors que, en centre hospitalier ou en centre hospitalier général, c’est jusqu’à dix fois plus.

La gouvernance, sans nom et sans corps, est différenciée selon que l’on traite de l’hébergement, des soins ou de l’aide à la personne. Unifions, clarifions, donnons-nous un chef de file et soyons novateurs en créant un « guichet unique ».

Nous ne partons pas de rien. Les outils sont nombreux et de qualité : les centres locaux d’information et de coordination gérontologique, les CLIC, les établissements hospitaliers pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, les services de soins infirmiers à domicile, les SSIAD, les hospitalisations à domicile, les HAD, les maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer, les MAIA, les services de maintien au domicile, les réseaux de soins palliatifs et les associations. Les départements, eux aussi, ont acquis une expertise.

Il émane du rapport un manque de lien et de coordination entre ces acteurs de terrain que le régime de la « grande cathédrale centralisée », termes employés par Mme la ministre, ne saurait instaurer.

En réalité, c’est bien sûr la refonte du financement que les conclusions de la mission ont déjà suscité des réactions relevant plus de la posture idéologique que de la raison.

Peut-on créer une cinquième branche sur le modèle des quatre autres ? Rationnellement, non ! Sauvons les branches existantes, mais ne chargeons pas la mule, elle marche déjà sur les genoux, si j’ose dire, tant du côté de l’entreprise que de celui du salarié.

Les travaux parlementaires concluent à la nécessaire participation du privé à la gestion du risque dépendance.

Qu’elle soit obligatoire, comme le préconisent nos collègues députés, et alors ce ne sera ni plus ni moins que la création d’une cinquième branche exclusivement financée par les particuliers, sans qu’en soient connus les moyens de contrôle !

Qu’elle soit volontaire, comme le suggère la mission sénatoriale, et, dans ce cas, nous restreignons l’assiette et augmentons les cotisations ou les primes. Mais alors Quid de ceux qui ne feront pas cet effort soit par manque de moyens, soit par négligence ou méconnaissance ! In fine, nous savons très bien que c’est la collectivité qui les prendra en charge.

Cette piste est néanmoins intéressante non seulement parce qu’il y a déjà cinq millions de cotisants mais aussi du fait de la mobilisation du secteur mutualiste. Particulièrement réactifs et visionnaires, ces acteurs sont à l’écoute de solutions moins onéreuses et s’inscrivent en partenaires de programmes spécifiques et novateurs, comme c’est actuellement le cas pour une expérimentation menée en Languedoc-Roussillon.

Pour compléter le dispositif de financement, nos collègues de la mission commune d’information préconisent la prise en gage avec un rendement de l’ordre du milliard d’euros couvrant l’augmentation annuelle de la dépense publique pour la dépendance ; c’est effectivement séduisant et équitable socialement.

Je rejoins toutefois les réserves émises par d’autres parlementaires sur ses effets pervers, pouvant aller jusqu’à la pression des familles pour conserver le patrimoine au détriment de la personne fragile, quand ce n’est pas le patient lui-même qui éviterait la prise en charge pour léguer l’intégralité de son patrimoine.

Dans tous les cas, il me semble souhaitable de réserver une place prépondérante à la solidarité nationale, ce qui est conforme aux positions de la mission, en complétant les ressources par urne fiscalité bien ciblée, comme celle sur les jeux d’argent en ligne, qu’il faut intégrer à la refonte de la fiscalité du patrimoine. Mes chers collègues, nos concitoyens tiennent à cette solidarité ; sachons les entendre !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Houpert

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’aborderai le sujet d’une manière différente de mes collègues et je proposerai – modestement ! – une solution pour faire des économies sur cette peste grise qu’est la dépendance, notamment sur le reste à charge des familles.

Courageux, le Président de la République a annoncé qu’il ouvrirait le chantier de la dépendance en 2011. Il s’agit de créer un cinquième risque, mobilisant la solidarité nationale pour financer l’accompagnement de nos aînés.

Outre les difficultés du bel âge, le développement de maladies, comme le syndrome d’Alzheimer, augmente la complexité d’un tel dossier.

Le Sénat s’est penché depuis longtemps sur la question. Un travail remarquable a ainsi été accompli par la mission commune d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création d’un cinquième risque.

La prise en charge de la dépendance est un défi qui m’apparaît comme une opportunité pour notre société, mais également pour nos territoires. Financement de la dépendance et aménagement du territoire forment, tel Janus, les deux visages d’un même problème.

Je me permets donc de revenir sur deux aspects liant l’aménagement du territoire et le financement de la dépendance : il s’agit, d’une part, de la localisation des EHPAD en zone rurale, car on diminue le reste à charge en abaissant la part du foncier dans le coût de la prise en charge, et, d’autre part, de la prudence dont nous devons faire preuve en matière de recours sur succession, car une telle option, comme il en existe pour l’ASPA, l’allocation de solidarité aux personnes âgées, fera peser le financement de la dépendance sur les départements vieillissants.

La diminution du reste à charge par l’installation d’EHPAD sur des territoires à faible pression foncière, c’est l’assurance d’une dépendance moins chère et d’une meilleure valorisation des territoires ruraux.

Oui, il est légitime de mobiliser la solidarité nationale quand nombre de familles ne peuvent plus supporter le reste à charge. De fait, même en matière de dépendance, les cordons de la bourse ne sont pas élastiques. Pour proposer aux Français une réforme juste et audacieuse, il est indispensable de développer une vision compréhensive du sujet, sur les plans tant sociétal et médical qu’économique et territorial. En réalité, les dimensions économique et territoriale sont précisément liées, alors que, à ce jour, une conception trop administrative tend bien souvent à les opposer.

On ne pourra redonner vie aux années de nos aînés sans redonner vie à nos territoires. Au regard des 30 % que représente le foncier dans le coût d’une place en maison médicalisée, la ruralité offre une opportunité sans pareille pour pourvoir la France de nouveaux établissements, de surcroît à meilleur rapport qualité-prix. Il faudrait cependant sortir des schèmes traditionnels des CROSS, SROS, DDASS, DRASS et maintenant des ARS, qui concentrent les projets dans les centres urbains, au nom de la proximité familiale.

Malheureusement, la proximité familiale est un argument bien théorique au regard de la réalité de la dépendance. Non seulement les EHPAD placés en zone urbaine coûtent extrêmement cher et le reste à charge des familles reste trop élevé, mais, en plus, ces structures ne trouvent pas pour autant leur place dans une vie urbaine à la fois absorbante et anonyme.

Oui, le foncier est trop cher en ville ; non, les plus modestes n’ont pas accès à ces structures d’accompagnement. Oui, la ville est absorbante ; non, les familles n’ont pas davantage le temps de visiter leurs aînés en cours de semaine. Oui, la ville est anonyme ; non, cet anonymat ne nous permettra pas de réduire de risque de maltraitance.

La ruralité, et c’est un rural qui le dit, offre – osons le dire ! – un cadre de vie mieux adapté pour traiter la dépendance. La ruralité laisse le temps au temps ; elle donne aussi à chacun l’espace suffisant pour respirer. Le sommeil y est meilleur et la vie plus équilibrée. Moins d’obstacles encombrent les promenades. Et surtout, à la campagne, il n’y a point d’anonymat ; nul n’est oublié de la société.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Houpert

Lorsqu’un aîné n’ouvre plus ses volets un beau matin, on n’attend pas deux semaines pour prendre des nouvelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Houpert

Alors que la dépendance est difficile à accepter, tant pour les aînés que pour leurs proches, la vie à la campagne commence par redonner une dignité à chacun. Favoriser un cadre de vie plus humain permettra notamment de diminuer le sentiment de culpabilité des familles ; il faut améliorer la vie en EHPAD pour que les placements en EHPAD ne s’apparentent pas à des commencements d’abandon.

Redonner vie à nos aînés en redonnant vie à nos territoires, telle peut être l’ambition d’une prise en charge nationale de la dépendance. Oui, l’angoisse de la dépendance, c’est la peur de la chute dont on ne peut se relever. Si la crainte de la dépendance est réelle, une chute en appelle néanmoins une autre, que nous emprunterons à La Fontaine : « Adieu donc ! Fi du plaisir que la crainte peut corrompre », arguerait ainsi le rat des champs que je suis. Alors ne faut-il pas rechercher la quiétude des campagnes loin du tracas que causent les villes ? D’autant plus que ces dispositions créeraient de l’emploi féminin, qui fait souvent défaut en milieu rural.

Il faut également faire preuve de prudence dans les recours sur succession, car une telle option, comme il en existe pour l’ASPA, ferait peser le financement de la dépendance sur les départements vieillissants.

En effet, on constate que, au travers de mécanismes comme l’ASPA, les aides accordées aux personnes âgées sont, in fine, répercutées sur des biens immobiliers, généralement situés dans des départements vieillissants.

On peut alors légitimement redouter que la multiplication de biens à vendre dans ces territoires ne fasse qu’accélérer leur déclin en faussant le marché à la baisse. Or la baisse du marché aura elle-même pour conséquence de diminuer les recettes de conseils généraux.

Avant que ces mécanismes ne soient généralisés ou étendus, je crois que la question de l’équité territoriale devrait faire l’objet d’expertises, de modélisations. Il faut donc faire preuve de prudence sur le recours sur succession.

Pour conclure brièvement, je tenais à souligner l’impact que peuvent avoir sur l’aménagement des territoires les modalités de financement que nous retiendrons pour le financement de la dépendance. Je crois que c’est bien « l’esprit maison » que d’en tenir compte. Puisque les progrès de la médecine, dont je suis l’un des modestes praticiens, ont donné des années à nos vies, redonnons de la vie à nos années !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, quel beau débat ! C’est avec un grand plaisir et une grande attention que je vous ai toutes et tous écoutés.

La qualité des échanges montre combien la question de la dépendance des personnes âgées concerne l’ensemble d’entre nous. Vous l’avez tous souligné dans vos allocutions. La diversité des points de vue nous indique, quant à elle, à quel point les enjeux sont multiples et les pistes variées.

Je ne rejoins pas Philippe Adnot quant à l’inutilité du débat. Les différentes solutions qui ont été mises en exergue montrent bien que le débat, qui a été jusqu’à présent confiné dans des cercles d’experts, a besoin de se poursuivre afin que nos compatriotes puissent s’en approprier les termes.

Le Président de la République, s’exprimant il y a quelques jours devant le Conseil économique, social et environnemental, a résumé l’enjeu en quelques mots : « La réflexion doit être collective et la réponse aussi. »

La qualité de ce débat, on la doit aussi, cher Alain Vasselle, à votre excellentissime rapport.

Exclamations amusées sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le mot « excellent » ne me paraissait pas suffisant !

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

On la doit également aux travaux de la mission sénatoriale présidée par Philippe Marini, travaux dont je veux saluer aujourd’hui la pertinence et la profondeur.

Le Sénat a depuis longtemps pris la mesure de l’enjeu que représente la perte d’autonomie des personnes âgées. En choisissant de créer une mission commune d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque, vous avez tous souligné l’importance de mener une réflexion profonde et collective sur ce thème d’envergure.

Au moment où le Gouvernement engage un grand débat national, votre rapport dresse un panorama complet des enjeux humains, organisationnels et financiers de la construction de ce cinquième risque et esquisse de nombreuses pistes de réformes. Soyez-en remerciés.

Beaucoup de choses très intéressantes ont été dites depuis le début de l’après-midi et je voudrais revenir sur certaines d’entre elles.

Le constat est unanime : le vieillissement de notre pays n’est pas un problème, mais au contraire une immense chance, celle de vivre plus longtemps en meilleure forme et de rester chez soi jusqu’à un âge avancé, comme Bernard Fournier, Bruno Sido et Valérie Létard l’ont très bien indiqué.

L’allongement de l’espérance de vie est l’un de nos plus spectaculaires et de nos plus extraordinaires acquis. Chaque année, nous gagnons un trimestre d’espérance de vie, et même quatre mois l’an dernier ! Ainsi, l’espérance de vie à la naissance est passée, pour les hommes, de 70, 2 ans en 1980 à 78, 1 ans en 2010 et, pour les femmes, de 78, 4 ans à 84, 8 ans.

Nous vivons non seulement de plus en plus longtemps, mais surtout de plus en plus longtemps en bonne santé. Les progrès de la médecine et l’amélioration de nos conditions de vie l’ont largement permis.

Ce vieillissement est une chance.

Une chance pour chacun de nous, car il nous offre la possibilité de réaliser plus longtemps nos désirs et nos projets : la possibilité d’être ce pivot familial autour duquel enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants se réunissent ; la possibilité d’observer le monde qui change et d’œuvrer à ces mutations.

Une chance pour notre société, car il implique plus de temps pour s’engager dans le tissu associatif ou pour aider, y compris financièrement, les enfants et petits-enfants.

Nous devons donc envisager le vieillissement de façon positive.

Je voudrais maintenant évoquer le champ de la réforme pour répondre à MM. Fischer et Daudigny, et peut-être d’autres encore, qui s’inquiétaient que la réforme ne prenne pas en compte l’autonomie des personnes handicapées.

La réforme vise bien la prise en compte de la dépendance des personnes âgées. Nous n’avons pas retenu à ce stade l’autonomie, très justement revendiquée, des personnes handicapées, car la dépendance des personnes âgées est structurellement et philosophiquement très différente de la recherche d’autonomie des personnes handicapées : confondre les deux questions présenterait des risques majeurs.

J’ai d’ailleurs rencontré les représentants de toutes les grandes institutions représentatives des personnes handicapées sur ce sujet. Je me suis notamment rendue devant le Conseil national consultatif des personnes handicapées. La grande majorité de ces institutions étaient très défiantes quant à une possible confusion des deux sujets dans le débat. Elles sont tout à fait d’accord pour que l’autonomie des personnes handicapées soit abordée dans d’autres enceintes, tout en restant bien évidemment extrêmement vigilantes quant à la défense de leurs droits.

J’ai néanmoins souhaité que les représentants du Conseil national consultatif des personnes handicapées participent à chacune des quatre commissions qui ont été instituées au sein du ministère. J’ai indiqué que, bien entendu, la problématique des personnes handicapées vieillissantes faisait partie intégrante de notre débat actuel.

À cet égard, nous menons un travail très important concernant l’accessibilité et l’évaluation des besoins, des structures et des services. Tous les progrès qu’enregistrera notre société en ces matières bénéficieront bien évidemment aux personnes en situation de handicap tout comme l’accessibilité de nos villes aux personnes en situation de handicap a participé à améliorer la vie de tous.

Je veux insister sur le fait que la dépendance n’est pas une fatalité et qu’une politique active de prévention peut la faire reculer. Bernard Fournier l’a d’ailleurs indiqué.

Le rapport de la mission sénatoriale fait sur ce sujet plusieurs propositions, comme l’avait fait auparavant le rapport de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale. Certains d’entre vous ont souligné à juste titre l’importance de cette dimension.

Je crois beaucoup au rôle de la prévention, trop souvent oublié. Lorsque j’étais ministre de la santé, j’ai veillé à ce que ce volet essentiel soit pris en compte dans les différents plans de santé publique que j’ai lancés tel le plan AVC ou le plan Alzheimer. Ainsi, j’ai souhaité que la prévention soit l’un des dispositifs cardinaux de la création des agences régionales de santé.

Tous les spécialistes en gérontologie l’affirment. Une étude menée aux États-Unis montre aujourd’hui que, si aucune mesure de prévention n’était mise en œuvre, le nombre des malades doublerait d’ici à 2050, alors que, si l’âge de début de la maladie pouvait être reculé de cinq ans, ce nombre serait réduit de moitié. Cela démontre bien l’enjeu de la prévention !

Essayons également de ne pas « fabriquer » des personnes dépendantes. Par exemple, aliter une personne âgée pendant dix jours peut lui faire perdre jusqu’à 20 % de sa masse musculaire, ce dont elle ne se remettra pas.

La prévention nécessite aussi une meilleure articulation de la prise en charge en institution – hôpital, EHPAD – et à domicile. À ce titre, nous savons bien qu’il y a des moments cruciaux dans la prévention de la perte d’autonomie. Un certain nombre d’entre vous sont des soignants et le savent. Vous connaissez, par exemple, ce moment du retour à domicile après une hospitalisation ou celui de l’entrée à l’hôpital. Il faut faire en sorte que les besoins de soutien ponctuels soient immédiatement satisfaits si l’on veut éviter une perte irréversible d’autonomie.

Au-delà de l’aspect médical, la prévention met en jeu d’autres facteurs de risques liés aussi bien aux comportements individuels qu’au cadre de vie et plus généralement à l’environnement urbain et social.

Plusieurs choses concrètes peuvent être faites : sensibiliser la personne âgée au risque de fragilité lié à une alimentation non équilibrée, au manque d’activité physique et cognitive, à l’isolement social ; mieux repérer les situations de risques imminents. Le médecin traitant, le pharmacien, l’infirmière et l’aide-soignante ont un rôle important à jouer, tout comme les aidants familiaux et professionnels, qui sont en contact quotidien avec la personne âgée.

On peut prévenir la fragilité, la traiter ou au moins la stabiliser avant qu’elle ne débouche sur la perte d’autonomie.

On peut aussi agir sur le cadre de vie des personnes âgées, à commencer par le logement, qui est le premier lieu de risque. Comme je l’ai déjà dit vendredi dernier en visitant un ensemble de logements dédiés aux personnes âgées en Meurthe-et-Moselle : les chutes provoquent chaque année 10 000 décès environ et des dizaines de milliers de cas de traumatismes et de lésions aux conséquences graves. C’est donc beaucoup plus que le nombre d’accidents de la route.

Pour cela, nous devons mener une véritable politique publique d’adaptation du logement. Vivre à domicile n’est pas synonyme de confinement. La mobilité et l’accessibilité en sont des vecteurs essentiels. C’est pourquoi il est nécessaire d’améliorer l’accessibilité des espaces privés et publics et, plus globalement, l’environnement socio-urbain : aménagements, mobilier urbain, déplacements, services de proximité.

Je souhaite que le débat national aborde aussi toutes ces questions.

Un constat partagé, une précision sur le champ de la réforme, l’importance de la prévention ne doivent pas nous faire occulter le fait que l’allongement de l’espérance de vie s’accompagne du spectre de l’accroissement du nombre des personnes âgées dépendantes et des maladies associées au grand âge.

Le vieillissement pose donc à notre société un défi et les enjeux en sont profondément humains.

Les premières difficultés sont celles que rencontrent les personnes dépendantes et leurs familles. Chacun imagine les bouleversements que représente la dépendance sur les vies et les liens affectifs.

Je ne suis donc pas d’accord avec vous, monsieur Desessard, lorsque vous dites que le problème est exclusivement financier. Quand on est confronté à la perte d’autonomie d’un proche – un père ou un mari, par exemple –, je peux vous garantir que la première chose que l’on a à affronter est la destruction du lien familial. C’est ce père ou cette mère qui ne vous reconnaît plus. C’est cet être que vous aimez qui ne vous distingue plus.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Il existe bien entendu des difficultés d’ordre matériel dès lors qu’une nouvelle organisation doit être mise en place. Comment trouver un établissement adapté ou des personnels qualifiés en cas de maintien à domicile ?

Cela étant, les difficultés sont également psychologiques, parce que la dépendance entraîne une modification des rôles, l’appropriation d’une nouvelle place. L’époux ou le père dont je m’occupe est-il encore pleinement mon mari ou mon père ?

Il est d’ailleurs intéressant, lorsque l’on interroge les Français, de constater que la question du reste à charge n’est pas leur première préoccupation. Leurs craintes portent davantage sur l’impact de la dépendance sur leur vie quotidienne et surtout la charge psychologique et émotionnelle qu’elle représente.

Notre société doit non seulement trouver des solutions pour les personnes âgées, mais aussi pour leurs proches. Combien de femmes – on parle toujours des aidants, mais je tiens à mettre ce mot au féminin –, après avoir élevé leurs enfants et mis parfois leur carrière de côté, se retrouvent confrontées à la dépendance de leurs parents ou de leurs beaux-parents, à l’âge où elles auraient voulu, enfin, profiter de la vie et s’occuper d’elles !

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Cette dimension a peut-être été absente du débat.

Je parle des femmes car, je le répète, ce sont elles qui constituent la grande majorité des aidants. C’est pourquoi je souhaite que cet aspect de la question soit également abordé dans le débat sur la dépendance.

Les questions financières sont bien entendu présentes.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Le reste à charge, notamment en établissement et pour les personnes les plus dépendantes, peut être important.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Nombre d’entre vous l’ont rappelé, je pense notamment à Jean-Jacques Jégou.

Rappelons que le tarif d’hébergement moyen en établissement est de l’ordre de 1 750 euros par mois et peut être nettement plus élevé en région parisienne. Il doit être comparé au montant moyen de la retraite, qui est de 1 400 euros par mois, d’environ 1 000 euros pour les femmes, lesquelles représentent les trois quarts des résidents.

Ce défi, s’il se pose aujourd’hui, il se posera encore plus demain. Alain Vasselle le rappelle dans son rapport en citant une statistique de l’INSEE : « Les plus de soixante-quinze ans doubleraient quasiment d’ici 2050 pour représenter 15, 6 % de la population française, contre 8 % aujourd’hui ».

C’est pour répondre à tout cela que le Président de la République a souhaité l’ouverture d’un grand débat sur la dépendance, qu’il m’a chargée de conduire. Comme il l’a dit lui-même, il y a urgence à se pencher sur cette question, car plus nous attendons, plus les problèmes seront difficiles à résoudre.

De ce point de vue, nous avons un devoir d’anticipation.

Néanmoins, nombre d’entre vous l’ont rappelé, nous ne partons pas de rien.

En effet, notre société consacrera, en 2011, 25 milliards d’euros à la prise en charge de la dépendance, dont 5 milliards d’euros par les départements. L’engagement de l’État est donc fort.

Quant aux départements, ce sont eux qui versent l’APA. Cette allocation bénéficie aujourd’hui à 1 174 000 personnes pour un montant moyen de 500 euros par mois et permet de financer, par exemple, une aide ménagère.

Je n’ignore pas, monsieur Baylet, les difficultés financières que rencontrent certains départements, en particulier les plus pauvres, ceux qui disposent des recettes fiscales les moins dynamiques et qui doivent en même temps faire face aux charges les plus importantes. Ce sera l’un des enjeux de la réforme. J’ai noté que quatre présidents de conseil général et au moins deux vice-présidents étaient intervenus au cours de ce débat.

Je ne résiste pas au plaisir – ou à la cruauté – de rappeler à ceux qui plaident pour la prise en charge de l’APA à parité entre les départements et l’État que Michel Mercier avait déposé un amendement en ce sens, lequel avait été rejeté par le gouvernement de Lionel Jospin, représenté par Élisabeth Guigou.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Je ne me livre pas souvent à un exercice de cruauté, mais en l'occurrence, je n’ai pu résister.

Sourires sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Néanmoins, je crois que nous pouvons aborder ce débat avec sérénité, puisque l’effort de notre collectivité est déjà élevé.

Nous ne partons pas de rien, car, comme l’a rappelé Jean-Paul Fournier, les outils sont nombreux et de qualité. Si l’on parle souvent des départements, n’oublions pas non plus les communes, qui déploient également de nombreux outils de proximité. On peut énumérer les CLIC, les EHPAD, les SSIAD, la HAD, les MAIA, les services de maintien à domicile – restauration, ménage, téléalarme –, les réseaux de soins palliatifs et toutes les animations menées par les associations.

Nous ne partons pas de rien, car nous pouvons nous appuyer sur de nombreux rapports particulièrement éclairants, comme le vôtre, cher Alain Vasselle, élaboré avec Philippe Marini et plusieurs de vos collègues, ou celui de la députée Valérie Rosso-Debord.

À cet égard, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux rendre hommage à vos propositions étayées, astucieuses et innovantes. Vous avez ainsi suggéré de relever les plafonds d’aide de façon ciblée pour les personnes isolées et les patients atteints de maladies neurodégénératives ou encore d’établir une échelle dégressive de versement de l’APA en établissement.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Le débat national nous dira si vos propositions seront retenues. En tout cas, il est certain qu’elles rejoignent nos priorités communes, notamment le libre choix ou la réduction des restes à charge.

Vous avez par ailleurs proposé d’accroître l’efficience de la dépense de soins en établissement.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Des marges existent en effet. Comme cela a été évoqué, le coût de l’accueil en EHPAD peut aller de un à trois selon les départements pour certaines catégories d’âge.

Je le répète, l’efficience de la dépense de soins en établissement peut être améliorée en agissant dans trois directions : la généralisation des forfaits globaux, la résorption des écarts de coût par la mise en place d’une convergence des tarifs de soins, la reconversion de lits de court séjour en lits d’EHPAD. C’est le sujet du décloisonnement, fil rouge de la loi HPST, laquelle a posé le cadre de la reconversion des lits d’hôpitaux et créé les ARS.

Je souhaite que cet objectif soit l’une de leurs priorités.

Quel modèle voulons-nous construire ?

Les questions qui se posent à nous sont nombreuses et, si je me réfère à l’extrême diversité des solutions qui ont été proposées, les réponses seront certainement multiples.

Faut-il faire prévaloir la solidarité nationale, la solidarité familiale, la prévoyance individuelle ou collective ?

Certains préconisent d’augmenter les prélèvements sociaux, par exemple la CSG des retraités. Jean-Jacques Jégou a constaté que le niveau de vie moyen de ces derniers s’était considérablement amélioré depuis les années 1970 et était même supérieur à celui des actifs.

M. Jean Desessard proteste.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

D’autres proposent la mise en place d’une seconde journée de solidarité – Valérie Létard a parlé avec beaucoup de pertinence de cette question – ou a minima d’étendre cette journée aux professions qui en sont aujourd’hui exclues, comme les professions libérales. Mais j’ai entendu aussi l’opposition résolue de Bernard Cazeau sur ce sujet.

D’autres proposent plutôt un recours sur succession, soit par un gage individuel, soit via une hausse de la fiscalité sur la transmission du patrimoine. C’est également Valérie Létard qui propose d’affecter une fraction des droits sur les successions au financement de la dépendance.

C’est vrai que la question peut être posée : est-il normal qu’une personne disposant d’un patrimoine élevé soit entièrement prise en charge par la solidarité nationale ?

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

N’est-ce pas courir le risque que nos concitoyens se privent, dans ce cas, de certaines prestations ?

Dans le même temps, on ne peut ignorer que les restes à charge importants conduisent déjà les personnes et leurs familles à mobiliser une partie de leur épargne ou de leur patrimoine. De fait, le recours sur succession existe déjà.

Votre mission a proposé que le gage patrimonial soit limité à l’APA à domicile. Je m’interroge, car je me demande si cela ne risquerait pas d’inciter certaines personnes qui pourraient rester chez elle à entrer en établissement.

D’autres encore suggèrent de développer la prévoyance individuelle, en donnant une place plus grande aux mutuelles, comme cela existe déjà dans la prise en charge des dépenses de santé et en matière de retraite complémentaire.

Les Français comprennent bien, dans ces deux domaines, le recours aux mutuelles. Serait-ce complètement choquant d’imaginer la même chose pour la dépendance, c’est-à-dire une solution qui combine la solidarité nationale, restant le socle de la prise en charge, et la prévoyance ? C’est la voie qui a été choisie par nos voisins en Europe.

Et renforcer la solidarité nationale, n’est-ce pas prendre le risque d’affaiblir les solidarités familiales en justifiant les égoïsmes ?

Plusieurs pistes s’offrent à nous. Nous pouvons, nous devons, les examiner ensemble. Sans doute, comme nombre d’entre vous l’ont exprimé, la solution que nous retiendrons sera-t-elle une solution mixte. Votre mission a d’ailleurs proposé la mise en place d’un partenariat public-privé. Je note que plusieurs d’entre vous y sont favorables – je pense à Jean Jacques Jégou.

Cependant, je le répète, à ce stade du débat, aucune piste n’est privilégiée par le Gouvernement. Il ne s’agit pas d’un débat en trompe-l’œil ; il n’y a pas de projet caché !

Nos discussions sont très ouvertes ; elles sont guidées par un certain nombre de principes intangibles, qui resteront notre ligne de conduite.

Le premier principe, évoqué par Valérie Létard au début de son propos, est le libre choix, pour les familles et pour les personnes en perte d’autonomie, entre le maintien à domicile et la prise en charge par des structures adaptées à leurs besoins. En aucun cas, ce choix ne doit se faire par défaut.

Au cours du débat, nous devrons alors nous interroger : comment favoriser le maintien à domicile, que la très grande majorité d’entre nous veut privilégier ? Dans certaines situations, est-ce toujours raisonnable ? Comment faire pour que ce ne soit pas un choix contraint ? Mais aussi, comment faire baisser le reste à charge en établissement, difficilement supportable pour beaucoup de nos concitoyens ? Alain Houpert a proposé une solution innovante, à savoir que les EHPAD soient installés sur des territoires à faible pression foncière, permettant ainsi d’alléger les coûts d’hébergement et une meilleure valorisation des territoires ruraux.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Il est bien évident que la dimension territoriale fait également partie du débat.

Deuxième principe intangible : une vigilance étroite sur la qualité des prises en charge. Cette exigence est une évidence, mais il convient sans doute de la rappeler.

La palette d’offres dont nous disposons est l’un des points forts du système actuel, mais elle peut très certainement évoluer encore, pour permettre, à volume égal de financement, une amélioration de la prise en charge pour les personnes les plus lourdement dépendantes.

Pour garantir la qualité de nos prises en charge, nous devrons, par ailleurs, concilier deux exigences : assurer une prise en charge de proximité, au plus près des besoins – c’est le rôle des conseils généraux, mais cela peut susciter des inégalités d’un territoire à l’autre – et garantir, dans le même temps, une équité de traitement sur tout le territoire, sans verser pour autant dans la gestion centralisée et technocratique.

Troisième principe : un principe de responsabilité quant au financement. Il n’est pas question, comme nous l’avons fait dans d’autres secteurs de la protection sociale, de reporter la charge sur les générations futures, au risque d’alourdir la dette.

Cela ne signifie pas, bien au contraire, que les pouvoirs publics se désengagent, ni que nous allons privatiser l’assurance maladie. Soyez complètement rassuré, monsieur Ficher ! Cette année, comme je vous le signalais, 25 milliards d’euros seront mobilisés.

Le Président de la République a également écarté une autre voie : celle qui consisterait à taxer davantage le travail.

Pour le reste, le débat est ouvert. Des pistes de financement sont évoquées, dont la prévoyance individuelle. Pourquoi l’écarter d’emblée, alors que 5 millions de nos concitoyens ont souscrit de tels contrats ?

Bien sûr, il nous faudra répondre à des urgences criantes. Vous avez évoqué la situation de certains départements ; on peut aussi évoquer celle des classes moyennes modestes, qui n’ont pas accès aux aides destinées aux plus défavorisés, et qui, pour autant, n’ont pas les moyens d’assumer des restes à charge importants. Il nous faut apporter très rapidement des solutions à ces situations.

Mais il s’agit aussi et surtout de construire un modèle pour les trente prochaines années, et cette élaboration ne saurait se réduire à des aspects strictement financiers.

Ce sont les contours de notre société, ce projet commun, ce bien-vivre ensemble que nous allons définir. Ce modèle devra être pensé pour s’adapter aux ruptures de tendance dans les modes et les techniques de prise en charge, ainsi qu’aux changements de courbes, notamment démographiques.

Vous le savez, le Président de la République a évoqué une « cinquième protection » pour la prise en charge de la dépendance. Cela n’implique pas nécessairement la constitution d’une nouvelle branche de la sécurité sociale.

Comme cela a été évoqué dans le débat, je précise que la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale peut relever d’une simple loi ; l’analyse juridique conduite par mes services a établi qu’une loi organique n’était pas nécessaire.

Une chose est certaine : le cinquième élément de la protection sociale sera différent des quatre branches actuelles de la sécurité sociale.

Nous devons faire de l’innovation sociale, bâtir quelque chose d’original. À nous donc d’imaginer au cours de ces prochains mois quelle sera, demain, la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées.

Le débat qui s’engage, je le dis à Yves Daudigny, doit être le plus ouvert possible, dans les quatre groupes de travail que j’ai lancés, dans les vingt-six régions où se tiendra un colloque interdépartemental, dans les quatre débats interrégionaux et sur le site internet.

Je souhaite enfin, à la suite de certains d’entre vous, que sur un tel sujet nous puissions éviter les clivages politiques, socioprofessionnels ou générationnels, et faire que ce débat sur la dépendance soit une opportunité pour renforcer notre cohésion nationale. Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, vous en avez donné un bel exemple cet après-midi !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président du Sénat a reçu, transmis par le Premier ministre, le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la bioéthique. Ce texte a été déposé et publié sous le numéro 304.

En application de l’article 16, alinéa 2 bis, du règlement, M. Jean-Pierre Bel, président du groupe socialiste, a saisi M. le président du Sénat d’une demande de constitution d’une commission spéciale sur ce projet de loi.

Cette demande va être affichée et notifiée au Gouvernement et aux présidents des groupes politiques et des commissions permanentes.

Cette demande sera considérée comme adoptée sauf si, avant la deuxième séance qui suit cet affichage, soit à l’ouverture de la séance du jeudi 17 février, le président du Sénat était saisi d’une opposition par le Gouvernement ou le président d’un groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Nous reprenons le débat d’orientation sur les conclusions de la mission commue d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création d’un cinquième risque.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Nous allons maintenant procéder au débat interactif et spontané, dont la durée a été fixée à une heure trente par la conférence des présidents.

Chaque sénateur peut intervenir pour deux minutes maximum. La mission commune d’information ou le Gouvernement, s’ils sont sollicités, pourront répondre.

La parole est à Mme Muguette Dini.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite évoquer la question, importante pour la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées, des services à la personne et du régime fiscal et social qui leur est applicable.

La loi de finances pour 2011 a supprimé deux exonérations spécifiques de cotisations sociales à la charge de l’employeur : d’une part, l’abattement forfaitaire de 15 points précédemment accordé aux particuliers employeurs cotisant sur l’assiette réelle ; d’autre part, la franchise de cotisations patronales dans la limite du SMIC dont bénéficiaient les prestataires agréés ou déclarés intervenant auprès de publics dits « non fragiles ».

Ces mesures ont donné lieu à un débat passionné dans notre assemblée et n’ont été acceptées qu’à la suite d’engagements très précis du Gouvernement sur leur absence d’impact sur les publics fragiles.

De fait, les exonérations de cotisations sociales pour ces publics sont maintenues, tant pour les structures agréées que pour les particuliers. Toutefois, les représentants des services d’aide à domicile entendus par la mission soulignent les effets indirects négatifs de la suppression des exonérations de cotisations sociales. Elle pourrait conduire, d’une part, à un renchérissement des coûts horaires de prise en charge des publics « non fragiles » de l’ordre de 3 à 4 euros de l’heure et, d’autre part, à une réduction éventuelle de la demande de services de la part de ces publics.

Si tel est le cas, une fraction plus importante des coûts fixes de gestion de l’opérateur de soins, dont la clientèle est constituée à la fois de publics fragiles et de publics non fragiles, sera répercutée sur les populations les plus en difficulté.

Quelles dispositions envisagez-vous de prendre, madame la ministre, pour évaluer très précisément les effets des mesures prises en loi de finances, afin qu’elles ne pénalisent en rien les interventions auprès des publics fragiles, au moment même où nous réfléchissons aux moyens d’améliorer la prise en charge des personnes dépendantes ?

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale

Je tiens à rappeler l’effort financier massif consenti par l’État pour développer les services à la personne : le coût des aides au secteur des services à la personne, qui représente 6, 5 milliards d’euros par an, a augmenté de 40 % depuis 2006. On ne saurait donc parler, comme certains, d’une réduction des exonérations !

Dans le cadre du chantier de la réduction des niches fiscales et sociales, nous avons suivi les préconisations de la Cour des comptes qui indiquaient que, la montée en puissance du secteur étant maintenant assurée, il fallait recentrer les aides sur les publics prioritaires.

Nous avons donc fixé certaines priorités, madame Dini, vous l’avez rappelé : ne pas toucher aux personnes les plus fragiles – les personnes âgées de plus de soixante-dix ans, les personnes dépendantes, les personnes handicapées – ayant besoin d’un employé à domicile. Le dispositif propre d’exonération pour ces publics, plus favorable, sera quasiment inchangé.

Nous avons voulu préserver un équilibre global sur le secteur : nous ne remettons pas en cause le crédit et la réduction d’impôt de 50 %, qui seront exonérés de la diminution forfaitaire des niches fiscales. Cet avantage fiscal va compenser, pour les particuliers, la moitié du surcoût lié à la suppression des exonérations spécifiques.

L’impact pour les employeurs sera limité. Le coût moyen pour un particulier employeur de la suppression des exonérations sera de 380 euros par an pour un volume de cinq à six heures hebdomadaires déclarées à 1, 1 SMIC, soit 190 euros après crédit ou réduction d’impôt. C’est moins de 16 euros par mois. L’incidence pour les employeurs sera d’autant plus limitée que, pour les salariés concernés par la suppression de l’abattement de 15 %, il devient alors possible de bénéficier des allègements dits « Fillon ».

Un bilan de ces dispositions sera établi, je m’y suis engagée. Je suis à la disposition du rapporteur, Alain Vasselle, qui a souhaité qu’une analyse soit réalisée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Je souhaite revenir sur deux points soulevés dans l’excellent rapport d’information, au demeurant fort intéressant.

Premièrement, je suis satisfait que, contrairement à la proposition qui figurait dans le rapport d’information de la députée Valérie Rosso-Debord, la mission du Sénat n’ait pas retenu la suppression du GIR 4. La ficelle est un peu grosse : près de 500 000 personnes sont concernées, pour un coût moyen de 200 à 230 euros ; ce seraient donc 100 millions d’euros qui passeraient par pertes et profits. En outre, on oublie de mentionner que les difficultés de financement se reporteraient sur l’assurance maladie, à travers la prise en charge médicale et paramédicale de ces personnes.

Deuxièmement, en revanche, pour ce qui est du recours sur succession, on assiste à un véritable retour en arrière. La PSD concernait 120 000 à 130 000 personnes ; l’APA, Mme la ministre vient de le rappeler, 1 174 000 personnes. Il existe bien un véritable problème.

À cet égard, je retiens les propos de notre collègue Alain Houpert au sujet de l’incidence d’un tel mécanisme sur les départements. Afin de conserver un petit héritage, les personnes concernées risqueraient de privilégier le transfert en établissement. Ce serait un formidable retour en arrière et la prise en charge correcte des personnes dépendantes maintenues à domicile risquerait de se dégrader même si les propositions subtiles contenues dans le rapport peuvent nous faire croire le contraire. Une telle mesure mettrait nos concitoyens en difficulté : nous ne saurions y souscrire.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Effectivement, monsieur le sénateur, la proposition de supprimer le GIR 4 figurait dans le rapport de l’Assemblée nationale. Il s’agissait de concentrer l’effort sur le GIR 1 et le GIR 2, au motif que c’est dans ces catégories que le reste à charge est le plus lourd pour les familles et les soins les plus nécessaires. Néanmoins – j’ai beaucoup insisté dans mon propos liminaire sur la prévention –, je pense que vous avez tout à fait raison, monsieur Le Menn, et que ce serait un mauvais calcul de supprimer la prise en charge du GIR 4.

Je m’avance un peu – je suis évidemment tenue à la réserve –, mais je le déclare de façon claire : pour ma part, je veux que l’on continue de prendre en charge le GIR 4. De toute façon, si tel n’était pas le cas, ce serait financièrement une mauvaise opération.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Je n’interviendrai pas sur le GIR 4, car notre rapport était très clair sur ce sujet. En outre, Mme la ministre vient de donner la position du Gouvernement à cet égard. Mon intervention portera, cher collègue, sur le gage.

Le gage ne doit pas être assimilé au recours sur succession, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord – Philippe Marini l’a très bien expliqué dans la discussion générale –, il s’agit d’un choix effectué en toute connaissance de cause par la personne confrontée au problème de la dépendance lorsqu’elle établit sa demande d’aide.

Ensuite, le montant est forfaitaire et n’a pas de caractère confiscatoire sur l’ensemble du patrimoine de la personne bénéficiaire. Il ne remet pas en cause le caractère universel de l’APA.

Enfin, il faut prendre en considération le seuil. Nous proposons de le fixer aux environs de 150 000 euros ; pour ma part, je plaide pour un montant compris entre 200 000 euros et 250 000 euros. L’un résulte de l’analyse de la situation telle que nous la connaissons, l’autre est personnel.

En 2003, la valeur moyenne du patrimoine des personnes âgées en perte d’autonomie était estimée à 120 000 euros. Actualisé à la valeur de 2008, ce patrimoine est estimé à 150 000 euros. La principale critique formulée contre le recours sur succession était son caractère dissuasif pour les bénéficiaires potentiels de la prestation, les personnes possédant un petit patrimoine ne voulant pas que l’on touche au patrimoine qu’elles se sont constitué au cours de leur vie professionnelle, qu’elles souhaitent transmettre à leurs enfants. En fixant ce seuil à un niveau élevé, nous évitons ce risque.

J’en viens à l’élément d’appréciation plus personnel. Pour ma part, je considère que la valeur du patrimoine sur l’ensemble du territoire national varie très sensiblement suivant le département. Elle n’est pas la même selon que l’on vit dans la région Île-de-France, en Corrèze ou en Lozère, c'est-à-dire dans un département très rural.

Il me semble – et je l’ai dit à Éric Doligé, qui mène actuellement une réflexion sur les problèmes de l’évolution des normes – qu’il y aurait lieu de proposer un dispositif dont le montant varierait suivant la région ou le département de résidence. Tel est déjà le cas pour les aides publiques accordées pour le logement social. Trois zones ont été définies : la zone 1, la zone 2 et la zone 3. La zone Île-de-France bénéficie de plafonds d’aides différents, supérieurs au département picard ou aux départements de régions très rurales comme la région centre ou la région Bretagne.

Telles sont, monsieur le président, les précisions supplémentaires qu’il me paraissait utile d’apporter pour notre débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Je tiens d’abord à remercier M. le rapporteur d’avoir évoqué un dossier qui me préoccupe.

Vous avez déclaré, madame le ministre, tout comme M. le rapporteur, que le problème de la dépendance était distinct de celui des personnes handicapées. Il s’agit de situations différentes, qu’il ne faut pas confondre et qu’il ne faut pas réunir dans une voie unique de prise en charge.

Pour ma part, je considère qu’il est important que les personnes handicapées sachent que si, dans leur vieillesse, à leur handicap s’ajoutait un problème de dépendance, elles pourraient bénéficier des modalités de prise en charge de la dépendance. Offrir une telle perspective aux personnes handicapées me paraît être une réponse très forte, de nature à les rassurer.

Par ailleurs, notre collègue a évoqué la capacité des zones rurales à accueillir des établissements pour personnes dépendantes. À cet égard, il me semble important de revenir sur la question du domicile de secours, comme nous l’avions fait au moment de la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées il y a maintenant longtemps, car une personne handicapée qui conserve son domicile de secours d’origine permet le développement d’institutions d’accueil dans des communes ou des départements ruraux.

La situation est la même pour les établissements pour personnes âgées et pour les personnes dépendantes. Il faudra donc aborder le problème du domicile de secours, lequel doit demeurer le domicile de secours d’origine.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je tiens d’abord à saluer Jacques Blanc pour son implication dans tous les domaines concernant les personnes en situation de handicap. C’est l’un des combats de votre vie, monsieur le sénateur, et je me doutais que vous m’en parleriez.

Sourires

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

J’ai bien compris que vous ne souhaitiez pas, et nous partageons la même philosophie sur ce sujet, monsieur le sénateur, que l’on confonde les deux problématiques. Cela dit, les personnes en situation de handicap sont partie prenante à notre débat car elles sont un véritable laboratoire de l’innovation sociale et, à ce titre, elles ont beaucoup à nous apporter dans le traitement de la dépendance des personnes âgées.

Nous pourrions d’ailleurs imaginer une maison commune, qui pourrait être construite en plusieurs phases et nous demander si les solutions que nous préconisons pour les personnes âgées dépendantes ne pourraient pas être compatibles avec les problématiques du handicap.

Vous avez par ailleurs évoqué, monsieur le sénateur, à la suite d’Alain Houpert, les constructions d’EHPAD dans les zones rurales et le problème du domicile de secours. J’accepterais volontiers de faire procéder à une évaluation sur ce sujet – le département d’origine de la personne au titre de l’action sociale est toujours la collectivité versante – afin de mesurer les bénéfices que nous pourrions tirer du transfert des politiques sociales au département de résidence de la personne dépendante, même s’il ne me semble pas que cette question pose de difficultés importantes.

Enfin – je répondrai sur ce point à la fois à M. Houpert et à vous, monsieur Blanc –, il faut être très prudent en matière de construction d’EHPAD, en particulier dans les territoires ruraux, car certains établissements sont déjà sous-occupés. Nous devons veiller à ne pas répéter les erreurs que nous avons commises dans le secteur sanitaire. À l’échelon national, nous sommes actuellement en surcapacité, même si les situations sont bien sûr très différentes selon les départements. Soyons donc très prudents !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La presse, madame la ministre, s’est récemment fait l’écho, dans le cadre du débat sur la dépendance, des prix très élevés pratiqués par les établissements accueillant des personnes âgées.

Dans certains établissements, il semblerait que les prix oscillent entre 2 000 euros et 4 000 euros par mois, voire plus, soit des montants qui, très souvent, ne peuvent pas être supportés par les résidents. C’est le problème du reste à charge d’une manière générale.

On sait que ces tarifs, qui sont la conséquence des prix à la journée, sont appelés à croître au fur et à mesure que se développera la formation des personnels. La professionnalisation est naturellement capitale, car elle permettra à la fois l’amélioration des conditions de travail des personnels et celle des conditions de vie des résidents. Toutefois, il ne faudrait pas que ce processus ait pour effet secondaire d’écarter des établissements d’accueil certaines personnes en raison de leurs faibles revenus, les obligeant alors à un maintien à domicile peu compatible avec leur état de santé et leur niveau de dépendance.

Certes, le problème du nombre de places à créer dans les EHPAD est important, mais les déficits doivent être pris en charge en milieu rural, comme dans les quartiers populaires des grandes agglomérations, où l’on est confronté à ces problèmes.

Madame la ministre, nous voudrions savoir comment réduire les coûts de journée sans diminuer le taux d’encadrement actuel, indispensable pour la sécurité et le confort des résidents.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Je tiens tout d’abord à rassurer Guy Fischer : le taux d’encadrement dans les EHPAD n’a pas diminué. Grâce à différents plans, il est même en train d’augmenter. On recrute ainsi environ 10 000 personnels nouveaux par an dans les EHPAD. Par ailleurs, un programme de médicalisation des EHPAD est en cours. Grâce à ces mesures, qui ne nous mènent peut-être pas aussi loin que nous pourrions le souhaiter, ni aussi vite, on ne peut pas parler, je le répète, de recul de l’encadrement dans les EHPAD, bien au contraire.

Par ailleurs, je remarque que, dans son rapport, Alain Vasselle a évoqué la mise en place de référentiels des coûts d’hébergement opposables afin de garantir que la diminution du reste à charge bénéficie bien aux personnes et à leurs familles.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Sur ce sujet, une information des familles me paraît tout à fait essentielle. En effet, les familles se trouvent très isolées lorsqu’elles ont à prendre la décision de placer un proche dans un établissement. Nous devons donc travailler à un accompagnement social des familles et améliorer le référencement des EHPAD.

Aujourd'hui, le choix, lorsqu’il n’est pas fait par défaut, dépend de l’éloignement de l’établissement et de son coût. Or aucun de ces deux paramètres ne renseigne très précisément sur la qualité de la prise en charge et sur l’adéquation des services apportés par l’établissement à la situation de la personne dépendante. Nous devons mener une réflexion sur ce thème et rendre disponible, y compris sur internet, un certain nombre de renseignements permettant d’aiguiller les malades et surtout leurs familles, car ce sont elles en général qui prennent les décisions.

Enfin, vous avez évoqué un sujet très important, monsieur le sénateur, à savoir la formation des personnels. J’ai souhaité que les conseils régionaux soient associés à la réflexion sur la dépendance ; on a parlé du pivot que constitue le conseil général à travers l’APA. Les communes et les intercommunalités, qui installent des services à domicile, ainsi que le secteur médico-social et les institutions gérées par le conseil régional seront également appelés à réfléchir sur ces formations.

J’ai d’ailleurs noté avec intérêt que trois régions, gérées par vos amis politiques, monsieur le sénateur, développaient des pôles gérontologiques, dont la région des pays de la Loire. Cette démarche me paraît extrêmement intéressante, car elle permet d’associer l’enseignement, la recherche et l’animation économique au traitement de la dépendance.

En tout cas, les questions de formation doivent être au premier rang des préoccupations des conseils régionaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Madame la ministre, permettez-moi tout d’abord de vous dire que je partage pleinement votre sentiment sur ce débat, qui est riche et digne. C’est tout à l’honneur de la Haute Assemblée que d’échanger et de faire des propositions sur des sujets de société aussi importants que la dépendance.

Permettez-moi de revenir sur la question évoquée par notre collègue Alain Vasselle. Effectivement, l’article 63 de la loi de financement de la sécurité sociale de 2009 a institué une tarification à la ressource, proche dans son esprit de la tarification à l’activité, la T2A, mise en œuvre dans le secteur sanitaire.

L’objectif de cette réforme est d’attribuer les moyens aux établissements de manière plus équitable.

La mise en place de forfaits globaux et la convergence des tarifs de soins constituaient deux des principales mesures d’efficience préconisées par la mission. La tarification à la ressource devait entrer en vigueur le 1er janvier 2010, mais les dispositions réglementaires permettant de la mettre en œuvre n’ont toujours pas été prises.

Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer à quelle date le décret sera publié ?

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Vous ne m’avez pas lâchée sur le sujet, chère Isabelle Debré !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Mme Isabelle Debré. M. le rapporteur Alain Vasselle non plus !

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

En effet, votre excellent rapporteur Alain Vasselle m’avait posé la même question, et je ne lui avais pas répondu.

Il est vrai que le décret relatif à la tarification dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, a fait l’objet de multiples discussions. D’ailleurs, les pouvoirs publics ont été amenés à le modifier à maintes reprises, et nous avons déjà eu un grand nombre de versions du texte, chaque nouvelle lecture donnant lieu à des concertations importantes avec les acteurs du secteur.

Le projet initial a connu plusieurs changements lors de son examen par la section sociale du Conseil d'État. Par exemple, le dernier texte maintenait le caractère optionnel du forfait intégral. En effet, la généralisation du tarif intégral nécessitait de pouvoir s’appuyer sur des données précises et complètes – cela fait encore défaut – sur le montant à transférer entre l’enveloppe soins de ville et celle du médico-social, en contrepartie de l’intégration des honoraires des généralistes et des prestations de biologie et de radiologie dans les forfaits intégraux des établissements.

Il s’agit de redéployer des crédits entre l’assurance maladie et le reste de la prise en charge, ce qui n’est pas simple.

Un groupe de travail a été constitué entre la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, les différents acteurs campant chacun sur leurs positions pour ne pas devoir prendre en charge des dépenses indues. Le groupe continue ses travaux et a soulevé un certain nombre de difficultés, par exemple pour le suivi des données de consommation médicale des résidents en EHPAD.

Par conséquent, cher Alain Vasselle, si le décret n’a pas été publié, c’est parce que je ne disposais pas des données chiffrées nécessaires. Et même si vous m’avez invitée à ne pas user de cette facilité, monsieur le rapporteur, je suggère de profiter de notre débat pour affiner la réflexion afin de pouvoir publier le décret dans les meilleurs délais…

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Je souhaiterais tout d’abord formuler un vœu.

Madame la ministre, vous venez de lancer une grande consultation nationale sur la dépendance pour que tous ceux qui le souhaitent puissent s’exprimer. Dès le mois d’avril, des débats doivent avoir lieu dans les régions. Le Conseil économique, social et environnemental doit également se pencher sur la question.

J’espère, et c’est mon vœu, que la réforme sera le fruit d’une véritable concertation – toutes les conditions pour en garantir le succès sont, me semble-t-il, réunies –, et non une décision imposée, comme a pu l’être la réforme des retraites.

Avec la majorité de mes collègues du RDSE, particulièrement attachés au respect des valeurs humanistes et au principe de solidarité, j’estime que la perte d’autonomie de nos aînés doit être prise en charge par la collectivité, au nom de la solidarité nationale.

Madame la ministre, nombreux sont celles et ceux qui espéraient beaucoup des promesses faites par le Président de la République voilà quatre ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

À l’époque, il était effectivement question de la mise en place d’une cinquième branche. Vous l’avez d’ailleurs évoquée dans votre propos. Pouvez-vous y revenir ? Qu’en est-il précisément aujourd'hui ?

En effet, les récentes déclarations du Président de la République laissent entendre, sans doute un peu trop clairement, que la solidarité nationale n’est plus à l’ordre du jour et qu’il serait envisagé de confier cette branche au secteur assurantiel. Pouvez-vous nous assurer, ici et maintenant, que la solidarité nationale prendra en charge ce cinquième risque ?

Madame la ministre, ne craignez-vous pas que la privatisation de la prise en charge de la dépendance ne signifie l’institution d’un système à plusieurs vitesses ?

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

M. Guy Fischer. Ce n’est pas moi qui l’ai dit !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

M. Yvon Collin. Vous comprendrez qu’une telle option n’ait pas nos faveurs…

Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste. – M. Guy Fischer applaudit également.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Je tiens à rassurer M. Collin : la solidarité nationale reste le socle de la prise en charge de la dépendance.

Aujourd'hui, la solidarité nationale prend en charge la dépendance à hauteur de 23 milliards d’euros ; ce sera sans doute 25 milliards d’euros cette année. Il reste environ entre 5 milliards et 6 milliards d’euros – il est relativement difficile d’analyser les montants en question du point de vue de la comptabilité publique – à la charge des familles.

La solidarité nationale est assurée à hauteur de 80 % par l’État, via un certain nombre d’exonérations de l’assurance maladie ainsi que certaines sommes mobilisées par la Caisse nationale d’assurance vieillesse, et à hauteur de 20 % par les collectivités territoriales.

À ce stade de la discussion, il ne m’appartient pas de trancher le débat sur la création d’une cinquième branche et sur la gouvernance de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Je vous indique simplement que la création d’une cinquième branche ne signifierait pas automatiquement sa privatisation !

À mon sens, l’idée d’une cinquième protection chemine ; l’interrogation porte davantage sur la structure à retenir. En l’occurrence, le débat est largement ouvert. Faut-il, comme le suggèrent les grandes centrales syndicales – j’ai rencontré un certain nombre d’acteurs concernés par le sujet –, prendre en charge la dépendance au sein de la branche maladie, en lui conférant une certaine autonomie, un peu sur les modèles des accidents du travail et maladies professionnelles ? C’est une piste.

Actuellement, certaines branches relèvent de la solidarité nationale. Et ce n’est pas parce que l’on créerait une cinquième branche qu’elle passerait obligatoirement sous la coupe des assurances privées !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le recours à une assurance privée, obligatoire ou plutôt facultative, est une des solutions de financement possibles.

Ma question concerne les assurances dépendance souscrites dans le cadre d’un contrat individuel, ces contrats ayant vocation à assurer une aide financière en cas de survenance d’un état éventuel de dépendance.

Au cours d’une réunion récente organisée en présence de maires de mon département sur le thème de la dépendance, des élus ont évoqué un problème quant à l’interprétation de la notion de dépendance par les compagnies d’assurance.

En effet, il semblerait que, actuellement, certaines compagnies tiennent essentiellement compte du degré de perte d’autonomie physique des demandeurs dans l’accomplissement de leurs actes quotidiens.

Or l’altération des facultés mentales nécessite la plupart du temps une présence indispensable, voire continue d’intervenants, et mériterait donc la mise en œuvre de l’assurance dépendance pour garantir le financement de tels services.

Les conditions à remplir pour percevoir la rente étant très nombreuses et strictes, certaines personnes se retrouveraient ainsi dans l’obligation de continuer à verser des cotisations au titre de leur contrat dépendance, sans pouvoir bénéficier pour autant de la rente attendue par la souscription dudit contrat.

Actuellement, dix variables dites « discriminantes » sont utilisées pour le calcul du GIR.

Madame la ministre, ne vous semble-t-il pas nécessaire d’exiger à l’avenir que soient très clairement précisées les obligations pesant sur les sociétés d’assurances, s’agissant notamment des critères à définir pour l’attribution de cette rente dépendance ? La mission a formulé des préconisations en ce sens, notamment par la labellisation des contrats.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Madame la sénatrice du Maine-et-Loire, chère Catherine Deroche, vous avez évoqué un problème qui revient effectivement très souvent dans les débats.

Ne l’oublions pas, 5 millions de nos compatriotes ont souscrit un contrat d’assurance dépendance. Ce n’est donc pas une solution marginale !

M. Yves Daudigny s’exclame.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Monsieur Guy Fischer, la fiabilité d’un système d’assurances ne se mesure pas à un instant donné ; c’est une dynamique ! Les prises en charge et les prestations augmenteront évidemment sans que les prestations augmentent pour autant. Les calculs actuariels ne peuvent donc pas se faire de cette manière. C’est comme si vous constatiez le versement des cotisations des primes d’assurance auto au début de l’année et ne considériez que les seuls remboursements d’accidents versés au 1er janvier ! Ce n’est pas ainsi que les calculs s’effectuent en régime assurantiel. Mais c’est une autre histoire…

Effectivement, nombre de souscripteurs de contrats d’assurance sont inquiets. Ils ont le sentiment que le dispositif n’est pas suffisamment lisible, et ils ne s’estiment pas assez bien renseignés sur le degré de dépendance leur permettant de percevoir les prestations.

Si des personnes sont encouragées à souscrire un contrat d’assurance dépendance, ce qui est positif, il faut aussi qu’elles puissent obtenir des garanties. Il faudrait également mettre en place une procédure de labellisation des contrats d’assurance. Si les contrats offerts sur le marché peuvent évidemment obéir à une logique commerciale propre, chacun d’eux devrait comporter un socle commun de nature à définir l’étendue minimale de la garantie quant au niveau de la dépendance et au montant de la rente.

Le processus de labellisation devrait également permettre de déterminer les modalités communes et minimales de la garantie, le type de prestation fournie, l’indexation, la revalorisation des prestations, la sélection médicale éventuelle, ainsi que les délais de carence et de franchise.

Aujourd'hui, une commission nationale est en train de s’établir sous l’égide de la CNSA, avec un certain nombre de partenaires spécialistes du secteur. Elle pourrait formuler un certain nombre de préconisations précises. D’ailleurs, c’est un travail qu’il conviendrait également de faire dans d’autres secteurs de l’assurance.

Je profite de l’occasion qui m’est offerte pour aborder un autre problème, que M. Vasselle soulève dans son rapport.

La garantie de portabilité des contrats pour les souscripteurs qui souhaitent changer d’assureur est évidemment un sujet très complexe, mais qui intéresse un certain nombre de personnes.

Aujourd'hui, il n’y a pas de véritable solution « clé en mains » pour différentes raisons : l’absence de définition commune de la dépendance – vous avez évoqué ce point, chère Catherine Deroche –, la difficulté d’estimer l’engagement de l’assureur, tous sujets sur lesquels nous devons avancer.

Dans son rapport, M. Alain Vasselle envisage la mise en réduction des garanties comme solution alternative à la portabilité des droits.

Je vous avoue qu’une telle option m’apparaît avant tout comme un pis-aller. Un souscripteur qui deviendrait dépendant devrait faire appel à plusieurs assureurs pour être indemnisé à hauteur de ses cotisations, ce qui semble difficile au vu de ce que seraient alors ses capacités physiques et psychiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Dupont

Je souhaite simplement, en tant que membre de la mission commune d’information dépendance, confirmer les propos de notre excellent rapporteur : nous nous sommes effectivement penchés sur la prise en charge des personnes handicapées. Je tiens à rassurer mes collègues qui ont abordé ce point.

Nous sommes plusieurs ici, à des titres divers, à nous intéresser au problème du handicap, ce dont je ne peux que me réjouir tant la question est d’importance. Il fallait donc qu’elle soit soulevée au cours du débat.

À ce titre, je remercie Mme la ministre d’avoir annoncé que les institutions s’occupant des personnes handicapées, notamment le CNCPH, seraient représentées au sein des quatre commissions gouvernementales afin que le problème soit suivi. Nous serons vigilants sur la prise en charge par la solidarité nationale des personnes handicapées vieillissantes.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Je remercie Bernadette Dupont de sa vigilance et de l’humanité dont elle fait preuve dans le traitement de tous ces problèmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Alquier

Les évaluations catastrophiques figurant dans le rapport remis par le Sénat sur les éventuelles dépenses à venir doivent d’abord être nuancées : il existe de grandes incertitudes en raison de l’impact des progrès de la médecine sur l’évolution de l’état de santé des personnes vieillissantes. Les enquêtes montrent aujourd’hui qu’une seule personne sur six deviendra dépendante. Vous avez parlé d’une chance.

Au demeurant, ce bel optimisme et ces évaluations ne doivent pourtant pas nous empêcher de réfléchir sur le contenu et sur le sens d’une réforme portant sur un sujet aussi sensible que la prise en charge de la dépendance, véritable choix de société s’inscrivant dans le cadre de la solidarité nationale.

À la télévision, le Président de la République, pressé, annonce un large débat et décide, en même temps, sans plus attendre, la mise en place d’un cinquième risque largement ouvert à l’assurantiel. Où est le respect de la concertation, de la valeur de ce débat ? Mme la ministre vient d’ailleurs de réaffirmer sa volonté de mettre en place le cinquième risque, même si elle a nuancé ensuite ses propos dans sa réponse à M. Colin : cinquième branche, cinquième risque, il nous manque des explications.

Parallèlement à l’exagération dramatique des enjeux démographiques et financiers, vous répondez frileusement aux besoins des familles et à la demande de financement des départements. Face à vos désengagements, comment vous croire ? L’augmentation des charges pour les emplois à domicile met en difficulté financière les associations organisatrices des services, l’APA n’est pas compensée pour les départements à hauteur des engagements initiaux, etc.

Pourtant, dans mon département, alors que les services d’aide à domicile connaissent une crise économique majeure, qu’il convient de prendre en compte afin d’éviter au mieux les licenciements et les pertes d’emploi, je vous précise que les heures inscrites dans les plans d’aide APA engendrent plus de 1 000 équivalents temps plein.

Madame la ministre, pourquoi ne pas axer votre réflexion sur une meilleure prévention ? Attribuer des moyens à cette politique pourrait faire reculer l’entrée dans la dépendance et ainsi favoriser d’importantes économies, sans parler des promesses d’emploi, si nécessaires dans nos territoires ruraux, qui en découleraient.

C’est une piste que vous avez en effet relevée, mais qui, à ce stade, semble peu explorée. Nous attendons des propositions précises en ce sens.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Madame la sénatrice, vous venez de soulever une question extrêmement intéressante. Je l’ai dit, nous construisons un modèle pour trente ans. Il ne s’agit donc pas seulement de résoudre des problèmes urgents. Or nous avons bien du mal à imaginer des scénarios sur une si longue durée.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le groupe de travail confié à Jean-Michel Charpin et à un certain nombre d’experts doit réaliser les projections non seulement en prolongeant les courbes, mais aussi en imaginant les ruptures.

Certains d’entre vous ont affirmé que 15 % de la population serait concernée par la dépendance. D’autres ont avancé le chiffre de 20 %. C’est donc une bonne nouvelle : la majorité d’entre nous ne sera pas en situation de dépendance….) Pour autant, le problème de la dépendance doit être traité, car il est très lourd à la fois pour la personne elle-même, mais aussi pour son entourage. Finalement, tout le monde sera un jour concerné directement ou indirectement.

Quoi qu’il en soit, nous ne pouvons pas non plus faire l’économie de penser que ce domaine connaîtra des révolutions techniques et médicales. Rappelez-vous qu’il y a soixante ans, lorsque les grands traitements de la tuberculose ont été découverts, le territoire national était parsemé de sanatoriums : ils ont fermé du jour au lendemain ! Il n’est pas exclu que l’on trouve demain un vaccin contre la maladie d’Alzheimer, qui fournit les grosses cohortes des personnes dépendantes en établissement. Ce n’est pas un rêve impossible, car de nombreuses équipes de très haut niveau travaillent sur ces sujets. Dans quinze ans, dans vingt ans, dans vingt-cinq ans, un vaccin sera peut-être mis au point, des médicaments extrêmement performants seront probablement mis sur le marché. Cette hypothèse n’est pas complètement fantasmatique. Il est donc important que le modèle que nous allons construire soit souple et capable de s’adapter à de nouvelles donnes.

Madame la sénatrice, vous m’avez également interrogée sur la question importante des services à domicile. On ne peut pas parler d’un mauvais état généralisé Il y a simplement des situations extrêmement variées. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé aux grandes fédérations, comme l’ADMR, l’ADESSA ou l’UNA, de me donner une liste exacte des associations concernées. Nous devons améliorer le suivi statistique de ce secteur. Les causes du mauvais état de certaines associations et de certains services sont très diverses : impact de la crise économique, coûts élevés dans certaines zones rurales en raison des frais de déplacement, mais aussi, comme l’a démontré le récent rapport de l’IGAS et de l’IGF, problèmes de mauvaise gestion et d’allocation des ressources pas forcément optimale. Tous ces points seront discutés dans les prochains mois.

Les services à domicile constituent un élément-clé du maintien des personnes dépendantes à domicile. Nous devons donc améliorer le mode d’allocation des ressources ainsi que le mode de tarification. Deux projets sont sur la table : celui de l’Assemblée des départements de France et celui préconisé par l’IGAS, qui propose de créer deux tarifications différentes selon le type d’activité réalisée au domicile du bénéficiaire, à savoir, un tarif d’aide à la personne pour des prestations nécessitant des compétences spécifiques et un tarif d’aide à l’environnement moins élevé pour les besoins d’aide ménagère.

Ce sujet est un excellent thème pour le débat sur la dépendance.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat que nous avons aujourd'hui est intéressant. Je remercie Roselyne Bachelot-Narquin de sa maîtrise du dossier et des pistes qu’elle a tracées devant nous, pistes sur lesquelles nous pouvons facilement tomber d’accord au-delà de nos clivages.

Je soulignerai deux défis importants pour la dépendance. Le premier porte sur la question du libre choix des personnes âgées et des familles. Le second porte sur la question du financement.

Pour ce qui concerne le libre choix, il me semble qu’il faudra sortir du face à face entre le domicile ou l’accueil en structure d’hébergement collectif.

Bien sûr, le premier choix des personnes âgées se porte sur le maintien à domicile. Il faut tout faire pour développer cette option. Cela passera nécessairement par des solutions d’hébergement temporaire, des allers-retours entre la formule du maintien à domicile et celle des structures collectives.

Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur la divergence qu’il a pu y avoir entre les places autorisées par des préfets successifs et celles qui le sont aujourd’hui par l’ARS. Dans mon département, 328 places avaient été autorisées par arrêté préfectoral et 222 places en établissement médicalisé existent. Il y a donc un hiatus. Je ne vous demande pas de réponse aujourd’hui ; je souhaite simplement vous alerter sur ce point.

Pour ce qui concerne le défi du financement, comme un certain nombre de collègues conseillers généraux l’ont indiqué, il me semble que le socle de la prise en charge de la dépendance doit rester celui de la solidarité nationale. Je ne pense pas qu’il n’y ait qu’une seule et unique bonne réponse. Cela dit, une seconde journée de solidarité me paraît être une bonne piste. Un tel choix irait dans le bon sens, y compris pour préserver la compétitivité de la France et dégager de nouvelles ressources immédiates.

Pour finir, je dirai un mot des départements, qui sont en train de s’épuiser dans le service des trois grandes prestations sociales universelles, notamment dans celui de la dépendance. L’APA n’a jamais été intégralement compensée. Dans mon département, cette allocation devait être compensée pratiquement à hauteur de la moitié. Aujourd’hui, elle l’est du tiers. N’oublions pas et n’oubliez pas, madame la ministre, cette donnée ! Les départements peuvent encore faire face, mais très vite ils ne le pourront plus. Je vous remercie de bien vouloir en tenir compte.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Monsieur le sénateur, les dépenses publiques en faveur des personnes âgées dépendantes ont subi de considérables augmentations. On ne peut pas parler de « diète » en ce qui concerne les crédits mobilisés.

Depuis dix ans, l’ONDAM médico-social en faveur des personnes âgées a été augmenté de 260 %. Pour les personnes handicapées, seconde composante de l’ONDAM médico-social, l’objectif a considérablement progressé puisqu’il a augmenté de 90 %. C’est bien que notre société se soit mobilisée autour de la prise en charge de la dépendance. L’ensemble de l’ONDAM médico-social au cours de cette période a augmenté de 145 %. Il faut le signaler.

Il est vrai qu’avec les ARS, cher Bruno Retailleau, le secteur médico-social est passé à une autre logique. Évidemment, des consignes ont été données pour que des interlocuteurs clairement désignés soient mis en place dans ce secteur. La commission médico-sociale permet de réunir les donneurs d’ordre pour qu’ils échangent et coordonnent leurs actions. Mais nous avons quitté la logique qui prévalait jusque-là, où les porteurs de projets – des associations locales, parfois des parents, des élus locaux – répondaient à des demandes souvent très ponctuelles. Je rends d’ailleurs hommage à ces porteurs de projets, qui ont créé le tissu médico-social pour les personnes âgées et les personnes handicapées dans notre pays.

En tout état de cause, il est bien évident que cette logique a montré ses limites sur les territoires. Nous constatons un certain nombre de dysfonctionnements. Je pense, notamment, aux établissements dont les caractéristiques et la maquette de places ne correspondent pas aux besoins. Nous sommes donc passés à l’appel à projet, ce qui déroute certains interlocuteurs, mais a permis de lever la fantastique hypocrisie des plans très alléchants, prévoyant de nombreuses places, et jamais financés et donc peu efficients.

Actuellement, une autre logique prévaut donc, à laquelle les acteurs du secteur vont très bien s’habituer.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Madame la ministre, le vieillissement de la population, qui soulève la question de la dépendance dont nous débattons depuis plus plusieurs heures, peut aussi être envisagé comme une chance pour notre société et pour l’humanité puisqu’il signifie que l’on vit plus longtemps. Mais c’est aussi une chance pour l’emploi.

Cette société que nous voulons plus humaine, plus sociale en quelque sorte, doit permettre au système de santé d’offrir à chacun la possibilité de vieillir dans les meilleures conditions possibles. Or ce système de santé est bien mal en point à l’heure actuelle.

Nous devons également réfléchir sur la solvabilisation du gisement d’emplois qui se présente. Comment financer cette nouvelle charge pour la société ? Ne nous cachons pas qu’il existe entre nous un clivage important quant à la façon de répondre à cette question. Deux réponses sont possibles : la solidarité ou la marchandisation.

Vous avez affirmé tout à l'heure, madame la ministre, que la solidarité resterait le socle de notre système et que les assurances ne viendraient qu’en complément. Pour ma part, je pense que, avant d’envisager ce qui constitue une sorte de marchandisation du cinquième risque, nous devrions plutôt envisager toutes les sources possibles de financement.

À cet égard, je suis étonné que l’on n’aborde pas la question du chômage, alors que notre pays compte aujourd'hui 4 millions de personnes à la recherche d’un emploi.

Or des chômeurs qui retrouvent un travail, ce sont des rentrées en plus pour la sécurité sociale, ainsi que pour les finances publiques. Dès lors, je suis surpris que l’activation des dépenses de chômage ne soit pas davantage considérée comme une politique structurante : en créant ces nouveaux emplois liés à la dépendance, en formant, avec les régions, ceux qui les occuperont, nous activerions les dépenses de chômage.

Par ailleurs, il existe une autre ligne de clivage entre nous, madame la ministre. Nous, nous ne pouvons nous dissimuler que l’échelle des inégalités s’est étendue : il y a une vingtaine d’années, l’écart allait de 1 à 30 ; aujourd'hui, il va de 1 à 400.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Une fiscalité plus juste, pour financer la solidarité dans notre société, est tout à fait indispensable. Or nous allons vers une explosion des inégalités. De grâce, ne faisons pas comme si cette réalité n’existait pas !

Telles sont les quelques réflexions que je voulais apporter à ce débat.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Monsieur le sénateur, l’activation des dépenses de chômage est une priorité du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

C'est pour cette raison que nous augmentons le nombre des contrats aidés et que l’insertion par le travail se trouve au cœur du dispositif du RSA. Au travers de ce dernier, nous avons voulu que les chômeurs soient véritablement incités à se réinsérer dans un parcours professionnel. Ainsi, 665 000 titulaires du RSA « activité » touchent un complément de revenu de 170 euros par mois, en moyenne.

Il y a donc une véritable volonté du Gouvernement d’activer les dépenses de chômage.

Toutefois, il faut que ces professions liées à la dépendance soient non pas embrassées par défaut, mais choisies de manière délibérée. Ce sont des métiers difficiles. Aussi devons-nous fournir aux personnels qui s’engagent dans l’accompagnement de la dépendance une véritable formation et leur garantir des parcours professionnels.

C’est d'ailleurs ce que je me suis efforcée de faire quand j’étais ministre de la santé en appliquant le système LMD – licence, master, doctorat – aux professions de santé et en parachevant cette réforme pour le métier d’infirmière.

De même, il nous faut réfléchir à la création de passerelles entre les métiers médico-sociaux et ceux du sanitaire, ainsi qu’à l’émergence de nouvelles professions, en particulier autour de la logistique liée à la prise en charge des personnes âgées dépendantes.

Nous avons, par conséquent, en la matière, un important travail de réflexion à mener, qui fait intégralement partie du débat sur la prise en charge de la dépendance.

En tout cas, monsieur le sénateur, ainsi que vous l’avez souligné, ce défi peut constituer un gisement d’emplois très important.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, qui, compte tenu de l’heure, posera la dernière question.

Mme Nicole Bricq ainsi que d’autres sénateurs du groupe socialiste protestent.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Mon propos concerne la formation des métiers relatifs à la dépendance.

Avec le vieillissement de la population, le nombre de personnes dépendantes devrait augmenter de 30 % à 50 % d’ici à 2040. Les femmes étant davantage touchées que les hommes par ce phénomène, la question de la dépendance liée à l’âge est un problème qui les intéresse tout particulièrement.

D’une manière générale, si la prise en charge de ces personnes s’appuie aujourd’hui beaucoup sur la solidarité familiale au travers de l’aide apportée par les proches, celle-ci pourrait diminuer à l’avenir, en raison, notamment, de l’augmentation de l’âge moyen des personnes dépendantes et de ruptures plus fréquentes au sein des couples.

Le principal défi à relever sera de développer les métiers de la dépendance, qui connaissent aujourd’hui un déficit d’image, encouragé malheureusement par le regard que porte la société sur les personnes âgées. Cette situation doit changer ! Des milliers d’emplois devront être créés dans ce secteur d’ici à quelques années. Il ne faut surtout pas le négliger, car il constitue un vivier d’emplois nouveaux.

Le chèque emploi-service universel a simplifié les démarches administratives pour l’emploi d’un travailleur à domicile, mais il ne peut s’appliquer indifféremment à tous, car il n’est pas adapté aux seniors dépendants.

Nombre de personnes ayant bénéficié de ce dispositif, notamment des femmes, ont occupé des emplois alors qu’elles sortaient d’une période de précarité ou de chômage de longue durée. Toutefois, je crois que l’on ne se trouve pas dans les meilleures dispositions pour s’occuper de quelqu’un qui est vulnérable lorsqu’on est soi-même en situation de fragilité et qu’on manque de confiance en soi.

Tout le monde ne peut pas s’occuper de personnes dépendantes : même pour des emplois a priori peu qualifiés, comme celui d’aide ménagère, il faut une formation. En effet, pour pouvoir intervenir chez une personne très fragilisée, même si c’est seulement pour y faire le ménage, il faut savoir réagir à des situations compliquées, parler à l’intéressée avec psychologie, voire lui apporter des soins d’urgence.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Madame la ministre, quelles mesures le Gouvernement entend-il mettre en œuvre pour répondre aux besoins en matière de formation spécifique aux métiers liés à la prise en charge de la dépendance ?

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Madame la sénatrice, je regrette que Valérie Létard ne soit plus présente, car je pense qu’elle mérite qu’on lui rende hommage pour avoir lancé en 2008 un « plan métiers », qui donne lieu à des expérimentations dans trois régions : l’Alsace, le Centre et le Nord-Pas-de-Calais.

Ces expérimentations concernent : l’observation des emplois et des formations du secteur médico-social et sanitaire ; le soutien à la professionnalisation des demandeurs d’emploi, et nous retrouvons là la problématique qui vient d’être soulevée par M. Bourquin ; l’amélioration du tutorat ; la qualification des personnes en cursus partiels ; le soutien à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.

À l’issue d’une première phase de ces expérimentations, nous avons procédé à leur évaluation. Leurs grands axes seront repris et approfondis dans le cadre des orientations nationales des formations sociales qui sont en cours d’élaboration et que je présenterai le 23 mars prochain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat d’orientation sur les conclusions de la mission commune d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création d’un cinquième risque.

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Nous n’avons pas pu poser toutes nos questions, alors que nous avions levé la main !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Quatre sénateurs du groupe socialiste et quatre sénateurs de l’UMP ont interrogé Mme la ministre. Vous le savez, je suis extrêmement vigilant à cet égard.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Justement, je sais que ce n’est pas dans vos habitudes. Mais un débat interactif d’une heure trente était prévu et cette durée n’a pas été respectée. Ce n’est pas correct !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Nous avons déjà largement dépassé l’heure prévue pour la fin de ce débat ! Il aurait fallu faire preuve d’un peu plus de concision dans les questions !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L’ordre du jour appelle le débat sur le schéma national des infrastructures de transport, organisé à la demande du groupe du RDSE.

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis honorée de me trouver devant vous pour évoquer le projet de schéma national des infrastructures de transport, ou SNIT.

Ce projet de schéma occupe une place essentielle parmi les missions de mon ministère, et cela pour deux raisons.

Tout abord, il est une application directe du Grenelle de l’environnement et de ses engagements, tels qu’ils sont définis par la loi du 3 août 2009. L’année 2011 est celle de la maturité et de la réalisation du Grenelle : le SNIT en sera l’une des pièces maîtresses.

Ensuite, ce dossier est essentiel parce que le SNIT sera la feuille de route de l’État en matière d’investissements dans le domaine des infrastructures de transport, et cela bien au-delà de 2011 : c’est un document appelé à durer.

Il était donc naturel et nécessaire que les élus, qui ont en la matière des choix à faire, puissent délibérer des orientations et des ambitions de ce schéma.

Mesdames, messieurs les sénateurs, avant que le débat ne commence, permettez-moi de dire quelques mots du SNIT et de son contenu.

Ce schéma doit concerner le développement, la modernisation et l’entretien des réseaux d’infrastructures de l’État. Il doit aussi œuvrer à la réduction des impacts de ces réseaux sur l’environnement. Enfin, il doit préciser la façon dont l’État entend soutenir les collectivités territoriales dans le développement de leurs propres réseaux.

Le 12 juillet 2010, mon prédécesseur au ministère de l’écologie, Jean-Louis Borloo, diffusait un avant-projet de schéma, qui avait fait l’objet d’une première concertation au sein du Comité national du développement durable et du Grenelle de l’Environnement, le CNDDGE.

Puis, l’Autorité environnementale, organisme indépendant chargé de donner un avis sur la manière dont l’État intègre dans ses projets la problématique environnementale, a été saisie du dossier. Elle a rendu son avis le 22 septembre 2010.

Les ministres ont été alors auditionnés par les commissions parlementaires concernées ; c’est ainsi que j’ai été entendue le 1er février dernier par la commission de l’économie de votre assemblée, à la demande de son président, M. Emorine.

Enfin, le document étant en consultation libre sur le site internet du ministère, il a suscité de très nombreuses réactions se sont produites, de la part d’élus, d’acteurs économiques ou de simples particuliers.

Thierry Mariani et moi-même, lorsque nous avons pris nos fonctions, avons souhaité que l’avant-projet puisse tenir compte des concertations en cours et des avis formulés. Nous proposons aujourd'hui un texte consolidé, qui répond, me semble-t-il, à cette exigence.

Il s'agit d’un document de stratégie de 192 pages, qui rassemble une soixantaine de mesures, toutes conçues pour agir directement sur les performances du système de transport et son empreinte environnementale. Il s'agit de projets de développement de portée nationale, dont la réalisation, après évaluation de leur pertinence au regard des orientations du Grenelle, paraît souhaitable à un horizon de vingt à trente ans.

Parmi ces projets figurent : vingt-huit projets de développement ferroviaire représentant un linéaire de l’ordre de 4 000 kilomètres de lignes nouvelles ; dix projets de développement portuaire destinés à contribuer à la performance du transport maritime et à développer, pour les pré-acheminements et post-acheminements, le report modal de la route vers la voie d’eau ou vers le rail ; trois projets de voies d’eau à grand gabarit ; enfin, vingt-huit projets routiers.

Ces projets représentent en tout une dépense qui est estimée sur trente ans à quelque 260 milliards d’euros, dont 166 milliards d’euros au titre du développement.

La nouvelle version du schéma, mise en ligne le 27 janvier dernier, conserve les grandes orientations de la précédente, mais privilégie les choix du Grenelle. C’est ainsi qu’elle réaffirme notamment la priorité donnée aux modes de transport alternatifs à la route que sont le ferroviaire, les transports en commun en site propre, le fluvial, le maritime. Les besoins liés à la route ne sont pas ignorés pour autant. Le schéma propose une réponse intégrée, dans laquelle l’ensemble des modes de transport, et singulièrement la route, trouvent leur place en fonction de leur spécificité et de leur domaine de pertinence.

L’action n’est évidemment pas identique selon qu’on se trouve en milieu urbain ou en milieu rural. Et elle n’est pas non plus la même selon qu’il existe ou non une alternative à la route.

Cette nouvelle version confirme aussi que la modernisation et, plus généralement, l’optimisation des infrastructures existantes doivent être au cœur de la politique de l’État en matière d’infrastructures. En effet, l’existant, c’est aujourd’hui le quotidien des Français. Dans un pays comme le nôtre, qui bénéficie déjà d’un réseau d’infrastructures très dense, c’est d’abord en agissant sur l’existant que l’on améliore la performance du système. Cela n’exclut évidemment pas le développement du système, de manière à répondre à des situations particulières d’enclavement ou de congestion, à des exigences de sécurité.

En entrant un peu dans le détail de ce nouveau document, on voit qu’il intègre la stratégie d’ensemble de la version initiale. Cette stratégie, qui n’était en effet pas contestée, s’articule autour des quatre grands axes que sont l’optimisation du système de transport existant pour limiter la création de nouvelles infrastructures, l’amélioration des performances du système de transport dans la desserte des territoires, l’amélioration des performances énergétiques du système de transport et, enfin, la réduction de l’empreinte environnementale des infrastructures et équipements de transport.

Il faut aussi relever que le nouveau document replace clairement la politique de l’État dans son contexte national et international, notamment en précisant comment cette stratégie s’inscrit dans le contexte européen. Des cartes ont ainsi été ajoutées, qui montrent de quelle manière les principaux projets de développement, en particulier dans le domaine ferroviaire, contribuent à répondre à la demande de déplacements au niveau européen.

Le texte a été renforcé pour mieux mettre en évidence la nécessaire complémentarité des différents modes dans les réponses à apporter. Cette nouvelle version met plus en avant le caractère multimodal et intégré de la politique proposée.

Il clarifie aussi – c’était une demande forte de très nombreux sénateurs – le contenu de la politique de modernisation que l’État se propose de mettre en œuvre dans les domaines ferroviaire et routier.

Le nouveau document revisite les projets de développement. Il n’a pas été modifié en tout, mais des inflexions sensibles ont été introduites.

De nouveaux projets ont ainsi été retenus qui ne figuraient pas dans la version initiale. C’est le cas, par exemple, de l’amélioration des liaisons Paris-Brest et Paris-Quimper, avec un objectif de trois heures de temps de parcours, et des liaisons entre la Lorraine et la vallée du Rhône. C’est aussi le cas de la prolongation de la ligne à grande vitesse Provence-Alpes-Côte d’Azur vers l’Italie ou encore, dans le domaine fluvial, du chantier multimodal de Strasbourg-Lauterbourg.

Des projets ont aussi été retirés. C’est le cas du projet de contournement autoroutier de Tours, qui présente de réelles difficultés d’insertion dans un environnement humain et naturel extrêmement sensible et pour lequel d’autres solutions devront être recherchées.

Par ailleurs, les projets routiers dits « coups partis », déclarés d’utilité publique avant le Grenelle de l’environnement et dont la réalisation s’inscrit dans la nécessaire continuité de l’action publique, projets qui ne figuraient pas dans la première version de l’avant-projet, ont été intégrés à la version consolidée, dans un souci de clarté.

La version initiale ne mentionnait pas le coût de nombreux projets de développement. La nouvelle version, plus précise, indique, à quelques exceptions près, l’estimation actuelle de tous les projets retenus.

Les calculs effectués montrent que la mise en œuvre complète de tout ce qui figure dans l’avant-projet de schéma nécessiterait un effort important de financement, excédant les crédits publics actuellement dédiés à cette politique. Nous ne le cachons pas et sommes conscients que des choix devront être faits.

Ce schéma, dès aujourd’hui, va pouvoir jouer son rôle. II va nous permettre de répondre aux besoins de mobilité de nos territoires et de leurs populations, tout en faisant évoluer l’ensemble du système dans la direction que nous souhaitons, celle d’une mobilité plus collective, moins énergivore, moins consommatrice d’espaces agricoles et de milieux naturels, d’une mobilité qui préserve et crée des dizaines de milliers d’emplois en France.

Quel est l’agenda du SNIT ?

Nous allons continuer la concertation dans le cadre du CNDDGE, conformément à ce que prévoit la loi Grenelle 1.

Je l’ai dit, le document a été mis en ligne sur le site internet du ministère, et une consultation du public est engagée. Tous ceux qui le souhaitent ont ainsi la possibilité de s’exprimer et de contribuer à l’élaboration de ce qui deviendra la feuille de route de l’État pour les prochaines années.

Nous avons déjà recensé plusieurs centaines de réactions, ce qui montre que le sujet, en dépit de son aspect plutôt technique et parfois rebutant malgré nos efforts pour le rendre attractif, éveille l’intérêt des citoyens.

De nombreuses remarques et observations de parlementaires ont déjà été prises en compte dans l’élaboration de cet avant-projet. Nous sommes en effet très attentifs, avec Thierry Mariani, aux travaux que mène actuellement Louis Nègre, au nom de la commission, en tant que président du groupe de suivi sur le SNIT.

Une fois la phase de consultation achevée et les dernières mises au point effectuées, il est prévu de saisir le Conseil économique, social et environnemental.

J’aurai évidemment l’occasion, comme je le fais aujourd’hui, de revenir débattre devant la représentation nationale de ce dossier majeur.

Je dirai alors, comme je vous le dis aujourd’hui, que ce projet me paraît à la fois cohérent et équilibré. Il va dans la bonne direction et il inscrit notre système de transport dans une véritable dynamique de développement durable.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Raymond Vall, pour le groupe RDSE, auteur de la demande.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite remercier tout d’abord le président Jean-Paul Emorine, qui a accepté ma demande de création d’un groupe de travail interne sur le schéma national des infrastructures de transport. .

Je le remercie aussi d’avoir désigné mon collègue Louis Nègre pour présider ce groupe de travail. Vous savez combien celui-ci a travaillé sur ce dossier. Je le remercie de s’être déplacé sur certains territoires, dont la Gascogne au sens large : il a ainsi pu constater un certain nombre de choses, sur lesquelles je vais revenir.

Je remercie enfin Yvon Collin, président du groupe RDSE, d’avoir demandé l’inscription de ce débat à l’ordre du jour de la Haute Assemblée : elle me paraissait s’imposer.

Mes chers collègues, je garde encore en mémoire toute l’émotion que j’ai ressentie lorsque j’ai pris connaissance, un matin de juillet, de la première version du SNIT. J’ai en effet découvert une sorte de caricature de l’esprit du Grenelle, une diabolisation de tout ce qui a trait au routier, une sorte d’utopie, celle d’un retournement de l’histoire qui, d’un seul coup, mènerait l’humanité vers des déplacements et des échanges réduits à la fois en volume et en vitesse.

En juillet 2010, le Gouvernement nous a en effet proposé une première version du SNIT, qui devait être examinée à la fin décembre 2010. Ce document a donné lieu à de nombreuses réactions, comme l’a souligné Mme la ministre, et suscité bien des interrogations.

Nous avons ensuite découvert, tout récemment, la version définitive, amendée, en janvier 2011. Cette version retient un certain nombre de remarques formulées par le président Louis Nègre lui-même. Elle contient en particulier une page 118, où figure un titre qui va fonder mon intervention : « Le renforcement de l’accessibilité des territoires dont les populations souffrent d’enclavement ». C’est, à mon sens, l’un des sujets majeurs qu’aborde ce document.

Bien sûr, la lecture de la dernière version du SNIT fait d’abord apparaître qu’il correspond à une stratégie privilégiant les modes de transports alternatifs à la route et à l’aérien dans un cadre intégré et multimodal, au sein duquel tous les modes ont néanmoins leur place et leur rôle à jouer.

Il décline une soixantaine d’actions visant à orienter les politiques des gestionnaires d’infrastructures, en termes d’exploitation, d’entretien et de modernisation des réseaux. Il est clair qu’il reflète un choix de projets de développement fondé sur une grille d’évaluation multicritères normalement construite en concertation avec les acteurs du Grenelle.

Il représente 166 milliards d’euros d’investissements, hors Grand Paris, dans le développement des infrastructures de transport, dont plus de 90 % dans les modes alternatifs à la route et à l’aérien.

Une fois ce constat effectué, le débat peut et doit continuer, car les interrogations, les insuffisances et les inquiétudes demeurent très nombreuses et sont encore loin d’être levées. Je ne m’en suis pas caché au cours des différents entretiens, en l’état, cet avant-projet de SNIT reste inacceptable à mes yeux.

Avec plusieurs de mes collègues du groupe de travail, nous n’avons cessé de le souligner : dans de nombreux registres essentiels, la version présente du SNIT est à compléter, à repenser ou, dans le meilleur des cas, à préciser.

Louis Nègre s’est fait l’interprète de ces différentes remarques. Il a agi avec beaucoup de tact, voire de pudeur, mais il a sincèrement rapporté une inquiétude qui demeure et qui devra être prise en compte dans les travaux d’élaboration qui doivent se poursuivre.

À l’issue du Grenelle de l’environnement, l’État s’était engagé à exploiter, entretenir, moderniser et développer son réseau d’infrastructures de transports de manière à le rendre plus performant tout en intégrant trois enjeux : contribuer à la diminution de 20 % des gaz à effet de serre d’ici à 2020, contribuer à la préservation des milieux naturels et de la biodiversité, participer à l’objectif d’améliorer de 20 % l’efficacité énergétique de l’Union européenne d’ici à 2020.

Le SNIT est ainsi, théoriquement, destiné à concrétiser la politique de l’État en matière d’infrastructures de transport, en cohérence avec les orientations environnementales prévues depuis 2007. II s’agit donc de faire en sorte que, tout en répondant aux besoins de mobilité et aux exigences de compétitivité et de performance inhérents à la compétition économique mondiale, le système de transport relevant de la compétence de l’État participe aux objectifs portés par le Grenelle.

Avec le projet de schéma actuel, nous sommes encore bien loin de satisfaire à ces objectifs puisque, en filigrane, la viabilité et la pertinence de ce projet de SNIT sont peu convaincantes, particulièrement en termes de faisabilité et d’équilibre financier.

Je m’explique : le ferroviaire et les transports collectifs urbains absorbent plus des trois quarts de l’effort financier inscrit dans le SNIT. Or ces deux secteurs sont, par nature, les plus déficitaires, mais néanmoins les plus subventionnés parmi l’ensemble des modes de déplacement.

L’ambition des transferts modaux de transports, tels qu’ils sont affichés dans le SNIT, pose donc l’incontournable question du déficit public puisqu’ils visent à minorer un mode routier abondamment taxé et dégageant un solde bénéficiaire, au profit d’autres modes largement moins rentables. Cette équation est totalement occultée dans le projet de SNIT. Il est pourtant certain qu’elle est incontournable en l’état actuel des finances publiques.

Au terme de ces premiers constats, je me permettrai, madame la ministre, de concentrer l’essentiel de mes observations sur les problématiques soulevées par le projet de SNIT qui ont déjà ému nombre de mes collègues et qui me paraissent difficilement acceptables.

Elles se rapportent toutes, peu ou prou, à la question des infrastructures routières, à celle de la ruralité, à celle de l’aménagement du territoire, à celle du développement économique et, comme l’a fort justement souligné notre collègue Michel Teston à plusieurs reprises, au droit au transport et à la mobilité pour tous les citoyens.

Sur tous ces points, la dernière version du SNIT ne peut être acceptée.

Je veux, ici, tordre le cou à une mystification. Le ministère a répondu au président Louis Nègre que les projets d’aménagement et de modernisation des routes nationales existantes relevaient des programmes de modernisation des itinéraires routiers, ou PDMI, dont l’enveloppe s’élève à 1 milliard d'euros par an. On ne peut que rester sceptique ! Comment, en effet, pourrait-on imaginer une programmation annuelle ou quinquennale des crédits de l’État qui ne soit pas en cohérence avec la planification établie par le SNIT ?

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Cela signifie que tout itinéraire dont l’aménagement n’est pas retenu dans le document de planification qu’est le SNIT n’a pas vocation à recevoir des crédits d’État dans le cadre des PDMI. Du reste, c’est totalement légitime : il s’agit de bonne gestion de la part de l’État, le long terme commandant le court terme, la programmation s’inscrivant dans la planification.

Mes chers collègues, chacun d’entre nous, instruit par l’expérience, aura compris ce qui en résulte. Si vous souhaitez que des travaux d’amélioration des routes nationales dont dépendent votre économie locale, votre démographie et votre désenclavement soient entrepris et que ceux-ci ne sont pas pris en compte dans le SNIT, adressez-vous directement aux collectivités locales, même si cela relève de la compétence de l’État !

Debut de section - Permalien
Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre

Ce n’est pas vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Je peux étayer encore ma démonstration.

Mes chers collègues, vous connaissez tous cette première liste de routes nationales sélectionnées pour être assujetties à l’éco-redevance que vont acquitter les entreprises de poids lourds. Eh bien, ces itinéraires, qui sont pourtant reconnus d’intérêt structurant et qui généreront des recettes fiscales nouvelles, n’étant pas concernés par le SNIT, se retrouvent ipso facto exclus de tout investissement significatif pour les vingt ou trente prochaines années. C’est ce que j’appelle la double peine en matière d’aménagement du territoire !

Tout cela est accablant et part d’une interprétation réductrice et partiale de la lettre et de l’esprit du Grenelle de l’environnement. L’article 10 de la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement pose en effet comme principe que l’augmentation des capacités routières doit être limitée au traitement des points de congestion, des problèmes de sécurité ou des besoins d’intérêt local.

Quelle interprétation en a le Gouvernement ? Il refuse d’inscrire dans le SNIT des projets d’aménagement de routes existantes qui ne répondent qu’à des problèmes de desserte du territoire, de sécurité, de congestion, de nuisances ou d’intégration environnementale. Le message gouvernemental est clair : il s’agit de réserver strictement le SNIT aux aménagements induisant de « nouvelles fonctionnalités » et modifiant à grande échelle les comportements, au travers de nouveaux trafics ou de reports modaux.

Cette interprétation du Grenelle me paraît pour le moins erronée et abusive. Le Gouvernement instrumentalise le Grenelle ! J’y reviendrai d’ailleurs en prenant l’exemple de ma Gascogne d’origine, notamment la RN20 en Ariège et la RN21 dans le Gers. Il n’est qu’à se reporter à la page 118 de l’avant-projet consolidé du SNIT pour s’apercevoir que, avec cet alibi du Grenelle de l’environnement, ces axes qui relèvent pourtant de la compétence de l’État, sont laissés aujourd'hui dans une situation inacceptable, ainsi qu’a pu le constater Louis Nègre.

On peut s’interroger, comme l’a fait Michel Teston : Quelle cohérence y a-t-il ? Avec cet avant-projet, n’est-on pas aux antipodes du diagnostic sur les territoires enclavés établi par la DATAR en 2003 ? La ruralité est la grande absente, elle est sacrifiée, et cela en contradiction avec les ambitions explicitement formulées lors du comité interministériel d’aménagement et de développement des territoires du 11 mai 2010.

Cet avant-projet de SNIT est une dénégation de l’engagement solennel du Président de la République, que vous connaissez certainement, madame la ministre, pris dans son discours de Morée du 9 février 2010, qui constitue le point d’ancrage sur lequel s’appuie l’espoir de la ruralité. Je n’en citerai qu’une phrase : « Autant j’étais contre le tout autoroute ou le tout route comme on a pu l’avoir pendant des années dans le pays ; autant passer à l’excès inverse de l’interdiction de tout projet, c’est condamner des départements et des territoires à une mort qui ne correspond en rien à leurs aspirations et à leur avenir. »

À ce stade de ma démonstration, je souhaite mettre l’accent sur le fait que nous avons voté un certain nombre de textes qui prévoyaient une péréquation, mais que nous l’attendons toujours !

Dans ces mêmes territoires sacrifiés, des contributions énormes ont déjà été demandées aux collectivités pour les TGV et les routes nationales. Comment imaginer que l’on va continuer ainsi ? Sur une enveloppe globale de 260 milliards d'euros, les collectivités territoriales dépenseront plus que l’État, puisque celui-ci ne contribuera au SNIT qu’à hauteur de 86 milliards d'euros. La répartition est la suivante : 37 % pour les collectivités territoriales contre 32, 2 % pour l’État, le tout pour satisfaire à des objectifs marquant l’abandon des efforts antérieurs fournis dans la bataille du désenclavement territorial. Comment peut-on accepter ce marché de dupes ?

Pour mieux illustrer mes propos, j’évoquerai de nouveau cette portion du Sud-Ouest que je représente ici, tout en sachant que mon analyse locale est transposable à bien d’autres territoires métropolitains.

Entre les axes Bordeaux-Toulouse et Langon-Pau, un vaste territoire, qui s’étend jusqu’aux Pyrénées, n’a d’autre artère structurante nord-sud que ce bout de RN21. Louis Nègre a pu constater que, sur soixante kilomètres, il n’y avait aucune possibilité de dépassement !

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

M. Raymond Vall. Comme je l’avais fait remarquer avec un peu d’humour, madame la ministre, c’est sans doute la même route qu’a dû emprunter d’Artagnan pour monter à Paris !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Ainsi, on déplore 65 morts en quatre ans sur le tronçon Limoges-Tarbes.

Il est vrai qu’un certain nombre de routes nationales figurent dans la liste dressée à la page 118 de l’avant-projet consolidé. Toutefois, madame la ministre, il reste un point essentiel, et la commission de l'économie ainsi que le groupe de suivi en sont convenus : si votre volonté d’agir en faveur du désenclavement n’est pas confirmée par des crédits permettant enfin d’engager les études nécessaires, comme le souligne ce document avec une subtilité qui m’inquiète §– de ce point de vue, l’écriture de la page 118 est un véritable chef-d’œuvre ! – et si les études ne figurent pas dans la loi de finances, une fois de plus, nous aurons raté ce rendez-vous ! Et, une fois de plus, la ruralité sera condamnée ! Quelle autre interprétation pourrions-nous en faire ?

En conclusion, je dirai que l’avant-projet consolidé du schéma national des infrastructures de transport qui a été présenté au mois de janvier dernier a eu au moins le mérite de mobiliser un certain nombre de mes collègues, au premier rang desquels Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, et Louis Nègre, président du groupe de suivi, et de faire remonter un certain nombre de messages, qui sont, madame la ministre, autant de messages de désespoir.

Croyez bien que mon émotion n’est pas feinte, madame la ministre, lorsque je m’exprime sur ce sujet avec quelque passion, songeant que certains territoires, en dépit de l’état dans lequel ils se trouvent, vont devoir attendre trente ans avant de bénéficier d’un certain nombre d’améliorations et espérer pouvoir survivre. Je vous en conjure : écoutez notre appel et soyez attentive à l’ensemble du territoire français. Toutes les zones qui le composent ont le droit d’exister !

Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste, de l’Union centriste et de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président. Mes chers collègues, il m’est particulièrement agréable de saluer en votre nom la présence, dans notre tribune d’honneur, de M. Mircea Dan Geoana, président du Sénat de Roumanie.

Mme la ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Le président Geoana effectue, avec plusieurs de ses collègues, une visite du Sénat de la République française. Il est accompagné par notre collègue Jean Bizet et rencontrera demain d’autres personnalités de la Haute Assemblée.

Je l’assure, ainsi que ses collègues, de notre considération, de notre estime et de notre joie de les voir à la tribune d’honneur.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Dans la suite du débat sur le schéma national des infrastructures de transport, la parole est à M. le président de la commission de l’économie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat qui nous réunit aujourd’hui, sur l’initiative du groupe du RDSE, me donne l’occasion de rappeler le grand intérêt de la commission de l’économie pour la question des transports et les travaux qu’elle a menés sur le schéma national des infrastructures de transport.

Grâce à l’implication de son rapporteur, Bruno Sido, la commission de l'économie s’est d’abord beaucoup investie lors de l’examen de la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dite « Grenelle 1 », dont les articles 16 et 17 ont fixé justement le cadre légal de ce schéma.

À la suite de la publication, au mois de juillet dernier, de l’avant-projet du SNIT, le bureau de notre commission a jugé utile de mettre en place un groupe de suivi du SNIT, composé de huit sénateurs, représentant l’ensemble des groupes politiques. Ce groupe est présidé par Louis Nègre et comprend également nos collègues Jean Boyer, Francis Grignon, Jean-Jacques Mirassou, Bruno Retailleau, Mireille Schurch, Michel Teston et Raymond Vall.

Le groupe de suivi a auditionné la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer, organisé une table ronde avec le secteur routier et autoroutier, puis effectué deux déplacements au mois de décembre 2010, l’un dans le Gers, à l’invitation de notre collègue Raymond Vall, pour étudier le dossier de la RN21 dans ce département, l’autre dans les Hautes-Alpes pour examiner le dossier de l’A51 aux côtés du sénateur Pierre Bernard-Reymond.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Le groupe de suivi a également pris l’initiative d’envoyer, à la fin du mois de décembre dernier, une lettre à l’ensemble des sénateurs pour leur demander leurs observations sur l’avant-projet de SNIT. À ce jour, une quinzaine de contributions écrites ont été reçues. Elles ont été une source précieuse d’informations et de réflexion pour le groupe de suivi.

Je tiens d’ores et déjà à remercier les membres du groupe de suivi de la qualité et du sérieux de leurs travaux. Ceux-ci se poursuivront jusqu’aux mois de mai et juin prochains, date à laquelle, vous l’avez annoncé, madame la ministre, le Parlement devrait débattre du projet de SNIT avant son adoption en conseil des ministres.

Parallèlement aux travaux du groupe de suivi, la commission de l'économie a organisé des auditions, dont certaines ont été ouvertes aux groupes d’études « montagne », « littoral et mer » ou encore « énergie ». Ainsi, M. Jean-Louis Borloo est venu le 6 octobre 2010 présenter la philosophie générale de l’avant-projet de SNIT. Puis, le 19 janvier dernier, Mme Michèle Pappalardo, responsable du commissariat général au développement durable, a présenté les principales conclusions du rapport environnemental relatif à cet avant-projet. Ce document est essentiel puisqu’il évalue a priori l’impact de tous les projets inscrits au SNIT sur l’environnement, notamment leur contribution aux objectifs ambitieux du Grenelle en matière de lutte contre le réchauffement climatique.

Enfin, madame la ministre, nous vous avons auditionnée le 1er février dernier sur l’ensemble des thématiques qui relèvent de votre ministère, mais surtout sur l’avant-projet consolidé du SNIT, présenté quelques jours plus tôt, qui contient des avancées notables par rapport à la version initiale du mois de juillet dernier.

Je ne souhaite pas allonger davantage mon propos, car notre collègue Louis Nègre nous présentera dans quelques instants les conclusions provisoires du groupe de suivi.

Je suis convaincu que les nombreux orateurs inscrits aujourd’hui garderont à l’esprit que l’intérêt général ne se réduit pas toujours à la somme des intérêts particuliers.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Ce n’est pas une raison pour les sacrifier !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Bien entendu, il est légitime de défendre les projets qui concernent nos territoires, mais il faut également veiller à leur bilan social, économique et environnemental, surtout dans un contexte de fortes tensions pour les finances publiques.

Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – M. Raymond Vall applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Louis Nègre, président du groupe de suivi sur le SNIT.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, comme l’a rappelé le président Emorine, j’ai été nommé président du groupe de suivi sur le SNIT, et c’est à ce titre que je vous présente nos conclusions provisoires.

Notre réflexion a été alimentée par l’ensemble des observations de nos collègues. Toutefois, compte tenu du temps qui m’est imparti aujourd’hui et de la communication que j’ai déjà faite en commission, je ne citerai, à titre d’exemple, que les deux dossiers emblématiques pour lesquels la commission s’est déplacée et centrerai mon propos sur les problématiques générales de ce document.

Le SNIT, madame le ministre, est un document stratégique remarquable et remarqué, qui inscrit pleinement nos infrastructures dans le développement durable. Il est caractérisé par deux éléments forts : d’une part, il intègre la mutation écologique du Grenelle ; d’autre part, il est soumis à concertation.

Il constitue donc, par rapport au CIADT – comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire – de 2003, une démarche particulièrement innovante que nous saluons comme il se doit.

La consultation engagée depuis juillet a d’ailleurs déjà porté des fruits, même si, madame le ministre, comme vous l’avez dit, il faut poursuivre dans cette direction. En effet, l’avant-projet consolidé de janvier demeure perfectible.

J’articulerai mon intervention autour de deux questions : quelles sont les avancées de cet avant-projet consolidé par rapport à la version initiale de juillet ? Quelles sont les limites qui demeurent dans le nouveau document ?

Je distingue trois avancées dans l’avant-projet consolidé.

En premier lieu, le SNIT aborde enfin la question récurrente des coûts des différents réseaux. L’enveloppe globale de 170 milliards d’euros passe ainsi à 260, 5 milliards d’euros, du fait de l’addition des projets de régénération, de modernisation et de développement.

Cela dit, Réseau ferré de France, RFF, considère que ces estimations financières sont trop optimistes. Le SNIT table, pour les vingt-cinq prochaines années, sur des dépenses de 15 milliards d’euros s’agissant de la modernisation du réseau ferré, hors Île-de-France et hors projet du Grand Paris, contre 25 milliards d’euros selon RFF. De même, le Gouvernement estime à 25 milliards d’euros le coût de la maintenance du réseau, quand RFF envisage plutôt une enveloppe de 40 milliards d’euros. Ces estimations de RFF ne donnent qu’un ordre de grandeur, mais elles illustrent parfaitement la difficulté d’apprécier les coûts de maintenance et de rénovation des réseaux existants.

De cela découle la première préconisation du groupe de suivi : pour mieux définir les orientations, nous considérons que le Gouvernement doit présenter un schéma des besoins de rénovation de tous les réseaux existants, assorti d’un diagnostic précis et d’un échéancier des coûts.

Ce diagnostic existe déjà en matière ferroviaire, même s’il doit être actualisé et affiné.

En matière fluviale, un audit a été demandé par le Parlement, mais n’a toujours pas été réalisé à ce jour, alors même, par exemple, que l’écluse fluviale de Port 2000 apparaît comme un dossier particulièrement pertinent.

S’agissant du secteur routier, l’objectif principal – et légitime – du document est le transfert modal. Toutefois, étant donné que ce secteur concentre, je le rappelle, 90 % du transport de marchandises, il doit faire l’objet de la même attention que les autres réseaux. Nous demandons donc, madame le ministre, un diagnostic du réseau routier existant. Nous souhaiterions que ce diagnostic soit réalisé par un organisme extérieur indépendant et qu’il dresse un échéancier des coûts de rénovation pour toute la durée du SNIT, afin d’éviter que ne se reproduise pour le secteur routier le malheureux destin du réseau ferroviaire.

En deuxième lieu, l’avant-projet consolidé explicite la clef de financement entre l’État, les collectivités territoriales et les autres acteurs pour chaque mode de transport. Le groupe de suivi constate que les collectivités territoriales seront le premier financeur du SNIT, à hauteur de 37, 2 %, contre 32, 8 % pour l’État. Pour cette raison, nous préconisons, madame le ministre, une concertation approfondie et organisée avec les principaux décideurs locaux concernés par le SNIT d’ici aux mois de mai ou de juin, au moins au niveau régional.

Le groupe de suivi demande également une hiérarchisation des projets.

L’avant-projet consolidé reconnaît d’ailleurs clairement que 70 % à 80 % seulement des mesures prévues dans le SNIT seront effectivement réalisées. Il existe des projets plus structurants et prioritaires que d’autres, notamment, monsieur le président de la commission, parmi les nombreux projets de LGV – ligne à grande vitesse –, où le coût du kilomètre peut être vingt fois plus cher que la régénération d’un kilomètre de voie ferrée.

Au vu de la situation alarmante de ce secteur, j’en appelle personnellement, madame le ministre, à un Grenelle du ferroviaire, afin de définir ensemble un plan volontariste et ambitieux, mais réaliste,

qui nous permettra d’atteindre – c’est bien le but –concrètement les objectifs de transfert modal voulu par le Grenelle de l’environnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

En troisième lieu, afin d’apaiser les inquiétudes des élus concernés, les projets routiers qui bénéficient d’une déclaration d’utilité publique sont dorénavant regroupés dans une nouvelle annexe. C’est une bonne chose. Toutefois, le groupe de suivi souhaite que l’on suive le même raisonnement pour les projets de modernisation et de régénération ferroviaires que réalise de son côté RFF, afin qu’il soit possible d’avoir une vue d’ensemble de ces deux secteurs.

J’en viens à présent aux difficultés relevées par notre groupe de travail et auxquelles le nouveau document n’apporte pas de réponse.

Tout d’abord, nous constatons que les projets de développement portuaire et d’interconnexion avec le réseau fluvial manquent d’ambition pour relancer le fret ferroviaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Les projets portuaires stricto sensu ne représentent que 2, 7 milliards d’euros, soit 1 % des dépenses globales.

Compte tenu de l’importance cruciale des ports pour le transfert modal des marchandises, notamment le transport massifié, il est peu vraisemblable que ce schéma donne à ces ports, par ailleurs régulièrement bloqués par des grèves

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Par ailleurs, le groupe de suivi présente, en complément du développement des ports, trois propositions pour relancer le fret ferroviaire.

Premièrement, il convient de suivre les préconisations exposées dans le rapport d’information de notre excellent collègue Francis Grignon, en particulier l’embranchement des ports avec le canal Seine-Nord Europe ; la nécessité d’un tel investissement, madame le ministre, n’est pas discutable.

Deuxièmement, il est indispensable de disposer d’une évaluation des externalités négatives engendrées par le transport routier de marchandises, tant au niveau français que sur le plan européen. Cette évaluation, réalisée par un organisme extérieur, est nécessaire pour sortir par le haut du débat sans fin sur les coûts réels respectifs de la route et du fer.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Troisièmement, le schéma doit montrer comment les projets, tels que la liaison Lyon-Turin, et, à terme, la traversée centrale des Pyrénées, s’inscrivent dans le réseau de transport transeuropéen. À nos yeux, ce dernier est insuffisamment rappelé dans le SNIT, malgré les efforts que l’on peut percevoir dans l’avant-projet consolidé.

Ensuite, une deuxième difficulté réside dans le fait que l’aménagement et la modernisation des routes nationales existantes sont insuffisamment pris en compte par le SNIT, …

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

alors que, madame le ministre, la majorité des contributions des meilleurs experts de nos territoires, c’est-à-dire les sénateurs, traitent de ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Nous nous félicitons à nouveau des orientations « grenelliennes » du SNIT – orientations que nous soutiendrons totalement –, mais nous proposons de prendre davantage en compte l’aménagement du territoire…

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

… en adoptant une interprétation plus équilibrée des critères du Grenelle.

Le Gouvernement a, selon nous, une lecture très stricte, voire trop stricte des critères de congestion, de sécurité ou d’intérêt local.

Le SNIT est fondé sur une véritable révolution copernicienne des objectifs

Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

M. Louis Nègre, président du groupe de suivi. Soit, madame le ministre, mais il serait toutefois souhaitable que ce document stratégique accorde aussi toute sa place à la notion de désenclavement

Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste. – M. Raymond Vall applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

…surtout lorsqu’il n’existe pas de desserte alternative – pour reprendre les termes figurant dans le SNIT –, comme c’est le cas, ainsi que l’a très bien expliqué Raymond Vall, avec la route nationale 21 dans le Gers, où, sur des dizaines de kilomètres, il est impossible aux véhicules de se dépasser. Dans ce genre de situation, on a l’impression d’être au XXe siècle plutôt qu’au XXIe !

Le groupe de suivi demande donc très concrètement que le Gouvernement engage, dès la prochaine loi de finances, des crédits d’études pour établir les cahiers des charges des onze projets de désenclavement routier visés par le Gouvernement dans la nouvelle fiche ROU 6 de l’avant-projet consolidé.

Un mot, enfin, sur le projet emblématique de l’A51. Je me suis rendu sur le terrain, madame le ministre. Comme dirait Mme Élisabeth Guigou, il faut absolument faire quelque chose !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Daunis

M. Marc Daunis. Enfin une bonne référence !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Il me semble nécessaire d’achever, comme l’autorise la loi Grenelle 1, cet itinéraire autoroutier dont la réalisation est largement engagée, de manière à décharger, avec la fin concomitante de l’A 48, l’axe rhodanien, épine dorsale de l’économie française et même de l’économie européenne.

Je crois donc nécessaire de définir le plus rapidement possible un plan d’action concret d’achèvement de cet axe d’aménagement du territoire. Pour se convaincre de cette nécessité, il suffit de se demander comment il serait possible, si un accident grave se produisait un jour dans le sillon rhodanien, d’alimenter tout le Nord de la France et de l’Europe.

Enfin, une dernière difficulté est liée au fait que l’évaluation environnementale du SNIT comporte de nombreuses limites. À la lecture du rapport environnemental, on ne sait pas clairement si la France parviendra, grâce au SNIT, à atteindre les objectifs ambitieux du Grenelle.

Comment mesure-t-on, par exemple, les effets, territoire par territoire, des nouvelles infrastructures ? Ou encore quelles sont les solutions de substitution possibles pour les grands projets d’infrastructures ?

Nous souhaitons donc, madame le ministre, au-delà de ce premier débat, poursuivre la réflexion afin que toutes ces questions essentielles soient traitées dans les mois à venir.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste. – M. Raymond Vall applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt-et-une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Roland du Luart.