Il appartenait au législateur organique de donner vie à la nouvelle rédaction de l’article 11 de la Constitution instituant le référendum d’initiative partagée. Désormais, cette initiative appartiendra non pas aux citoyens, raison pour laquelle on ne parle pas de référendum d’initiative populaire, mais à un cinquième des membres du Parlement, soit le nombre – astronomique ! – de 185 parlementaires. Elle doit ensuite être soutenue par un dixième des électeurs, soit environ 4, 5 millions de soutiens.
Cela ne suffit toutefois pas à rendre obligatoire un référendum, une autre condition étant fixée. Celui-ci ne pourra être organisé que si les deux assemblées n’ont pas examiné le texte qui doit être soumis à référendum.
Enfin, l’article 11 prévoit que la procédure doit être organisée sous le contrôle du Conseil constitutionnel.
Cette initiative prendra la forme d’une proposition de loi qui pourra être déposée indifféremment sur le bureau de l’une ou l’autre des deux assemblées. Le recueil des soutiens, qui seront apportés par voie électronique, s’étalera sur une période de neuf mois. Toutes ces dispositions ont déjà été détaillées par les orateurs qui m’ont précédée à cette tribune.
Il appartiendra au Conseil constitutionnel de vérifier qu’une initiative a reçu le nombre de soutiens nécessaire. En commission mixte paritaire, il a été précisé que ce contrôle serait effectué par une formation restreinte du Conseil constitutionnel, composée de son président et de deux de ses membres. Sur l’initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a modifié ce point. C’est l’objet de l’amendement n° 1.
Là encore, on peut s’interroger sur la conformité de ce procédé avec l’adage delegatus delegare non potest, c'est-à-dire « le délégué ne peut pas déléguer ». Pour autant, nous partageons l’idée qu’il faut éviter que le Conseil constitutionnel ne se retrouve submergé par l’ampleur de sa nouvelle tâche, même si, en l’occurrence, les occasions ne seront pas très fréquentes.
Enfin, le projet de loi organique prévoit que la période pendant laquelle les deux assemblées doivent examiner la proposition de loi ayant reçu un nombre suffisant de soutiens s’étale sur six mois.
Nous avons pris la précaution de prévoir que le rejet de la proposition de loi par l’une des deux assemblées n’interromprait pas la navette parlementaire, comme c’est le cas pour les propositions de loi de droit commun. En effet, cela aurait permis à une seule des deux assemblées de forcer l’organisation d’un référendum.
Je tiens ici à faire remarquer qu’un point devra être traité dans les règlements des deux assemblées. En effet, si l’adoption d’une motion tendant à poser la question préalable ou d’une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité entraîne le rejet de la proposition de loi examinée, avec ce projet de loi organique, elle entraînera la transmission du texte discuté à l’autre assemblée.
Reste l’adoption d’une motion de renvoi en commission, qui, elle, ne vaut pas rejet du texte examiné. Elle permettrait à l’une des assemblées de garder « au chaud » une proposition de loi référendaire en son sein et d’empêcher sa transmission à l’autre assemblée. Il sera donc utile de préciser dans les règlements respectifs des deux assemblées que le renvoi en commission ne peut être appliqué aux propositions de loi à vocation référendaire.
En conclusion, cela a été souligné, chacun a ici conscience que les chances – ou les risques ! – qu’un référendum puisse être organisé sur le fondement de l’article 11 sont limitées, voire extrêmement restreintes, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, dans la pratique, seul l’un des deux grands partis pourra en être à l’initiative. Ensuite, le nombre de 4, 5 millions de soutiens paraît difficile à atteindre, même avec les progrès de la communication électronique. Enfin et surtout, le référendum n’aura finalement lieu que si les assemblées et le Gouvernement le veulent bien et n’inscrivent pas la proposition de loi à l’ordre du jour des travaux du Parlement.
Pour autant, en tant que législateurs, nous sommes tenus de mettre en œuvre toutes les dispositions de la Constitution, ce que le gouvernement précédent s’était refusé à faire. C’est pourquoi, malgré les réserves qui viennent d’être énoncées dans cet hémicycle par mes collègues et par moi-même, le groupe socialiste apportera son soutien à ce dispositif.