Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du 21 novembre 2013 à 9h30
Loi de finances pour 2014 — Discussion d'un projet de loi

Pierre Moscovici :

Il faut du temps pour qu’une amélioration de la conjoncture se traduise concrètement dans le quotidien des Français, j’en suis bien conscient, mais cette embellie n’est pas une vue de l’esprit.

Notre scénario de reprise de croissance a été conforté par tous les instituts de conjoncture indépendants et les institutions internationales.

Le Haut Conseil des finances publiques, une institution que nous avons créée voilà un an avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, a qualifié nos prévisions de croissance pour 2013 de « plausibles », puis de « réalistes ».

La Commission européenne, et j’en suis fier, vient elle aussi de valider notre scénario la semaine dernière : ses dernières prévisions s’établissent à 0, 2 % en 2013, 0, 9 % en 2014 et 1, 7 % en 2015 ; elles sont donc pleinement en ligne avec les nôtres et même légèrement plus optimistes pour 2013. La France est sur la voie du redressement, grâce à la politique que nous menons et grâce, surtout, au dynamisme et à la résilience des acteurs économiques.

Oui, nous voyons les premiers résultats de notre action. Et je ne veux pas apparaître ici comme un adepte de la méthode Coué, absurdement porté à l’autosatisfaction.

Dans son édition datée du 20 novembre dernier, un quotidien du soir titrait : « Moscovici et Benzema, match nul ». Mais c’était avant que la France ne l’emporte ! Après la victoire des Bleus au Stade de France, je trouve finalement cette comparaison pas si déshonorante…

Je connais aussi bien – je n’ose pas dire mieux – que quiconque les problèmes économiques du pays et les difficultés dont nous avons hérité. Je ne veux pas tomber dans la facilité, je sais tout ce que la France fait et tout ce qu’elle a encore à faire. Toutefois, à quoi sert-il de diffuser un pessimisme qui n’est pas de mise ? L’économie française va mieux ; elle doit aller encore mieux à l’avenir, et nous devons faire encore plus pour la compétitivité et la croissance.

Ce message de confiance dans le pays, nos compatriotes ont besoin de l’entendre de la part des formations politiques républicaines, qui ont l’ambition d’élever notre pays, sauf à nourrir des inquiétudes qui, nous le savons, profitent à d’autres.

La reprise est là, elle est réelle. Il est vrai aussi qu’elle est fragile, je ne le cache pas. Nous devons conforter et amplifier ce redressement, en restant résolument engagés dans la voie des réformes de croissance. Notre tâche n’est pas finie. Il faut poursuivre le travail de réforme.

C’est ce que je retiens de la dégradation récente de la note de la France par l’agence Standard & Poor’s. J’ai pointé les limitations, réelles, dont souffre à mes yeux cet exercice. Comme je l’ai souligné le jour même de la dégradation de la note de notre pays, l’analyse de cette agence me semble incomplète, et même approximative. D’autres aussi ont pris leurs distances avec ses conclusions, notamment le gouverneur de la Banque de France. Je tire toutefois de cet épisode deux convictions renouvelées.

Premièrement, l’économie française est forte, ce qui explique que les investisseurs aient continué à faire confiance imperturbablement à la France, que nos spreads n’aient pas même bougé d’un point de base et que l’écart avec l’Allemagne ne se soit pas non plus réduit.

Deuxièmement, il faut maintenir le cap de la crédibilité et de la force d’une politique de redressement.

Je pense au cap des réformes économiques, sur lequel je reviendrai dans quelques minutes, mais aussi au cap du sérieux budgétaire et de l’équilibre structurel, que le projet de loi de finances pour 2014 vient confirmer. Ce sont des acquis que nous devons à tout prix préserver.

Le déficit public devrait ainsi s’établir cette année à 4, 1 % du PIB, au-delà, il est vrai, de la prévision initiale de 3, 7 %. Ce dépassement tient pour une très large part à l’impact de l’environnement économique et de la faible inflation sur les recettes fiscales, la TVA et l’impôt sur les sociétés – j’imagine que Bernard Cazeneuve reviendra sur ces points.

Toutefois, la dépense, elle, est maîtrisée, et l’effort structurel est extrêmement important – de 1, 7 point de PIB en 2013, après 1, 3 point en 2012. C’est aussi la reconnaissance de l’importance de cet effort structurel qui explique que la commission européenne, la semaine dernière, ait dans son avis validé sans réserve notre stratégie budgétaire.

Pour 2014, notre objectif de déficit nominal est de 3, 6 %, en cohérence avec nos engagements européens, et l’effort structurel représentera 0, 9 point de PIB.

Je reviens sur l’avis de la Commission européenne, qui a estimé que nous étions parfaitement en ligne avec nos engagements européens et avec la recommandation du Conseil du 21 juin dernier, à la différence de nombreux pays de l’Union européenne. La Commission reconnaît ainsi la réalité des efforts structurels que nous conduisons. Pour ma part, je m’en félicite.

Je tiens aussi à formuler une remarque importante sur l’évolution des déficits : mesdames, messieurs les sénateurs, il ne vous aura pas échappé que celle-ci va dans le bon sens. En 2011, le déficit s’établissait à 5, 3 % du produit intérieur brut ; en 2012, nous l’avons ramené à 4, 8 % ; en 2013, il sera à 4, 1 % et à 3, 6 % à la fin de 2014. Nous avons certes gagné deux ans, mais pas pour ne rien faire ; nous devons mettre à profit ces deux années pour redresser nos finances publiques et notre économie. Notre déficit passera en deçà des 3 % du PIB en 2015, avec un effort structurel qui devra être maintenu.

Nous réalisons cet effort de redressement des comptes tout en tendant vers la stabilité des prélèvements obligatoires pour 2014. Sur un effort de redressement budgétaire total de 18 milliards d’euros, 2 milliards d’euros proviendront en effet de la lutte contre la fraude et l’optimisation fiscale et, surtout, 15 milliards d’euros proviendront d’économies de dépenses publiques par rapport à leur évolution spontanée – je précise au passage que tous les pays de l’Union européenne effectuent ce calcul de la même manière.

Nous avons fait le choix de réaliser, à court terme, des ajustements au moyen d’une hausse des prélèvements obligatoires. Contrairement à d’autres, nous n’avons aucune hostilité de principe à l’égard de l’impôt, qui incarne notamment le service public et le consentement citoyen. Néanmoins, nous pensons également que, dans un deuxième temps – nous y sommes ! –, c’est par des économies que doivent se réaliser les efforts.

Le sérieux budgétaire est donc un cap que nous tenons. Cependant, nous avons aussi choisi d’élaborer un projet de budget pour 2014 résolument favorable à l’offre productive, un budget de soutien déterminé à la compétitivité des entreprises et à l’investissement.

Comme le disait en 1953 Pierre Mendès-France, que l’on gagne toujours à relire, la priorité, c’est « d’accroître la masse des biens à répartir ». En effet, on ne peut redistribuer et répartir que ce que l’on a produit.

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