Intervention de Bernard Cazeau

Réunion du 15 février 2011 à 14h30
Débat d'orientation sur la prise en charge de la dépendance et la création d'un cinquième risque — Orateurs inscrits

Photo de Bernard CazeauBernard Cazeau :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le rapport d’information fait au nom de la mission commune d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création d’un cinquième risque, et qui sert de socle à nos débats, retranscrit assez bien l’atmosphère sereine et constructive ayant présidé à nos travaux.

Au final, nous avons à mon sens affiché une certaine indépendance d’esprit, à la fois par rapport aux formations politiques dont nous sommes issus, par rapport au Gouvernement qui cherche, du moins le prétend-il, à définir sa doctrine sur le sujet, et par rapport à l’Assemblée nationale avec laquelle nous avons des divergences sur plusieurs points fondamentaux. Peut-être est-ce là la preuve que nous recherchons, au bénéfice de nos concitoyens, une vérité utile !

Il faut dire que l’enjeu est considérable, et ce à plusieurs titres.

C’est un enjeu humain, parce que la dépendance est synonyme de fragilité sanitaire et psychologique pour celui qui la traverse, synonyme d’une peine dont toute la société doit avoir conscience.

C’est un enjeu sociétal, car la structure familiale et les rapports intrafamiliaux sont transformés par le vieillissement accéléré d’une partie de la population.

C’est un enjeu social, dans la mesure où le grand âge équivaut à la mise en danger des personnes et des familles les plus modestes.

Bref, nous sommes non seulement dans un débat technique, mais aussi devant une question de société, dans l’acception la plus noble du terme.

Parlons, d’abord, de l’évolution démographique et des dépenses afférentes.

Les perspectives dressées par l’INSEE laissent envisager une progression de 25 % du nombre de personnes âgées de plus de 75 ans à l’horizon 2025. C’est important, mais ce n’est pas bouleversant ! Notons encore que la part des plus de 80 ans dans la population, ceux dont la probabilité d’être dépendants est la plus élevée, ne progressera que de 1 % d’ici à 2025.

En revanche, il est indéniable que les perspectives portant sur la période 2025-2055 sont plus préoccupantes, puisqu’à cette date la population française comptera 15 % de personnes âgées de plus de 75 ans, contre 8 % aujourd’hui, conséquence de l’arrivée aux âges élevés des générations du baby-boom.

En clair, nous allons vivre, au cours des vingt prochaines années, la même évolution démographique que celle que nous avons connue depuis les années soixante-dix, mais que nous avons su absorber tout en créant des droits nouveaux pour les personnes dépendantes. L’obstacle n’est donc nullement infranchissable ; il n’y a pas de tsunami à l’horizon.

S’ajoute à cela une question importante et difficilement prévisible, celle de la prévalence de la dépendance selon l’âge.

On ne peut en effet projeter dans l’avenir les observations actuelles concernant l’âge moyen de survenue de la dépendance. Avoir 85 ans n’aura pas la même signification dans quinze, vingt ou trente ans qu’aujourd’hui, du fait du recul probable de l’âge moyen de la dépendance.

Les projections en termes de coûts attestent d’ailleurs pleinement du caractère maîtrisable des évolutions en cours.

Les dépenses en faveur de l’autonomie devraient en effet passer de 1, 17 % à 1, 55 % du PIB au cours des quinze prochaines années. Autrement dit, il conviendrait de dégager un milliard d’euros supplémentaires par an pour maintenir la qualité actuelle des prises en charge et stabiliser le coût résiduel à la charge des usagers.

La prise en charge annuelle atteindrait alors 32 milliards d’euros à l’horizon 2025, montant qui correspond, d’ailleurs, pour 80%, à des créations d’emplois dans le secteur de l’aide à domicile et les établissements d’accueil. Nous parlons de plus d’un million d’emplois dans la prochaine décennie, contre 600 000 actuellement.

Dans la période économique que nous connaissons, marquée par la stagnation et la désindustrialisation, n’est-ce pas un objectif motivant et primordial pour la société française ? N’est-ce pas une lueur d’espoir pour les millions de salariés qui ne trouvent pas d’emploi ?

Nous sommes donc d’accord, à ceci près que nous nous refusons à sombrer dans un certain catastrophisme quant au diagnostic démographique et financier.

Un autre point d’accord concerne la gouvernance du système, qu’il convient de stabiliser et de simplifier sans pour autant remettre en cause la pertinence des acteurs actuels.

Il convient de conforter et de clarifier le rôle de la CNSA, ainsi que les nombreux circuits financiers contribuant au financement de la dépendance.

Dans le domaine de la programmation médico-sociale, il faut donc remettre de l’ordre, réintroduire de la stabilité et de la logique. À cet égard, la perspective de faire des départements les véritables responsables de la politique médico-sociale est tout à fait bienvenue et devrait, à notre sens, être étudiée de manière approfondie.

Dernier point d’accord entre nous, la nécessité de régler les grandes lacunes du fonctionnement actuel.

Il y a d’abord la répartition inacceptable du financement de l’allocation personnalisée d’autonomie. Comme cela a été dit, il n’est plus tolérable de laisser se creuser l’écart entre solidarité nationale et solidarité locale. La répartition paritaire des coûts entre État et conseils généraux doit redevenir la règle.

Il convient aussi de définir un outil d’évaluation de la dépendance plus complet que l’actuelle grille AGGIR. Nous constatons tous, sur le terrain, que les instruments de mesure ne sont aujourd'hui pas toujours performants et qu’ils n’évitent pas certains écueils. Aussi, loin d’envisager, comme cela a pu être écrit, la suppression du GIR 4, nous devons moderniser l’évaluation médico-sociale. Dans mon département, l’expérimentation, avec la CNSA, du SMAF, système de mesure de l’autonomie fonctionnelle qui nous vient du Québec, donne de très bons résultats.

Il importe enfin de diminuer le reste à charge des résidents en maison de retraite en rénovant l’actuel système de tarification.

Le plan Solidarité-Grand-Âge a eu une vertu importante, celle de moderniser les conditions d’accueil en EHPAD. Mais il a eu une autre conséquence plus fâcheuse : l’accroissement des tarifs d’hébergement payés par les résidents, dans le cadre des conventions tripartites. Aujourd’hui, ce sont 1 500 à 2 000 euros que les personnes hébergées doivent débourser pour être accueillies en EHPAD, soit des montants sans commune mesure avec les revenus de l’immense majorité des familles.

Sans laisser penser que les enfants pourront se dispenser des frais d’hébergement de leurs parents, nous soutenons que des améliorations doivent être apportées. La perspective d’une réforme de la tarification provoquant le transfert d’un milliard d’euros de dépenses des résidents vers l’assurance maladie est intéressante. Elle pose toutefois le problème, monsieur le rapporteur, du déséquilibre actuel des comptes de la sécurité sociale.

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