Certes, nous ne sommes plus dans une phase aiguë de cette crise, et les écarts de taux se sont réduits ; mais les déséquilibres qui ont conduit à des appréciations défavorables portées sur la France existent toujours, et même se sont peut-être accrus. Au fond, le fonctionnement de la zone euro continue de reposer sur des ambiguïtés, ce qu’illustre, par exemple, le projet d’union bancaire.
De fait, l’Allemagne s’oppose de plus en plus nettement à un fonds de résolution qui conduirait nos contribuables à payer pour la défaillance de banques d’autres États ; à mon avis, du reste, elle n’a pas tort. Elle s’oppose aussi à la recapitalisation directe des banques par le mécanisme européen de stabilité.
Au vu de telles positions, monsieur le ministre, que reste-t-il de l’union bancaire ? J’aurais aimé poser la question à M. Moscovici, s’il avait pu rester un peu plus longtemps ! En réalité, il n’en reste que le mécanisme de supervision unique, tel que les banques françaises, au lieu d’être supervisées à Paris, le seront à Francfort, par un régulateur certainement très compétent, mais probablement moins compréhensif à l’égard des spécificités de nos supports d’épargne. Cela peut avoir des incidences lourdes sur le financement de l’économie et des entreprises, et par conséquent sur le niveau de l’emploi.
Ces développements me conduisent à aborder le problème principal, qui met en jeu notre souveraineté : celui de la dette publique. Mes chers collègues, nous devons réduire notre dépendance à l’égard de nos créanciers, une dépendance qui a aussi le sens d’une véritable addiction !
À ce sujet, en souhaitant que nul ne prenne mon propos en mauvaise part, je veux relever un paradoxe : l’ennemi d’hier, la finance, est devenu aujourd’hui le meilleur ami ! §
En effet, compte tenu de l’évolution de l’encours de notre dette publique, qui s’élève maintenant à près de 2 000 milliards d’euros, c’est grâce aux taux d’intérêt historiquement bas que nous consentent les marchés financiers, naguère tant critiqués, que nous parvenons, pour le moment, à éviter l’éviction de nos dépenses publiques les plus utiles par les charges de remboursement des emprunts.
Malgré les discours rassurants du Gouvernement, quelles que soient les nombreuses marques d’autosatisfaction et les efforts accomplis pour minimiser les conséquences du dérapage de nos finances publiques par rapport à notre trajectoire, nous avons un vrai problème de dette publique, un problème qui ne cesse d’enfler.
Permettez-moi de faire état d’une donnée qui, pour ma part, m’inquiète beaucoup, même si elle concerne l’avenir. Alors que, voilà un an, on prévoyait que le ratio d’endettement de la France s’établirait à 83 % du PIB en 2017, cette prévision est aujourd’hui passée à 91 %. De la même façon, on prévoyait, il y a un an, que le pic du taux d’endettement serait atteint en 2013, au niveau de 91, 3 % du PIB ; douze mois plus tard, le pic est annoncé pour 2014 et il devrait atteindre 95, 1 % du PIB !
Or, même si les taux d’intérêt sont très bas, la dette publique pèse sur notre activité économique. Elle est un facteur de prudence et d’attentisme, qui conduit les agents économiques à épargner davantage, parce qu’ils craignent, quelques assurances qu’on leur donne, de futures hausses d’impôt. Peut-être, monsieur le ministre, ce phénomène contribue-t-il à la sinistrose qui a été critiquée tout à l’heure.
L’augmentation de la dette rapportée au PIB alourdit la contrainte qu’il faudra respecter le jour où nous aurons ramené le déficit à 3 % du PIB : en effet, il ne faut pas oublier que, à ce moment-là, les règles européennes nous conduiront à nous rapprocher, en quelque sorte à marche forcée, du plafond de dette fixé à 60 % du PIB.
Mes chers collègues, nous devons avoir conscience que des efforts seront nécessaires pendant longtemps. Ceux qui ne sont pas accomplis maintenant, ou qui ne le seront pas en 2014, non seulement devront l’être plus tard, mais seront d’autant plus durs, coûteront d’autant plus cher et seront perçus d’autant plus mal encore qu’on ne sera pas allé assez loin aujourd’hui.
Serons-nous capables de tenir une trajectoire de réduction du solde effectif des finances publiques en deçà du seuil de 3 % du PIB ? Telle est, à mes yeux, la question essentielle qui se pose à nous.
Il est clair que nous ne pouvons nous engager sur un chemin crédible qu’en réalisant des efforts très importants pour réduire les dépenses publiques de manière pérenne. Or, en dépit de tous les commentaires que l’on égrène et de toutes les assurances que l’on nous prodigue, je ne vois pas que cette politique soit mise en œuvre aujourd’hui.
Certes, par affichage, le Gouvernement tient un langage tout à fait rassérénant. Les trajectoires qu’il soumet à nos partenaires européens vont toujours dans le bon sens, même si elles se dégradent un peu chaque année. Le Gouvernement se livre à un exercice, que je qualifierai de normal, pour maîtriser la dépense publique, mais en qualifiant d’économie ce qui n’est que ralentissement d’une tendance haussière.
Or, si l’on y regarde de plus près, on constate que, depuis un an, le Gouvernement a assoupli sa trajectoire de solde structurel et de solde conjoncturel, qu’il a renoncé à l’objectif d’équilibre des comptes publics en 2017, quelles que soient les assurances verbales qu’on veut bien nous donner !
À la vérité, le Gouvernement manie le double langage bien connu : un langage pour rassurer sur la scène intérieure, un autre pour rassurer ses partenaires à Bruxelles.
Des progrès ont bien été accomplis en matière de gouvernance ; je pense, en particulier, à la création du Haut Conseil des finances publiques, dont le travail permet d’objectiver le débat sur les hypothèses macroéconomiques qui fondent le projet de loi de finances, ce dont je ne me plaindrai pas.
Des sujets d’interrogation tout à fait essentiels n’en subsistent pas moins. En particulier, le Haut Conseil vient de confirmer qu’il constatera, au printemps prochain, un écart significatif, de plus d’un point, par rapport à la trajectoire de solde structurel prévue. Monsieur le ministre, comment jouera le mécanisme de correction automatique ? Je vous ai déjà plusieurs fois posé la question : votre habileté est très grande, mais vous ne m’avez jamais répondu. Quelles conséquences le Gouvernement tirera-t-il donc de cet écart ?
Par ailleurs, je regrette que le chantier de la rationalisation et de la réduction des niches fiscales soit mené avec une grande mollesse. Alors que 20 % du stock de niches devait être évalué en 2013, je ne sache pas que cet exercice ait été conduit – en tout cas, je n’ai reçu aucune information à ce sujet.
Ce qui est aussi préoccupant, c’est la liberté que prend le Gouvernement avec la norme de dépense qu’il a lui-même définie. Il en est toujours allé ainsi, mais, cette année, les accommodements vont un peu plus loin. En particulier, plus de 1, 5 milliard d’euros de transferts de fiscalité aux régions et aux départements auraient dû, en application de la charte de budgétisation, se traduire par des économies en dépense, ce qui n’a pas été le cas.
Dès lors, monsieur le ministre, lorsque vous soutenez que la dépense publique est réduite en valeur absolue de 1, 5 milliard d’euros, c’est à mon sens un pur sophisme. En effet, avec 1, 5 milliard d’un côté et 1, 5 milliard de l’autre, il n’y a aucune réduction de la dépense publique en valeur absolue !
J’observe, enfin, …