Intervention de Jean-Vincent Placé

Réunion du 21 novembre 2013 à 9h30
Loi de finances pour 2014 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Jean-Vincent PlacéJean-Vincent Placé :

Or le TSCG – traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance – stipule qu’un écart d’un demi-point suffit à déclencher le mécanisme de correction automatique. C’est donc logiquement que le Haut Conseil des finances publiques a indiqué, dans son avis, qu’il serait contraint de demander ce déclenchement au printemps prochain, à l’occasion de l’examen de la loi de règlement.

Que se passera-t-il alors ? La France devra-t-elle payer une amende ? Le Gouvernement sera-t-il contraint à un ajustement structurel ? Ou bien cela se réglera-t-il par un discours de bonnes intentions ? Comme nous l’avions prédit – cela étant, l’exercice n’avait rien de bien difficile –, cette « règle d’or » n’offre qu’une alternative entre la catastrophe et la mascarade. La responsabilité incite évidemment à préférer la seconde, mais on ne peut pas dire que la politique en sorte grandie.

Bien qu’il ne soit pas parvenu à atteindre son objectif pour 2013, en dépit de l’effort consenti, le Gouvernement, fidèle à sa logique, le reporte pour partie sur l’année prochaine. Il s’engage donc pour 2014 à un effort de 0, 9 point de PIB, au lieu du 0, 5 point prévu par la loi de programmation. Nous nous enferrons ainsi un peu plus dans une spirale infernale.

C’est dans ce contexte, où la rigueur assumée ne laissait déjà que peu de marges, qu’ont été annoncés l’avènement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et son financement partiel par une hausse de la TVA. Vous nous présentez régulièrement cette mesure, monsieur le ministre, comme la colonne vertébrale de la politique économique du quinquennat. Il est, du coup, difficile de comprendre pourquoi elle ne figurait pas en bonne place parmi les engagements de campagne du Président de la République et pourquoi elle fut introduite par un simple amendement, livré aux députés la veille de son examen.

Là encore, au-delà de la rupture du contrat politique, le Gouvernement s’est engagé dans la voie d’une économie sociale-libérale, aussi obsolète que dangereuse. Ce crédit d’impôt est non seulement un chèque en blanc aux entreprises, mais c’est surtout un chèque à toutes les entreprises. Qu’il s’agisse de TPE ou de multinationales, d’entreprises en difficulté ou distribuant des dividendes, d’entreprises soumises à la concurrence internationale ou à l’abri de celle-ci, d’entreprises écologiques ou polluantes, toutes bénéficient de la même disposition, sans conditions. Dans des secteurs comme la grande distribution, les effets d’aubaine sont considérables. Les entreprises considérées sont-elles confrontées à un problème de compétitivité ? Les ménages français vont-ils faire leurs courses en Italie ?

Cette mesure, pourtant extrêmement onéreuse, ne fournit donc aucun levier pour orienter l’économie vers sa nécessaire transition écologique. C’est ainsi qu’il a été décidé d’utiliser cette maigre marge de manœuvre que tolérait la stratégie de la rigueur.

Sous la contrainte de ce double péché originel que constituent donc le TSCG et le CICE, le budget pour 2014 prévoit 6 milliards d’euros d’économies sur les amortisseurs sociaux et 1, 5 milliard d’euros sur les collectivités territoriales. Pour l’État et ses opérateurs, ce seront 7 milliards d’euros de coupes claires, dont je mesure les dégâts, par exemple, dans la police et la gendarmerie – je suis le rapporteur spécial de la commission des finances pour les programmes Police nationale et Gendarmerie nationale de la mission « Sécurités ». Heureusement, des crédits viennent d’être « dégelés » afin de pouvoir acheter 2 000 véhicules.

La mission « Écologie, développement et mobilité durables », dont vous comprendrez qu’elle nous est chère, fait partie de celles qui ont été le plus atteintes, alors même que la défense, qui ne figure pourtant pas au rang des trois priorités revendiquées par le Président de la République, est sanctuarisée.

Du côté des recettes, c’est en 2014 que devrait entrer en vigueur la hausse de la TVA. Le paradoxe du choix de la rigueur, monsieur le ministre, c’est qu’il suscite l’envie de s’alimenter sur des assiettes larges. Dès lors, le vrai malheur des gens modestes est d’être beaucoup plus nombreux que les riches ! En effet, lorsque la nécessité du rendement fiscal se fait pressante, il est moins rentable pour le Gouvernement de cibler et de proportionner son prélèvement que de ponctionner la grande masse des Français.

C’est donc par cet impôt régressif pesant sur les ménages – au moment où il est plutôt question de rendre les impôts plus progressifs – que sera largement financé le chèque en blanc aux entreprises.

En outre, le choix d’augmenter le taux intermédiaire à 10 % pénalisera beaucoup de secteurs participant à la transition écologique : transports en commun, traitement des déchets, gestion de l’eau.

Dans ce marasme budgétaire, deux mesures ont toutefois retenu positivement notre attention. La première a consisté à sortir la rénovation thermique des logements du champ de la hausse de TVA, pour en revenir à la situation antérieure au 1er janvier 2012 ; nous ne pouvons que nous en féliciter. La seconde mesure a consisté à poser les bases d’une contribution climat-énergie, ainsi que le Président de la République s’y était engagé. C’est une avancée majeure vers le verdissement de notre fiscalité. Nous regrettons néanmoins que le produit de cette contribution aille au financement du CICE, dont j’ai rappelé le caractère peu écologique, au lieu d’être investi ou d’être retourné aux redevables sous forme de compensations incitatives, conformément à l’objectif prioritaire d’une contribution climat-énergie.

De même, pour que le dispositif soit efficace, il conviendrait de revoir rapidement le prix de la tonne de carbone – 7 euros en 2014 et 22 euros en 2016 –, de manière à se rapprocher des montants qui figurent dans l’accord de mandature que nous avons passé avec nos amis socialistes, à savoir 36 euros dès 2012 et 56 euros en 2020.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion