Les « chiffres de la délinquance », les « vrais chiffres de la délinquance », les « nouveaux chiffres de la délinquance »… Qu’importe le qualificatif ; ce qui choque profondément la statisticienne que je fus, c’est ce mélange de singulier et de pluriel.
S’il est un phénomène qu’il est important de qualifier et qui trouve un écho en chacun, c’est bien celui de la délinquance, phénomène de la vie courante. Quand on veut y associer des chiffres, des statistiques, il est essentiel et même primordial de préciser de quoi l’on parle. Aucun phénomène n’est plus multiforme que « la » délinquance. Il faut savoir de quels faits il s’agit, savoir quelle est leur gravité, à quel moment et à quel endroit ils ont été commis, savoir aussi quel est le ressenti des victimes... Autrement dit, les chiffres de la délinquance en tant que tels n’existent pas sur le plan statistique.
Il est temps de sortir de cette grande imposture du chiffre unique et de l’état 4001. D’énormes progrès ont déjà été réalisés sur le sujet, notamment grâce au travail de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, l’ONDRP. Les progrès ont surtout été enregistrés concernant les qualifications des faits de délinquance recensés : la précision qui est désormais obtenue permet une véritable mesure des faits de délinquance sur le territoire.
Pour autant, quand on connaît l’importance qui, en statistique, s’attache à l’objectivité et à l’homogénéité de la collecte des données, on peut encore se poser des questions lorsqu’il s’agit de faits enregistrés par tel petit commissariat débordé ou par tel autre commissariat installé dans un quartier où un vol de vélo ne fait même plus l’objet d’une plainte de la part du propriétaire.
Sur l’ensemble de ces questions, monsieur le ministre, vous avez réalisé récemment un effort considérable en créant un service de la statistique interne au ministère de l’intérieur. Que peut-on attendre de ce service ? Comment va-t-il fonctionner, notamment en ce qui concerne la collecte des données ? Comment s’articulera-t-il avec l’ONDRP ? Quels meilleurs services en matière d’évaluation des délinquances peut-on en attendre ?