Le plus sidérant, c’est que vous ne changez rien ! Pis encore, vous continuez de prétendre que les difficultés ne sont que le résultat de la politique du précédent gouvernement. Je pense d’ailleurs que vous utiliserez encore cet argument en 2016 ou 2017. Or il ne trompe déjà plus personne. Les choix que vous avez opérés en 2012 et 2013 ont, en raison de leurs effets récessifs, plombé notre économie.
Ce n’est pas l’annonce, voilà quelques jours, d’un grand soir fiscal qui va calmer les esprits. Il fallait établir dès 2014 un moratoire fiscal.
Certes, les Français sont prêts à consentir des efforts, à condition toutefois que ceux-ci aboutissent à des résultats. Mais vos choix ont été contreproductifs.
Nous sommes pris dans un cercle vicieux : le matraquage fiscal a assommé la consommation et les investissements et, de ce fait, obéré nos possibilités de croissance économique.
Le moindre niveau des rentrées fiscales résultant de la TVA et de l’impôt sur les sociétés en 2013 est catastrophique. Monsieur le ministre, vous le chiffrez à 5, 5 milliards d’euros. En réalité, ce montant pourrait être plus de deux fois supérieur et il vous faudra bien trouver cette somme quelque part !
Désormais, hélas, vous n’avez plus de marges de manœuvre, sauf à entreprendre de grandes réformes structurelles, ce que vous ne cessez de repousser. Une éventuelle amélioration de la situation économique ne dépend en grande partie plus de vous. Vous comptez d’ailleurs sur les facteurs extérieurs, ceux que vous ne maîtrisez pas.
Vous espérez ainsi un retour de la croissance, notamment à l’échelon européen, dont profiterait la France. Notre économie, qui est ouverte sur les marchés extérieurs, pourrait en effet être tirée par une reprise environnante.
Vous comptez essentiellement sur des marchés financiers cléments. Comme l’a très bien analysé Philippe Marini, président de la commission des finances, pour le moment, la finance est votre alliée !
Les très faibles taux d’intérêt nous protègent encore, car ils ne plombent pas le deuxième plus important budget de l’État, celui de la charge de la dette. Mais jusqu’à quand ?
Notre niveau d’endettement s’établit à 2 000 milliards d’euros, frôlant désormais le taux record de 95 % du PIB. De ce fait, la France doit trouver chaque mois des milliards d’euros pour répondre aux impératifs de financement que sont, par exemple, le salaire des fonctionnaires, les allocations de solidarité, les allocations chômage, les pensions de retraite. Sur ces emprunts, 20 % proviennent de prêteurs français ; le reste est assuré par des prêteurs étrangers.
Dès lors, la dépendance de la France à l’égard des marchés financiers est évidente, car sans le soutien de ces derniers, notre pays ne pourrait plus faire face à ses engagements financiers et continuer, comme il le fait, à vivre au-dessus de ses moyens.
Certes, de cet endettement, nous portons peut-être tous une part de responsabilité depuis les années quatre-vingt, mais la crise y est aussi pour beaucoup.
Désormais, l’essentiel est de faire en sorte que nous continuions à emprunter dans les conditions actuelles, qui sont, je le reconnais, bonnes. Cela nécessite d’avoir un cap, des objectifs auxquels on se tient. Hélas, ce n’est pas le cas, car vos objectifs de réduction des déficits ne sont pas respectés, et votre cap affiché de retour à la croissance et à l’emploi n’est pas tenu.
Notre croissance est plus que fragile. J’en veux pour preuve le mauvais chiffre du dernier trimestre : une baisse de 0, 1 %.
L’inversion de la courbe du chômage avant la fin de l’année, l’alpha et oméga des promesses, ne sera pas avérée, malgré les dizaines de milliers d’emplois aidés, financés par le contribuable et le déficit, et qui n’ont qu’une incidence artificielle et trompeuse sur le chômage des jeunes. La réalité, c’est que le chômage atteint actuellement un niveau record, tristement historique.
Alors, dans ce contexte, quel jugement porter sur le présent projet de loi de finances ?
Reconnaissons que, sur le papier, la communication gouvernementale était au départ très claire : après la hausse des impôts, la baisse des dépenses, à hauteur de 80 % de l’effort. Telle est la présentation qui nous fut faite dès le projet de loi de finances de l’année dernière, et qui a été répétée pour celui-ci.
La réalité des chiffres, c’est que, par rapport à la loi de finances pour 2013, les dépenses du budget général ne diminueront que très faiblement, à hauteur de 700 millions d’euros. C’est un chiffre inquiétant comparé aux 294, 5 milliards d’euros du budget général. Cette situation place la France en première position mondiale en matière de dépenses publiques, lesquelles atteignent 57 % du PIB, sans pour autant qu’elle possède le meilleur des services publics.
Cette très faible diminution des dépenses repose, il est vrai, sur la baisse des dotations de l’État aux collectivités territoriales, qui est, elle, bien réelle et s’élèvera à 1, 5 milliard d’euros en 2014.
À ce montant s’ajoutent 2 milliards d’euros de dépenses nouvelles pour les collectivités, en particulier pour mettre en œuvre la réforme des rythmes scolaires. Ce chiffrage est celui qu’a cité le ministre lui-même devant le Comité des finances locales.
De même, la « pause fiscale » ou même le « ralentissement fiscal » ne sont que mensongers.
Les ménages seront les grands perdants de l’année 2014, puisqu’ils supporteront 12 milliards d’euros de prélèvements, taxes, impôts et cotisations supplémentaires.
Les entreprises ne seront pas non plus épargnées. On leur vend le CICE, mais on leur impose par ailleurs une hausse de la surtaxe sur l’impôt sur les sociétés, qui fait passer le taux nominal de l’impôt sur les sociétés français à un niveau record en Europe, alors que la plupart de nos voisins le diminuent.
Cette mesure pèsera à hauteur de 2, 5 milliards d’euros sur nos grandes entreprises, sur lesquelles reposent nos exportations et, par voie de conséquence, notre balance commerciale et dont dépendent économiquement nombre de fournisseurs ou de sous-traitants, qui sont des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire.
Par ailleurs, les entreprises vont être très fortement affectées, en 2014, par le durcissement du plafonnement de la déductibilité de leurs charges financières, à hauteur de 2, 7 milliards d’euros.
En outre, n’oublions pas la hausse des cotisations sociales imposée aux entreprises pour financer la miniréforme des retraites : 12 milliards d’euros sur quatre ans qui s’ajoutent aux 10 milliards d’euros de la réforme du mois de juin 2012. Je rappelle que chaque augmentation de cotisations sociales patronales entraîne la destruction automatique de milliers d’emplois.
Il faut également ajouter le milliard d’euros supplémentaire à la charge des entreprises afin de financer les comptes individuels de pénibilité, et, bien sûr, le CICE, dont les quelques effets, parfois vertueux, seront malheureusement annihilés par ces hausses de fiscalité.
Toutes ces mesures sont en pleine contradiction avec le cap affiché pour le projet de budget 2014 : celui de la compétitivité et de l’emploi.
Il existe une impressionnante dichotomie entre la réalité et votre discours d’affichage selon lequel tout va mieux et tous les signaux sont au vert.
La réalité, nous la connaissons : les entreprises sont en difficulté, les faillites ont augmenté de 20 % en un an. Je pense, notamment, aux 13 000 entreprises qui ont mis la clef sous la porte cet été. C’est un chiffre inégalé ! Malheureusement, nous battons ainsi les mauvais records : ceux du nombre de faillites d’entreprises, du taux de chômage, de la baisse des marges des entreprises.
En résumé, ce projet de budget comporte des mesures parfois contradictoires, souvent insuffisantes, voire dangereuses, certaines dispositions pouvant avoir très nettement un impact récessif.