Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne reprendrai pas tout ce que mon groupe et moi-même avons déjà eu l'occasion de dire sur le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées.
C'est un texte important, susceptible de constituer une avancée significative en matière de politique du handicap. Il s'inscrit dans la lignée de la grande loi d'orientation du 30 juin 1975. A cette époque, rien ou presque n'existait pour venir en aide aux personnes handicapées. Le législateur devait régler un problème de masse.
Depuis lors, d'immenses progrès ont été accomplis. Aujourd'hui, notre tâche est bien différente ; il nous revient d'améliorer les dispositifs existants afin de rendre effectifs la citoyenneté et l'exercice des droits de ces personnes. Nous devons tout faire pour donner aux hommes et aux femmes atteints d'un handicap la possibilité de bâtir un projet de vie adapté non seulement à leur condition physique, mais aussi à leurs aspirations.
Il est temps de porter un autre regard sur le handicap, notamment en rappelant qu'une personne handicapée joue un rôle économique. Tel est l'objet de ce projet de loi. C'est aussi la raison pour laquelle ce texte était très attendu. Il répond de manière globalement satisfaisante aux enjeux du moment. Il crée des outils permettant effectivement à chaque personne handicapée de pouvoir construire son propre projet de vie et de le mettre en oeuvre.
Au premier rang de ces outils se trouvent la prestation de compensation et les maisons départementales des personnes handicapées.
Tandis que la première devrait permettre une prise en charge simplifiée des dépenses liées au handicap, les secondes sont conçues pour constituer un « guichet unique » et aider les personnes handicapées à s'intégrer dans la société.
Ainsi, en matière de compensation du handicap, le présent projet de loi constitue une avancée remarquable. En effet, dorénavant, les personnes handicapées n'auront plus à s'adresser à des interlocuteurs différents en fonction du type de compensation qu'elles entendent obtenir. De plus, la compensation légale est considérablement élargie par ce projet. Enfin, la compensation sera désormais adaptée aux besoins réels de ses bénéficiaires : alors que l'allocation de compensation pour tierce personne était forfaitaire, la prestation de compensation sera individualisée pour une compensation optimale du handicap de chacun.
Autre qualité du présent projet de loi, il met l'accent sur l'insertion par le travail des personnes handicapées. Faciliter le cumul de l'AAH avec les revenus tirés d'une activité professionnelle nous semble être une excellente chose. Avec la création de l'allocation de compensation, l'AAH doit pleinement pouvoir jouer son rôle de variable aidant à la détermination d'un projet de vie.
Dans le même ordre d'idée, nous ne pouvons que saluer la création d'un fonds d'insertion professionnelle commun aux trois fonctions publiques. Ce fonds rendra enfin effective l'obligation incombant aux personnes publiques d'employer, elles aussi, un minimum de 6 % de personnes en situation de handicap dans l'effectif total de leurs structures.
Les travaux parlementaires ont permis d'améliorer le texte sur de nombreux points. Celui qui, comme chacun sait, me tient le plus à coeur, concerne le volet de prévention du handicap. Vous me permettrez, madame la secrétaire d'Etat, d'en dire un mot.
L'article 1er A impose l'étiquetage, sur toutes les bouteilles d'alcool, d'un message de prévention à l'intention des femmes enceintes. Introduit en deuxième lecture au Sénat, il a été adopté conforme par nos collègues députés, ce dont je me réjouis.
C'est une avancée majeure en matière de prévention du handicap ; il fallait remédier à un déficit d'information. Je tiens à vous remercier particulièrement, madame la secrétaire d'Etat, ainsi que M. Douste-Blazy pour le soutien que vous avez apporté à ce dossier.
La commission mixte paritaire a effectué un travail remarquable, que j'entends saluer. Elle a apporté, à mon sens, deux améliorations substantielles au texte qui lui était soumis.
Premièrement, sous l'impulsion du président de la commission des affaires sociales, Nicolas About, la commission mixte paritaire a adopté une solution très satisfaisante en matière de représentation des usagers dans les instances nationales ou territoriales qui émettent un avis ou adoptent les décisions concernant la politique en faveur des personnes handicapées.
Le plein exercice de la citoyenneté des personnes handicapées passe d'abord par une représentation équitable de leurs intérêts. C'est pourquoi il nous semblait juste que les associations non gestionnaires d'établissements sociaux et médico-sociaux puissent siéger aux côtés des associations gestionnaires au Conseil national consultatif des personnes handicapées ou dans les maisons départementales.
Deuxièmement, la possibilité offerte aux personnes handicapées de désigner une personne de leur choix pour accomplir les gestes liés à des soins prescrits par des médecins lorsqu'elles ne peuvent le faire elles-mêmes constitue une avancée significative.
Cependant, le groupe UC-UDF tient à exprimer ses inquiétudes concernant, d'une part, le pilotage des dispositifs de compensation et, d'autre part, son financement.
Pour ce qui est du pilotage, la loi a constitué d'autorité les maisons départementales des personnes handicapées en groupements d'intérêt public, les GIP. La formule du GIP a des avantages, nous en convenons, mais elle est aussi très lourde à mettre en place et peu malléable. Deux autres solutions alternatives auraient eu notre préférence. D'abord, le législateur pouvait créer une nouvelle catégorie d'établissement public administratif. Ensuite, il aurait tout simplement pu laisser chaque département adopter la forme juridique la plus adaptée à sa situation locale pour la constitution de sa maison des personnes handicapées.
Par ailleurs, la question du financement de la compensation est, à nos yeux, fondamentale. Elle n'est, bien entendu, pas sans lien avec le problème du pilotage. L'adaptation de la compensation aux besoins réels des futurs bénéficiaires pourra conduire à une explosion des dépenses de compensation du handicap.
Ce qui s'est passé pour l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, risque très fortement de se reproduire pour la compensation. Cette explosion est d'autant plus probable que le pouvoir réglementaire va très vite se trouver confronté au problème de l'évaluation financière des prestations accordées. On peut se demander, par exemple, à combien d'euros sera évaluée une heure d'aide à domicile.
Les deux inconnues que sont la nature des besoins réels et l'évaluation des prestations nous font craindre le pire en matière de finances départementales. Tout accroissement imprévu des dépenses de compensation sera directement à la charge des départements et constituera une charge non compensée.
Outre le fait que tout accroissement de charge non compensé est inconstitutionnel, une explosion des dépenses de compensation du handicap pourrait placer les conseils généraux dans une situation financière très pénible. Ajoutez à cela le coût engendré par la décentralisation du RMI, la loi sur les services départementaux d'incendie et de secours et l'impact de la fin du dispositif Aubry sur les établissements sociaux et médico-sociaux, et l'on peut s'attendre, soit à une hausse vertigineuse de la fiscalité locale, soit à des faillites départementales.
Madame la secrétaire d'Etat, le groupe UC-UDF votera ce projet de loi parce qu'il constitue un progrès en matière de politique du handicap. Cependant, nous vous demandons d'être particulièrement vigilante pour que son financement ne fasse pas l'objet d'un dérapage très préjudiciable à l'ensemble du système.
Il me reste à féliciter le rapporteur de la commission mixte paritaire, Paul Blanc, ainsi que le président Nicolas About pour l'excellence de leur travail.