Intervention de Marie-Hélène Des Esgaulx

Réunion du 21 novembre 2013 à 15h00
Loi de finances pour 2014 — Discussion générale

Photo de Marie-Hélène Des EsgaulxMarie-Hélène Des Esgaulx :

Quand nous proposerez-vous une politique économique lisible et cohérente ?

Telle n’est malheureusement pas la perspective qu’offre le projet de loi de finances pour 2014 dont nous entamons aujourd’hui la discussion et qui provoque dans nos rangs de vives inquiétudes.

Je traiterai d’abord d’une question de méthode.

Comme l’an passé, nous discutons d’un texte complètement vidé de sa substance par rapport à sa présentation en conseil des ministres. En témoignent la disparation de la taxe sur l’excédent brut d’exploitation, la suspension de la taxe carbone, le non-financement à terme du CICE du fait de la disparition de cette fiscalité écologique, ou encore le report de la majoration de la taxation sur les terrains non bâtis.

En conséquence, vous en êtes réduits à courir après des recettes nouvelles en cours de navette parlementaire, et à manipuler, avec dextérité d’ailleurs, les possibilités offertes par le gel des crédits. On a vraiment l’impression que le Gouvernement gère les finances publiques à la petite semaine, dans une unique optique : augmenter les recettes.

C’est là un signe d’impréparation et de manque d’anticipation qui pose aussi la question de la sincérité des textes initialement présentés et de la bonne information du Parlement.

Au-delà de la méthode, nous nous interrogeons également sur votre approche macroéconomique et sur le message que vous délivrez à ce titre.

Compter sur le retour de la croissance ne constitue pas, monsieur le ministre, une politique économique, même si vos projections pour 2013 et 2014 correspondent à celles de la majorité des économistes. À ce stade, on constate une sortie de récession, mais pas une perspective de croissance solide et durable.

Vous semblez d’ailleurs quelque peu optimiste pour les années suivantes, en termes tant de croissance du PIB que de renforcement du pouvoir d’achat, donc de la consommation des ménages, qui passerait de 0, 3 % en 2013 à 0, 8 % en 2014.

Nous aimerions être aussi confiants que vous quant à la réduction du chômage et nous doutons que les hausses d’impôts qui se profilent garantissent un tel niveau de consommation.

Nous avons déjà beaucoup parlé des hausses d’impôts après l’annonce de la « pause fiscale ». Quelle incroyable contradiction entre votre discours et la réalité !

Je ne m’attarderai pas sur ce point, mais permettez-moi de rappeler que ladite « pause fiscale » se traduira pour les ménages français, en 2014, par des augmentations de prélèvements d’environ 12 milliards d’euros.

Les entreprises ne sont pas non plus épargnées, alors que la lisibilité et la stabilité fiscale participent de tout écosystème favorable à l’investissement productif.

Enfin, les annonces de baisse des dépenses publiques nous laissent sceptiques. En 2013, la dépense publique a dérapé, atteignant 1, 7 % de croissance en volume au lieu des 0, 9 % prévus, et votre objectif pour 2014 est de 0, 4 %. C’est très ambitieux, alors que l’on sait la difficulté à engager et à tenir cette réduction de la dépense publique et que vous continuez d’augmenter les dépenses – emplois d’avenir, extension de la couverture maladie universelle complémentaire, retraite à 60 ans, etc.

En outre, nous constatons que les baisses promises sont faiblement documentées et ne constituent pas une politique globale de réforme de l’État.

Monsieur le ministre, nous déplorons dans votre projet de loi de finances pour 2014 un double discours, un non-discours et un pari.

Vous tenez en effet un discours macroéconomique à l’égard des autorités européennes selon lequel vous arriverez à respecter l’équilibre des comptes publics en 2015. Mais vous n’engagez pas les réformes nécessaires. La Commission n’est pas dupe, comme le montre son analyse du projet de loi de finances pour 2014, dans laquelle elle souligne fort diplomatiquement et de façon argumentée une marge de manœuvre très réduite pour tenir les objectifs de 2015.

Vous avez tenté de faire croire aux Français que la crise était définitivement terminée et qu’il n’y aurait plus de hausses d’impôts, mais le masque est vite tombé.

Vous avez un non-discours, c’est-à-dire l’absence de politique économique adaptée à la situation.

Enfin, vous faites le pari du retour à la croissance. Nous pensons, monsieur le ministre, que vous prenez là un grand risque : celui d’hypothéquer l’avenir.

Nous estimons que les alertes des différentes institutions internationales devraient retenir votre attention et vous donner l’occasion de définir le cap du redressement économique de notre pays.

Or le présent projet de loi de finances ne présente ni stratégie, ni méthode, ni cohérence, et il est en opposition complète avec votre discours de sérieux. Je pourrais être encore plus sévère en parlant de revirements et de reniements. Mais la situation de notre pays exige la responsabilité.

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