Intervention de Georges Patient

Réunion du 21 novembre 2013 à 15h00
Loi de finances pour 2014 — Discussion générale

Photo de Georges PatientGeorges Patient :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une économie de 15 milliards d’euros sur la dépense publique : c’est l’effort sans précédent que prévoit le projet de loi de finances pour 2014 afin d’assurer le redressement de la situation financière de la France.

Quant au montant total des dépenses de l’État pour les outre-mer, il s’élève à 18, 3 milliards d’euros. Ces dépenses sont retracées dans un document de politique transversale réservé aux outre-mer, qui sont ainsi les seuls territoires français à faire l’objet d’un document territorialisé.

Ce coût, ainsi rendu public, est vite jugé excessif par certains, qui demandent régulièrement et avec constance que l’on procède à des coupes claires dans le budget des outre-mer.

L’exemple le plus frappant est celui des mécanismes de défiscalisation, qui portent aussi le nom plus évocateur de « niches fiscales outre-mer ». Le précédent gouvernement n’avait pas hésité à répondre favorablement aux chants de ces sirènes, nous infligeant ce que nous qualifions de « double peine » : à la peine résultant de la crise il en a ajouté une autre, liée aux coups de rabot successifs sur ces fameuses niches fiscales.

En raison de la priorité accordée par l’État aux dispositifs fiscaux par rapport aux dotations budgétaires pour favoriser le développement des outre-mer, les collectivités ultramarines subissent plus que les autres territoires les effets de la politique de réduction des dépenses fiscales.

Or les diminutions intervenues en 2011 et en 2012 sont loin d’avoir été toutes compensées par une augmentation correspondante des crédits budgétaires. Au total, les outre-mer ont perdu plus de 400 millions d’euros pendant cette période par rapport aux années précédentes.

Le gouvernement actuel a le mérite de résister à toutes ces pressions cartiéristes et d’intervenir avec une plus grande équité, en prenant mieux en compte la réalité des outre-mer.

C’est ainsi que les autorisations d’engagement prévues pour 2014 s’élèvent à 14, 3 milliards d’euros, et les crédits de paiement à 14, 2 milliards d’euros ; ces chiffres sont quasiment les mêmes qu’en 2013. En particulier, les crédits de la mission « Outre-mer » croissent de 1 %. Quant aux dépenses fiscales, elles se maintiennent à 3, 98 milliards d’euros.

Les financements prévus sont donc équivalents à ceux de cette année, voire en légère hausse. Ils accompagnent une politique qui s’inscrit elle aussi dans la continuité : la priorité accordée au soutien à l’emploi, au logement, aux entreprises et à l’investissement public est en effet réaffirmée.

Est-ce à dire que les outre-mer sont les gâtés de la République ? Comptant près de 3 millions d’habitants, soit 4, 7 % de la population française, ils ne reçoivent en dépenses publiques que l’équivalent de leur poids, alors que leurs retards par rapport à la métropole sont considérables dans la plupart des domaines.

C’est ainsi que, du point de vue du niveau de vie, plus du quart de la population des outre-mer vit en dessous du seuil de pauvreté. Dans le domaine de l’éducation, le retard par rapport à la métropole est également très grand.

En matière de santé publique, l’outre-mer se caractérise par une forte mortalité infantile, qui s’élève à 9 ‰ ; certaines pathologies lui sont spécifiques, comme la drépanocytose, ou y sont plus développées qu’en métropole, comme le diabète, l’hypertension artérielle et les maladies cardio-vasculaires. La prise en charge de ces pathologies requiert un accompagnement spécifique de l’État. À cet égard, monsieur le ministre, qu’en est-il du financement des CHU de Guadeloupe et de Martinique, et du centre hospitalier de Cayenne ?

Pour ce qui concerne le logement social, les besoins sont importants et les moyens insuffisants. Certes, les crédits de la ligne budgétaire unique augmentent de 8 % ; mais ils ne sont toujours pas à la hauteur des besoins, puisque l’ensemble des territoires ultramarins ont besoin de 70 000 nouveaux logements sociaux.

En matière de finances locales, les collectivités territoriales font face à une situation économique structurellement difficile, qu’il convient d’accompagner. C’est d’autant plus vrai que dans le domaine des recettes fiscales, la mission de l’État consistant à déterminer l’assiette et à liquider l’impôt est peu ou pas assurée. En particulier, le cadastre est souvent incomplet et mal actualisé : en Guyane, 5 % seulement des terres seraient cadastrées !

Enfin, pour ce qui est des missions régaliennes, les outre-mer sont en queue de peloton sur les plans de la sécurité routière, de la lutte contre la délinquance et des conditions de détention.

À ceux qui douteraient encore de leur utilité, ce constat prouve que les crédits alloués aux outre-mer se justifient pleinement.

Si nous continuons de déplorer leur insuffisance, nous comprenons fort bien que le Gouvernement, en cette période de réduction des dépenses publiques, ne puisse pas accéder à toutes nos sollicitations en matière de mesures de rattrapage.

Si les outre-mer ont besoin de ce rattrapage par rapport à la métropole pour satisfaire aux normes européennes, leur développement ne peut pas reposer uniquement sur l’objectif de réduire l’écart entre leurs indicateurs économiques et sociaux et ceux des pays développés, en particulier ceux de la France.

Les outre-mer, qui sont pour la plupart situés au Sud, ont aussi besoin de mesures différenciées pour s’intégrer à leur environnement géographique. Pour bien les comprendre, il faut avoir constamment à l’esprit cette dualité : des critères du Nord, mais des caractéristiques du Sud. Il en résulte de nombreuses conséquences, principalement sur le plan du développement économique.

À cet égard, je vous rappelle que le taux de chômage dans les outre-mer est environ trois fois plus élevé qu’en métropole : il avoisine les 30 %. Quant au taux de chômage des jeunes, il y est encore plus élevé, dépassant en moyenne 50 %.

La démographie de ces territoires est en général très dynamique, mais la production et l’industrialisation y sont faibles. Aussi est-il indispensable que des mesures soient prises pour favoriser l’emploi, lutter contre le chômage et soutenir l’investissement.

C’est la raison pour laquelle je me réjouis tout particulièrement des dispositions du projet de loi de finances en faveur du développement économique des outre-mer. Je pense notamment au maintien de la défiscalisation pour le logement social et pour les PME, au crédit d’impôt mis en place pour les entreprises plus importantes et pour le logement social, au lancement de la Banque publique d’investissement dans les outre-mer, avec des mesures adaptées à ces territoires, et au maintien du Fonds exceptionnel d’investissement.

Ces gestes forts du Gouvernement concrétisent le premier engagement de François Hollande pour les outre-mer : assurer le redressement économique des territoires par la relance de la production et de la croissance. Ils sont la marque d’un changement de politique, je dirai même de mentalité : ils traduisent la prise de conscience qu’au-delà d’une simple politique de rattrapage, il est surtout important de donner à ces territoires les moyens de se développer, les moyens de tirer profit de leurs potentialités et de leurs ressources naturelles. L’assistanat, manifestation de la dépendance totale, avec son corollaire, la menace du « largage », fait place à un nouveau paradigme fondé sur le concept de développement local.

Cette façon d’appréhender les outre-mer nous satisfait pleinement, et c’est pourquoi nous soutenons l’action du Gouvernement dans sa détermination à rétablir l’équilibre financier de la France. §

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