Intervention de Michel Berson

Réunion du 21 novembre 2013 à 15h00
Loi de finances pour 2014 — Discussion générale

Photo de Michel BersonMichel Berson :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite faire porter mon intervention, qui vient à la fin de cette discussion générale, sur les crédits budgétaires de l’État pour la recherche, et plus précisément sur les financements sur projets.

Globalement, la priorité accordée par le Gouvernement à la recherche a permis d’épargner ce secteur des mesures les plus contraignantes de la nécessaire régulation des dépenses publiques.

Dans le projet de loi de finances pour 2014, les crédits consacrés à la recherche s’élèvent à 14 milliards d’euros, ce qui représente une stabilité des crédits sur la période 2012-2014. Le budget de la recherche est donc sanctuarisé et demeure bien l’une des priorités de l’action gouvernementale. Mais les crédits fléchés sur la seule recherche financée sur projets suscitent des inquiétudes au sein de la communauté scientifique.

En effet, les crédits alloués à l’Agence nationale de la recherche, l’ANR, qui porte l’essentiel du financement de la recherche sur projets, ont baissé en loi de finances initiale pour 2013 : ils s’élevaient à 687 millions d’euros, contre 760 millions en 2012.

Mais la subvention réellement versée à l’ANR en 2013 ne fut que de 596 millions d’euros, compte tenu de la déduction de la réserve de précaution. Le repli sera en fait encore plus marqué après la publication, le 18 novembre dernier, du décret d’avance, lequel ampute les crédits de l’ANR pour 2013 de 155 millions d’euros supplémentaires. Cette évolution est d’autant plus préoccupante que cette baisse de crédits devrait se poursuivre en 2014.

Déduction faite de la réserve de précaution, le montant prévisionnel de la subvention réellement versée devrait s’élever, en effet, à 564 millions d’euros en 2014.

On ne peut que regretter une telle baisse de 30 % des crédits sur deux ans, qui va fortement impacter la trésorerie de l’ANR, au point de descendre en 2014 vraisemblablement en deçà du niveau prudentiel. L’ANR risque donc de se retrouver en difficulté. Sans rééquilibrage de sa dotation dans le cadre du budget triennal 2015-2017, il lui sera en effet difficile de faire face aux engagements pluriannuels qu’elle a pris.

Par le passé, la dotation de l’ANR pouvait être réduite, dès lors que cette réduction était justifiée par la volonté de procéder à un transfert de crédits sur projets vers des crédits dits « récurrents ». Mais tel n’est pas le cas en 2014, au vu de la stagnation des moyens alloués aux grands organismes de recherche.

Ainsi, la diminution des crédits de l’ANR a pour effet direct la diminution progressive des taux de succès, c’est-à-dire des programmes sélectionnés, qui sont passés de 28 % en 2005 à 20 % en 2012, et même à 17 % en 2013, alors que le nombre de projets déposés est en constante augmentation, attestant ainsi du dynamisme de la recherche française. On est en effet passé de 7 000 propositions de projets en 2013 à 8 500 en 2014.

Ces taux de succès ont permis de belles avancées, mais il nous faut tout de même reconnaître sont les plus bas en Europe, en comparaison des agences homologues.

Ils sont également inférieurs, je veux le souligner, au taux de succès des programmes-cadres européens de recherche et développement, qui est de 24 %.

Cette baisse risque d’affecter le dynamisme des équipes de recherche et de décourager des entreprises qui, aujourd’hui, ont plutôt tendance à diminuer leur participation à des projets collaboratifs.

Cette diminution de crédits aura donc pour conséquence une baisse des moyens accordés aux programmes non thématiques, également appelés « programmes blancs ». Ceux-ci représentent pourtant, par exemple, un tiers du budget des laboratoires publics de recherche en biologie, lesquels risquent de voir baisser leur capacité à mener des recherches compétitives au niveau mondial.

Il faut souligner que le choix de privilégier les subventions récurrentes de certains opérateurs par rapport aux moyens accordés en financements compétitifs sur projet est en rupture avec les modèles de financement adoptés dans les grandes nations de recherche, comme la Grande-Bretagne ou l’Allemagne.

Certes, je ne l’oublie pas, il faut ajouter aux crédits de l’ANR les crédits des programmes d’investissements d’avenir, qui représentent pour la recherche, sur la période allant de 2012 à 2020, de l’ordre de 9 milliards d’euros pour le premier de ces programmes et environ 4 milliards d’euros pour le second. Toutefois, même en tenant compte de cette spécificité française que constituent les programmes d’investissements d’avenir – une excellente chose –, les financements sur projet représentent tout au plus, selon la Cour des comptes, 15 % des crédits publics consacrés à la recherche.

À cet égard, il paraît souhaitable que l’indicateur 2.1 du programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », qui a été supprimé dans le projet annuel de performances 2013, soit rétabli dans les années à venir. Il permet précisément de mesurer l’évolution des pas respectifs du financement sur projet et du financement récurrent des programmes de recherche.

Pour conclure, alors que l’ANR rend plus fonctionnelles ses procédures de sélection des projets de recherche, alors qu’elle améliore sa capacité de traitement et de suivi des financements de projet, on s’étonne de cette réduction de moyens. Ainsi est posée la place de l’ANR et son rôle dans notre système de financement de la recherche.

Dans la loi qui, en 2005, a porté création de l’ANR, la conclusion d’un contrat pluriannuel d’objectifs avait été prévue. Un tel contrat n’a jamais été élaboré. Nous pensons donc que le moment est venu de redéfinir les modes de financement de la recherche et leur répartition entre les crédits récurrents aux universités et aux grands organismes, les crédits dévolus à l’ANR, les crédits alloués au titre des programmes d’investissements d’avenir et, oserai-je ajouter, les crédits octroyés dans le cadre du programme européen de recherche et développement. Cette clarification est nécessaire pour améliorer l’efficacité de notre système de financement de la recherche publique. C’est pourquoi, monsieur le ministre, j’ai voulu attirer votre attention sur ce point particulier, quand bien même nous débattons du cadre général de ce budget pour 2014.

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