Intervention de Marie-France Beaufils

Réunion du 22 novembre 2013 à 14h30
Loi de finances pour 2014 — Article liminaire

Photo de Marie-France BeaufilsMarie-France Beaufils :

Cet article liminaire, issu de l’avis du Haut Conseil des finances publiques sur le projet de loi de finances, appelle quelques observations, et pas uniquement parce qu’il s’agit d’une nouveauté introduite par la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques : il nous offre l’occasion de nous interroger sur la mise en œuvre des orientations fondamentales du Gouvernement en matière de choix budgétaires et fiscaux.

Nous ne nous attarderons pas sur la subtile distinction entre déficit conjoncturel et déficit structurel, l’un semblant se définir par référence à l’autre – un peu faute de mieux –, car ce serait entrer dans un débat assez peu intéressant, sinon peut-être pour quelques personnes férues de science économique. Nos compatriotes qui nous écoutent ou nous lisent attendent autre chose de nos débats.

On nous parle, depuis fort longtemps, de la nécessité de réduire les déficits publics. C’est même désormais l’essentiel du projet européen, puisqu’il s’agit sans cesse de faire tendre vers zéro les compteurs de nos administrations publiques.

Or c’est oublier un peu vite, me semble-t-il, un élément clé du débat : l’effort d’équipement accompli par les administrations publiques et, singulièrement, par les collectivités locales, qui est un atout pour l’économie de notre pays. Il n’est même pas besoin d’invoquer les mânes de certains économistes pourtant parfaitement libéraux pour établir que toute dépense d’investissement public, quand elle est utile, est génératrice d’une « valeur ajoutée » pour la collectivité, la société, l’économie.

Quand la SNCF a développé son réseau TGV, elle a, de manière manifeste, donné une impulsion nouvelle à l’économie dans les villes desservies, se traduisant d’ailleurs par une diversité de phénomènes plus ou moins positifs, mais en tout cas parfaitement réels.

Quand on examine la question des déficits publics, il convient donc, à notre sens, d’opérer une sorte de mise en perspective.

Prenons l’année 2012, marquée par la fin de la gestion des affaires publiques par la droite. Nous avons notifié à Bruxelles, pour cette année-là, un déficit public de 98, 8 milliards d’euros, correspondant plus ou moins à cinq points de produit intérieur brut marchand, qui justifie les politiques de restriction budgétaire que nous connaissons aujourd’hui, présentées comme la seule voie possible.

Pourtant, dans le même temps, malgré le faible niveau des dépenses d’investissement du budget général, nous avons produit, grâce aux dépenses d’équipement des collectivités locales, rien de moins que 63, 7 milliards d’euros de « formation brute de capital fixe », c'est-à-dire d’équipements publics nouveaux qui sont venus enrichir le patrimoine de notre pays.

Le décalage entre déficit public notifié et équipement public, qui nous préoccupe au plus haut point, s’établit donc à 35, 1 milliards d’euros

Évidemment, ce sont les collectivités locales, avec 45, 4 milliards d’euros de dépenses d’équipement nettes, qui ont consenti l’essentiel de l’effort public d’investissement, mais les 35, 1 milliards d’euros de décalage ne représentent plus qu’environ 1, 7 % du produit intérieur brut marchand…

Pour 2013, nous sommes d’ores et déjà à peu près certains que le déficit public notifié se situera aux alentours de 84, 7 milliards d’euros et que les dépenses d’équipement nettes des collectivités locales atteindront 47 milliards d’euros. Cela signifie que le solde s’établit pour l’heure à 37, 7 milliards d’euros, hors dépenses d’équipement de l’État et des organismes sociaux.

De fait, le solde pour 2013, tous sous-secteurs du secteur public confondus, sera nettement meilleur que celui de 2012. Il est donc d’autant plus inconsidéré, à notre sens, de demander aux collectivités territoriales et aux organismes sociaux qu’ils prennent leur part dans la réduction des déficits comptables, puisque ce sont leurs efforts d’investissement qui vont se trouver immédiatement réduits.

Le choix de limiter la progression de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, de telle sorte qu’il ne permette pas de répondre aux besoins des établissements hospitaliers et celui de ponctionner les dotations aux collectivités locales de 1, 5 milliard d’euros sont antiéconomiques et porteront préjudice aux équipements futurs.

Les réductions de dépenses publiques prévues dans le projet de loi de finances ne cesseront de nous éloigner, précisément, de l’objectif affiché. Une moindre dynamique économique, c’est moins de recettes fiscales, et moins de recettes fiscales, c’est plus de déficits, des déficits qu’il faut pourtant réduire encore et toujours : c’est une spirale infernale et sans fin…

Cet article liminaire, monsieur le ministre, montre, s’il en était besoin, que le choix opéré en 2013 – hausse des prélèvements et gel de la dépense publique – s’est révélé contre-productif ; il a d'ailleurs entraîné une réduction de la croissance de 0, 8 % à une valeur comprise entre un et deux dixièmes de point.

L’année 2014 ne s’annonce pas sous de meilleurs auspices, comme la faiblesse de la demande de crédit et les intentions d’embauche et d’investissement des entreprises le montrent déjà. Ne soyons pas dupes, ce n’est pas le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, qui permettra d’inverser la tendance ; bien au contraire.

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