La séance, suspendue à onze heures trente, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.
La séance est reprise.
M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 22 novembre 2013, deux décisions du Conseil sur des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur :
-l’article 29-3 du code civil (n° 2013-354 QPC) ;
-le paragraphe 1.2.4.2 et le b) du 2° du paragraphe 1.2.4.3 de l’article 77 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 (n° 2013-355 QPC).
Acte est donné de ces communications.
La prévision de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques pour 2014, l’exécution de l’année 2012 et la prévision d’exécution de l’année 2013 s’établissent comme suit :
Exécution 2012
Prévision d’exécution 2013
Prévision 2014
Solde structurel (1)
Solde conjoncturel (2)
Mesures exceptionnelles (3)
Solde effectif (1 + 2 + 3)
Cet article liminaire, issu de l’avis du Haut Conseil des finances publiques sur le projet de loi de finances, appelle quelques observations, et pas uniquement parce qu’il s’agit d’une nouveauté introduite par la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques : il nous offre l’occasion de nous interroger sur la mise en œuvre des orientations fondamentales du Gouvernement en matière de choix budgétaires et fiscaux.
Nous ne nous attarderons pas sur la subtile distinction entre déficit conjoncturel et déficit structurel, l’un semblant se définir par référence à l’autre – un peu faute de mieux –, car ce serait entrer dans un débat assez peu intéressant, sinon peut-être pour quelques personnes férues de science économique. Nos compatriotes qui nous écoutent ou nous lisent attendent autre chose de nos débats.
On nous parle, depuis fort longtemps, de la nécessité de réduire les déficits publics. C’est même désormais l’essentiel du projet européen, puisqu’il s’agit sans cesse de faire tendre vers zéro les compteurs de nos administrations publiques.
Or c’est oublier un peu vite, me semble-t-il, un élément clé du débat : l’effort d’équipement accompli par les administrations publiques et, singulièrement, par les collectivités locales, qui est un atout pour l’économie de notre pays. Il n’est même pas besoin d’invoquer les mânes de certains économistes pourtant parfaitement libéraux pour établir que toute dépense d’investissement public, quand elle est utile, est génératrice d’une « valeur ajoutée » pour la collectivité, la société, l’économie.
Quand la SNCF a développé son réseau TGV, elle a, de manière manifeste, donné une impulsion nouvelle à l’économie dans les villes desservies, se traduisant d’ailleurs par une diversité de phénomènes plus ou moins positifs, mais en tout cas parfaitement réels.
Quand on examine la question des déficits publics, il convient donc, à notre sens, d’opérer une sorte de mise en perspective.
Prenons l’année 2012, marquée par la fin de la gestion des affaires publiques par la droite. Nous avons notifié à Bruxelles, pour cette année-là, un déficit public de 98, 8 milliards d’euros, correspondant plus ou moins à cinq points de produit intérieur brut marchand, qui justifie les politiques de restriction budgétaire que nous connaissons aujourd’hui, présentées comme la seule voie possible.
Pourtant, dans le même temps, malgré le faible niveau des dépenses d’investissement du budget général, nous avons produit, grâce aux dépenses d’équipement des collectivités locales, rien de moins que 63, 7 milliards d’euros de « formation brute de capital fixe », c'est-à-dire d’équipements publics nouveaux qui sont venus enrichir le patrimoine de notre pays.
Le décalage entre déficit public notifié et équipement public, qui nous préoccupe au plus haut point, s’établit donc à 35, 1 milliards d’euros
Évidemment, ce sont les collectivités locales, avec 45, 4 milliards d’euros de dépenses d’équipement nettes, qui ont consenti l’essentiel de l’effort public d’investissement, mais les 35, 1 milliards d’euros de décalage ne représentent plus qu’environ 1, 7 % du produit intérieur brut marchand…
Pour 2013, nous sommes d’ores et déjà à peu près certains que le déficit public notifié se situera aux alentours de 84, 7 milliards d’euros et que les dépenses d’équipement nettes des collectivités locales atteindront 47 milliards d’euros. Cela signifie que le solde s’établit pour l’heure à 37, 7 milliards d’euros, hors dépenses d’équipement de l’État et des organismes sociaux.
De fait, le solde pour 2013, tous sous-secteurs du secteur public confondus, sera nettement meilleur que celui de 2012. Il est donc d’autant plus inconsidéré, à notre sens, de demander aux collectivités territoriales et aux organismes sociaux qu’ils prennent leur part dans la réduction des déficits comptables, puisque ce sont leurs efforts d’investissement qui vont se trouver immédiatement réduits.
Le choix de limiter la progression de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, de telle sorte qu’il ne permette pas de répondre aux besoins des établissements hospitaliers et celui de ponctionner les dotations aux collectivités locales de 1, 5 milliard d’euros sont antiéconomiques et porteront préjudice aux équipements futurs.
Les réductions de dépenses publiques prévues dans le projet de loi de finances ne cesseront de nous éloigner, précisément, de l’objectif affiché. Une moindre dynamique économique, c’est moins de recettes fiscales, et moins de recettes fiscales, c’est plus de déficits, des déficits qu’il faut pourtant réduire encore et toujours : c’est une spirale infernale et sans fin…
Cet article liminaire, monsieur le ministre, montre, s’il en était besoin, que le choix opéré en 2013 – hausse des prélèvements et gel de la dépense publique – s’est révélé contre-productif ; il a d'ailleurs entraîné une réduction de la croissance de 0, 8 % à une valeur comprise entre un et deux dixièmes de point.
L’année 2014 ne s’annonce pas sous de meilleurs auspices, comme la faiblesse de la demande de crédit et les intentions d’embauche et d’investissement des entreprises le montrent déjà. Ne soyons pas dupes, ce n’est pas le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, qui permettra d’inverser la tendance ; bien au contraire.
L'article liminaire est adopté.
PREMIÈRE PARTIE
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER
TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
I. – IMPÔTS ET RESSOURCES AUTORISÉS
A. – Autorisation de perception des impôts et produits
I. – La perception des impôts, produits et revenus affectés à l’État, aux collectivités territoriales, aux établissements publics et organismes divers habilités à les percevoir continue d’être effectuée pendant l’année 2014 conformément aux lois et règlements et aux dispositions de la présente loi.
II. – Sous réserve de dispositions contraires, la présente loi s’applique :
1° À l’impôt sur le revenu dû au titre de 2013 et des années suivantes ;
2° À l’impôt dû par les sociétés sur les résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 2013 ;
3° À compter du 1er janvier 2014 pour les autres dispositions fiscales. –
Adopté.
B. – Mesures fiscales
I. – Le I de l’article 197 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le 1 est ainsi rédigé :
« 1. L’impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 6 011 € le taux de :
« – 5, 50 % pour la fraction supérieure à 6 011 € et inférieure ou égale à 11 991 € ;
« – 14 % pour la fraction supérieure à 11 991 € et inférieure ou égale à 26 631 € ;
« – 30 % pour la fraction supérieure à 26 631 € et inférieure ou égale à 71 397 € ;
« – 41 % pour la fraction supérieure à 71 397 € et inférieure ou égale à 151 200 € ;
« – 45 % pour la fraction supérieure à 151 200 €. » ;
2° Au 4, le montant : « 480 € » est remplacé par le montant : « 508 € ».
II
Cette intervention vaudra également défense de notre amendement n° I-67.
L’article 2, relatif au barème de l’impôt sur le revenu et à la définition des seuils de plafonnement et d’exonération des impositions directes locales, s’inscrit évidemment dans une perspective tout à fait nouvelle, à la suite de l’annonce par le Premier ministre d’un « grand soir fiscal » pour 2015.
Je ne sais si cette « remise à plat » sera de la même ampleur que celle qui a affecté le portefeuille d’un grand nombre de contribuables, victimes du gel du barème de l’impôt sur le revenu décidé sous le précédent gouvernement. Ce gel, à revenu égal, aura rendu un certain nombre de nos concitoyens imposables alors qu’ils ne l’étaient pas jusqu’à présent, tandis que beaucoup d’autres sont désormais redevables d’un impôt majoré…
La grande affaire de la remise à plat à venir de notre système de prélèvements obligatoires, ce sera, incontestablement, la fusion programmée de la contribution sociale généralisée, la CSG, et de l’impôt sur le revenu.
La CSG, dont l’assiette est large et le rendement progresse chaque année de manière « tranquille », constitue, avec un total de recettes attendues de plus de 93 milliards d'euros en 2014, le premier impôt direct du pays. Cet impôt est d’autant plus rentable qu’il est faiblement affecté par la dépense fiscale, puisqu’il ne connaît que peu de correctifs d’assiette.
La CSG a d’autres caractéristiques tout à fait essentielles : elle est proportionnelle, prélevée à la source et ignore superbement la situation familiale des redevables ; elle frappe au premier euro, n’étant pour l’heure assortie d’aucune forme de barème comprenant une tranche non imposable.
L’impôt sur le revenu, pour sa part, devrait produire en 2014 une recette bien plus importante que les années précédentes, d’un montant global de 75, 304 milliards d'euros, soit environ 80 % du produit attendu de la CSG.
Mais, à la vérité, à y regarder de plus près, la CSG apparaît comme le premier étage de la fusée, si l’on peut dire, le « socle d’imposition », et l’impôt sur le revenu comme le second étage, à l’instar de ce que nous connûmes avant la grande réforme de 1970, avec l’impôt général sur le revenu, d’un côté, et ce que l’on appelait la surtaxe progressive, de l’autre.
Un petit calcul simple montre que si l’assiette de l’impôt sur le revenu était similaire à celle de la contribution sociale généralisée, elle se trouverait accrue de 50 milliards à 55 milliards d’euros, montant considérable et aisément manipulable pour « ajuster », par exemple, les tranches du barème…
Du point de vue de l’État, la fusion a cependant plusieurs avantages.
Le premier, théorique, est que la perception à la source, mensualisée, de l’impôt favoriserait la régularité du flux des recettes fiscales, gommant en partie les décalages de trésorerie nés de versements de contributions fiscales séparés dans le temps. Ce serait un gain de trésorerie, en quelque sorte, pouvant permettre, par exemple, de se dispenser d’une levée mensuelle de bons du Trésor de court terme.
Deuxième avantage, tout aussi théorique : la fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu ferait des entreprises, plus encore qu’aujourd’hui, le principal agent du fisc, collectant à la fois la taxe sur la valeur ajoutée et le principal impôt direct.
Troisième avantage : il est évident que le produit de l’impôt serait, en quelque sorte, constitué de virements provisionnels en attente de régularisation, comme c’est le cas notamment en Allemagne. Cela ferait de la plupart des ménages salariés ou retraités les prêteurs de l’État, des prêteurs accommodants puisque ne percevant aucun intérêt.
Enfin, on ne peut manquer de souligner que la privatisation de la perception de l’impôt à l’échelon de chaque entreprise ou caisse de retraite ouvrirait la possibilité de supprimer plusieurs dizaines de milliers d’emplois dans les services de la Direction générale des finances publiques.
Cela étant, cette fusion présenterait, à notre avis, de nombreux inconvénients.
Ainsi, contrairement à bien des assertions entendues ici ou là, il n’y a aucune égalité de traitement entre revenus du capital et revenus du travail au regard de l’impôt sur le revenu. Il n’est pas pratiqué d’abattement sur le salaire de l’ouvrier ayant vingt-deux ans d’expérience dans la même entreprise, alors qu’il existe un abattement sur la plus-value réalisée lors de la vente d’un bien ayant été détenu pendant une durée équivalente.
La dépense fiscale de l’impôt sur le revenu devrait atteindre, en 2014, 30, 284 milliards d'euros, dont 12, 885 milliards d'euros pour les seules réductions ou crédits d’impôt et 10, 284 milliards d'euros de mesures incidentes des modalités de calcul de l’impôt. Mais elle comprendra aussi 16, 506 milliards d'euros de dépense fiscale partagée avec l’impôt sur les sociétés et une centaine de millions d’euros de mesures de calcul.
Si les traitements, salaires, pensions et retraites – qui représentent 85 %, ou peu s’en faut, de l’assiette de l’impôt sur le revenu – font l’objet de 9 924 millions d’euros de dépense fiscale, celle-ci mobilise encore 4 257 millions d’euros pour les revenus tirés de capitaux mobiliers. Encore faut-il souligner que la mesure du régime particulier d’imposition des plus-values, comme celle d’une bonne partie des revenus financiers, n’est pas véritablement chiffrée !
Commençons donc par mettre un terme à ces évidentes inégalités de traitement avant d’envisager la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG. Une telle fusion n’aurait rien d’une mesure progressiste, d’autant que, outre quelques défauts, elle s’apparente à une forme d’étatisation de la protection sociale.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-67, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 3 à 8
Remplacer ces alinéas par sept alinéas ainsi rédigés :
« 1. L’impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 6 254 € le taux de :
« - 5, 50 % pour la fraction supérieure à 6 254 € et inférieure ou égale à 12 475 € ;
« - 14 % pour la fraction supérieure à 12 475 € et inférieure ou égale à 27 707 € ;
« - 30 % pour la fraction supérieure à 27 707 € et inférieure ou égale à 74 280 € ;
« - 41 % pour la fraction supérieure à 74 280 € et inférieure ou égale à110 000 € ;
« - 45% pour la fraction supérieure à 110 000 € et inférieure ou égale à 150 000 € ;
« - 50 % pour la fraction supérieure à 150 000 €. » ;
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
… – La perte de recettes pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration du prélèvement sur les recettes de l’État au titre de la compensation d’exonérations relatives à la fiscalité locale et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° I-410, présenté par M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. − Alinéa 7
Remplacer le montant :
par le montant :
II. − Alinéa 8
Remplacer le montant :
par les mots :
134 000 € et inférieure ou égale à 200 000 €
III. − En conséquence, après l'alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« – 49 % pour la fraction supérieure à 200 000 €. »
La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Le Gouvernement ne peut pas ignorer davantage le sentiment d’injustice légitime que ressentent nombre de Français face à l’impôt.
Le groupe écologiste est favorable à l’instauration d’un impôt plus juste, et donc plus progressif, conformément aux engagements pris par François Hollande durant la campagne présidentielle. Pour atteindre cet objectif, nous proposons d’ajouter dans le barème de l’impôt sur le revenu une tranche supplémentaire pour la fraction des revenus au-delà de 200 000 euros, qui serait imposée à 49 %.
Une plus grande justice est nécessaire, à l’heure où l’ensemble des ménages sont mis à contribution pour le redressement fiscal de la France, mais aussi, et surtout, pour le financement des services publics auxquels nous sommes tous très attachés.
Les travaux de l’économiste Thomas Piketty démontrent que les très riches profitent de nombreuses niches fiscales et paient, proportionnellement, moins d’impôts que les classes moyennes et populaires. Par ailleurs, ces très riches, et nombre d’entreprises, se rendent encore trop souvent coupables d’optimisation fiscale, ce qui représente un manque à gagner pour le budget de la France.
Alors, bien sûr, certains pensent sans doute que le niveau des prélèvements obligatoires est trop important, que « trop d’impôt tue l’impôt », suivant un raisonnement inspiré par la courbe de Laffer. Il faut naturellement que nous trouvions ensemble un juste équilibre, mais la France est bien loin d’être le pays qui impose le plus les revenus. Le taux maximal d’imposition sur le revenu des personnes est de 48 % en Allemagne, de 52 % aux Pays-Bas, de 54 % en Belgique, de 55 % au Danemark, et même de 57 % en Suède ! Or la situation économique et sociale dans ces pays n’est pas catastrophique. Surtout, ils disposent de services publics de qualité et performants, et connaissent peu d’inégalités sociales, particulièrement les pays scandinaves, où la société est inclusive.
Le problème fondamental est donc non pas tant celui du taux de prélèvements que celui du poids de l’impôt sur les ménages les moins aisés. Il faut donc relancer la justice sociale et fiscale, et rendre l’impôt sur le revenu plus progressif.
Je vous invite donc à prendre en considération cet amendement, qui tend à créer une tranche supplémentaire à 49 % dans le barème de l’impôt sur le revenu.
La commission des finances est défavorable à ces deux amendements, car l’article 2 prévoit déjà un dégel du barème de l’impôt sur le revenu à partir de cette année, complété par une forte revalorisation de la décote et des seuils du revenu fiscal de référence.
Ces trois mesures de justice sociale ont l’avantage de profiter d’abord aux ménages les plus modestes. Compte tenu de la situation actuelle, elles sont donc préférables à une réindexation rétroactive du barème de l’impôt sur le revenu sur trois ans, comme le prévoit le premier amendement, et à la création d’une nouvelle tranche à 49 %, qui fait l’objet du second amendement.
Les mesures prises permettent aussi de renforcer la progressivité de l’impôt sur le revenu, dans l’attente du débat plus large qui a été annoncé. Les mesures proposées ici nous semblent donc prématurées.
L’avis du Gouvernement est identique à celui de la commission.
Je profiterai de la discussion de ces deux amendements pour rappeler les orientations adoptées par le Gouvernement en matière de soutien au pouvoir d’achat et de réindexation du barème de l’impôt sur le revenu à la faveur du projet de loi de finances pour 2014.
Vous savez que le précédent gouvernement avait décidé de désindexer le barème de l’impôt sur le revenu et de supprimer la demi-part supplémentaire accordée aux veuves, ce qui a conduit à l’assujettissement à l’impôt sur le revenu d’un très grand nombre de Français qui ne l’acquittaient pas auparavant. Par ailleurs, un certain nombre de nos concitoyens âgés ont dû payer des taxes dont ils étaient exemptés jusqu’à présent : je pense notamment à la redevance audiovisuelle, à la taxe d’habitation, mais aussi, dans certains cas, à la contribution sociale généralisée.
Nous avons décidé, dès notre arrivée aux responsabilités, de corriger ces injustices en prenant une première mesure de décote. Contrairement à ce que l’on a pu lire dans la presse, le nombre des nouveaux contribuables n’est pas supérieur en 2013 à ce qu’il était les années précédentes : ainsi, 2, 6 millions de Français sont devenus redevables de l’impôt sur le revenu en 2010, 2, 9 millions en 2012 et 2, 6 millions cette année. Telle est la réalité des chiffres !
Cette année, nous prenons des mesures supplémentaires. La réindexation sur l’inflation du barème de l’impôt sur le revenu revient à rétrocéder à nos concitoyens 900 millions d’euros de pouvoir d’achat. Nous l’avons complétée d’une nouvelle revalorisation de la décote, après celle de l’an dernier, correspondant à un effort de 400 millions d’euros, et d’une augmentation du revenu fiscal de référence.
Ce ne sont pas les seules mesures que nous prenons en faveur du pouvoir d’achat de nos concitoyens, mais ce sont celles qui sont adossées à la réindexation du barème. Vous comprendrez que, compte tenu de leur importance sur les plans budgétaire et fiscal, il ne soit pas possible aujourd’hui d’en prendre d’autres. C’est la raison pour laquelle je ne peux pas être favorable à ces amendements.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote sur l’amendement n° I–67.
J’ai bien entendu les arguments de M. le rapporteur et de M. le ministre, mais je voudrais tout de même rappeler que, en proposant d’abaisser le seuil de la tranche d’imposition à 45 % et de rétablir une tranche marginale d’imposition à 50 %, notre objectif était d’améliorer le rendement de l’impôt sur le revenu, grâce à une plus forte progressivité.
Il est vrai que, cette année, le Gouvernement a prévu de réindexer le barème de l’impôt sur le revenu. Néanmoins, dans la mesure où ce barème avait été gelé dans la précédente loi de finances, cela ne permettra pas de rattraper complètement le retard. Certains foyers resteront pénalisés, au regard moins de l’impôt sur le revenu, la décote allégeant celui-ci, que de la taxe d’habitation et d’un certain nombre de prestations sociales, telle l’allocation personnalisée de logement, du fait de leur assujettissement à l’impôt sur le revenu.
Madame la sénatrice, pardonnez-moi de ne pas avoir répondu sur le point que vous venez d’évoquer : votre amendement prévoit en effet la création d’une nouvelle tranche dans le barème de l’impôt sur le revenu.
Cette proposition peut paraître séduisante, mais elle pose un sérieux problème constitutionnel. Pour cette nouvelle tranche imposée à 50 %, le taux de prélèvements avoisinerait les 70 % en ajoutant la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus de 4 % et les prélèvements sociaux de 15, 5 %. Or le Conseil constitutionnel a censuré la taxe à 75 %, considérant que, au-delà d’un certain seuil, le taux de prélèvements obligatoires devenait inconstitutionnel. C’est aussi pour cette question de constitutionnalité que je ne peux donner un avis favorable à votre amendement.
Attendez la suite : in cauda venenum…
À l’écouter, on a vraiment l’impression que tout est formidable ! On se demanderait presque pourquoi les Français ont exprimé, ces derniers mois, notamment après avoir reçu l’avis du dernier tiers provisionnel, un ras-le-bol qui a conduit le Premier ministre à annoncer le grand soir fiscal pour 2015.
Oui, nous avions procédé à une désindexation du barème de l’impôt sur le revenu, que vous avez prolongée l’année dernière. Cela a nécessairement eu des conséquences, à savoir une forte augmentation des impôts et des taxes, que les contribuables ont constatée : mieux vaut dire clairement les choses !
Annoncer maintenant un grand soir fiscal est une manière de calmer l’opinion. Ce n’est d’ailleurs pas si mal joué que cela, puisque les sondages nous apprennent que deux tiers des Français seraient plutôt satisfaits de cette perspective. Sans doute espèrent-ils que leurs impôts vont baisser : ils risquent fort d’être déçus du résultat, puisque la réforme se fera à volume de prélèvements obligatoires identique et que c’est seulement la répartition de ceux-ci qui évoluera. Il y aura forcément davantage de mécontents que de satisfaits !
Monsieur le sénateur, c’est très bien, mais c’est très faux !
Je vais reprendre les différents éléments que vous avez évoqués en m’en tenant aux faits, sans faire de politique, même si cela n’est pas interdit dans cet hémicycle.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. J’en fais beaucoup moins que vous, et avec moins de talent !
Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.
J’essaie de faire ce que je sais faire, c’est-à-dire examiner les chiffres !
La désindexation du barème de l’impôt sur le revenu avait été décidée par le gouvernement précédent. Lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, il nous fallait tenir nos engagements en matière de réduction des déficits publics, ce qui était contraignant. Pour autant, nous avons tout de même pris, dès l’an dernier, une première mesure de revalorisation de la décote. Cette année, nous procédons à la réindexation du barème.
Par ailleurs, vous avez évoqué le fait que les Français payent beaucoup d’impôts. Laissez-moi vous rappeler quelques chiffres : 20 milliards d’euros d’impôts supplémentaires en 2011, 21 milliards en 2012, 20 milliards en 2013. Il y en a pour tout le monde !
Pour ce qui concerne les dispositions que vous avez votées, je rappelle que vous avez augmenté de 6 milliards d’euros les prélèvements sur les produits d’épargne, en faisant passer le taux de prélèvement sur ceux-ci de 11 % à 15, 5 %. Par ailleurs, vous avez décidé une augmentation du taux de TVA de 19, 6 % à 21, 2 %, que nous avons annulée. Enfin, vous avez gelé le barème de l’impôt sur le revenu et supprimé la demi-part des veuves, mesures sur lesquelles nous sommes revenus.
Il est vrai que l’addition de nombreux prélèvements obligatoires peut conduire les Français à s’interroger sur la stratégie suivie en matière de finances publiques. Je l’ai indiqué hier, l’augmentation des prélèvements obligatoires sera cette année de 0, 15 %, et même de 0, 05 % en neutralisant l’effet de la lutte contre la fraude fiscale, contre 0, 5 % au cours des dernières années : la progression des prélèvements obligatoires se trouve donc divisée par dix.
En outre, nous entendons ajuster les prochains budgets uniquement par le biais d’économies sur les dépenses. J’ai bien l’intention de m’en tenir à cette stratégie. Cette année, nous faisons d’ailleurs déjà 15 milliards d’euros d’économies.
Enfin, je souligne que la réforme fiscale, c’est le contraire du grand soir fiscal ! Il ne s’agit pas de décider un matin de faire tabula rasa du système fiscal qui existait la veille… La réforme fiscale doit se dérouler sur la durée du quinquennat. Je rappelle que nous avons déjà réformé l’impôt de solidarité sur la fortune, réindexé le barème de l’impôt sur le revenu, soumis à celui-ci les revenus du capital, désormais taxés comme les revenus du travail, modifié les droits de succession, engagé une réforme de la fiscalité des entreprises… Nous allons poursuivre méthodiquement, sereinement la mise en œuvre de cette stratégie.
Le Premier ministre a donc annoncé une remise à plat du système fiscal français.
Je ne suis pas sûr qu’imposer les revenus du capital comme ceux du travail soit une bonne idée : peut-être en est-ce une sur le papier, mais cela a des conséquences négatives en termes d’attractivité.
Monsieur le ministre, je souhaite que notre fiscalité soit revue non pas au coup par coup, comme le Gouvernement semble le faire, mais de façon globale, en essayant de la refonder sur des assiettes larges et des taux assez bas.
En effet, il convient d’éviter que trop de nos concitoyens ne paient pas d’impôts, car moins il y aura de contribuables, moins il y aura de personnes intéressées par ce que l’on fait de leurs impôts !
Nos compatriotes doivent bien avoir conscience que les impôts sont nécessaires pour financer les services publics.
En l’absence d’une réflexion globale, nous ne voterons pas ces amendements.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° I-500, présenté par MM. Mézard, Collin, C. Bourquin, Fortassin, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, Collombat et Esnol, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 9
Remplacer le montant :
par le montant :
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Yvon Collin.
En matière fiscale comme dans tous les autres domaines, notre groupe a pour préoccupations principales l’équité et la justice.
Monsieur le ministre, comme je l’ai dit hier lors de la discussion générale, nous saluons les efforts que vous consentez au travers du présent projet de loi de finances pour protéger les ménages aux revenus modestes, en mettant fin au gel du barème de l’impôt sur le revenu et en revalorisant la décote. En outre, l’Assemblée nationale a relevé le revenu fiscal de référence ; nous nous en réjouissons.
Ces mesures doivent permettre d’éviter à de nombreux foyers disposant de faibles revenus d’être assujettis à l’impôt sur le revenu et à une série d’autres contributions.
Cependant, pour préserver le pouvoir d’achat de nos concitoyens les plus vulnérables, il nous semble qu’il faut aller plus loin, en augmentant la décote non pas de 5, 8 %, comme le propose le Gouvernement, mais de 7 %. Tel est l’objet de cet amendement.
Nous sommes bien conscients des contraintes qui pèsent sur nos finances publiques et des efforts qu’il est nécessaire d’accomplir pour les redresser, cependant faire un geste supplémentaire au bénéfice des ménages modestes ne nous paraît pas remettre en cause ces efforts. Ce serait un choix de justice et d’équité.
La commission des finances sollicite le retrait de cet amendement.
En effet, l’article 2 du projet de loi de finances prévoit déjà une très forte revalorisation de la décote, à hauteur de 5, 8 %, soit cinq points de plus que l’inflation. Dans le contexte financier que nous connaissons, cet effort me semble déjà important.
Le Gouvernement sollicite lui aussi le retrait de cet amendement. Dans un contexte budgétaire contraint, nous avons d'ores et déjà consenti un effort significatif, qui permettra de restituer du pouvoir d’achat aux Français. Bien évidemment, il est toujours souhaitable de faire plus ; encore faut-il le pouvoir…
L'amendement n° I-500 est retiré.
L'amendement n° I-68, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 10, première phrase
Remplacer le pourcentage :
par le pourcentage :
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'augmentation du prélèvement sur recettes découlant pour l'État de l'application du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Éric Bocquet.
L’article 2 du présent projet de loi de finances introduit une mesure relative à la situation, au regard de l’impôt local, des redevables de l’impôt sur le revenu.
Ayant en partie abandonné le gel du barème de l’impôt sur le revenu pratiqué ces deux dernières années, pour un coût estimé à environ 600 millions d’euros, le Gouvernement a accepté que l’imposition locale soit plus nettement allégée, en relevant davantage les seuils de plafonnement et d’exonération de la taxe d’habitation que ceux des tranches du barème de l’impôt sur le revenu.
Cette mesure n’est pas d’un coût spectaculaire pour l’État puisque, nous le savons tous, les dépenses de compensation des exonérations et allégements de taxes locales sont désormais plafonnées… Par conséquent, son coût théorique sera en grande partie gagé sur l’adaptation des variables d’ajustement de l’enveloppe normée des dotations budgétaires, quand bien même les impositions locales concernées ne sont pas les mêmes que celles qui sont visées par cet article 2.
Ce qui est sûr, c’est que le débat sur la fiscalité est assez largement marqué par le problème de la fiscalité locale. Pour nombre de nos compatriotes, taxe d’habitation et taxe foncière sur les propriétés bâties constituent même, chaque année, l’essentiel de la charge fiscale. Dès lors, il nous semble indispensable qu’une attention particulière soit portée à la modération de la fiscalité locale.
Tel est le sens de cet amendement de pouvoir d’achat, d’un coût de 60 millions à 80 millions d’euros.
Comme je l’indiquais tout à l'heure, l’article 2 prévoit déjà une revalorisation de 4 % du revenu fiscal de référence, soit une restitution de pouvoir d’achat de 450 millions d’euros.
Cette revalorisation constitue une mesure forte en faveur des contribuables modestes, âgés ou invalides, venant compléter le dégel du barème de l’impôt sur le revenu et la revalorisation de la décote.
Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Après un amendement visant à aller plus loin en matière de revalorisation de la décote, voici un amendement qui tend à relever davantage le revenu fiscal de référence…
Monsieur Bocquet, je comprends bien l’esprit de votre démarche. Néanmoins, je veux, par quelques chiffres, vous montrer l’ampleur et l’incidence, pour les contribuables, des mesures déjà inscrites dans le texte.
Grâce à la revalorisation de 4 % des seuils d’exonération et des abattements en matière de fiscalité directe locale et de prélèvements sociaux, 173 000 foyers fiscaux seront exonérés de la taxe d’habitation, 328 000 verront le montant de celle-ci plafonné en fonction de leur revenu et 220 000 qui auraient acquitté des prélèvements sociaux en l’absence de la mesure en seront exonérés.
Il s’agit donc d’une mesure qui n’est ni symbolique ni marginale ; bien au contraire, son incidence sera très importante. Comme vous le savez, monsieur le sénateur, si nous devions aller au-delà de cet effort, nous ne pourrions le faire que via une mobilisation de l’argent public qui n’est pas envisageable au regard des contraintes actuelles.
Le Gouvernement est donc défavorable à votre amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 2 est adopté.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Madame la présidente, par mesure de prudence et compte tenu du volume de travail que représentera l’examen des quelque 450 amendements déposés sur la première partie du projet de loi de finances, le rapporteur général et moi-même considérons qu’il serait préférable que le Sénat siège demain, samedi 23 novembre. Toutefois, il paraît suffisant que nous ne siégions que l’après-midi, de 14 heures 30 à 19 heures. Cette organisation de nos travaux nous semble la plus propre à nous permettre de poursuivre le débat en toute sérénité en début de semaine prochaine. Pour autant, cela ne doit pas inciter nos collègues à développer leurs argumentations plus que nécessaire…
Sourires.
L'amendement n° I-71, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° À l’article 80 quinquies, les mots : « de la fraction des indemnités allouées aux victimes d’accidents du travail exonérée en application du 8° de l’article 81 et des indemnités » sont remplacés par les mots : « des indemnités qui, mentionnées au 8° de l’article 81, sont allouées aux victimes d’accidents du travail et de celles » ;
2° Au 8° de l’article 81, les mots : « à hauteur de 50 % de leur montant, ainsi que les » sont supprimés.
II. – Le I du présent article s’applique pour les rentes versées au titre de l’année 2013.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Cet amendement concerne la fiscalisation des indemnités versées aux accidentés du travail, à laquelle nous sommes opposés depuis qu’elle a été introduite par la loi de finances de 2010.
Cette mesure purement dogmatique, profondément injuste et dont le produit est minime – 355 millions d’euros –continue logiquement de susciter l’indignation d’une très grande majorité de Français, toutes tendances politiques confondues.
Avec la fiscalisation, même partielle, des indemnités journalières versées aux accidentés du travail, la « coproduction législative » a montré son pire visage, en entérinant un grave et symbolique recul des droits des victimes d’accidents du travail.
Les accidentés du travail ne sont pas des privilégiés. Ces salariés, hommes et femmes, dont la vie bascule à la suite d’un accident survenu sur leur lieu de travail et qui en gardent trop souvent la trace dans leur chair, n’étaient pas les heureux bénéficiaires d’une niche fiscale qu’il fallait supprimer au nom d’un prétendu « rendez-vous d’équité » ou du faux argument de l’alignement du traitement de tous les salaires de remplacement.
La mise en place, après bien des tentatives, de la fiscalisation des indemnités versées aux accidentés du travail fut, malheureusement, un message très clair. Ce fut aussi, en quelque sorte, l’instauration d’une triple peine : aux traumatismes, tant physiques que psychologiques, dus à l’accident de travail et aux graves pertes de revenus qui en découlent s’ajoute maintenant la fiscalisation des faibles indemnités journalières que perçoivent les accidentés du travail.
Cette fiscalisation et le discours politique qui l’a accompagnée sont venus nier le statut de victimes de ces salariés, dans le but de récupérer, sur leur dos, de bien maigres sommes. L’argument selon lequel il s’agit de traiter de la même manière tous les revenus de remplacement ne tient ni juridiquement ni moralement : les indemnités journalières versées aux accidentés du travail et celles qui sont attribuées aux salariés en arrêt maladie ou en congé de maternité ne sont pas de même nature, eu égard au motif, appelé aussi « fait générateur », qui en occasionne le versement. Le salarié victime d’un accident du travail n’a pas pu se soustraire à l’accident survenu « par le fait ou à l’occasion du travail ». Son contrat de travail lui imposait d’être présent dans l’entreprise, à la disposition de son employeur, au moment par exemple où la machine qu’il utilisait a explosé, où la nacelle a cédé, où le véhicule est tombé en panne.
Une autre différence de nature existe entre les indemnités versées en cas d’arrêt maladie ou de congé de maternité, d’une part, et celles allouées en cas d’accident du travail, d’autre part : les premières sont financées par des cotisations salariales et constituent donc une forme de salaire différé, qui, comme tel, peut être soumis à fiscalisation, contrairement aux cotisations ; les secondes sont financées par les seules cotisations à la charge des employeurs, elles-mêmes déductibles de l’impôt sur les sociétés, et ne sont en rien un salaire différé.
Au demeurant, observons que, de façon asymétrique, les cotisations des employeurs sont totalement déductibles, ce qui n’est pas le cas des indemnités versées aux salariés.
Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à adopter cet amendement de justice sociale et fiscale.
Les indemnités pour maladie, maternité ou paternité sont soumises à l’impôt. Tel est aussi le cas, depuis deux ans, des indemnités journalières perçues par les accidentés du travail, mais leur régime d’imposition reste néanmoins favorable, puisque ces indemnités ne sont imposées qu’à hauteur de 50 % de leur montant. Je crois légitime que ces indemnités soient soumises à l’impôt au même titre que les autres. Dès lors, je ne peux qu’être défavorable à cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° I-73, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la seconde phrase du deuxième alinéa du 3° de l'article 83 du code général des impôts, le montant : « 12 000 € » est remplacé par le montant : « 15 000 € ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Si vous le permettez, madame la présidente, je présenterai en même temps l'amendement n° I-72.
J’appelle donc en discussion l'amendement n° I-72, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Au huitième alinéa du 3° de l'article 83 du code général des impôts, les mots : «, retenue dans la limite maximale de sept chevaux, » sont supprimés.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Veuillez poursuivre, madame Beaufils.
Ces deux amendements portant sur la question des frais professionnels visent à revenir sur des dispositions votées l’an dernier.
Un débat s’était alors ouvert sur le sujet, à l’occasion de l’examen d’un article tendant à remettre en cause le forfait kilométrique appliqué aux frais de transport automobile des contribuables optant pour la prise en compte des frais réels professionnels et, de manière plus générale, le plafonnement de ces frais réels.
Selon les indications que nous avons pu trouver dans le document portant évaluation des voies et moyens annexé au projet de loi de finances, aucune rentrée fiscale concrète ne semble avoir été enregistrée à la suite de l’adoption de ces dispositions. Mais sans doute serez-vous en mesure, monsieur le ministre, de nous apporter quelques précisions sur ce point. Dans son rapport général sur le projet de loi de finances pour 2013, notre collègue François Marc évaluait à 200 millions d’euros le produit cumulé du plafonnement des frais réels et de celui du forfait kilométrique.
Ces mesures, de faible rendement au regard du produit de l’impôt sur le revenu – que sont 200 millions d’euros quand un simple relèvement de 1 % du barème est susceptible d’engendrer plusieurs milliards d’euros de recettes nouvelles ? –, ne nous sont pas apparues d’une grande pertinence.
Surtout, elles sont discutables dans la mesure où elles frappent d’abord et avant tout les salariés, puisqu’un chef d’entreprise individuelle a toujours le loisir, pour sa part, de déduire la totalité de ses frais professionnels, au titre des charges de production, des revenus qu’il tire de son activité.
Ces plafonnements touchent les salariés qui, pour des raisons objectives – absence de transports en commun performants, par exemple –, sont contraints d’utiliser leur véhicule personnel pour se rendre à leur travail. Ils frappent les nombreux salariés vivant dans nos campagnes, souvent victimes de la spéculation immobilière qui les éloignent des centres-villes et de leur lieu de travail. C’est donc une forme de double peine qui est infligée à ces salariés.
Certes, l’application du forfait kilométrique n’est pas nécessairement très répandue, malgré son coût affiché – on parle de 2, 1 milliards d’euros –, mais elle concerne les seuls salariés, comme le précise l’article 39 du code général des impôts, et sa remise en cause représente, sous bien des aspects, une atteinte au principe d’égalité devant l’impôt.
Par ces amendements, nous proposons donc de rétablir l’égalité entre les contribuables.
Les frais professionnels sont déductibles du revenu imposable, aux termes de l’article 83 du code général des impôts, sur une base forfaitaire de 10 % du montant du revenu, dans la limite d’un plafond fixé actuellement à 12 000 euros.
Relever ce plafond à 15 000 euros reviendrait à faire bénéficier de la déduction les contribuables dont les revenus annuels dépassent 150 000 euros. Je doute que l’objectif de nos collègues soit d’accroître la déduction pour frais professionnels dont bénéficient les contribuables les plus aisés…
Quant à l’amendement n° I-72, il tend à supprimer le plafond de puissance au titre de l’application du barème kilométrique. L’instauration de cette limite, fixée l’an passé à 7 chevaux au terme d’un ample débat, paraît pertinente. Sa suppression pourrait constituer une sorte de prime aux véhicules de grosse cylindrée, chers et polluants, qui ne sont pas indispensables à un usage professionnel.
Dans ces conditions, je ne peux que vous inviter, madame Beaufils, à retirer ces deux amendements.
L’amendement n° I-72 va manifestement à l’encontre de l’objectif visé par ses auteurs ; j’en suggère le retrait.
Quant à l’amendement n° I-73, il est très éloigné des propositions que le groupe CRC défend habituellement. En effet, l’application de son dispositif profiterait aux personnes dont la capacité contributive est la plus importante…
Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.
Je suggère également le retrait de cet amendement, sauf à ce que votre groupe, madame Beaufils, se soit engagé dans un processus d’évolution ! §
En ce qui concerne l’amendement n° I-73, portant sur la déduction des frais professionnels, favoriser les plus gros contribuables n’est en effet pas notre objectif…
Nous allons revoir son dispositif ; dans cette attente, je le retire, mais nous n’abandonnons pas cette question, car les difficultés des salariés ne disposant pas de moyens de transport collectifs satisfaisants leur permettant de se rendre sur leur lieu de travail sont bien réelles.
Quant à l’amendement n° I-72, je le maintiens, monsieur le ministre, car de nombreux salariés gardent de vieux véhicules qui peuvent être de grosse cylindrée, certes, et polluants, mais qu’ils n’ont pas les moyens de remplacer. Il y a là un véritable problème.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° I-69, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la première phrase de l’article 199 quindecies du code général des impôts, les mots : « d’une réduction d’impôt égale » sont remplacés par les mots : « d’un crédit d’impôt égal ».
II. – Le I du présent article n’est applicable qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû au titre de l’année 2013.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Éric Bocquet.
Avec votre permission, je présenterai en même temps l'amendement n° I-70, madame la présidente.
J’appelle donc en discussion l'amendement n° I-70, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article 199 sexdecies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le 3 est ainsi rédigé :
« 3. Les dépenses mentionnées au 1 sont retenues, pour leur montant effectivement supporté, dans la limite de 7 500 €, en tenant compte prioritairement de celles ouvrant droit au bénéfice du crédit d'impôt mentionné au 4.
« La limite de 7 500 € est portée à 10 000 € pour la première année d'imposition pour laquelle le contribuable bénéficie des dispositions du présent article au titre du a du 1.
« Cette limite est portée à 15 000 € pour les contribuables mentionnés au 3° de l'article L. 341-4 du code de la sécurité sociale, ainsi que pour les contribuables ayant à leur charge une personne, vivant sous leur toit, mentionnée au même 3°, ou un enfant donnant droit au complément d'allocation d'éducation de l'enfant handicapé prévu par le deuxième alinéa de l'article L. 541-1 du même code.
« La limite de 7 500 € est majorée de 1 000 € par enfant à charge au sens des articles 196 et 196 B et au titre de chacun des membres du foyer fiscal âgé de plus de soixante-cinq ans. La majoration s'applique également aux ascendants visés au premier alinéa du 2 remplissant la même condition d'âge. Le montant de 1 000 € est divisé par deux pour les enfants réputés à charge égale de l'un et l'autre de leurs parents. La limite de 7 500 € augmentée de ces majorations ne peut excéder 12 000 €. Toutefois, lorsque les dispositions du deuxième alinéa sont applicables, la limite de 12 000 € fait l'objet des majorations prévues au présent alinéa et le montant total des dépenses ne peut excéder 15 000 €. » ;
2° Le 4 est ainsi rédigé :
« 4. L'aide prend la forme d'un crédit d'impôt sur le revenu égal à 40 % des dépenses mentionnées au 3 au titre des services définis aux articles L. 7231-1 et D. 7231-1 du code du travail, supportées au titre de l'emploi, à leur résidence, d'un salarié ou en cas de recours à une association, une entreprise ou un organisme. » ;
3° Le 5 est ainsi rédigé :
« 5. L'excédent éventuel est remboursé. »
II. - Les dispositions du I ne s'appliquent qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.
III. - La perte de recettes résultant pour l'État des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Veuillez poursuivre, monsieur Bocquet.
Malgré nombre d’études et de rapports soulignant la tendance à l’accroissement de la population de « grand âge », avec les problématiques que ce phénomène implique en termes d’intégration dans la vie collective, nous n’avons toujours pas mis en œuvre les indispensables réformes susceptibles de répondre à des besoins sociaux croissants.
Les réponses qui existent aujourd’hui sont fort loin d’être satisfaisantes. Je pense en particulier, dans la sphère fiscale, à deux dispositifs bien connus, la réduction d’impôt accordée au titre des emplois dits familiaux et la réduction d’impôt liée aux dépenses d’hébergement en établissement de long séjour.
L’un de ces dispositifs intéresse 370 330 ménages et coûte 280 millions d’euros, soit une réduction d’impôt de 756 euros environ par ménage et par an, l’autre représente une dépense fiscale de 1 580 millions d’euros profitant à 2 275 400 ménages, soit une réduction d’impôt moyenne de 694 euros par ménage et par an.
Nous avons donc un dispositif plutôt sous-dimensionné dans un cas, avec une dépense annuelle moyenne d’environ 3 000 euros pour un plafond de 10 000 euros, et un dispositif plutôt surdimensionné dans l’autre, avec moins de 1 500 euros de dépenses constatées, pour un plafond minimal de 12 000 euros.
Mais les données sont sensiblement différentes si l’on se réfère aux sommes déclarées. Sans surprise, le montant des réductions d’impôt accordées au titre de l’emploi d’un salarié à domicile se révèle très proche de la réalité des dépenses exposées par les ménages. En effet, il s’élève à un peu moins de 4 milliards d’euros pour un peu moins de 1, 6 million de ménages salariés, soit une dépense moyenne de 2 400 euros environ, et à un peu plus de 5, 1 milliards d’euros en 2011 pour plus de 2, 2 millions de foyers de retraités, parfois en situation de dépendance, soit une dépense moyenne de quelque 2 300 euros. Dans les deux cas, la réduction d’impôt couvre donc plus de 50 % de la dépense.
En revanche, les dépenses d’hébergement en établissement de long séjour s’élèvent à plus de 5, 4 milliards d’euros pour moins de 350 000 ménages, soit une dépense moyenne de près de 15 800 euros par ménage, bien supérieure donc au plafond de 10 000 euros. Quant à la réduction moyenne d’impôt accordée – 756 euros –, elle est très en deçà de la réalité des dépenses, puisqu’elle en représente moins de 5 %, et moins de 20 % de ce qu’il serait possible de prendre en compte au travers d’un crédit d’impôt.
Nous proposons donc de procéder, d’une part, à un « recentrage » de la réduction d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile, l’immense majorité des actuels bénéficiaires n’étant pas touchée par la correction du plafond prévue, et, d’autre part, à la transformation en crédit d’impôt de la réduction d’impôt relative aux dépenses d’hébergement en établissement de long séjour, eu égard au caractère aujourd’hui très imparfait de la solidarité nationale en la matière.
Au bénéfice de ces observations, nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter ces deux amendements, qui néanmoins n’épuisent pas, tant s’en faut, le débat sur les réponses collectives que nous devons apporter aux questions liées à la prise en charge du grand âge.
L’amendement n° I-69 vise à transformer en crédit d’impôt la réduction d’impôt actuellement accordée à raison de 25 % des dépenses d’hébergement des personnes dépendantes. Il s’agit là d’une mesure que le Sénat avait adoptée lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2012, sur mon initiative. Sa mise en œuvre permettrait de mettre fin à une situation injuste, car la réduction d’impôt ne profite, par définition, qu’aux personnes imposables et exclut de ce fait les ménages les plus modestes.
Par principe, je ne peux donc pas être hostile à ce dispositif, puisque nous l’avions voté l’an dernier. Cependant, un projet de loi d’orientation et de programmation pour l’adaptation de la société au vieillissement sera présenté par le Gouvernement au printemps prochain : la question de l’efficacité des dispositifs existants d’aide à la prise en charge en établissement méritera d’être traitée avec attention à l’occasion de l’examen de ce texte. Dans cette attente, je demande le retrait de cet amendement, d’autant que son adoption alourdirait la dépense fiscale.
Quant à l’amendement n° I-70, l’application de son dispositif accroîtrait la dépense fiscale de plusieurs centaines de millions d’euros, ce qui paraît excessif au regard des contraintes budgétaires qui s’imposent à nous. Je vous invite donc également à le retirer, monsieur Bocquet.
Nous voterons ces amendements présentés par le groupe CRC, car il paraît de bon sens de transformer en crédit d’impôt la réduction d’impôt liée aux dépenses d’hébergement en établissement de long séjour : l’ensemble des foyers concernés, en particulier les plus modestes, en bénéficieront. Pourquoi renvoyer à plus tard, monsieur le rapporteur général, quand tout le monde est d’accord ? Autant prendre les bonnes décisions tout de suite !
Monsieur Desessard, permettez-moi de vous apporter les précisions suivantes.
Nous avons engagé, sous l'impulsion du Premier ministre, l’élaboration d’un dispositif relatif à la prise en charge de la dépendance, sur lequel le Parlement sera amené à se prononcer en 2014. Ce dispositif devra être financé. Dans cette perspective, nous devons maintenir les équilibres budgétaires qui permettront de financer nos priorités, dont la prise en charge de la dépendance. Or, les deux amendements présentés par M. le sénateur Bocquet représentent une dépense de 700 millions d'euros…
Par ailleurs, j'ai entendu hier M. Placé expliquer qu’il ne voterait pas les recettes. Mais je comprends que votre groupe est prêt à voter les dépenses…
M. Philippe Dallier rit.
Je salue la présence dans les tribunes de notre collègue Guy Fischer, que nous avons grand plaisir à revoir.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Nous nous réjouissons de la présence parmi nous de notre ami Guy Fischer.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, je m’étonne que l’on nous demande d’attendre la discussion d’un projet de loi relatif à la prise en charge de la dépendance, alors que les caisses de retraite ont déjà commencé à réduire les moyens consacrés à l’aide à domicile pour les personnes âgées dépendantes. De ce fait, les familles sont amenées à recourir davantage à des personnes qu’elles doivent payer sans bénéficier d’une contribution des caisses de retraite. Nos amendements tendent simplement à les aider à faire face à de telles situations.
Dans une ville de 16 000 habitants que je connais bien, ce sont 5 000 heures d'aide à domicile que les caisses de retraite ont cessé de prendre en charge ces six derniers mois. L'année prochaine, la perte sera donc d’environ 10 000 heures. Faute d’accompagnement, les familles finiront par ne plus pouvoir faire face et les personnes assurant l’aide à domicile verront baisser leur nombre d'heures de travail…
Cette tendance est problématique. Si l’on recourt à l'allocation personnalisée d'autonomie, ce sont les budgets des départements qui seront sollicités. Je déplore que l'on ne saisisse pas aujourd’hui l'occasion d’apporter une réponse satisfaisante à la situation.
Je voudrais rappeler que, dans le cadre du pacte de confiance, nous avons pris des dispositions pour permettre aux départements de faire face à des dépenses contraintes telles que le versement de l'APA, de la prestation de compensation du handicap ou du RSA. L’une d’elles consiste en un transfert de frais de gestion à hauteur de 840 millions d'euros. Une autre vise à permettre aux départements, dont les finances, pour des raisons tenant à l'évolution de la situation économique, subissent un effet de ciseaux, d'augmenter les droits de mutation à titre onéreux, les DMTO.
Par ailleurs, la mise en œuvre des dispositions dont vous proposez l’adoption, madame Beaufils, représenterait une dépense de 700 millions d'euros, alors que nous avons déjà consenti des efforts importants en faveur de la solidarité et du pouvoir d'achat.
Enfin, nous présenterons bientôt un projet de loi qui a vocation à mettre en place ce qui ne l’a pas été jusqu’à présent, malgré les promesses faites depuis des années, à savoir des mesures en faveur de la prise en charge de la dépendance qui soient financées. Le financement de ces mesures sera ainsi assuré jusqu'à la fin du quinquennat. Pour ce qui concerne l’année 2014, un amendement, adopté par l’Assemblée nationale, tend à consacrer une somme de 100 millions d'euros, assortie de réserves, à la prise en charge de la dépendance.
C’est bien parce que nous sommes tout à fait conscients de l’importance des besoins que nous avons pris ces dispositions. Cependant, madame la sénatrice, en tant que ministre chargé du budget, je dois à la vérité de dire qu’il n’est pas possible de financer la totalité des besoins existants sur un exercice budgétaire, sauf à laisser dériver gravement les déficits, en nous exposant alors au risque de ne plus du tout pouvoir financer, à l’avenir, ces priorités absolues que sont, pour nous, la protection sociale et les services publics. Dans cette perspective, il nous faut articuler solidarité et responsabilité.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° I-319 rectifié, présenté par M. Vaugrenard, Mme M. André, M. Antiste, Mme Bataille, M. Berthou, Mme Bonnefoy, M. M. Bourquin, Mmes Bourzai et Campion, M. Chiron, Mme Claireaux, MM. Courteau, Daudigny, Daunis et Delebarre, Mme Emery-Dumas, M. Fauconnier, Mme Génisson, MM. Guérini, Guillaume, Jeannerot, Kaltenbach, Kerdraon, Lorgeoux, Magner, Néri, Patriat, Poher, Rainaud, Todeschini, Vairetto et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après l’article 238 bis du code général des impôts, il est inséré un article ... ainsi rédigé :
« Art. ... – I. – Ouvrent droit à une réduction d'impôt égale à 60 % de leur montant les dons en nature de produits agricoles ou alimentaires, pris dans la limite de 5 ‰ du chiffre d'affaires, effectués par les entreprises assujetties à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés au profit, d'œuvres ou d'organismes d'intérêt général social ou humanitaire.
« II. - Le montant des dons en nature prévu au I est égal :
« 1° Pour les biens inscrits dans un compte d’immobilisation, à la valeur vénale du bien au jour du don ;
« 2° À la valeur en stock pour les biens qui figurent dans un compte stock tel que défini à l’article 38 nonies de l’annexe III du code général des impôts. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Michèle André.
Cet amendement vise à renforcer la lutte contre la précarité, qui est une priorité affirmée du Gouvernement.
Depuis 1988 et l’entrée en vigueur de la loi dite « Coluche », une réduction d’impôt est accordée aux particuliers qui font un don à une association ou à une fondation œuvrant dans ce domaine. Le dispositif fiscal mis en place en 1988 incite les Français à se montrer plus généreux en augmentant le montant de leurs dons et en donnant plus régulièrement. Le volume total des dons s’est ainsi accru de près de 80 % entre 1995 et 2005. Par ailleurs, un dispositif fiscal similaire destiné aux entreprises existe également.
Dans les deux cas, 75 % du montant du don est déductible, dans la limite de 20 % du revenu imposable pour les particuliers et de 5 ‰ du chiffre d’affaires pour les sociétés.
Les chiffres de la précarité sont connus, et la période que nous connaissons n’est, hélas, nullement propice à une réduction du nombre de personnes en situation de pauvreté. Des associations procurant une aide alimentaire, telles que la Banque alimentaire ou les Restos du cœur, entre autres, sont malheureusement confrontées à une augmentation exponentielle du nombre de personnes reçues et de repas servis. Ces associations ont donc besoin de nouvelles ressources.
Dans cette optique, nous proposons d’élargir le champ du dispositif d’incitation fiscale aux dons en nature de produits agricoles ou alimentaires. Les associations caritatives plaident en ce sens depuis plusieurs années. Cela permettrait aux agriculteurs et aux opérateurs des filières alimentaires, dont la volonté de donner est déjà avérée, d’être reconnus pour leur contribution à l’effort national de lutte contre la pauvreté.
J’ajoute que la fin des surplus laitiers a entraîné une chute des dons de 7, 2 millions de litres de lait en 2011-2012 à moins de 1 million en 2012-2013, soit une baisse de 87 %. Les associations doivent donc acheter directement les quantités de lait nécessaires pour garantir l'équilibre nutritionnel de personnes déjà en situation de grande fragilité, parmi lesquelles on compte de nombreux enfants.
Le 12 septembre dernier, à Rennes, le Premier ministre a annoncé la mise en place d’une mesure de cette nature, destinée à produire ses effets à partir de l’hiver de 2014. Monsieur le ministre, il me semble que cet amendement pourrait constituer une traduction législative de cet engagement.
Encourager les entreprises à faire des dons en nature de produits agricoles ou agroalimentaires à des organismes reconnus constitue un objectif tout à fait louable, que nous ne pouvons que partager.
Cependant, comment évaluer la valeur de dons en nature ? En outre, quel serait le coût d’une telle mesure ? Nous souhaiterions entendre l'avis du Gouvernement sur cet intéressant amendement.
Madame la sénatrice, vous proposez d'élargir le dispositif de réduction d'impôt prévu à l’article 238 bis du code général des impôts aux dons en nature de produits agricoles ou alimentaires.
Comme vous le savez, les dons en nature, notamment les dons de matières premières et la réalisation de prestations de services sans contrepartie, sont d'ores et déjà éligibles au régime fiscal du mécénat d'entreprise. Sur ce point, la doctrine fiscale est constante.
Toutefois, un problème particulier se pose quand l’opération de don à un organisme caritatif implique deux intervenants successifs. C'est par exemple le cas lorsqu'un agriculteur donne du lait à une entreprise qui le transforme en yaourts, ensuite donnés à une association. Une difficulté se présente alors pour évaluer la valeur des deux dons, et répartir entre les deux donateurs l'avantage fiscal.
Madame la sénatrice, vous avez tout à fait raison de soulever la question des dons en nature, et je vous confirme que le Gouvernement, conscient de l’importance du sujet, s’attache à trouver, dans les semaines à venir, des solutions plus efficaces que celles qui prévalent actuellement.
L’Assemblée nationale a introduit, lors de l'examen en première lecture du projet de loi de finances pour 2014, un article additionnel après l’article 60 prévoyant la remise d'un rapport sur ce sujet au Parlement avant le 30 juin 2014. Il convient donc d'attendre les conclusions de ce rapport pour apprécier l'opportunité et les modalités d'une réforme du mécanisme de réduction d'impôt au titre du mécénat d’entreprise pour les dons de produits agricoles bruts destinés à la transformation.
Au bénéfice de ces éléments et dans l'attente de ce rapport, qui nous permettra d'avancer tous ensemble, je vous demande, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer cet amendement.
Mme Michèle André. Je fais confiance à nos collègues députés, qui ont eu la chance d'examiner la seconde partie du projet de loi de finances.
Sourires.
Il s’agit donc de l’amendement n° I-319 rectifié bis, présenté par M. Delattre.
Vous avez la parole pour le défendre, mon cher collègue.
Cet amendement me paraît tout à fait adapté à la situation sociale actuelle.
Sur le terrain, les associations ont besoin de produits alimentaires, pas d’un rapport !
Le Sénat est réputé pour sa tradition de sagesse. Nous effectuons un travail sérieux pour aboutir, le moment venu, à la mise en place d’un dispositif parfaitement équilibré et calibré, ce qui n’est pas possible, pour l’heure, avec les éléments techniques dont nous disposons. Mieux vaut adopter un bon amendement dans trois semaines ou un mois qu’un amendement imprécis aujourd'hui. Je suis convaincu que nous pouvons nous rassembler sur un tel sujet, à caractère humanitaire. Il s'agit d'accroître les capacités des associations qui, sur le terrain, distribuent des aides alimentaires et accomplissent un travail remarquable.
Monsieur le ministre, je ne puis imaginer un seul instant qu’un pareil amendement, signé par de telles personnalités, n’ait pas été étudié sérieusement. En réalité, le débat porte sur l’estimation de la valeur des dons. Assez habilement, l’amendement prévoit que le montant des dons en nature est égal, « pour les biens inscrits dans un compte d’immobilisation, à la valeur vénale du bien au jour du don ». Les choses sont donc claires : l’évaluation est possible.
Il ne faut pas toujours différer les décisions. Monsieur le ministre, nous sommes au début de l’hiver : il importe de répondre aux besoins maintenant, sans attendre six mois ou un an la remise d’un rapport !
Monsieur le ministre, je n’ai pas très bien compris ce que vous avez dit tout à l'heure. Vous affirmez qu’il vaut mieux adopter un bon amendement dans trois semaines. Certes, le présent amendement n’est pas très précis ni chiffré, mais quelle sera la teneur de ce « bon amendement » ? S’il s’agit de prévoir, comme l’a fait l’Assemblée nationale, la remise d’un rapport au 1er juillet 2014, cela revient purement et simplement à renvoyer l’examen de la question à plus tard. En revanche, si vous prenez l’engagement que la mesure en question sera inscrite dans la loi de finances pour 2014, c’est autre chose.
M. Richard Yung. Pourquoi n’aviez-vous pas pensé plus tôt à une telle mesure, sans attendre que nous la proposions ? Permettez-moi de vous dire que cette petite manœuvre tactique n’est pas à la hauteur d’un sujet d’une telle importance pour la vie quotidienne de nombre de nos concitoyens !
Mme Catherine Procaccia proteste.
Vous êtes toujours en train de donner des leçons, mais une fois au pied du mur…
Nous sommes encore plus malins que vous : nous voterons contre votre amendement mal fagoté!
Il s’agit d’un sujet important. Je comprends l’interpellation de M. Karoutchi : il n’est nullement dans nos intentions d’attendre le XXIIIe siècle pour le traiter ! Les deux assemblées veulent avancer, et il est possible de trouver assez rapidement une solution technique. Je promets d’examiner la question d’ici à la discussion du prochain collectif budgétaire.
Cela confirme que le Sénat est une assemblée de sages…
L'amendement n° I-319 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° I-411, présenté par M. Placé, Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le chapitre premier du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts est abrogé.
II. – L’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi rédigé :
« I. – Le taux des contributions sociales mentionnées aux articles L. 136-1, L. 136-2, L. 136-6, L. 136-7 et L. 136-7-1 est ainsi fixé :
« 1° Pour les revenus bruts annuels compris entre 0 euro et 13 200 euros, le taux effectif évolue linéairement de 0 % à 2 % ;
« 2° Pour les revenus bruts annuels compris entre 13 200 euros et 26 400 euros, le taux effectif évolue linéairement de 2 % à 10 % ;
« 3° Pour les revenus bruts annuels compris entre 26 400 euros et 60 000 euros, le taux effectif évolue linéairement de 10 % à 13 % ;
« 4° Pour les revenus bruts annuels compris entre 60 000 euros et 120 000 euros, le taux effectif évolue linéairement de 13 % à 25 % ;
« 5° Pour les revenus bruts annuels compris entre 120 000 euros et 480 000 euros, le taux effectif évolue linéairement de 25 % à 50 % ;
« 6° Pour les revenus bruts annuels compris entre 480 000 euros et 1 200 000 euros, le taux effectif évolue linéairement de 50 % à 60 % » ;
2° Les II et III sont abrogés.
III. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par une hausse du taux des contributions sociales mentionnées au I de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale pour les revenus annuels supérieurs à 1 200 000 euros.
IV. – Le produit des contributions mentionnées au I de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale est réparti entre l’État et les organismes de sécurité sociale selon des modalités fixées par décret, sans modifier l’affectation des produits des contributions visées aux articles L. 136-1, L. 136-2, L. 136-6, L. 136-7 et L. 136-7-1 du même code.
La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Nous écologistes souhaitons que l’impôt soit le plus progressif possible. Dans cette perspective, le présent amendement vise à supprimer l’impôt sur le revenu, beaucoup trop complexe et injuste, pour le remplacer par un impôt progressif prélevé à la source, sous la forme d’une CSG progressive, conformément d'ailleurs à l’engagement n° 14 du candidat à l’élection présidentielle François Hollande. Nous sommes les premiers partisans des bonnes idées du Président de la République !
Bien sûr, nous sommes conscients que le débat sur cette réforme a été engagé, et nous avons entendu les arguments du Gouvernement en faveur d’une plus grande justice fiscale, associée à un effort de redressement des finances publiques. Il s’agit ici d’un amendement d’appel, destiné à lancer le débat.
Une meilleure lisibilité des impôts est nécessaire. Les impôts garantissent l’égalité dans notre société, car ils permettent de donner à chacune et à chacun les mêmes droits à l’éducation, à la sécurité ou encore à la santé, quelle que soit l’importance des revenus du foyer. Ils financent les missions d’intérêt général et la solidarité, qui profitent à l’ensemble de nos concitoyens.
C’est ce système reposant sur la contribution de chacun au bien commun et à l’avenir de tous que les écologistes veulent préserver. Chacun doit contribuer à l’effort national à hauteur de ses moyens. L’impôt sur le revenu doit donc être le plus progressif possible. Cela fait déjà trop longtemps que la réforme fiscale est attendue. Nous voulons connaître la position du Gouvernement sur cette grande réforme et espérons vivement être associés en amont au débat.
À titre personnel, je partage tout à fait les préoccupations des auteurs de l’amendement. J’observe cependant que le dispositif qu’ils suggèrent de mettre en place dans les prochains mois est extrêmement complexe. Ils proposent en effet de substituer une CSG progressive à l’impôt sur le revenu : on entrevoit aisément la très grande difficulté de mener à bien un tel chantier en aussi peu de temps.
Au surplus, mes chers collègues, vous avez comme moi entendu le Premier ministre exprimer il y a trois jours sa volonté d’engager une remise à plat de l’ensemble de la fiscalité. Dans le cadre de cette réflexion, nous pourrons examiner la faisabilité d’un rapprochement entre l’impôt sur le revenu et la CSG.
Pour sa part, la commission des finances a également débattu de ce sujet à plusieurs reprises de façon approfondie. Elle a décidé, en début de semaine, de saisir le Conseil des prélèvements obligatoires, afin que nous puissions disposer de tous les éléments de chiffrage et d’évaluation nécessaires en vue d’étudier les modalités techniques de mise en œuvre d’une éventuelle fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG ou, à défaut, d’un dispositif introduisant de la progressivité dans la CSG.
Nous avons donc, les uns et les autres, la volonté d’assurer une plus grande justice fiscale. Trouver des réponses appropriées nécessite de très nombreuses investigations et simulations. Il faut avancer avec beaucoup de prudence : on a vu les répercussions dans l’opinion publique de certaines décisions insuffisamment préparées. Sur un tel sujet, nous ne devons pas prendre de risques. C'est pourquoi je vous suggère de retirer votre amendement, madame Lipietz, et de vous associer à la démarche collective que le Premier ministre nous a demandé d’engager.
L’initiative du groupe écologiste est utile, parce qu’elle nous permet d’introduire dans ce débat la question de la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG en un seul grand impôt personnel.
Monsieur le ministre, nous avons retrouvé le compte rendu d’une réunion de juin 1993 de la commission des finances, dont le président était alors Christian Poncelet et le rapporteur général Jean Arthuis. L’un comme l’autre avaient évoqué à cette occasion l’utilité d’une réflexion sur les moyens de faire en sorte que des ménages qui paient un impôt et une contribution sur les mêmes revenus puissent ne plus être assujettis qu’à un seul impôt, fusionné et intégré. Vingt ans nous séparent de ce premier débat…
Je voudrais souligner une seconde chose. Lorsque, à la fin du mois d’octobre, le bureau de la commission des finances a organisé à la questure sa réunion d’automne habituelle, au cours de laquelle il a évoqué son programme de travail et certaines décisions à prendre, le rapporteur général et moi-même avons proposé de saisir le CPO sur la faisabilité technique, juridique et financière d’une fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG.
Naturellement, nous étions alors à mille lieues de nous douter que, juste avant le début de l’examen du projet de loi de finances par le Sénat, le Premier ministre ferait l’annonce que l’on sait…
… au quotidien économique Les Échos. Je le précise afin que la saisine du CPO par la commission des finances ne soit pas interprétée comme une démarche opportuniste. C’est une démarche de fond, car le sujet dont il s’agit est un sujet de fond.
La question de la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG ne saurait être confondue avec celle du prélèvement à la source. Trop souvent, on assimile les deux questions, alors que l’on peut fort bien prélever à la source l’impôt sur le revenu actuel.
Point n’est besoin de fusionner l’impôt sur le revenu et la CSG pour prélever à la source. Le prélèvement à la source pourrait être un progrès dans l’administration de l’impôt, mais ce progrès n’est pas, en lui-même, constitutif d’une réforme.
Il est de notre intérêt de réfléchir à la fusion. Aurons-nous ou non la sagesse de séparer les éléments techniques de l’affirmation de nos convictions politiques ? Je suis pour ma part convaincu – je ne sais pas si je réussirai à faire partager cette conviction – que la fusion est une excellente chose, et même qu’elle s’impose. Je vois que Roger Karoutchi affiche un certain scepticisme…
Cela étant, la fusion ne préjuge pas de l’endroit où l’impôt, de proportionnel, deviendrait progressif : c’est une autre chose !
Il est concevable de mettre en place un impôt personnel unique qui, au passage, fasse justice de toutes les dépenses et niches fiscales qui rongent l’assiette, afin que, sur l’assiette la plus large possible, puissent s’appliquer les taux les plus raisonnables, les plus modérés et les plus attractifs possible. À partir de là, les uns peuvent souhaiter, pour encourager l’activité, que la proportionnalité soit la règle jusqu’à un seuil significatif, correspondant aux revenus des classes moyennes, voire des classes moyennes supérieures ; la progressivité prendrait ensuite le relais. Les autres peuvent souhaiter, si cela correspond à leurs convictions essentielles, que la progressivité s’applique d’emblée ou presque. Mais il me semble que, pour la clarté des débats, il serait préférable de séparer deux ordres de choses : la technique et la politique.
Monsieur le ministre, le fait que, dans la présentation de ce débat, deux éléments me paraissent assez sujets à caution me conduit à me tourner vers vous.
En premier lieu, on présente ce débat comme devant aboutir à plus de progressivité, comme François Marc, dont je comprends et respecte les convictions, le souhaite. Il semblerait en effet que la réforme ne soit envisagée que pour rendre progressive la contribution sociale généralisée.
En second lieu, à mon sens, le fait d’annoncer la consultation des partenaires sociaux avant de se préoccuper d’associer le Parlement à la réflexion est une façon contestable d’organiser la discussion et une erreur dans l’ordre des facteurs.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire comment cette initiative va être mise en œuvre ? Doit-on comprendre qu’elle doit trouver une traduction dans la loi de finances pour 2015 ou que l’étude se poursuivra tout au long du quinquennat, comme j’ai cru le comprendre à la lecture de propos tenus à Rome par le Président de la République ? Pouvez-vous nous éclairer sur la procédure et les objectifs, de sorte que notre assemblée puisse avoir les idées claires sur ce chantier de réforme, ce qui nous permettra de mieux préparer les débats futurs ?
Tout d’abord, je tiens à remercier Mme Lipietz d’avoir permis l’ouverture de ce débat. Les interventions de M. le rapporteur général et de M. le président de la commission des finances montrent qu’il s’agit là d’un sujet de fond, sur lequel le Parlement est très mobilisé.
Avant de m’exprimer plus précisément sur la problématique soulevée par l’amendement, je commencerai par répondre aux deux questions posées par M. le président de la commission des finances : la réforme est-elle engagée à seule fin de renforcer la progressivité de l’impôt ? Dès lors qu’une large consultation des partenaires sociaux est prévue, faut-il en déduire que le Parlement n’interviendra qu’en « second rideau », ce qui reviendrait à minorer son rôle ?
En ce qui concerne la méthode, dans toutes les grandes démocraties européennes, sur des questions aussi importantes que celles que soulève l’amendement, à savoir le sens de l’impôt, les objectifs de politique publique pour lesquels il est mobilisé, le consentement à l’impôt qui, en France, est consubstantiel à la République, il est normal que les partenaires sociaux, surtout quand il s’agit de prélèvements pouvant contribuer au financement de la solidarité et de la protection sociale, et le Parlement, qui a à connaître de l’ensemble des lois financières, soient conjointement associés à la réflexion. Ces questions intéressent en effet la société dans son ensemble.
Il ne convient donc pas d’opposer le Parlement et les partenaires sociaux. Le fait que ces derniers soient associés à une réflexion ne signifie pas que le Parlement ait vocation à en être écarté. Réciproquement, la volonté clairement exprimée du Premier ministre de mobiliser le Parlement dans la réflexion ne signifie pas que cela pourrait être au détriment de la concertation sociale, sur laquelle repose la méthode du Gouvernement, dès lors que l’on traite de protection sociale, de solidarité, du modèle social français.
Par conséquent, monsieur Marini, tant le Parlement que les partenaires sociaux seront associés à la préparation de la réforme, chacun dans son rôle !
Les parlementaires ont un rôle éminent : ils incarnent la souveraineté nationale et sont fondés à s’exprimer sur tout sujet dont le Parlement a à connaître. Quant aux partenaires sociaux, ils ont eux aussi un rôle essentiel à jouer dans une démocratie sociale comme la nôtre.
Quant au fond, rien n’est pire à mon avis, quand on engage une réflexion sur une réforme fiscale, que de tomber dans l’un des deux pièges suivants.
Le premier, c’est de considérer que tout commence le jour où la réflexion est engagée. En l’occurrence, nous avons déjà entamé cette réforme fiscale ; elle n’arrive pas dans le paysage comme porte-chaussettes sur divan. En effet, au cours des derniers mois, nous avons aligné la fiscalité des revenus du capital sur celle des revenus du travail, nous avons réformé l’impôt de solidarité sur la fortune, nous avons décidé de revoir les droits de succession, nous avons engagé cet été une réflexion avec le monde de l’entreprise, qui se prolongera à l’occasion des Assises de la fiscalité des entreprises, au mois de janvier.
Par conséquent, les orientations données par le Président de la République lors la campagne pour l’élection présidentielle se sont traduites par de premières mesures. Le Premier ministre souhaite que nous profitions du débat sur la fiscalité pour tout remettre en perspective. Il ne faut donc pas fermer le débat avant de l’avoir ouvert – c’est le second piège à éviter –, en affirmant que le seul et unique objectif est de renforcer la progressivité de l’impôt.
Comme le signifie l’expression « remise à plat » employée par le Premier ministre, notre volonté est bien d’examiner la totalité des sujets, de façon globale, méthodique, en associant l’ensemble des acteurs, pour atteindre un certain nombre d’objectifs que je voudrais maintenant rappeler devant le Sénat.
Tout d’abord, nous avons besoin de simplification. À la question du niveau des prélèvements obligatoires s’ajoute celle du nombre de taxes. Il faut rendre plus lisible, simplifier le système fiscal. Pour le contribuable personne physique comme pour l’entreprise, c’est un élément indispensable pour faciliter l’investissement et renforcer le consentement à l’impôt.
Ensuite, il faut tendre vers la stabilisation. Tous les gouvernements prennent de multiples mesures fiscales, ce qui aboutit à la formation d’un véritable palimpseste, difficilement lisible.
La simplification et la stabilisation sont des moyens de stimuler la croissance, troisième objectif de notre action.
Enfin, il faut faire en sorte que l’impôt soit juste et, par conséquent, plus progressif, même si ce n’est pas le seul but. Cela est très important, car l’impôt est aussi un instrument de redistribution.
Tels sont les quatre axes qui guident notre action : simplification, stabilisation, stimulation de la croissance, justice fiscale.
J’en viens à l’amendement défendu par Mme Lipietz, qui soulève une question lourde. L’adopter mettrait un terme au débat de façon prématurée.
L’impôt sur le revenu et la CSG sont de nature différente : l’un est prélevé à la source, l’autre pas ; l’un est familialisé, l’autre pas. Si nous voulions rapprocher les deux, il faudrait que nous remettions à plat toutes les niches fiscales. Or, comme vous le savez, chaque fois que l’on s’attaque à une niche fiscale, on constate qu’elle abrite un chien. On constate aussi parfois que les défenseurs des niches se disent favorables à la réforme fiscale : nous en avons vu des exemples concrets ! Chacun est opposé aux niches fiscales dont il ne bénéficie pas…
Pour conclure, faisons en sorte que cette réforme soit une extraordinaire occasion de faire vivre la démocratie politique et sociale, qu’elle permette de renforcer le consentement à l’impôt en simplifiant, en stabilisant, en stimulant la croissance, en réinstaurant de la progressivité et de la justice dans le système fiscal.
Prenons le temps de l’analyse, madame Lipietz, car la complexité du sujet exige un débat très approfondi, à la fois technique et politique. Dans cette perspective, je vous suggère de retirer cet amendement d’appel, afin que nous puissions profiter de l’impulsion donnée par le Président de la République et par le Premier ministre pour discuter ensemble de toutes ces questions.
Tant que les gens considèrent que les impôts ne sont pas confiscatoires, aucun gouvernement, de droite ou de gauche, n’évoque une remise à plat du système fiscal.
En revanche, annoncer une réforme fiscale quand l’exaspération a atteint un tel niveau, quel joli coup politique, monsieur le ministre ! Ô miracle, selon un sondage récent, 80 % des Français jugent l’idée excellente, chacun considérant qu’il va bénéficier de la réforme fiscale…
Les chefs d’entreprise pensent que les entreprises seront moins imposées, les ménages modestes qu’ils seront exemptés, les classes moyennes qu’elles seront enfin moins matraquées.
Le grand soir fiscal, il en est question depuis les débats entre Clemenceau et Caillaux sur l’opportunité de créer un impôt sur le revenu.
Monsieur le ministre, vous affirmez que le consentement à l’impôt est consubstantiel à la République : c’est une erreur, pardonnez-moi de vous le dire. En 1859, le duc de Morny avertissait déjà Napoléon III de l’affaiblissement du consentement à l’impôt dans le pays et du risque de troubles. L’empereur engagea alors la libéralisation du régime, mit en place le système parlementaire et réforma la fiscalité dès 1860.
Le consentement à l’impôt est donc constitutif non pas de la République, mais de l’unité de la nation, de l’équilibre de la société.
Mais le problème ne se situe même pas là.
Si nous adoptions l’amendement déposé par le groupe écologiste, qui a certes le mérite d’ouvrir le débat, les ménages très modestes, non soumis aujourd’hui à l’impôt sur le revenu, …
… y seraient assujettis demain.
Je ne prétends pas que les gouvernements successifs, de gauche comme de droite, qui ont accumulé des systèmes très complexes dans le passé ont tous été raisonnables, mais ils ont cru que la création de certaines niches constituait une mesure positive sur le plan social. On réclame maintenant la suppression de toutes les niches, mais on se rendra très vite compte qu’il n’est pas envisageable de toucher à certaines d’entre elles. Je pense par exemple aux réductions d’impôt pour dons aux associations caritatives.
Si je me montrais sceptique tout à l’heure, monsieur le président Marini, c’est parce que j’ai le sentiment que l’on nous annonce toujours que demain tout ira mieux… Essayons déjà, plus modestement, de simplifier, de limiter la pression fiscale. À cet égard, je me permets de rappeler que le Président de la République a annoncé que la « remise à plat » interviendrait à ressources fiscales constantes. Il n’est donc pas question, dans son esprit, d’une baisse de la pression fiscale globale.
Par conséquent, simplifions, facilitons, uniformisons, restaurons l’équilibre : faut-il vraiment consacrer toutes les énergies, pendant deux ans, à une remise à plat ? Je n’en suis pas convaincu.
Je tiens tout d’abord à féliciter M. le ministre de l’habileté politique qu’il a démontrée à l’occasion de la dernière réponse qu’il m’a faite. Il s’agissait de la réduction d’impôt au titre de la prise en charge de la dépendance. Comme j’avais épuisé mon temps de parole, je n’ai pas eu le temps de rappeler que le projet de loi d’orientation et de programmation pour l’adaptation de la société au vieillissement devait nous être soumis en septembre 2013. Vous reportez son examen à 2014 : soit, mais je pense qu’il aurait dû intervenir plus tôt.
Mme Touraine nous avait résumé cette réforme de la prise en charge de la dépendance par la formule des « trois A ». Aujourd’hui, monsieur le ministre, vous nous parlez des « trois S » : simplification, stabilisation, stimulation. J’espère que cela n’augure pas un report de la réforme fiscale annoncée…
Nous soutenons le projet d’une réforme globale. Cet amendement, monsieur le ministre, témoigne de notre intérêt pour une fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG en un impôt unique progressif, prélevé à la source. Sachez que si vous vous orientez dans cette direction, vous aurez le soutien des écologistes, qui se feront alors un plaisir de voter la loi de finances !
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Nous sommes prêts pour le grand soir fiscal attendu depuis 1860, selon M. Karoutchi !
Je ne sais pas si l’annonce du Premier ministre est un bon « coup politique », comme l’a dit Roger Karoutchi. Si tel était le cas, ce ne serait qu’à court terme, parce que l’on sent bien que les avis favorables émanent de personnes qui confondent « remise à plat du système fiscal » avec « diminution de la pression fiscale ». Chacun a entendu ce qu’il voulait entendre, mais je ne suis pas du tout certain que la réforme débouche sur une baisse de la pression fiscale. En tout cas, le Premier ministre n’a rien dit de tel : il a seulement parlé de stabilisation ; je doute que cela suffise à obtenir l’assentiment des Français. Comme je l’ai dit hier, il faut réduire la dépense publique et la fiscalité : c’est ce qu’attendent nos concitoyens.
Sur le fond, monsieur le ministre, vous affirmez que la réforme des « trois S » a en fait déjà été engagée. Je conteste cette présentation des faits.
Pour ce qui est de la simplification, prenons l’exemple du dispositif relatif à l’imposition des plus-values qui a provoqué, l’an dernier, la révolte des « pigeons » : personne, dans cet hémicycle, n’y comprenait plus rien ! Tout le monde était complètement perdu, la fiscalité était devenue encore moins lisible qu’auparavant. La simplification n’a donc pas commencé.
Il en va de même pour la stabilisation : je l’ai dit hier, de 60 milliards à 70 milliards d’euros d’impôts supplémentaires ont été prélevés entre 2011 et 2013. Je n’appelle pas cela un début de stabilisation !
Quant à la stimulation de la croissance, lorsque vous êtes arrivés aux responsabilités, en 2012, on nous annonçait un taux de croissance de 1, 7 % pour 2013 : il sera de 0, 1 % ou de 0, 2 %, au mieux…
Je peux souscrire à l’objectif des trois S – encore que je préfère la réduction de la fiscalité à sa stabilisation –, mais rien n’a encore été fait et il serait grand temps de s’y mettre. Je suis prêt à participer à la réflexion, sans a priori politiques, mais avec un objectif de fond : la réduction de la pression fiscale.
J’avais déposé, avec les membres du RDSE, un amendement similaire à celui du groupe écologiste. Notre amendement différait en ce qu’il visait à établir une plus forte progressivité, avec des taux d’imposition très faibles pour les bas revenus et élevés pour les hauts revenus, sans pour autant être confiscatoires. J’attire l’attention de nos collègues du groupe écologiste sur le taux maximal de 60 % qu’ils proposent d’instaurer, car il me semble excessif et donc problématique.
Malheureusement, notre amendement a subi les foudres de la commission des finances, au titre cette fois non de l’article 40 de la Constitution, mais de la loi organique relative aux lois de finances. Si je comprends et j’apprécie, monsieur le rapporteur général, la rigueur de notre commission, je regrette tout de même cet excès de zèle…
Il nous paraît important de rappeler que les radicaux de gauche défendent, depuis 1997 au moins, l’idée d’un grand impôt personnel et progressif sur le revenu. Un tel impôt, payé par tous, mais selon des taux très progressifs – donc d’un montant symbolique pour les ménages les plus modestes –, devrait permettre de redonner du sens à la citoyenneté et au consentement à l’impôt, fondement de la démocratie.
Dans mon intervention au cours de la discussion générale, j’ai cité l’article XIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Il est plus que jamais d’actualité : pour financer ce que nous appellerions aujourd’hui les services publics et la protection sociale, « une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ».
Notre objectif est tout simplement de renouer avec la simplicité et la pertinence de cet article, qui fait partie du bloc de constitutionnalité. Cela suppose, à nos yeux, la fusion de l’impôt sur le revenu, de la CSG et de la majeure partie des cotisations sociales salariales en un impôt unique progressif, qui devrait également prendre en compte les revenus du capital.
Il semble désormais acquis que le Gouvernement proposera, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015, une grande réforme fiscale. Comme nous l’avons souligné lors de la discussion générale, nous sommes prêts à y travailler tout au long de cette année avec vous, monsieur le ministre.
Dans cet esprit, nous nous réjouissons également que la commission des finances du Sénat ait décidé de saisir le Conseil des prélèvements obligatoires, pour qu’il réalise une étude sur la faisabilité technique et juridique de la fusion des assiettes de l’impôt sur le revenu et de la CSG, mais aussi sur les effets économiques et budgétaires d’une telle réforme, sous différentes hypothèses.
Nous attendons donc cette grande réforme qui nécessite une concertation à laquelle nous comptons bien apporter notre pierre. C’est pourquoi nous ne voterons pas aujourd’hui l’amendement de nos collègues écologistes, dont nous contestons, par ailleurs, certains des choix en matière de taux.
M. Edmond Hervé. Lorsque, au début de cette semaine, M. le Premier ministre a décidé d’ouvrir un grand débat sur la « mise à plat », dans la transparence, de notre système fiscal, il a posé un acte de responsabilité politique. En effet, en prenant cette initiative, il répond à une situation marquée, comme l’a dit l’un de nos grands experts, le professeur Michel Bouvier, par un « désarroi fiscal irrationnel ».
Protestations sur les travées de l’UMP.
Mes chers collègues, j’ai toujours eu pour principe, que ce soit à l’Assemblée nationale ou au Sénat, de ne jamais interrompre un orateur. Je vous remercie de faire de même.
Les sondages indiquaient, au début du mois d’octobre, que nos concitoyens estiment payer trop d’impôts. Mais, en même temps, ils veulent plus de services publics, plus de justice, tandis que certains élus locaux veulent plus de subventions ! Il est donc important de mettre les choses à plat.
Ne nous voilons pas la face : suivant les travées sur lesquelles nous siégeons, nous n’avons pas la même conception de l’impôt. Je reconnais, à cet égard, que les thèses libérales occupent aujourd’hui une place très forte dans l’opinion publique : vous avez réussi à rendre assez consensuel le leitmotiv du « trop d’impôts », qui est l’affirmation d’une doctrine libérale à laquelle je n’adhère pas.
Ce qui compte en réalité, c’est le principe de justice fiscale, grand principe révolutionnaire en vertu duquel chacun est imposé selon sa capacité contributive. Surtout, il faut que ce que financent les impôts, aussi juste soient-ils, soit conforme à l’intérêt général.
Il y a là matière à un grand débat. Je constate d’ailleurs, depuis de très nombreuses années, que l’État a modernisé sa fiscalité, mais que les collectivités locales sont toujours en retrait : c’est ce que j’ai appelé le « grand évitement ».
L’évolution du débat, au cours de l’histoire, nous donne tout de même des raisons d’être optimistes. Je me souviens des conditions dans lesquelles la création de la CSG a été votée à l’Assemblée nationale, en 1990 : une motion de censure avait failli être adoptée. Ici même, au Sénat, il s’était trouvé des élus pour saisir le Conseil constitutionnel, au motif que la CSG n’était pas progressive. Je suis heureux de constater que, aujourd’hui, le principe de progressivité semble réunir un certain consensus.
Monsieur Marini, je vous remercie d’avoir bien précisé le principe de mixité auquel vous êtes attaché, associant proportionnalité et progressivité. Le grand débat entre nous portera justement sur la mise en œuvre ou non de ce principe de mixité.
Nous connaissons actuellement des circonstances extrêmement difficiles. N’oublions jamais que toute réforme fiscale se traduit par des transferts : ceux qui en bénéficient ne disent rien, les autres protestent. Je ne veux pas refaire l’histoire, monsieur le ministre, mais je suis navré de devoir rappeler le sort qui fut réservé à la taxe départementale sur les revenus, en 1992.
Si M. le Premier ministre a pris l’initiative d’ouvrir maintenant le débat, c’est parce qu’une grande réforme prend du temps et ne peut jamais se décider à la veille d’une élection, quelle qu’elle soit ! §
L’amendement de nos amis écologistes a le mérite de déclencher un débat fort intéressant. Si nous sommes d’accord avec la question posée, nous divergeons sur la réponse. Comme nous l’avons dit précédemment, nous ne pensons pas que la fusion soit la voie suprême pour accéder à la justice fiscale. D’autres pistes, qui ont été évoquées, existent.
De façon plus générale, qu’est-ce que le « ras-le-bol fiscal » ? Cette expression qui pollue le débat politique depuis la rentrée de septembre a malheureusement été validée fin août – je le dis sans esprit polémique – par un ministre du Gouvernement. Comme si cette idée était acceptable ! Or ce dont les Français souffrent aujourd’hui, ce n’est pas d’un ras-le-bol fiscal, mais de l’injustice fiscale.
M. Jean Desessard applaudit.
Je partage tout à fait le point de vue d’Edmond Hervé : le libéralisme n’est pas étranger à tout cela. D’aucuns profitent en effet de ce débat, qui part dans tous les sens et vient de tous les côtés, pour capter les mécontentements, les déceptions et les difficultés réelles de nos concitoyens, en lançant une sorte de guerre contre l’impôt en général. On sait quel danger cache ce discours dénonçant trop d’État, trop de fonctionnaires, trop de dépenses publiques. C’est pourquoi nous devons être vigilants et ne pas perdre de vue notre véritable objectif : établir la justice fiscale, au plus vite, et mettre en place une véritable progressivité de l’impôt.
Personne ne doit échapper à l’impôt, car, comme le disait dans les années trente Henry Morgenthau, secrétaire américain au Trésor sous la présidence de Franklin D. Roosevelt, l’impôt est le prix à payer pour vivre dans un monde civilisé.
M. Éric Bocquet. Nos concitoyens veulent bénéficier de services publics et pouvoir faire vivre dignement leur famille. Voilà à quoi sert l’impôt ! Il faut lui redonner son sens. Être contribuable, c’est faire partie d’un espace commun qu’on appelle la République, d’une société, avec tout ce que cela implique en termes de protection et d’épanouissement. Voilà quel est l’objectif ultime de l’impôt ! Prenons garde aux débats dévoyés !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.
Il est clair que nos collègues du groupe des Verts ont déclenché un débat qui dépasse très largement l’habituel examen des amendements du projet de loi de finances, mais, après tout, c’est une bonne chose.
Pour ma part, je ne considère pas que l’annonce du Premier ministre dans le quotidien Les Échos soit un coup politique. §Certes, elle intervient à un moment d’interrogation sur le consentement à l’impôt – je vais y revenir –, mais elle procède d’une nécessité.
Le consentement à l’impôt n’est uniquement une affaire de lisibilité, de simplicité, voire de justice. Il est également lié – nous aurions tort de ne pas tous nous en préoccuper – au fait que nos concitoyens attendent un retour sur investissement, si je puis m’exprimer ainsi.
Les recettes, qu’elles soient fiscales ou sociales, servent à financer les services publics et à assurer nos concitoyens contre les risques liés à la maladie ou la vieillesse. N’oublions pas cette dimension dans la réflexion que nous aurons à mener. Ce n’est pas un conseil que je donne, c’est une conviction profonde que j’exprime. Je pense vraiment que nous aurions tort de nous préoccuper uniquement de la simplicité et de la lisibilité de notre système de prélèvement. Dans la réflexion à venir, à laquelle le Parlement sera associé, nous devrons également nous préoccuper de la qualité et de la quantité des services publics fournis à nos concitoyens. Ma foi, si ce travail peut déboucher sur des réformes, je serai le premier à m’en féliciter.
Nous constatons, au fur et à mesure des textes que nous examinons, que le financement des services publics est de moins en moins garanti. Quant à notre système de protection sociale, il est malade de ses déficits. Pour cette raison, la réflexion à laquelle nous sommes invités doit dépasser le simple sujet fiscal pour englober l’ensemble des prélèvements auxquels sont soumis les Français.
En examinant la contrepartie fournie aux Français en échange des prélèvements fiscaux ou sociaux, nous trouverons sans doute de nombreux progrès à réaliser pour améliorer, par la voie de réformes, la manière dont le service public est rendu.
Lorsque notre collègue Edmond Hervé a pris la parole, j’ai spontanément partagé son sentiment, jusqu’à ce qu’il parle d’irrationalité. Si certaines réactions de nos concitoyens sont sans doute irrationnelles, la feuille de paye et la feuille d’impôt, elles, sont bien concrètes, tout comme sont concrets l’impôt sur les sociétés à 38 % et la taxe à 75 % sur les salaires très élevés.
Pour ce qui concerne les objectifs, je serai moins ambitieux que vous, monsieur le ministre. Bien évidemment, la justice doit être un objectif majeur, mais n’oublions pas l’efficacité. Or j’ai le sentiment aujourd’hui d’une perte d’efficacité de l’impôt, parce qu’il n’y a plus d’envie : les investisseurs étrangers et les créateurs de richesses ont moins envie d’investir en France et les salariés de faire des heures supplémentaires. Comme vous le savez, le désir est le plus important des moteurs.
Sans vouloir relancer le débat qui vient d’avoir lieu, je souhaite apporter quelques précisions.
En ce qui concerne la consubstantialité entre consentement à l’impôt et République, ce que vous avez dit, monsieur Karoutchi, est historiquement vrai. Mais à partir du moment où des forces se coalisent en utilisant les ressorts du poujadisme fiscal pour faire en sorte que la République s’éloigne de ses valeurs, c’est la République qui est menacée. Dès lors qu’il s’agit de lier la question de l’impôt à celle du modèle social français et d’éviter que la République ne soit ébranlée par le poujadisme fiscal, alors il faut rappeler cette consubstantialité dans le contexte particulier qui préside à nos débats.
Par ailleurs, la stabilisation ne signifie pas que nous perdons de vue la nécessité de baisser les prélèvements obligatoires. Cette baisse est inscrite dans la trajectoire des finances publiques que nous avons transmise à la Commission européenne au titre du programme de stabilité. Vous le savez, les prélèvements obligatoires, qui représentent actuellement 46, 1 % du PIB, devront baisser pour atteindre 45, 8 % à la fin du quinquennat.
Cette trajectoire fait partie des engagements que nous avons pris devant les institutions européennes. Lorsque l’on parle de stabilisation, il ne s’agit donc pas de celle du niveau des prélèvements obligatoires, même si elle est inscrite dans la perspective courte du projet de loi de finances pour 2015 ; il s’agit de la stabilisation de la structure de l’impôt, notamment pour les entreprises, …
… qui ont besoin d’avoir une visibilité à moyen et long terme sur les conditions fiscales auxquelles seront soumis leurs investissements.
Il n’y aura ni réforme fiscale, ni stabilisation, ni simplification, ni mise en perspective de la justice fiscale ou de la dimension redistributive de l’impôt si nous ne parvenons pas à redresser nos comptes grâce à des économies significatives.
Je le répète, ce cap ne doit pas être assimilé à l’austérité, contrairement à ce que j’entends. Il vise à garantir que la bonne dépense publique ne sera pas chassée par la mauvaise. C’est la condition de la soutenabilité du modèle social français.
Non, madame la sénatrice ! Il y a 15 milliards d’euros d’économies prévues dans le projet de budget pour 2014. Nous allons poursuivre ce travail, mais nous ne pourrons pas le mener à son terme sans une véritable réflexion sur l’organisation et la structure de nos services publics. Il y va de la soutenabilité du modèle social français et des services publics, auxquels nous tenons par-dessus tout.
C’est parce que nous aurons fait ce travail que nous parviendrons à cheminer ensemble sur les sujets que nous venons d’évoquer. Cette réflexion sur les dépenses permettra d’ajuster les budgets à venir sans alourdir les prélèvements obligatoires. C’est dans ce cadre, équilibré, que nous pourrons mener la réforme fiscale dans des conditions optimales.
Edmond Hervé a parlé de réaction « irrationnelle » de nos concitoyens – j’ai effectivement interrompu notre collègue à ce moment-là – et, vous, monsieur le ministre, vous venez de parler de « poujadisme » en me regardant.
Je suis assez surpris et même un peu inquiet que vous utilisiez ce registre. À mon avis, vous sous-estimez et mésestimez le ras-le-bol fiscal. Les Français ont tout simplement constaté que leurs impôts et les taxes augmentaient. Ce sera aussi le cas l’année prochaine, pour le prix d’un certain nombre de services : la TVA sur les transports, sur les ordures ménagères, sur l’eau, ...
Tout ça, ils le vivent et, bien évidemment, ils en rendent responsables ceux qui prennent les décisions, c’est-à-dire le Gouvernement et votre majorité. Il est difficile de dire le contraire ! Vous ne pouvez donc pas traiter d’antirépublicains, de poujadistes, et j’en passe, ceux qui vous mettent en garde contre la remise en cause du consentement à l’impôt du fait du seuil atteint par les prélèvements obligatoires et balayer d’un revers de main leurs avertissements. Vous faites là une erreur !
Pour ce qui concerne l’absence de lisibilité de votre politique, je vous renvoie aux déclarations successives des membres du Gouvernement. En janvier 2013, par exemple, Jérôme Cahuzac annonçait que la réforme fiscale était « faite ». Puis, tout au long de l’année, on a eu droit à d’autres déclarations, qui ont laissé penser à nos concitoyens que des décisions avaient d’ores et déjà été prises, même si je reconnais, monsieur le ministre, que vous, vous avez affirmé, ici et ailleurs, ne pas croire au grand soir fiscal et vouloir réformer progressivement.
Aujourd’hui, le Premier ministre, devant les difficultés et le mécontentement manifesté par les Français au travers des sondages, nous annonce à nouveau une remise à plat complète. Nous sommes dans la plus grande illisibilité, et cela crée de l’anxiété. Vous devez prendre en considération cet élément. Je le répète, vous ne pouvez pas balayer tout ça d’un revers de main !
Les Français savent bien que, s’ils paient des cotisations et des impôts, c’est pour financer notre modèle social et nos services publics. Mais la question est de savoir jusqu’où nous pouvons aller. On peut toujours, et nous en parlerons au moment de l’examen de l’article 3 relatif au financement de la politique familiale, annoncer la création de 100 000 places de crèche, mais comment on les finance ? Grâce aux collectivités locales, aux caisses d’allocations familiales ? Chaque Français qui a des enfants voudrait avoir une place en crèche. Pour autant, doit-on multiplier les places sans savoir comment on va les financer ?
Dans ce pays, on ne réforme qu’au bord du gouffre, lorsque la situation devient très difficile. Or faire une grande réforme dans un contexte de crise très dure, c’est encore plus compliqué. Il faudrait anticiper un peu !
Pour les collectivités locales, c’est exactement la même chose. Vouloir engager des réformes fiscales importantes alors qu’on est en pleine crise, que les recettes diminuent et qu’on ne sait pas maîtriser suffisamment les dépenses, c’est beaucoup plus compliqué. Voilà peut-être une réflexion pour les cinquante ans qui viennent...
Je reprends à mon compte les propos d’Éric Bocquet. Il est en effet inouï d’entendre parler à l’envi de cette notion de ras-le-bol fiscal. Qui l’invoque…
… la plupart du temps ? Ceux-là mêmes qui ne veulent pas contribuer à l’impôt en fonction de leurs ressources !
Si je devais adresser un reproche au Gouvernement, c’est celui de n’avoir pas pris un certain nombre de mesures plus rapidement, notamment celles que nous avions défendues ensemble lors de l’examen du dernier projet de loi de finances du mandat de Nicolas Sarkozy et qui visaient à rétablir de la justice fiscale. Le fond du problème est là : nous accusons un retard dans l’élaboration d’un programme de transformation de la fiscalité, en particulier sur le plan national.
Notre pays n’a rien à gagner à voir se développer cette notion de ras-le-bol fiscal, qui provoque des rapprochements inattendus entre celui qui paie l’impôt et celui qui ne le paie pas. Évidemment, je parle de l’impôt sur le revenu, car tout le monde paye des impôts en acquittant la TVA. D’ailleurs, à droite, la TVA sociale ne vous a jamais gênés.
La baisse des charges et la TVA sociale, ce n’est pas du tout la même chose !
La TVA sociale devait être payée par l’ensemble des Français, alors que les charges que vous vouliez faire baisser ce sont celles des entreprises.
Ne mélangeons pas tout et posons clairement les termes du débat. Ce n’est pas seulement aux salariés de payer le prix de la compétitivité de l’entreprise ; le capital doit aussi participer à l’allégement des coûts de production.
La justice fiscale, c’est faire en sorte que chacun paye en fonction de ses capacités pour contribuer au maintien des services publics. Les entreprises y ont aussi intérêt : la qualité de nos services publics permet aux jeunes d’acquérir un bon niveau de formation et de devenir des salariés compétents. Il est donc nécessaire d’associer les deux.
Monsieur le ministre, pour ma part, je ne pense pas qu’il soit nécessaire de réduire à tout prix la dépense publique. En revanche, il faut veiller à la qualité de la dépense engagée. Je le répète depuis longtemps, nous devons nous interroger sur notre politique fiscale : plus de 100 milliards d'euros de remboursements et de dégrèvements d’impôt affaiblissent notre budget national.
Je donne acte à Yvon Collin et au groupe du RDSE d’avoir déposé un amendement n° I-513 ayant le même objet. Cependant, dans la mesure où le dispositif était mis en application à partir des revenus de 2016 et n’avait donc aucun impact sur le solde budgétaire de l’exercice 2014, aux termes de la LOLF, il ne relevait pas de la première partie du projet de finances pour 2014.
Sur le sujet, un gigantesque débat nous attend, nous en avons eu un aperçu aujourd'hui. Il est loin d’être épuisé ! Nos collègues écologistes sont donc libres de donner la réponse qu’ils souhaitent à la demande de retrait de leur amendement formulée par la commission.
Je suis très heureuse du débat qui vient d’avoir lieu. Pour moi qui participe rarement aux débats budgétaires, n’étant pas membre de la commission des finances, constater que nous avons choisi la bonne méthode est une satisfaction. Nous avons discuté de ce qui est au cœur de la politique : d’une part, le consentement à l’impôt…
Sourires.
Mme Hélène Lipietz. … et, d’autre part, les dépenses et leur usage. Vous le voyez, les écologistes peuvent être utiles et ne servent pas qu’aux petits oiseaux !
M. Roger Karoutchi rit et applaudit.
Je me réjouis que le ministre ait annoncé qu’une grande discussion sur le sujet allait avoir lieu. En tant qu’écologistes, nous souhaitons qu’elle ne réunisse pas seulement les partenaires sociaux et les parlementaires, mais qu’elle soit aussi ouverte aux citoyens. Elle doit avoir lieu sans tarder ! Au bout de dix-huit mois de présidence, il est temps de s’engager sur cette voie.
La Révolution française est née du refus des nobles d’acquitter l’impôt. Veillons à ce que l’impôt reste au cœur de notre vie sociale et soit accepté en étant de plus en plus clair et lisible. Il faut rappeler à nos concitoyens que l’impôt sert à faire vivre la France et la République. Ne l’oublions jamais, notamment dans nos discours.
M. Yann Gaillard applaudit.
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.
Le 2 du I de l’article 197 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le montant : « 2 000 € » est remplacé par le montant : « 1 500 € » ;
2° À la fin de la première phrase du deuxième alinéa, le montant : « 4 040 € » est remplacé par le montant : « 3 540 € » ;
3° À la première phrase de l’avant-dernier alinéa, le montant : « 997 € » est remplacé par le montant : « 1 497 € » ;
4° À la première phrase du dernier alinéa, le montant : « 672 € » est remplacé par le montant : « 1 672 € ».
Nous abordons l’un des sujets clés du projet de loi de finances pour 2014 : le quotient familial.
L’abaissement du plafond nous est généreusement présenté, notamment dans le rapport de la commission des finances, comme une mesure de justice sociale touchant les ménages les plus aisés. Or nous savons très bien que cette décision n’est qu’une étape dans un processus de longue haleine qui pourrait conduire à la disparition pure et simple du quotient familial.
Selon les estimations fournies par le Gouvernement lui-même, le quotient familial coûterait 12, 4 milliards d’euros aux finances publiques. Il aurait donc un impact significatif sur le produit de l’impôt, puisqu’il faut bien évidemment le mettre en rapport avec les 75, 6 milliards d’euros attendus. Ce serait même la principale « niche fiscale ».
Une telle assertion mérite sans doute d’être analysée avec plus de précision. D’après l’évaluation des voies et moyens, en 2014, près de 12, 9 milliards d'euros serviront à financer des réductions et des crédits d’impôt, dont une bonne partie n’est qu’un pis-aller de la dépense publique ou privée directe. Même amoindrie, la prime pour l’emploi est un succédané de hausse des salaires, dont les employeurs peuvent se dispenser.
Nous connaissons les données du problème : certes, le quotient familial représente 12, 4 milliards d’euros, mais il est partagé entre 7, 78 millions de ménages, c'est-à-dire plus d’un ménage sur cinq. En d’autres termes, cette niche fiscale représente, en moyenne, environ 1 600 euros d’impôt en moins par contribuable concerné. Rien à voir, mes chers collègues, avec le régime ISF-PME ! Certes, il ne coûte que 460 millions d’euros – cela fait tout de même le dixième du produit de l’ISF –, mais il concerne 41 600 ménages, soit, pour chacun d’entre eux, un chèque moyen de 11 060 euros. J’ai d’ailleurs cru comprendre récemment que, contrairement au quotient familial, il était question de le « sanctuariser ». Quelle bonne méthode pour rétablir l’égalité entre les contribuables !
À ce propos, je précise qu’en 2011 – c’est le dernier chiffre dont je dispose – ont été recensés 136 000 déclarants de plus-values possédant 5, 4 milliards d’euros de revenus. Le régime extrêmement favorable d’imposition des plus-values qui figure un peu plus loin dans le texte n’améliorera pas la justice fiscale, me semble-t-il, si c’est bien le sujet qui nous importe ici.
Pour les ménages n’ayant qu’un enfant, les effets du plafonnement se feront sentir à partir de 64 481 euros de revenu de référence, soit un revenu annuel brut de 71 645 euros. Cela correspond à la rémunération de deux cadres touchant environ 3 000 euros nets fiscaux par mois. Dans de nombreux cas, ce seront des couples de salariés, diplômés, normalement payés, qui seront frappés. Selon le rapport de la commission des finances, cette mesure concernera 80 % des foyers dont le revenu est soumis aux taux d’imposition intermédiaires de 14 % et de 30 %.
Je souhaite revenir sur le rôle de cette économie fiscale.
Aujourd’hui, dans les faits, nous avons un dispositif où les allocations familiales participent, comme le quotient familial, à la politique familiale générale du pays. Au demeurant, les sommes en jeu sont quasiment les mêmes : les allocations familiales liées à l’enfant, de caractère universel, ont le même « coût » que le quotient familial. Réalisera-t-on un transfert de l’un à l’autre, avec le milliard d’euros attendu de l’application de l’article 3, par exemple en finançant l’attribution d’allocations familiales dès le premier enfant ? Malheureusement, la somme ainsi « économisée » sera immédiatement engloutie dans le financement d’une nouvelle exonération de cotisation sociale relative aux allocations familiales normalement due par les entreprises.
La question que pose cette mesure, c’est encore une fois celle de la fiscalité de substitution, un impôt nouveau frappant les ménages venant alléger la contrainte des entreprises. Observons d’ailleurs que l’État va faire à cette occasion coup double, puisque la base imposable des entreprises, en général, sera majorée de 1 030 millions d’euros et pourra produire 340 millions d’euros de recettes fiscales en plus.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre l’article 3.
Cet article vise à réduire l’avantage conféré par le quotient familial. Pour éviter tout suspense, je dis tout de suite que nous y sommes favorables et que nous voterons contre les amendements qui ont été déposés.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, la politique familiale a deux objectifs : augmenter la natalité et favoriser le bien-être de l’enfant.
En tant qu’écologiste, je ne peux naturellement pas cautionner le premier objectif : dans un monde aux ressources naturelles limitées, l’augmentation de la natalité ne paraît pas souhaitable.
En revanche, le second objectif, à savoir le bien-être de l’enfant, nous importe. De ce point de vue, l’urgence est réelle. Sur un total de 9 millions d’enfants environ dans notre pays, 2, 7 millions d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté : un enfant sur cinq, en France, a des parents dont le revenu est inférieur à 964 euros, après versement des allocations familiales.
Dans le contexte budgétaire et financier difficile que nous connaissons, deux solutions ont été proposées : moduler les allocations en fonction du revenu ou baisser le plafond du quotient familial.
La première solution permettrait de concentrer les aides vers les plus défavorisés. Toutefois, les écologistes sont attachés au principe d’universalité de l’allocation dans l’intérêt des droits de l’enfant, quels que soient son milieu, son origine, son histoire. De même que je défends le concept d’un revenu citoyen pour tous, je soutiens le principe de l’allocation inconditionnelle pour chaque enfant, et ce dès le premier enfant. C’est pourquoi je salue la décision du Gouvernement de retenir la solution de l’abaissement du plafond du quotient familial.
Aujourd’hui, le quotient familial coûte chaque année 13 milliards d’euros à l’État. Les deux tiers de cette somme profitent aux 20 % des familles les plus riches. À titre d’exemple, pour une famille dont les parents touchent à eux deux le SMIC, le quotient familial est un avantage de 279 euros par an et par enfant, tandis que, pour une famille dont les parents perçoivent à eux deux six fois le SMIC, le quotient familial représente un avantage de 2 000 euros par an et par enfant. Il est donc parfaitement normal de revoir cet avantage à la baisse. À terme, lors de la grande réforme fiscale, il faudra même, me semble-t-il, envisager la disparition du quotient familial
Protestations sur les travées de l'UMP.
Mes chers collègues, je vois que c’est vous qui rechignez à faire des économies.
Alors que ce sont ceux qui paient le plus d’impôts qui en profitent le plus !
Des solutions alternatives existent.
L’association ATD Quart Monde et l’ancienne Défenseure des enfants, Dominique Versini, proposent de remplacer le système du quotient familial par un crédit d’impôt universel de 715 euros par an et par enfant. Cette solution ferait sortir immédiatement 500 000 enfants de la pauvreté, sans que cela coûte 1 euro supplémentaire à l’État.
Les écologistes souscrivent pleinement à cette proposition, qui a le mérite de recentrer la politique familiale sur son objectif principal, à savoir fournir des ressources suffisantes pour le bien-être de l’enfant, de manière égalitaire pour tous les foyers.
En conclusion, nous nous réjouissons que le Gouvernement propose une réforme du quotient familial, mais nous appelons de nos vœux la suppression de cet avantage fortement inégalitaire dans le cadre de la prochaine grande réforme fiscale.
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.
Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° I-23 rectifié ter est présenté par MM. Adnot et Bernard-Reymond.
L'amendement n° I-362 est présenté par MM. Dallier, de Montgolfier, Lefèvre et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
L'amendement n° I-453 est présenté par MM. Delahaye, Maurey et Guerriau, Mme Létard et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L’amendement n° I-23 rectifié ter n'est pas soutenu.
La parole est à M. Philippe Dallier, pour présenter l'amendement n° I-362.
Après avoir ramené le plafond du quotient familial de 2 336 euros à 2 000 euros l’an dernier, vous nous proposez cette année de l’abaisser à 1 500 euros. J’ai été heureux de constater qu’au sein de la majorité très plurielle les avis étaient radicalement différents sur le sujet : Mme Beaufils défend le principe du quotient familial, tandis que M. Desessard veut tout simplement le supprimer.
Ce débat a été ouvert par un rapport de la Cour des comptes à la fin de l’année dernière. Constatant le déficit croissant de la branche famille de la sécurité sociale, il formulait la proposition, très controversée, de soumettre les prestations familiales à l’impôt sur le revenu. Le rapport Fragonard a par la suite avancé plusieurs solutions, parmi lesquelles la modulation des allocations familiales en fonction des ressources et l’abaissement du plafond du quotient familial. C’est finalement cette dernière solution que vous avez retenue.
Cette simple mesure ne suffira pas, à elle seule, à rééquilibrer la branche famille de la sécurité sociale. D’ici à 2016-2017, ce sont en effet 3 milliards d’euros environ qui sont à trouver. En outre, les diverses annonces, telles que la création de 100 000 places de crèche ou la réforme des rythmes scolaires, auront un impact sur la caisse d’allocations familiales, aussi bien en termes d’investissement que de fonctionnement. La CAF va en effet participer au financement de la réforme des rythmes scolaires, à travers les projets éducatifs territoriaux. Sauf à considérer que le financement de cette réforme proviendra d’une moindre contribution au financement d’autres postes, comme les crèches par exemple, des moyens supplémentaires seront nécessaires.
Des promesses ont également été faites au patronat, dans le cadre de la réforme des retraites, se traduisant par la disparition de cotisations patronales finançant la branche famille. Il faudra bien trouver les moyens de compenser cette perte de recettes !
Votre choix pèsera, une fois encore, principalement sur les classes moyennes. Le rapport Fragonard avait pourtant préconisé de ne pas viser les classes moyennes supérieures. Encore faudrait-il que nous nous mettions d’accord pour savoir ce qu’est la « classe moyenne supérieure », alors que nous ne nous entendons pas sur la définition de la « classe moyenne ». En outre, vous allez toucher les familles avec un seul enfant, lesquelles ne bénéficiaient pas de ces allocations familiales.
Finalement, non seulement la solution proposée ne réglera pas l’ensemble des problèmes posés, mais elle va, une nouvelle fois, alourdir les impôts des classes moyennes, y compris les classes moyennes supérieures. Voilà pourquoi nous souhaitons supprimer cet article.
La parole est à M. Vincent Delahaye, pour présenter l'amendement n° I-453.
Monsieur le ministre, nos analyses divergent profondément. Vous semblez concevoir le quotient familial non pas comme un dispositif de soutien aux familles mais comme une niche qu’il faudrait raboter, afin de combler les déficits. Vous confondez la politique fiscale de rendement et la politique familiale ! Or le principe selon lequel l’imposition par foyer fiscal, c’est-à-dire à partir des quotients conjugal et familial, est bel et bien un principe fondateur de l’impôt sur le revenu et non une niche fiscale devrait être réaffirmé.
Les sénateurs centristes sont, comme vous, en faveur d’une meilleure progressivité de l’impôt sur le revenu. À titre d’exemple, je rappelle que, depuis 2008, le groupe centriste du Sénat a déposé régulièrement des amendements visant à créer une nouvelle tranche marginale d’impôt sur le revenu. Cette demande a été plus que satisfaite dans la dernière loi de finances. Toutefois, beaucoup de chemin reste à parcourir pour combler les carences qui minent encore l’impôt sur le revenu. Pour autant, je ne crois pas que cela passe par l’extinction progressive, ordonnée et méthodique du quotient familial, telle que vous la mettez en place année après année.
Le fondement de votre projet est plus idéologique que budgétaire. Selon vous, le quotient familial n’est qu’un outil favorable aux ménages les plus aisés. C’est faux ! Les chiffres les plus élémentaires le démontrent.
Dans un contexte de crise généralisée et de matraquage fiscal, un soutien au pouvoir d’achat des familles serait le bienvenu. C’est pourquoi je propose de supprimer le présent article.
Ces amendements tendent à supprimer l’article 3, qui vise à abaisser de 2 000 euros à 1 500 euros le plafond du quotient familial.
Ma position se fonde essentiellement sur des arguments de fond. En effet, il est faux d’affirmer que l’abaissement du plafond du quotient familial modifie le caractère familial de l’impôt sur le revenu. Le mécanisme du quotient familial est au contraire confirmé.
L’abaissement du plafond relève d’une appréciation du juste niveau des avantages fiscaux accordés, au regard de la capacité contributive de chaque foyer. Ainsi, l’abaissement du plafond du quotient familial a pour effet de renforcer la redistribution verticale de notre politique familiale et la progressivité de l’impôt sur le revenu, garantissant en cela la justice fiscale. Il n’y a donc pas de coup de rabot.
Seuls 12 % des foyers fiscaux avec enfant à charge seront concernés par les mesures figurant à l’article 3. À l’inverse, ce sont près de 10 millions de foyers plus modestes qui continueront de bénéficier à plein de leur part de quotient. Dans ces conditions, l’article 3 apparaît comme une mesure d’équité et de sauvegarde de la famille puisqu’il permet de préserver le principe d’universalité.
Je le répète, il est totalement faux de prétendre que l’abaissement du plafond du quotient familial remet en cause la politique familiale et le soutien à la natalité des Français. Par conséquent, je ne peux qu’être défavorable à ces deux amendements de suppression.
L’abaissement du plafond du quotient familial n’est pas une remise en cause de la politique familiale dans ses principes. En effet, le quotient familial demeure, et la mesure ne concernera que 12 % à 13 % des familles, parmi les plus aisées.
Je rappelle que la branche famille de la sécurité sociale enregistre un déficit de 2, 5 milliards d’euros. Personne ne l’a dit aujourd’hui ! Si nous n’y avions pas été confrontés à notre arrivée aux responsabilités, nous n’aurions pas eu à régler le problème. Nous en revenons donc toujours au même sujet : si nous ne comblons pas ce déficit, c’est la soutenabilité à long terme des politiques familiales et sociales qui sera en jeu.
Un autre élément entre en ligne de compte : la politique familiale doit désormais répondre à de nouveaux besoins. Cette mesure, qui, je le répète, ne remet pas en cause les principes de notre politique familiale et ne touche pas la majorité des familles, va permettre de financer de nouvelles actions : 270 000 places d’accueil supplémentaires sur tout le territoire, l’augmentation de 25 % de l’allocation de soutien familial et de 50 % du complément familial, au bénéfice des familles les plus en difficulté. Nous modernisons la politique familiale et nous offrons aux familles de France des services qui, jusqu’à présent, n’étaient pas financés.
Cet article ne remet pas en cause les principes de notre politique familiale et n’est pas contraire à la justice ; il permet de mettre en place de nouvelles actions en faveur d’un très grand nombre de familles françaises, tout en comblant le déficit de la branche famille. Sauf à renoncer à combler les déficits, sauf à ne pas répondre aux besoins des familles, sauf à accroître les injustices, nous ne pouvons accepter ces amendements.
Ce que je viens d’entendre me laisse perplexe. On laisse penser que notre opposition à cette mesure relèverait sinon d’un romantisme dépassé, du moins d’une vision archaïque de la famille.
Lorsque, en 1939, Alfred Sauvy rédige le code de la famille, qui ne sera mis en place qu’après la guerre, la France souffre d’un grave déficit de naissance par rapport aux autres pays européens. Elle subit en effet le choc des dictatures italiennes et allemandes, où les taux de natalité sont extrêmement élevés. La mise en œuvre du code de la famille à l’issue de la guerre ne relève donc pas du romantisme, il répond au fait que le peuple français a besoin de retrouver une croissance, une force, une envie.
Aujourd’hui, notre pays n’est pas dans la situation de l’Allemagne, qui est contrainte de signer des conventions avec un certain nombre de pays pour disposer de la masse de travailleurs dont elle a besoin pour remplacer les départs à la retraite des actifs. C’est vrai que nous devons trouver un équilibre, mais devons-nous pour autant remettre en cause la politique familiale, qui, depuis cinquante ans, fait que notre pays a le taux de natalité et de renouvellement de génération parmi les plus forts d’Europe avec l’Irlande ? Une nation doit aussi se perpétuer, s’accroître. Au lieu de diminuer le quotient familial, lançons plutôt un signal fort, donnons au peuple français envie de croire en lui.
L’équilibre financier dépend aussi du taux de natalité. Combien coûtent aux États les politiques migratoires – ce n’est pas une critique à cet égard – qu’ils sont obligés de mener parce qu’ils n’ont plus le nombre d’actifs nécessaires ? Combien coûte à l’État une faible natalité, pas uniquement au regard de la branche famille, mais par rapport à toutes les politiques qu’il conduit ?
Dire comme M. le ministre ou M. le rapporteur général qu’abaisser le quotient familial revient à confirmer son existence est tout de même extraordinaire ! La logique est imparable, mais, franchement, quel signal adresse-t-on aux familles ? Le plafonnement du quotient familial ne touche peut-être que 12 % ou 13 % de celles-ci, mais tout le monde se dit que, passant de 2 300 euros à 2 000 euros, puis à 1 500 euros, ce sera 1 000 euros la prochaine fois, et pourquoi pas sa suppression pure et simple, comme le suggère M. Desessard.
La politique familiale, le taux de natalité, la croyance dans les familles, c’est l’une des forces de notre démocratie, de notre nation. Je ne comprends pas que la question soit traitée comme s’il s’agissait d’un simple élément fiscal et financier, sans en mesurer toutes les conséquences.
Je partage le point de vue que vient d’exposer notre excellent collègue Roger Karoutchi. Je m’étonne que l’on puisse affirmer que le quotient familial est conforté après deux années successives de baisse. Pensez-vous que 1 500 euros soit un bon niveau, monsieur le ministre, ou continuerez-vous, les années suivantes, à diminuer le plafond ?
Vous précisez que la mesure touche 13 % des foyers fiscaux imposables sur le revenu. En 2011, 2 % des familles acquittaient 39 % de l’impôt sur le revenu. Je ne sais quelle part de l’impôt sur le revenu représentent ces 13 % de familles – la majeure partie, à mon avis, mais peut-être nous communiquerez-vous les chiffres tout à l'heure –, mais le fait de leur demander 1 milliard d’euros supplémentaire n’est pas négligeable.
Certes, je comprends qu’il faille réaliser des économies pour financer la branche famille. Je ne suis pas un grand spécialiste en la matière, mais il me semblait que la branche famille relevait du projet de loi de financement de la sécurité sociale et l’impôt sur le revenu du projet de loi de finances. Je me demande donc si le milliard d’euros ainsi récupéré ira vraiment à la branche famille ou s’il sera intégré aux 82 milliards d’euros de déficit du PLF. En effet, 2, 5 milliards d’euros de déficit pour la branche famille, c’est beaucoup ; mais 82 milliards d’euros de déficit pour le budget, c’est bien plus !
Je ne suis pas favorable à cette politique de baisse systématique – temporaire, je l’espère – du quotient familial. Il conviendrait de remettre à plat la fiscalité, mais en conservant ce soutien aux familles qui me paraît très important dans la politique fiscale française.
Notre excellent collègue Roger Karoutchi, en termes plus excellents encore, a défendu la politique du quotient familial. Je voudrais simplement rappeler à M. le ministre, qui feint de le méconnaître – mais il est bien trop cultivé pour cela –, que la politique de la famille n’a jamais été, en France, une politique de redistribution des revenus entre les familles les plus aisées et les moins aisées, car cela n’est pas possible quantitativement. La politique de la famille est une redistribution entre les ménages qui ont des enfants et ceux qui n’en ont pas.
Certes, il existe une injustice, certains ménages ne pouvant pas avoir d’enfant. Il se trouve néanmoins que, depuis 1939, la politique familiale initiée par le grand démographe Alfred Sauvy a eu pour objet de faire en sorte que les familles, à revenus identiques, ne soient pas pénalisées dès lors qu’elles faisaient l’effort non seulement d’élever des enfants, mais aussi de les mettre à la disposition du pays lorsque la conscription existait et, d’une façon heureusement plus civile, à celle du régime de retraite par répartition, dont nous avons longuement parlé ces dernières semaines, par leur activité.
Cette solidarité fonctionne au sein des Français entre ceux qui n’ont pas d’enfants et ceux qui en ont, ce qui correspond à une charge ; cet équilibre se fait catégorie par catégorie. Vous récusez cette analyse, mais il s’agissait de faire en sorte que les familles prolifiques – les familles prolétaires sont des familles qui ont des enfants, c’est l’étymologie – ne soient pas pénalisées par rapport au malthusianisme bourgeois qui prévalait au XIXe siècle et limitait la démographie pour ne pas partager la rente.
Il y eut une rupture à la fin de la IIIe République, heureusement relayée par la IVe République, avec une politique familiale incitant, niveau par niveau, à être généreux et à briser le cercle du malthusianisme.
En supprimant progressivement le quotient familial – vous pouvez certes dire, par une casuistique invraisemblable, que c’est un hommage rendu au quotient familial puisque vous le diminuez et ne le supprimez donc pas ! –, vous méconnaissez profondément une réalité, qui est que les enfants pèsent lourdement sur les familles qui en ont la charge.
Certes, il y a un effet redistributif, mais vous ne pouvez pas demander à la politique familiale de réparer toutes les différenciations de revenus qui existent dans notre pays et dont les ressorts sont d’une diversité infinie. C’est exactement la limite de votre raisonnement, que l’on retrouve d’ailleurs dans le domaine des retraites agricoles, où vous faites un effort – louable – d’amélioration du minimum vieillesse, mais que vous faites financer par les seuls agriculteurs, catégorie en baisse démographique.
Votre sens de la solidarité sociale s’exerce dans certains cas au plan national, voire international, et se limite dans d’autres au sein d’une catégorie, en l’occurrence les familles. Comme l’ont souligné nos collègues Delahaye et Karoutchi, vous considérez la politique familiale non plus comme une ambition nationale, mais comme une simple redistribution à l’intérieur d’une catégorie. Après tout, vous dites-vous, les gens font le choix d’avoir des enfants ou de ne pas en avoir, cela nous concerne peu… Vos prédécesseurs, tout au long de la IVe et de la Ve République, avec un succès évident, avaient pourtant accepté cette réalité simple : avoir des enfants est plus coûteux que de ne pas en avoir, et avoir des enfants est un service rendu à la collectivité qui mérite d’être reconnu par celle-ci. Vous ne le reconnaissez plus !
M. Karoutchi l’a dit, la politique nataliste instaurée après-guerre visait à encourager l’ensemble des familles à avoir davantage d’enfants. Or, comme un enfant dans une famille riche devait tenir son rang et coûtait plus cher, on donnait davantage aux familles riches qu’aux familles pauvres !
M. Jean Desessard. Bien sûr ! Croyez-vous que 9 milliards d’humains puissent vivre sur terre sans problèmes sociaux, sans provoquer une crise économique et écologique ? Nous n’en sommes pas encore à prendre des mesures drastiques, mais, en tout cas, les écologistes ne peuvent défendre une politique d’augmentation de la natalité. Ouvrons plutôt les frontières !
Exclamations sur les travées de l'UMP.
D’ailleurs, comme le montre une carte dans un journal bien documenté, la France va se trouver amputée d’une partie de son territoire par la montée des océans. Au demeurant, notre pays ne sera pas le seul à en souffrir ! Sans entrer dans le détail et dans les prévisions à vingt ou trente ans, je vous pose la question : défendre l’idée qu’il faut être plus nombreux, pour quoi faire ? Comment assurer un minimum de bien-être à l’ensemble des habitants de la planète ?
Vous l’aurez compris, les écologistes ne défendent pas une politique nataliste. Ils sont au contraire attachés au bien-être de l’enfant et défendent une allocation inconditionnelle, égalitaire pour chaque enfant.
Monsieur le ministre, je regrette que vous ne m’ayez pas écouté attentivement lorsque j’ai défendu l’amendement. Vous nous avez reproché de ne pas mentionner le déficit à combler, mais je l’ai fait ! J’ai replacé cette disposition dans le contexte d’un nécessaire retour à l’équilibre.
Parallèlement, j’ai souligné que vous faisiez des promesses qui seraient difficiles à tenir. Vous annoncez 275 00 places, dont les 100 000 places en crèche que j’ai évoquées, auxquelles il convient d’ajouter les 75 000 gamins de moins de trois ans accueillis à l’école et les 100 000 places chez les assistantes maternelles. Serez-vous en mesure de tenir cet engagement ? La vérité, c’est que ce sont les collectivités locales qui assumeront la charge des places en crèche collective !
Ce sont les communes ou les départements qui construisent les crèches, les financent et, au bout du compte, paient le différentiel.
Dans le contexte actuel de baisse de la dotation globale de fonctionnement, de baisse des droits de mutation à titre onéreux, de financement de la réforme des rythmes scolaires, sans compter la baisse de 15 % en moyenne de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, que nous venons d’apprendre, l’ensemble des collectivités locales va se trouver en très grande difficulté. Dès lors, comment pourrons-nous tenir l’engagement des 100 000 nouvelles places de crèche et d’accueil des 75 000 gamins supplémentaires de moins de trois ans à l’école ? Il faudrait des locaux, des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, et tout ça a un coût !
Alors, certes, si les collectivités locales ne suivent pas, la dépense n’existera pas. Peut-être vous raccrochez-vous à cet espoir, sachant que ce milliard d’euros ne sera pas suffisant pour couvrir toutes ces dépenses.
Je vous reproche vos effets d’annonce : il y a un déficit à couvrir, mais vous engagez des dépenses supplémentaires. Or nous ne serons pas en mesure de tenir ces promesses faites aux Français par l’État et dont la mise en œuvre est transférée aux collectivités locales !
Les amendements ne sont pas adoptés.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-74, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. - Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Éric Bocquet.
Une sorte de mise en perspective s’impose.
Dans l’esprit de certains, le quotient familial constitue une forme d’obstacle assez évident à toute « remise à plat » ou « réforme » de l’impôt sur le revenu.
Le défaut rédhibitoire de notre impôt sur le revenu, nous dit-on, est de souffrir non seulement d’un barème dont le taux marginal est trop élevé, mais aussi, et surtout, d’une assiette minée par les exemptions, les régimes dérogatoires et les réductions d’impôt. Le montant estimé dans le document d’évaluation des voies et moyens est assez important : plus de 30 milliards d’euros.
Permettez-moi de donner quelques exemples : nous ne connaissons pas le coût du régime d’imposition séparé des plus-values de manière générale ; nous ne connaissons pas le coût budgétaire du « Malraux » ; nous ignorons l’impact réel des déficits fonciers sur le rendement de l’impôt sur le revenu ; nous n’avons guère d’indications sur le coût fiscal réel des contrats d’assurance vie ou des plans d’épargne. Nous pourrions ajouter, à propos d’un autre impôt direct, l’ISF, que nous ne savons pas non plus l’impact de l’exonération des biens professionnels, des œuvres d’art et des objets d’antiquité sur l’assiette de cette imposition.
Au-delà de ces questions, nous l’avons dit, l’objectif est affiché : le quotient familial est appelé à se réduire peu à peu, jusqu’à s’éteindre, parce qu’il coûterait trop cher... En vérité, sa disparition, une fois remise à plat notre fiscalité, visera à rendre parfaitement inévitable la fusion entre la contribution sociale généralisée et l’impôt sur le revenu.
La CSG, comme chacun le sait, est aujourd’hui devenue – même si elle finance la sécurité sociale – le premier étage de l’impôt sur le revenu, touchant de la même manière tous les revenus ou presque. Elle est proportionnelle, prélevée à la source et présente l’avantage d’être collectée dans l’entreprise.
Le second étage, l’impôt sur le revenu lui-même, est censé frapper de manière progressive et équitable les contribuables à raison de leurs ressources. Si l’impôt sur le revenu était débarrassé des niches fiscales, du quotient familial et de je ne sais quoi encore, nul doute que la fusion serait plus aisée.
Comme nous l’avons dit, nous sommes clairement opposés à la fusion entre la CSG et l’impôt sur le revenu, car l’affaire ne va pas sans poser quelques problèmes.
La privatisation du prélèvement emporterait celle des données, et nous n’avons aucune garantie d’aucune sorte que, contrairement aux registres gérés par les services de la Direction générale des finances publiques, les informations confidentielles et personnelles concernant la situation fiscale des salariés ne fassent l’objet de fuites...
Nous n’ignorons pas certains des avantages de la formule, notamment celui qui consisterait, dans un monde idéal, dont on peut toujours rêver et à la réalisation duquel nous travaillons les uns et les autres, à faire en sorte que l’État perçoive, dès le début du mois de septembre ou d’octobre, la totalité de l’impôt sur le revenu en s’accordant sur un rythme mensuel constant et régulier. Il est aisé de comprendre que le fait de percevoir plus de 8 milliards d’euros dès le mois de janvier, au titre de l’impôt sur le revenu, est toujours mieux que de constater, sur les cinq premiers mois de l’année, une dégradation constante et plus ou moins importante des comptes publics, liée à l’excédent des dépenses sur les recettes. Reste que, dans un premier temps, les salariés et retraités supporteront l’essentiel de la facture et seront donc les premiers à « prêter » à l’État le montant de leurs virements provisionnels, qui deviendraient excédentaires.
Pour ces quelques motifs, les auteurs de cet amendement proposent de supprimer les alinéas 2 et 3.
L'amendement n° I-363, présenté par MM. Lefèvre, de Legge, de Montgolfier et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer le montant :
par le montant :
II. – Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
III. – Alinéa 4
Remplacer le montant :
par le montant :
IV. – Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
V. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Dallier.
Les auteurs de l’amendement souhaitent revenir au niveau de plafonnement antérieur à la réforme introduite par le projet de loi de finances pour 2013.
Nous prolongeons là une discussion que nous avons eue précédemment. Vous ne serez donc pas surpris que la commission ait émis un avis défavorable sur ces deux amendements anti-redistributifs, dont l’adoption entraînerait une perte de recettes pour le budget de l’État, en particulier l’amendement visant au rétablissement du montant du plafonnement de l’avantage à 2 336 euros par demi-part de droit commun, soit le montant antérieur à la réforme introduite par le projet de loi de finances pour 2013.
Je veux répondre à l’excellent docteur Desessard, dont la vocation politique est de s’occuper du monde entier et des 9 milliards d’êtres humains qu’il imagine peupler la Terre en 2050. Je lui suggère de s’intéresser d’abord à la France. Il est de notre devoir absolu de combattre cette plaie qu’est le malthusianisme dans notre pays, ce refus de la vie qui consiste à être parcimonieux et à considérer que ce don n’est pas le plus beau que l’on puisse faire à la collectivité.
C’est parce qu’une nation est jeune, c’est parce qu’il y a des enfants qui nous poussent à nous remettre en question, quand ils ne nous poussent pas dehors
Sourires.
Une société qui vieillit est une société frileuse, inquiète, qui se replie sur elle-même. Une société jeune est certes moins stable, plus coûteuse, mais c’est une société en mouvement : elle se remet en cause, elle interroge les générations qui l’ont précédée en leur demandant, à juste titre : qu’avez-vous fait de vos talents ? Une telle société est donc extraordinairement vivante.
Le combat pour la justice sociale et pour la redistribution ne peut être assumé par la seule Caisse nationale d’allocations familiales. La politique familiale a sans doute un caractère plus modeste, mais elle est passionnante à long terme : défendre l’idée que la natalité est une espérance, une création permanente, qui, bien que portée par des ménages individuels, représente un véritable gain collectif. Cela doit se traduire par des politiques permettant à la famille, quel que soit son milieu, de ne pas pâtir des comportements malthusiens.
Ce que vous faites à travers cette extinction, ce refus de l’égalité entre ceux qui ont des enfants et ceux qui n’en ont pas, revient à accréditer les comportements malthusiens qui ont essoufflé notre pays et qui l’ont sans doute conduit, au milieu du siècle précédent, à être timoré, inquiet, à ne plus assumer ses responsabilités. L’effondrement démographique qu’évoquait Roger Karoutchi explique son acceptation de toutes les servitudes, car le dynamisme de la jeunesse avait disparu.
Nous savons bien que les familles ne font pas des enfants en fonction du quotient familial. Toutefois, nous savons aussi que ce dispositif, au même titre qu’un certain nombre d’autres aides, permet aux familles d’envisager l’arrivée d’un deuxième ou d’un troisième enfant. Or ce que nous sommes en train de faire à travers la politique que nous menons en direction des jeunes ou des vieux revient à assombrir encore un peu plus l’avenir.
Je voterai bien entendu l’amendement du groupe UMP, mais je tenais surtout à dire que je voterai celui du groupe CRC, qui, bien qu’incomplet, fait preuve d’un peu plus de bon sens que le dispositif gouvernemental.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote sur l'article.
Le groupe UMP demande un scrutin public sur cet article, qui, contrairement à ce que M. le rapporteur général et M. le ministre ont indiqué, remet en cause un principe de base de l’impôt sur le revenu : le quotient familial. Figurant dans notre législation depuis 1946, ce principe est issu des travaux du Conseil national de la Résistance, dont la gauche ne cesse de se prévaloir.
Vous n’êtes pas sans savoir que l’arrivée d’un enfant entraîne des dépenses supplémentaires.
Une étude très précise et sérieuse estime que le revenu disponible des familles nombreuses est inférieur de 25 % à celui des ménages sans enfant. Dès lors, le rôle du quotient familial est d’assurer une solidarité non pas entre les familles aisées et les familles modestes, mais, à revenu équivalent, entre les foyers qui ont des enfants et ceux qui n’en ont pas.
Beaucoup a été dit sur le sujet, mais je tiens tout de même à rappeler à M. le rapporteur général que la possibilité de déduire du revenu imposable la pension alimentaire pour l’aîné d’une famille figure dans la loi. Cet avantage fiscal ne manquera d’ailleurs pas d’être sollicité. Cela induira un manque à gagner inhérent à l’isolement de l’enfant majeur, non seulement en termes de taxe d’habitation, mais également en termes d’impôt sur le revenu, car le nouveau foyer fiscal, en toute hypothèse, sera non imposable.
Il nous est expliqué qu’il n’y a pas d’injustice à se servir des familles comme variable d’ajustement pour combler le déficit de la branche famille, plutôt que de faire appel à la solidarité nationale. Je le rappelle pourtant, l’élaboration d’une véritable politique familiale est un enjeu national et elle est du ressort du Gouvernement.
Dans ce débat, nous aurions souhaité que chacun ait le courage de dire le fond de sa pensée, comme l’a fait M. Desessard. Assumez clairement votre opposition à la solidarité familiale, l’un des rares atouts qui nous restent ! Une démographie positive permet d’assurer à terme la pérennité du système de retraite par répartition, auquel nous sommes tous attachés. Si nous encourageons les familles à n’avoir qu’un enfant, comme le souhaite M. Desessard, ce système est condamné !
Par ailleurs, certains arguments m’étonnent beaucoup. J’entends que le quotient familial ne concernerait que les familles aisées. Dans mon agglomération, ce sont les familles issues du regroupement familial qui seront les plus touchées. Si vous pensez que cette mesure va dans le sens du progrès social, c’est que vous êtes largement à côté de la plaque !
Je mets aux voix l’article 3.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 69 :
Nombre de votants345Nombre de suffrages exprimés345Pour l’adoption156Contre 189Le Sénat n’a pas adopté.
Applaudissements sur les travées de l’UMP.
Mes chers collègues, à la demande du Gouvernement, nous allons interrompre nos travaux pour quinze minutes.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures cinq.
L'amendement n° I-18, présenté par Mme N. Goulet et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 5 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sont redevables d’une contribution de solidarité sur le revenu, les fonctionnaires internationaux qui ne sont pas assujettis à l’impôt sur le revenu. Cette contribution est fixée à 10 % du revenu des personnes assujetties. »
II. – Le Gouvernement remet avant le 1er juin 2014 un rapport au Parlement établissant la liste complète et l’affectation exacte des fonctionnaires internationaux de nationalité française.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Cet amendement tend à réparer un léger trou dans la raquette. Il trouve parfaitement sa place dans le présent projet de loi de finances, qui, nous dit-on depuis le début de son examen, vise à apporter plus de justice sociale.
D’après mes recherches, environ 350 organismes internationaux sont soumis à la convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961, dont les articles 34 et 38 exonèrent totalement les fonctionnaires internationaux d’impôt sur le revenu. Il y va ainsi du directeur général du Fonds monétaire international, des fonctionnaires de l’ONU, de l’UNESCO, de l’OCDE, du Bureau international du travail, de l’OMS ou de la Banque mondiale. En cette période de difficultés économiques, alors que tous les États ont des efforts à faire, une telle exonération est extrêmement choquante.
La Délégation des fonctionnaires internationaux, qui est rattachée au Quai d’Orsay, n’a pas de chiffres exacts sur le nombre de fonctionnaires français travaillant dans les organisations internationales. Or les Français qui travaillent dans de telles organisations ou qui sont fonctionnaires européens sont exonérés d’impôt sur le revenu, comme d’ailleurs les autres fonctionnaires internationaux.
La France a été pionnière sur la taxe internationale sur les transactions financières, sur la taxe sur les billets d’avion ou sur la séparation des activités bancaires et spéculatives. C’est la preuve que notre pays est capable d’innover en matière de fiscalité.
Cet amendement tend à instaurer une fiscalisation des fonctionnaires internationaux. D’aucuns me répondront sans doute que la mise en œuvre d’une telle solution est compliquée en raison des conventions internationales. J’ai donc consulté le texte de la convention de Vienne.
Aux termes de l’article 34, l’agent diplomatique est « exempt de tous impôts et taxes, personnels ou réels, nationaux, régionaux et communaux », à l’exception des « droits de succession », ce qui est bien normal, des « impôts et taxes perçus en rémunération de services particuliers rendues » et des « droits d’enregistrement, de greffe, d’hypothèque et de timbre ».
L’article 38 envisage l’éligibilité à l’imposition nationale de fonctionnaires ressortissant d’un pays qui serait en outre l’État où siège une organisation internationale, comme c’est le cas de l’Italie pour la FAO ou de la France pour l’UNESCO. Et si des États imposent leurs fonctionnaires qui travaillent à l’ONU, l’organisation rembourse le montant de l’impôt versé !
Vous le voyez, monsieur le ministre, la marge de progression est extrêmement importante. Je crois que 20 000 personnes sont concernées pour la France. Il convient d’ajouter à ce chiffre les fonctionnaires européens.
L’idée est que le Sénat montre aujourd'hui l’exemple en fiscalisant les fonctionnaires français travaillant dans les organisations internationales. Ma demande d’aujourd'hui concerne évidemment les fonctionnaires français, mais vous pourrez ensuite porter cette mesure au niveau européen, pour que nos partenaires instaurent également une telle contribution de solidarité pour leurs fonctionnaires, avant d’étendre le dispositif à d’autres pays membres de l’ONU.
La commission des finances a bien conscience que Nathalie Goulet soulève, comme souvent, un problème particulièrement intéressant.
En vertu des articles 34 et 38 de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques, qui date de 1961, les fonctionnaires internationaux sont notamment exonérés d’impôt sur le revenu. L’amendement de Mme Goulet vise donc à soumettre à une imposition de 10 % de leur revenu les fonctionnaires internationaux, qui ne sont aujourd’hui pas assujettis à l’impôt sur le revenu. Notre collègue demande également la remise d’un rapport sur le sujet.
La commission des finances considère que la question est importante, mais qu’elle pourrait difficilement être traitée dans le cadre d’un tel amendement. Certes, c’est un amendement d’appel, mais, en l’état, la solution proposée n’est, semble-t-il, pas compatible avec nos conventions internationales. Néanmoins, le sujet doit certainement pouvoir être approfondi.
Par ailleurs, je ne suis pas certain qu’un rapport formel soit nécessaire. Le Gouvernement peut sans doute d’ores et déjà nous communiquer les éléments dont il dispose.
Compte tenu des difficultés juridiques que l’adoption de cet amendement poserait, j’en suggère le retrait. Cependant, il est important que nous ayons un tel débat et que le Gouvernement puisse nous donner toutes indications utiles sur cette problématique particulièrement délicate.
Madame la sénatrice, vous proposez l’instauration d’une contribution de solidarité sur le revenu fixée à 10 % du revenu pour tous les fonctionnaires internationaux qui ne sont pas assujettis à l’impôt sur le revenu en France. Vous demandez en outre que soit remise au Parlement avant le 1er juin 2014 la liste complète des fonctionnaires internationaux de nationalité française.
Je comprends bien entendu votre préoccupation de voir tous nos concitoyens, y compris ceux qui représentent les intérêts de la France au sein des grandes organisations, participer à l’effort de redressement de nos finances publiques. Pour autant, comme vous le relevez vous-même, une telle proposition se heurte à un obstacle juridique majeur. Les avantages fiscaux, comme les autres immunités dont ils bénéficient, sont accordés aux fonctionnaires des organismes internationaux dans le cadre de traités internationaux dûment ratifiés par la France. Il n’est donc pas possible d’y revenir sans contrevenir à ces traités et à l’article 53 de la Constitution.
Cette impossibilité juridique étant rappelée, je voudrais apporter trois précisions de nature à relativiser ce qui pourrait être considéré comme une situation choquante dans le contexte que nous connaissons.
Premièrement, les exonérations fiscales dont bénéficient les organisations internationales et leurs fonctionnaires ont pour objectif non pas de constituer une catégorie de personnes privilégiées, mais de garantir l’indépendance de l’organisation de ces personnels vis-à-vis de l’État hôte ou des États membres et d’éviter que l’État ne capte via l’impôt une partie des contributions financières que les autres États membres consacrent au financement de l’organisation.
Deuxièmement, vous n’ignorez pas que la plupart des organisations internationales prélèvent sur les rémunérations versées à leurs agents un impôt interne dont le montant peut, pour certaines, être tout à fait comparable au montant de l’impôt sur le revenu qui aurait été perçu en l’absence d’exonération.
Enfin, si le Gouvernement veille à préserver l’attractivité de la France et des fonctionnaires français pour les organisations internationales, il considère, aussi bien lors des négociations d’accords internationaux que pour leur application, que les avantages consentis sont dérogatoires au droit commun et doivent faire l’objet d’une interprétation stricte. Cela suppose de demeurer ferme sur certains principes, en particulier sur l’application du taux effectif aux rémunérations des fonctionnaires internationaux résidant en France ou encore sur l’exclusion du bénéfice de l’exonération d’impôt sur le revenu pour les fonctionnaires français ou résidents permanents en France employés par les organisations internationales qui y ont leur siège.
Les préoccupations légitimes que vous exprimez au travers de cet amendement sont dans une très large mesure déjà prises en compte. Je vous suggère donc de le retirer.
Avant de revenir au Sénat, j’ai été pendant un peu plus de deux ans le représentant de la France auprès de l’OCDE, à Paris. Je rassure tout de suite Mme Goulet : je ne bénéficiais à ce titre d’absolument aucun privilège fiscal.
Je comprends le sens de cet amendement, mais – le ministre a d’ailleurs bien mis l’accent sur la difficulté – il me laisse un petit goût d’amertume. Pendant deux ans et demi, sous la pression des ministères, j’ai été obsédé par la difficulté à faire entrer suffisamment de Français à l’OCDE. Les raisons en sont diverses. D’abord, soyons francs, les organisations internationales demandent à l’heure actuelle aux candidats de maîtriser au moins deux ou trois langues.
Certes, mais malheureusement les Français sont plus rarement trilingues ou quadrilingues que les Allemands, les Anglo-Saxons, ou d’autres.
Ensuite, les organisations internationales sont beaucoup plus intéressées par les personnes ayant beaucoup travaillé soit dans des sociétés, soit dans des organismes financiers à travers le monde. Même si beaucoup de Français partent aujourd'hui faire carrière à l’étranger, ils sont, en proportion, moins nombreux que les Anglo-Saxons. Résultat des courses, je me battais avec le secrétaire général de l’OCDE, car, dix ans auparavant, 40 % des cadres A de l’OCDE étaient Français, contre 20 % aujourd'hui. À cette allure, ils ne seront bientôt plus que 10 %.
Je suis désolé d’avoir à vous le dire, madame Goulet, je me souciais davantage de faire recruter des Français que de la façon dont ils étaient fiscalisés. Ne vous faites aucune illusion, c’est pareil à la Commission européenne comme dans toutes les organisations internationales : les Français ne s’y investissent pas assez. Ils ne sont pas suffisamment présents, ce qui nous fait perdre beaucoup d’influence dans les organisations internationales. Les fonctionnaires ne sont pas seuls en cause. Il y va de même pour tous les recrutements dans ces instances, qui se font généralement au détriment des Français.
Pour le reste, je suis d’accord. Quand j’ai pris connaissance, à mon arrivée à l’OCDE, du niveau de salaire des fonctionnaires internationaux, j’en suis resté, comment dirais-je...
C’est le mot ! Quoi qu’il en soit, comment fiscaliser ces salaires ? Une convention a été passée entre l’OCDE et l’État français : soit vous fiscalisez tout le monde, soit vous ne fiscalisez personne, mais vous ne pouvez pas imposer seulement les Français. Le problème ne se pose même pas au niveau européen, il se pose au niveau mondial puisque l’OCDE compte parmi ses membres trente-quatre pays. Il faudrait donc que ces trente-quatre pays acceptent une modification de la convention.
Je comprends votre idée, madame Goulet, mais je ne vois pas comment l’appliquer, d’autant que le niveau interne de prélèvements des fonctionnaires internationaux, ou autres, à l’OCDE, de mémoire est de 20 %. Certes, c’est beaucoup moins que s’ils étaient imposés sur le revenu, mais ce n’est pas rien non plus.
En revanche, monsieur le ministre, je me souviens d’un problème qui n’est toujours pas réglé pour les fonctionnaires internationaux en poste à Paris, celui des cotisations de sécurité sociale et de retraite. Tous les ans cette difficulté est un élément supplémentaire de conflit entre les organisations internationales et Paris. Ne pourrions-nous pas la régler en demandant à l’OCDE, par exemple, d’accepter que l’on relève la cotisation ou la contribution volontaire de l’ensemble des fonctionnaires internationaux ?
En tout état de cause, il me paraît très difficile de voter une mesure qui ne concernerait que les Français. Votre proposition, madame Goulet, ne pourrait être mise en œuvre que si toutes les nations représentées dans l’organisation sont d’accord pour l’adopter.
Madame Goulet, vous soulevez toujours des sujets intéressants. Vous aviez déjà évoqué les ambassadeurs thématiques, sans grand succès d’ailleurs.
Tout à fait, il y en a de plus en plus ! Preuve que l’avis du Parlement est moyennement pris en compte par le Gouvernement.
Je suis d’accord avec Roger Karoutchi quand il parle des grilles de rémunération. Cela dit, ma chère collègue, je crains que vous ne partiez en guerre contre des moulins à vent. À mon avis, il n’y a aucune chance pour que cette affaire prospère, notamment en raison du problème des conventions.
Ce n’est pas tant la convention de Vienne qui est problématique, c’est surtout qu’il existe une convention spécifique pour chaque organisation. Il faudra donc renégocier entre 180 et 200 conventions internationales, et tous les pays concernés doivent donner leur accord. Aucune chance de succès ! Abandonnez cette idée.
Par ailleurs, ce qu’ont dit M. Karoutchi et M. le ministre est parfaitement exact : il existe déjà une sorte d’impôt interne. La grille de salaire dont vous parlez est une grille nette sur laquelle un certain pourcentage – peut-être de l’ordre de 20 %, mais il varie d’une organisation à une autre – est théoriquement prélevé. Dans certains cas, ces sommes retournent à l’État. C’est ce qui se produit aux États-Unis, par exemple, où il existe un impôt sur le revenu mondial, y compris pour les fonctionnaires internationaux. Votre proposition de fiscalisation devra tenir compte de cet impôt interne : avec une contribution de solidarité à 10 %, vous passez l’imposition totale à 30 %, ce qui posera des difficultés encore plus grandes.
Pour finir, vous ne pouvez pas traiter les Français différemment des autres nationalités. Selon moi, cette idée ne sera franchement pas amenée à prospérer.
Ma génération n’a pas connu la crise de l’emploi. Il n’y avait pas de chômage et une simple licence, acquise en trois ou quatre ans, nous ouvrait toutes les possibilités. La situation de l’emploi était plus qu’euphorique. Dans ces circonstances, on trouvait normal que ceux qui partaient à l’étranger, alors qu’on se trouvait si bien en France, ne paient pas d’impôts : ils partaient loin, à Bruxelles ou ailleurs. Je force un peu le trait, mais je ne suis pas très loin de l’état d’esprit qui régnait à l’époque parmi les étudiants.
Monsieur le ministre, en vous écoutant parler, j’ai cru voir l’équipe de hauts fonctionnaires internationaux qui a rédigé les trois arguments que vous avez cités, en bon ministre, en reprenant les articles de la convention internationale…
Dans le même temps, je suis très sensible aux arguments de Roger Karoutchi : nos hauts fonctionnaires sont aussi nos missionnaires. Évidemment, nul doute, ils n’ont pas fait vœu de pauvreté. Nous sommes néanmoins très fiers que des fonctionnaires français occupent des postes importants à la Banque mondiale ou à la Commission européenne.
En revanche, je ne suis pas d’accord avec mon collègue Yung. La crise mondiale, la pression fiscale, la diminution du pouvoir d’achat, le chômage sont devenus des problèmes européens, voire mondiaux. Automatiquement, les gens s’interrogent sur les salaires des fonctionnaires, notamment des fonctionnaires internationaux, qui sont des acteurs importants dans la résolution des crises et l’élaboration des solutions à mettre en œuvre. Le problème soulevé par Mme Goulet n’est donc pas un problème français. En tant que membre de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l’OSCE, et du Conseil de l’Europe, je voyage beaucoup, et je suis étonné de constater que cette question agite de nombreuses opinions publiques.
Je ne crois pas, monsieur Yung, que vous puissiez rayer d’un trait de plume ce problème important. Il touche à l’exemplarité des hauts fonctionnaires. Certes, ces derniers méritent notre protection, parce qu’ils sont envoyés dans le monde entier, mais il me semble qu’un signe à la fois français, mais aussi européen, serait le bienvenu.
Je le dis au ministre des affaires européennes ou au ministre des affaires étrangères : il serait bon que la France donne le signal. Il est grand temps que les hauts fonctionnaires internationaux, qui n’ont pas vraiment prononcé le vœu de pauvreté, même s’il s’agit de missionnaires, se sentent un peu concernés par la pression fiscale que l’ensemble des habitants de l’Europe et au-delà supportent. Cet argument est important.
Si Mme Goulet maintient son amendement, je le voterai dans une logique d’appel. Il n’est pas juste de dire, comme l’a fait M. Yung, que nous nous battons contre des moulins à vent. C’est un amendement important pour l’action politique du monde, notamment en direction des activités internationales qui prennent de plus en plus d’ampleur.
Je souhaite que Mme Goulet maintienne son amendement, même si je suis très sensible aux arguments de Roger Karoutchi et aux observations de bon sens de M. le ministre. L’affaire est difficile, et l’amendement n’épuise pas le sujet, tant s’en faut !
Pour autant, doit-on renoncer à soulever la question ? La réponse est non ! Nous sommes obligés de nous interroger sur le statut des fonctionnaires internationaux, et ce pour deux bonnes raisons.
Premièrement, les organismes internationaux jouent un rôle croissant : nous souhaitons tous un monde organisé, pacifié, où les échanges sont fluides et où des normes mondiales, acceptées par chacun, fixent les comportements respectifs des nations. Par conséquent, les fonctionnaires internationaux, en particulier les plus compétents et les plus qualifiés d’entre eux, seront de plus en plus nombreux à l’avenir. Il est donc indispensable de s’efforcer d’ouvrir le dossier et de ne pas refermer la porte. D’une certaine façon, cet amendement, monsieur le ministre, vous place dans une position plus forte pour engager le débat avec vos collègues européens ministres du budget, par exemple, en ce qui concerne les administrations européennes.
Deuxièmement, il existe un sentiment beaucoup plus politique, c’est la raison pour laquelle l’amendement de Mme Goulet est utile.
Tout d’abord, cette disposition vous permet d’ouvrir le dossier et, en quelque sorte, d’introduire un coin dans un système qui aurait naturellement tendance à se refermer sur lui-même.
En outre, elle permet de montrer à nos concitoyens, qui mesurent bien le caractère international et européen de nombreuses règles, que ceux qui imaginent ces dernières, qui préparent les décisions et qui souvent d’ailleurs les établissent – même si les gouvernements en ont en théorie la responsabilité –, que ces hauts fonctionnaires, ces technocrates internationaux, pour reprendre un terme plus polémique, connaissent à leur tour des règles comparables à celles qui s’appliquent dans les pays sur lesquels ils apportent leur regard.
Il est tout de même extraordinaire de voir les hauts fonctionnaires du FMI donner des leçons de vertu au monde entier – plus particulièrement à ceux qui en ont le plus besoin, heureusement –, alors que leur autorité pourrait être sérieusement contestée du simple fait qu’ils vivent de la contribution de tous. Les contribuables de tous les pays sont sollicités au bénéfice de hauts fonctionnaires qui, eux, ne leur restituent pas de ces contribuables une partie de leurs revenus, contrairement à l’effort fiscal pour lequel ils plaident à l'échelle internationale.
C’est la raison pour laquelle, tout en mesurant que l’adoption de cet amendement ne réglerait pas le problème, je serais heureux que le Sénat prenne une position politique, en considérant que c’est là un sujet majeur et qu’il n’y a pas de raison de l’abandonner à des spécialistes. Faisons-en un sujet politique !
M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.
Je souhaite formuler plusieurs remarques.
Tout d’abord, étant engagés dans un travail législatif, nous devons nous interroger sur l’opérationnalité et l’applicabilité des mesures que nous arrêtons. Or, au regard des traités qui nous lient aux organisations internationales et qui ont été ratifiés par le Parlement au titre de l’article 53 de la Constitution, la disposition qui est ici proposée ne pourrait être appliquée. Il est même très probable que le Conseil constitutionnel, en vertu de ce même article 53, la censurerait.
Par conséquent, nous prendrions délibérément en loi de finances des dispositions, dont nous savons dès à présent qu’elles ne peuvent avoir aucune issue en droit, simplement pour envoyer un signal politique.
Je suis très réservé sur ce type de démarche, parce que cela signifie que nous notre travail législatif perd beaucoup en force et en rigueur.
Par ailleurs, nous nous battons beaucoup – j’appelle l’attention de tous les membres de votre assemblée sur ce point – pour accroître la présence des fonctionnaires français dans les organisations internationales. C’est un combat qui, pour chaque gouvernement, quel qu’il soit, est difficile, car nous le menons face à de très nombreux pays.
M. Roger Karoutchi acquiesce.
Si nous prenons ici une position pouvant apparaître, à l’égard des organisations internationales au sein desquelles nous entendons promouvoir nos propres ressortissants, comme une déclaration d’hostilité, cela ne facilitera pas la promotion des intérêts français dans ces mêmes instances.
Enfin, lorsque nous sommes amenés, au sein d’organisations européennes ou internationales, à nous prononcer sur les conditions dans lesquelles sont rémunérés les fonctionnaires internationaux, les positions que nous prenons font largement écho à celles qui viennent d’être défendues à l’instant, notamment par Mme Goulet ou par M. Longuet. J’en ai fait l’expérience lorsque j’étais ministre des affaires européennes. Chaque fois que cela est possible sans drame, nous rejoignons la préoccupation qui vient d’être exprimée.
Bien entendu, il vous appartient de vous prononcer sur cet amendement, mesdames, messieurs les sénateurs, mais j’appelle votre attention sur le fait que le sujet est délicat, qu’il n’a pas d’issue en droit et qu’il peut avoir des conséquences fâcheuses sur la promotion des fonctionnaires dans les institutions internationales.
Il me serait tout de même difficile de voter un amendement qui serait contraire à des conventions internationales et qui serait susceptible d’être censuré par le Conseil constitutionnel.
Cela dit, monsieur le ministre, les réponses que vous avez apportées ne me semblent pas satisfaisantes. J’ai compris que vous plaidiez pour le statu quo.
Si tel n’est pas le cas, j’aurai mal compris, pardonnez-moi, mais vos annonces étaient si modérées qu’elles en étaient peu perceptibles…
Il serait tout de même utile que vous puissiez dire au Sénat que vous avez l’intention de vous concerter avec vos homologues au sein des autres pays de l’Union européenne, que vous considérez que le statu quo est totalement inéquitable, car la situation faite aux fonctionnaires internationaux, quelle que soit leur nationalité, est tout de même devenue hors normes, au regard de chacun des États de l’Union européenne. C’est une situation que personne ne partage, ni les parlementaires, ni les hauts fonctionnaires, ni les responsables d’entreprises publiques, entre autres.
La question qui est posée est donc légitime, et il me semble que l’on devrait pouvoir progresser en ce sens. Monsieur le ministre, il serait utile que vous nous disiez, si telle est votre intention, votre disponibilité à aller dans ce sens, à obtenir des engagements de vos collègues et, progressivement, à modifier les dispositions des différentes conventions concernant les organisations internationales auxquelles nous participons. Nous serions tous rassurés si vous pouviez nous dire qu’il est bien dans votre intention de secouer ce statu quo.
Monsieur le président de la commission des finances, ce n’est pas notre intention, c’est notre action !
Je ne vais pas annoncer que nous envisageons d’agir alors que nous agissons déjà de façon déterminée dans toutes les institutions internationales auxquelles nous participons ; c’est le combat de la France. Nous le menons au sein des institutions internationales, en liaison avec les autres gouvernements, pour faire en sorte que l’objectif soit atteint.
Il n’y a pas de modération dans mon propos ; je souhaite simplement que les dispositions que nous prenons aient en droit une application immédiate. Or, si le Sénat adopte cet amendement, il n’aura en droit aucune application et je ne sais même pas s’il passera le filtre du Conseil constitutionnel.
Le travail que nous faisons ensemble a bien sûr une dimension politique, mais il a aussi une dimension juridique. Notre souci commun doit être de faire en sorte que ce que nous portons politiquement soit juridiquement incontestable, sinon notre action est inopérante.
Il n’y a donc pas de modération dans mon propos ; il y a une détermination à agir là où nous le pouvons et une volonté de rigueur dans le travail législatif que nous conduisons ensemble. Cette rigueur, le Gouvernement la doit au Parlement.
Je remercie mes collègues Gérard Longuet, Yves Pozzo di Borgo et Richard Yung, ainsi que M. le président de la commission des finances, d’être intervenus sur cet amendement.
Lorsque, par deux fois, le Sénat a voté, en loi de finances rectificative, une contribution en faveur de la Grèce, c’est bien le contribuable français qui est venu au secours de ce pays. Cette décision, tout à fait légitime, répondait aux accords que nous avons conclus, mais c’est bien le contribuable français qui, en quelque sorte, a permis au fonctionnaire grec d’être payé, de ne pas acquitter d’impôt, de ne pas payer de contribution de retour.
Monsieur le ministre, vous avez dit que les fonctionnaires acquittaient un impôt au sein de leurs organisations, mais cette contribution, sauf pour les États-Unis, est versée à l’institution et ne profite pas au pays contributeur.
Aujourd’hui, lorsque je demande à la Délégation des fonctionnaires internationaux combien de Français travaillent dans les organisations internationales, elle n’est pas en mesure de me communiquer un seul chiffre, ni la moindre donnée concernant la masse salariale.
Une telle opacité peut nourrir n’importe quel fantasme. Si tout le monde connaît le salaire de la directrice générale du Fonds monétaire international et sait qu’elle n’acquitte aucun impôt sur cette somme qui est relativement importante, il serait tout de même extrêmement intéressant d’avoir une idée de ces chiffres et d’obtenir un peu plus de transparence.
J’ai bien compris que les dispositions de cet amendement ne résisteraient pas au Conseil constitutionnel, mais mon petit doigt m’a dit, et les débats qui se sont tenus ici l’ont confirmé, que nous n’examinerions pas la deuxième partie de la loi de finances et que, en toute hypothèse, le Sénat ne voterait ni la première ni la deuxième partie de ce texte ! Par ailleurs, cet amendement d’appel a suscité un grand nombre d’articles dans les journaux espagnols, italiens et allemands, car le problème qu’il soulève est réel.
En admettant que cela ne soit pas une imposition, mais simplement une cotisation forfaitaire de solidarité, quitte à me faire battre – ce ne sera pas la première fois et j’espère que ce ne sera pas la dernière –, je vais tout de même maintenir cet amendement.
Même s’il ne passe pas le seuil de cette maison – de toute façon, il n’échappera pas à la censure du Conseil constitutionnel –, nous aurons donné un signe, montré que le problème nous concerne. En effet, on ne peut pas laisser certaines personnes échapper totalement à l’impôt sur le revenu, qu’elles soient françaises ou européennes. C’est une question de solidarité en ces temps de grave crise économique.
Monsieur le ministre, il y a un trou dans la raquette, et le Sénat va essayer de recorder cette dernière, même si cela ne va pas très loin !
Je maintiens donc mon amendement, madame la présidente.
Madame la sénatrice, nous sommes tout à fait prêts à communiquer aux assemblées la liste des fonctionnaires internationaux par organisation internationale et à faire un travail auprès de chacune de ces instances afin de savoir quel est le dispositif de prélèvement qui s’applique à chaque fonctionnaire français qui y est employé. Cela permettra de répondre à l’objectif de transparence que vous appelez de vos vœux.
En contrepartie, je vous redemande de bien vouloir retirer votre amendement.
Madame Goulet, vous êtes de nouveau sollicitée. Qu’en est-il finalement de l’amendement n° I-18 ?
Devant un tel engagement, madame la présidente, je ne peux que m’incliner ! Je reste toutefois convaincue que nous sommes vraiment dans la bonne ligne et que nos collègues et partenaires européens pourront s’appuyer sur l’exemple français pour trouver une solution qui soit compatible avec la situation de crise et la pression fiscale subie par chacun de nos compatriotes.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre proposition. Je retire donc mon amendement, madame la présidente.
(Supprimé)
L’article 83 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le 1° quater est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « auxquels le salarié est affilié à titre obligatoire » sont remplacés par les mots : « obligatoires et collectifs, au sens du sixième alinéa de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale » ;
b) Après le premier alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Les cotisations ou les primes mentionnées au premier alinéa du présent 1° quater s’entendent, s’agissant des cotisations à la charge de l’employeur, de celles correspondant à des garanties autres que celles portant sur le remboursement ou l’indemnisation de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident.
« Les cotisations à la charge de l’employeur correspondant à des garanties portant sur le remboursement ou l’indemnisation de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident sont ajoutées à la rémunération prise en compte pour la détermination des bases d’imposition. » ;
c) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Les cotisations ou les primes déductibles en application des deux premiers alinéas le sont dans la limite d’un montant égal à la somme de 5 % du montant annuel du plafond mentionné à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale et de 2 % de la rémunération annuelle brute, sans que le total ainsi obtenu puisse excéder 2 % de huit fois le montant annuel du plafond précité. En cas d’excédent, celui-ci est ajouté à la rémunération. » ;
2°
La parole est à Mme Procaccia, sur l’article.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour nous, tout autant que l’article 3 sur le quotient familial, l’article 5 est gravissime.
Cet article prévoit de soumettre à l’impôt sur le revenu la participation financière des entreprises aux cotisations d’assurance complémentaire maladie.
Cette intégration dans les revenus imposables des Français d’un avantage en nature qui était jusqu’à présent défiscalisé entraînera une hausse mécanique de l’impôt sur le revenu de 90 à 150 euros par bénéficiaire.
Je rappelle que c’est cette défiscalisation qui, il y a déjà beaucoup d’années, a permis le développement des contrats de groupe : les salariés – mais aussi, la plupart du temps, leur famille – sont ainsi couverts par des complémentaires maladie au sein des entreprises. On a un peu de mal à comprendre l’intérêt de la mesure prévue à l’article 5, si ce n’est du point de vue fiscal.
Nous débattons effectivement du projet de loi de finances et vous cherchez de l’argent partout. Les salariés sont concernés, mais il y va aussi de notre système de protection sociale et de l’état sanitaire de nos compatriotes.
Il est difficile de comprendre la logique d’une telle fiscalisation, de surcroît rétroactive, qui pénalise une pratique assurantielle, alors que, me semble-t-il, la volonté du Gouvernement, ces derniers mois, était de généraliser la complémentaire santé à tous les salariés.
Je pense notamment à l’accord national interprofessionnel, l’ANI, que nous avons adopté au mois de mai dernier, même si cette généralisation s’est faite de manière contestable et contestée. Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs censuré non pas la généralisation de la complémentaire maladie, mais les clauses de désignation qui avaient été introduites.
Le groupe UMP estime que cet article 5 est dangereux. En effet, celui-ci va au-delà de la simple soumission du complément de rémunération que constitue la prise en charge de l’employeur, en abaissant le plafond global de déductibilité fiscale des cotisations versées à l’ensemble des régimes de prévoyance et de santé complémentaires. On peut même envisager que soit intégrée dans le revenu imposable la cotisation versée par un salarié à un régime de prévoyance complémentaire.
Cet article nous paraît donc incohérent et dangereux, mais aussi injuste, puisqu’il crée une grave rupture d’égalité entre les salariés du privé et ceux du public, sans même parler des indépendants, dont les cotisations sont déductibles en totalité. Il me semble que, actuellement, il serait bon d’éviter d’accabler ces derniers et de leur retirer un avantage qui leur permet d’être mieux soignés.
La seule solution serait d’aller vers le haut, c’est-à-dire de permettre à chacun de bénéficier d’un dispositif fiscal encourageant les couvertures complémentaires en matière sanitaire. Voilà pourquoi nous considérons que l’évolution proposée par le Gouvernement est néfaste et justifie que nous ne votions pas cet article.
Selon moi, je le répète, le problème vient de l’ANI. Lors des débats sur cette loi, j’avais clairement demandé si la généralisation des complémentaires maladie en 2016 permettrait le maintien de la défiscalisation. Je n’avais obtenu aucune réponse. J’en comprends aujourd'hui les raisons : non seulement les entreprises devront souscrire en 2016 des contrats complémentaires maladie, mais celles qui l’ont déjà fait devront désormais payer des impôts, et ce dès 2013. Cette démarche doit être dénoncée !
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Je suis saisie de quatre amendements identiques.
L'amendement n° I-24 rectifié bis est présenté par MM. Adnot et Bernard-Reymond.
L'amendement n° I-75 est présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° I-364 est présenté par M. de Montgolfier et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
L'amendement n° I-454 est présenté par MM. Delahaye, Maurey et Guerriau, Mme Létard et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L’amendement n° I-24 rectifié bis n'est pas soutenu.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour présenter l'amendement n° I-75.
Au début de l’année, le Gouvernement a fini par imposer au Sénat, par le recours à la discutable procédure du vote bloqué, l’adoption du projet de loi portant, entre autres, transposition législative de l’accord national interprofessionnel. Même si l’on nous avait vanté les mérites de ce texte, nous l’avons combattu. Parmi les mesures présentées comme positives, il y avait l’extension de la couverture complémentaire maladie des salariés.
Une carotte fiscale existe en ce domaine, à savoir l’exonération, entre autres, de la contribution des employeurs au financement de la couverture complémentaire. Or c’est précisément cette incitation fiscale qui va disparaître, pour faire entrer dans les caisses de l’État pas moins d’un milliard d’euros, avant même que l’ANI n’ait produit son effet, c’est-à-dire avant la généralisation de la couverture complémentaire.
Il faut savoir que la loi sur la sécurisation de l’emploi a surtout sécurisé les procédures de licenciement collectif, qui n’ont pas manqué de se développer depuis la promulgation du texte, et qu’assez peu d’avancées ont été enregistrées sur la question de la couverture complémentaire maladie.
Dans le rapport général, il est indiqué que « la mesure proposée par le présent article participe à l’objectif de réorientation des aides publiques à la couverture complémentaire santé au profit des personnes les plus modestes. »
La question principale à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui est la suivante : il faut que cessent les réductions de prise en charge par la protection sociale des dépenses de santé et de prévention. Ce n’est pas par le système des complémentaires que nous résoudrons les difficultés.
Notre amendement de suppression a donc des motivations tout à fait différentes de celui que présentera Mme Procaccia.
La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour présenter l'amendement n° I-364.
Je l’ai défendu dans mon intervention liminaire sur l’article, madame la présidente.
Je préciserai simplement que cet article ne fait qu’ajouter au ras-le-bol fiscal. M. le ministre évoquait toutes les dispositions qui vont dans le sens de la réforme fiscale. Mais vous allez faire peur aux Français et aux entreprises si votre grande réforme se traduit par ce type de mesures !
La parole est à M. Vincent Delahaye, pour présenter l'amendement n° I-454.
Cet amendement tend à supprimer l’article 5, afin de conserver l’exonération fiscale de la participation de l’employeur aux contrats collectifs de complémentaire santé.
Vous espérez de cet article un gain de 960 millions d’euros. En réalité, c’est un impôt nouveau, qui pèsera d’autant sur les 13 millions de salariés concernés. Cette mesure s’inscrit dans le droit fil de la loi de finances rectificative de juillet 2012, par laquelle vous avez supprimé la défiscalisation des heures supplémentaires et aggravé le régime de l’épargne salariale. Cette méthode n’est pas acceptable venant d’un gouvernement qui a annoncé l’année dernière que les hausses d’impôts ne concerneraient que 10 % des contribuables, à savoir les plus aisés d’entre eux. C’est une désincitation au travail salarié et un très mauvais signal adressé aux entreprises !
Enfin, quelle est la cohérence ? La loi de juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi tend à généraliser les contrats de complémentaire santé, et voilà que, six mois plus tard, vous proposez de les fiscaliser. Je dis six mois plus tard, mais c’est un abus de langage, puisque le texte du projet de loi de finances est préparé dès le début de l’été. En fait, je crois qu’il y a une cohérence purement budgétaire dans cet article 5 : vous généralisez un fait générateur d’imposition tout en supprimant l’avantage associé pour boucler votre budget.
Les sénateurs centristes dénoncent cette pratique et s’engagent par cet amendement aux côtés des salariés. Autant nous avions soutenu la généralisation des contrats de complémentaire santé, autant nous demandons la suppression de votre projet de hausse d’impôts.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. J’ai bien écouté les différents orateurs : si je résume leurs propos, ils estiment qu’il faut prendre en compte différents soucis, dont la préoccupation budgétaire et financière, mais que, au fond cette dernière n’est pas bien importante.
Exclamations sur les travées de l'UMP.
Vous avez dit que vous preniez l’argent aux riches. Là, il y a 13 millions de salariés !
Mes chers collègues, veuillez ne pas interrompre M. le rapporteur général, qui a seul la parole.
En l’espèce, notre préoccupation, c'est le budget de la France : comment trouver les moyens de redresser nos finances publiques ? On ne peut pas considérer comme secondaire toute préoccupation qui vise justement à préserver l’équilibre de nos finances publiques et à dégager quelques marges de manœuvre !
En l’occurrence, nous utilisons quelques-unes de ces marges pour mettre en œuvre un certain nombre de mesures de solidarité.
Chers collègues de l’opposition, votre stratégie depuis le début de l’après-midi – nous allons la retrouver à l’occasion de la discussion de multiples autres amendements –, c'est de faire croire que vous luttez à côté de telle ou telle catégorie.
J’imagine que lorsque l’on évoquera la TVA, vous interviendrez pour dire que vous êtes aux côtés des professionnels de différents secteurs – je pense aux centres équestres, aux transformateurs, à la gestion des déchets, aux transports… Dès lors, la préoccupation budgétaire passe au second plan, ce que je regrette tout à fait.
Je tenais à le dire, car la problématique essentielle que nous devons garder à l’esprit est celle de l’équilibre de nos finances publiques.
J’en viens à ces amendements identiques. De telles dispositions vont à l’encontre de l’objectif d’orienter les aides publiques vers la couverture complémentaire santé en faveur des personnes modestes.
L’un des orateurs estimait que la suppression de l’exonération fiscale de la participation de l’employeur est injuste. C'est faux ! Il faut la mettre en perspective avec les nombreux avantages dont bénéficient les salariés couverts par un contrat collectif obligatoire eu égard aux personnes couvertes par un contrat individuel.
Premièrement, les salariés couverts par un contrat collectif obligatoire reçoivent une aide de l’employeur qui diminue les primes à verser d’environ 60 % en moyenne. De surcroît, ces primes sont, en moyenne, inférieures de 16 % à celle des contrats individuels.
Deuxièmement, ils continueront à bénéficier de l’exonération d’impôt sur le revenu pour les cotisations qu’ils versent à leur complémentaire.
Troisièmement, ils jouissent en règle générale de garanties plus protectrices que les personnes couvertes par un contrat individuel. Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, la DRESS, les contrats collectifs sont montés en gamme au cours des années 2006 à 2010. Ainsi, plus des trois quarts des bénéficiaires d’un contrat collectif sont aujourd’hui couverts par des contrats de classe A ou B, offrant des garanties plus élevées.
Mes chers collègues, il y a donc trois éléments à prendre en compte : le rendement budgétaire, puisque cette mesure rapportera 960 millions d’euros, la préservation de garanties importantes et le fait que l’on n’accroisse pas les injustices.
Il ne faut pas oublier non plus que ces 960 millions d’euros seront affectés à la sécurité sociale pour financer l’extension de la couverture maladie universelle complémentaire et de l’aide à la complémentaire santé, ainsi que la généralisation de la couverture complémentaire santé en entreprise.
Notre préoccupation est de redéployer notre effort vers les personnes les plus modestes. Nous devons être vigilants à l’égard de l’argumentation qui nous est opposée et dont certains éléments ont été repris ici aujourd’hui, car elle ne me paraît pas du tout recevable.
Dans ces conditions, j’émets un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
M. le rapporteur général a apporté des explications très complètes, que je fais miennes. Je ne vais pas allonger le débat, alors que nous avons déjà eu des discussions très denses sur de multiples sujets cette après-midi.
Je rappellerai simplement quelques points. Tout d'abord, le dispositif de l’article 5 s’explique par la volonté du Gouvernement de généraliser l’accès aux complémentaires de santé et, comme l’a rappelé à l’instant M. le rapporteur général, de permettre à de nombreux Français d’avoir accès à la couverture maladie universelle dans des conditions améliorées.
Par ailleurs, je veux y insister, tout cela n’est possible que dès lors que nous généralisons les contrats responsables.
C’est la raison pour laquelle nous envisageons d’alourdir la fiscalité qui pèse sur les contrats non responsables. Nous voulons ainsi créer une incitation à la mise en œuvre de contrats responsables.
Voilà quelle est la cohérence globale du dispositif. Je l’ai dit, je souscris aux arguments développés par M. le rapporteur général. Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements identiques.
Chacun l’aura compris, si le ministre ne fait pas de politique, le rapporteur général, lui, en fait !
Je veux évoquer tout d’abord un problème technique. Lorsque vous nous dites que cette mesure servira à financer la CMU, vous faites une mauvaise action. Vous savez bien que, en principe, les recettes ne sont pas affectées.
Par ailleurs, votre déficit de crédibilité rejaillit sur tout le monde. Le problème, c'est que, avec le discours du Bourget, vous avez été élus sur le thème : « Nous allons faire payer la finance et les riches ! » En réalité, en défiscalisant les heures supplémentaires, vous avez touché 9 millions de salariés et, avec cette mesure, vous allez en toucher 13 millions !
Aujourd'hui, confrontés aux réalités, dont votre programme était totalement déconnecté, vous avez du mal à trouver les moyens de financer vos annonces prématurées. Tel est le fond du problème ! Vous nous dites que les riches doivent payer, mais comprenez que les gens en aient assez.
Il paraît habile d’insérer, au beau milieu du budget, une mesure qui préemptera tout de même 960 millions d’euros et qui s’ajoute à toutes celles dont nous avons déjà débattu l’an dernier, qui visaient plus spécifiquement les entreprises. Vous nous dites aujourd'hui que vos mesures sont « bien calibrées ». Dans votre langage, cela signifie qu’elles sont invisibles !
En tout état de cause, vous allez retirer 960 millions d’euros de pouvoir d’achat aux 13 millions de salariés concernés.
Monsieur le rapporteur général, cette attitude est l’une des causes du malaise que nous connaissons aujourd'hui.
Qu’est-ce qu’une niche fiscale ? La question se pose car, au fond, il est ici question de l’histoire d’une telle mesure. Une niche fiscale, en général, c’est…
Non, monsieur le président de la commission. C’est une mesure qu’un gouvernement, quel qu’il soit, veut prendre, à un moment donné, en faveur de telle ou telle action qu’il juge légitime.
C’est d'ailleurs le rôle d’un gouvernement que de conduire des actions qu’il juge légitime : il est élu et, souvent, soutenu par le Parlement pour ce faire, jusqu’au jour où une dissolution ou une alternance politique change les orientations.
En général, à l’origine de chaque niche, il y a la volonté affirmée d’un ministre de changer la donne dans tel ou tel secteur et de favoriser le développement d’une activité qu’il trouve légitime. Par des mesures incitatives, ce ministre veut appuyer telle ou telle action, en faveur de l’environnement, de l’épargne, du logement ou encore de la santé collective. Comme il ne peut pas obtenir les moyens de son action, il veut forcer le destin et se tourne vers la dépense fiscale.
Bercy – autrefois, Rivoli – est ainsi obligé d’accepter une atténuation de ses recettes, en raison d’une décision volontariste du Gouvernement – on a « bleui » la décision à Matignon –, qui s’impose à tous les ministres, y compris au ministre du budget. On crée alors une dépense fiscale, qui correspond à un avantage décidé par le Gouvernement.
Ensuite, la dépense fiscale vit sa vie. Et chaque nouveau ministre, de gauche comme de droite, reçoit inévitablement à son entrée en fonction la liste des dépenses fiscales qu’il serait bon de réexaminer.
M. le président de la commission des finances acquiesce.
J’en profite pour rendre hommage aux fonctionnaires des directions du budget et de la législation fiscale, pour leur obstination, leurs fiches bien tenues à jour et leur mémoire des dépenses fiscales que le ministère des finances a dû concéder à tel ou tel moment.
Comme l’expliquait Francis Delattre et conformément aux contraintes évoquées par M. le rapporteur général, l’État cherchant toujours de l’argent, on décide, à un moment donné, de tordre le cou à telle ou telle niche, si j’ose dire, non pas en la tirant au sort, mais en fonction des opportunités politiques. Pourquoi pas ? Sauf que l’on oublie que, à l’origine, chacune de ces niches traduit une volonté gouvernementale, en faveur d’une politique déterminée.
En l’espèce, il y avait deux bonnes raisons de favoriser les contrats collectifs de complémentaire santé : d'une part, permettre la prise en charge de la dépense de santé quand elle ne pouvait être assumée par les ménages de salariés – nous en reparlerons dans d’autres circonstances –, et, d'autre part, épargner des dépenses à l’aide médicale. Par conséquent, si je ne disconviens pas qu’il y a là une dépense fiscale, cette dernière permet une double économie – et je ne parle même pas des bénéfices pour la santé !
À ces raisons s’en ajoute une autre, qui est historique : en période d’inflation et de plein-emploi – les conventions de ce type sont très anciennes –, les gouvernements ont pu choisir des avantages non directement salariaux, parce que c’était une façon de lutter contre l’inflation et parce que les salaires étaient bloqués.
Pour renchérir sur les propos tenus par Mme Procaccia, l’article 5 sanctionne, de manière assez brutale, l’accord national interprofessionnel conclu en janvier dernier. En définitive, ce sont les 13 millions de salariés bénéficiaires de couvertures complémentaires qui, à travers leurs impôts, paieront votre interprétation de cet accord. Nous aurons l’occasion d’en reparler.
M. Gérard Longuet. Madame la présidente, je sais que je dépasse le temps de parole qui m’est alloué, mais la somme en jeu est importante : 960 millions d’euros, c’est considérable !
Sourires.
Certes, monsieur Marc, il s’agit d’une économie pour le budget, mais je suis consterné de constater que, au détour d’un article, vous remettiez en cause une politique d’ensemble, soutenue depuis plusieurs décennies par des gouvernements de tendances différentes et qui avait été plébiscitée, pour la sécurité des salariés et pour la paix sociale dans l’entreprise, par 13 millions de cotisants.
M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.
Mme Catherine Procaccia. Je préférerais parfois être sourde plutôt que d’entendre certains des propos qui ont été tenus.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le rapporteur général, vous avez osé dire, mais peut-être vous ai-je mal compris, qu’il était injuste que certains salariés bénéficient de garanties plus élevées et de l’avantage qui résulte d’une cotisation moins chère !
Vous êtes en train de critiquer des salariés qui paient leur part de complémentaire santé et de montrer du doigt des travailleurs parce qu’ils sont mieux couverts que d’autres ! De tels propos sont inouïs. Ces travailleurs ne sont pas des privilégiés.
Tous les salariés sont concernés, y compris ceux qui touchent le SMIC.
L’article 5 supprime l’avantage collectif dont bénéficiaient des entreprises qui avaient voulu s’engager. Quand un salarié intégrait l’une de ces entreprises, il n’avait pas le choix : il devait abandonner sa complémentaire individuelle.
Vous comparez la situation de ces contrats, imposés par l’entreprise, mais en général bien meilleurs, à celle des contrats individuels. Sauf que, en 2016, il n’y aura plus de contrat individuel, puisque tous les salariés devront être couverts par une assurance collective ! Je vous rappelle d'ailleurs qu’il y a une semaine mille personnes manifestaient devant le Sénat contre les conséquences de cette disposition, qui entraînera la suppression de 30 000 à 40 000 emplois.
La façon dont vous voulez récupérer un milliard d’euros me paraît incroyable. Comme je l’ai toujours dit ici, aucun gouvernement, de droite comme de gauche, et pas même le précédent, n’a jamais compris que, au final, en matière d’assurances, ce sont non pas les sociétés de ce secteur, mais les citoyens qui paient, et qui paient toujours plus !
Monsieur le ministre, vous êtes en train de mettre en place un système qui, au final, coûtera beaucoup plus cher à la sécurité sociale.
M. le rapporteur général de la commission des finances manifeste son scepticisme.
… qui considère que l’article 5 est mauvais, puisqu’il fait disparaître 960 millions d’euros de pouvoir d’achat des salariés.
Si M. Delattre nous dit qu’il est progressiste, on voit bien qu’il n’est pas redistributif !
Moi, je ne redistribue que ce que je gagne. Vous, vous redistribuez la dette !
Cher collègue, vos propos ne sont pas justes. Ces 960 millions d’euros sont redistribués.
Premièrement, je rappelle que la mesure prévue à l’article 5 correspond à une préconisation du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie.
Monsieur Longuet, cette autorité doit être respectée ! Pour ce qui me concerne, je respecte ses avis.
Deuxièmement, sur le plan financier, le prélèvement de 960 millions d’euros, que vous dénoncez, permettra de financer l’accès à la CMU-C et à l’aide à la complémentaire santé, l’ACS, d’une partie de la population défavorisée qui n’accédait pas à la complémentaire santé, soit environ un million de personnes.
En outre, il participera à la généralisation de l’obligation de souscrire une complémentaire santé à partir du 1er janvier 2016, évoquée par Mme Procaccia.
On le voit, les 960 millions d’euros que permettra de récupérer la mesure seront réinjectés dans le système.
Bien évidemment, je voterai la suppression de l’article 5, pour les excellentes raisons qu’a développées notre collègue Catherine Procaccia.
Cela dit, je m’interroge sur l’égalité de traitement entre salariés du privé et salariés du public. Dans la fonction publique territoriale, les communes – j’imagine que cela vaut aussi pour les autres collectivités – peuvent, depuis peu de temps, subventionner l’adhésion de leurs agents à une mutuelle.
Cette possibilité n’existait pas dans un passé encore récent, même si, monsieur le ministre, de nombreuses communes le faisaient sans que cela ait jamais été remis en cause. D'ailleurs, si ma mémoire est bonne, les agents ont le choix entre plusieurs mutuelles et l’assemblée délibérante peut décider de subventionner le choix de l’agent.
Je souhaite savoir si cette situation était conforme à l’égalité de traitement entre salariés du privé et salariés du public et, dans ce cas, si la part versée par la collectivité locale est intégrée dans l’impôt sur le revenu.
Je souhaite formuler deux remarques à ce stade.
Tout d'abord, le sujet des complémentaires de santé nous montre combien il est complexe d’examiner un dispositif qui se trouve à cheval sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale et sur le projet de loi de finances.
Nous ne pouvons avoir qu’une vision partielle du sujet, de même que nous n’en avions qu’une vision partielle lorsque nous avons débattu du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Il est un élément du débat dont nous n’avons pas parlé : la question de la désignation des organismes gestionnaires des complémentaires de santé, qui, sauf erreur de ma part, a été de nouveau traitée par l’Assemblée nationale lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Mes chers collègues, vous vous souvenez sans doute que le dispositif initialement proposé par le Gouvernement comportait une clause de désignation, …
… qui, en effet, n’avait pas résisté à l’examen du Conseil constitutionnel, devant lequel elle avait été déférée.
Un dispositif de portée analogue a donc été proposé et, si je ne m’abuse – je parle de mémoire –, l’Assemblée nationale a modifié cette clause de désignation.
Merci, ma chère collègue. Pour le suivre avec précision, vous connaissez ce sujet bien mieux que moi.
L’Assemblée nationale a donc remplacé la clause de désignation par une incitation fiscale.
Monsieur le ministre, il serait peut-être bon que vous nous fassiez le point sur ce sujet et que vous nous disiez si ce processus un peu complexe ne dissimule pas tout simplement la création d’une nouvelle niche fiscale ou sociale, au moment où nous nous échinons tous, avec une volonté…
Sourires.
… qui n’est peut-être pas encore assez ferme, il est vrai, à éliminer de telles niches.
Les amendements sont adoptés.
Le 2° ter de l’article 81 du code général des impôts est abrogé.
Après la remise en cause du quotient familial, nous voilà arrivés à l’article 6, qui vise, dans le même esprit, à supprimer l’exonération d’impôt sur le revenu des majorations de retraite ou de pension pour charges de famille.
Ces majorations, qui sont variables d’un régime de retraite à l’autre, peuvent représenter, chers collègues de la majorité, jusqu’à 30 % d’une pension. De plus, en les fiscalisant, vous avez fait le choix de les imposer non pas au taux moyen, mais au taux marginal de l’impôt sur le revenu : tant qu’à faire, allons jusqu’au bout de l’injustice – car nous considérons qu’il y a là une véritable injustice.
Avez-vous seulement mesuré les conséquences sociales d’une telle mesure ? Certaines mères de famille qui ont fait le choix d’arrêter de travailler pour élever leurs enfants seront de nouveau pénalisées par cette mesure, qui compte actuellement 5, 4 millions de bénéficiaires, dont 1, 8 million qui ne paie pas d’impôt sur le revenu.
Combien de personnes demain tomberont-elles sous le coup de cet impôt ? C’est la question que l’on peut se poser. Car, nous l’avons répété à de nombreuses reprises au cours de ce débat, outre l’impôt sur le revenu, c’est la taxe d’habitation et la redevance audiovisuelle qui pourraient être dues par un plus grand nombre de personnes.
Nous pensons donc que ce matraquage fiscal des retraités est indigne, tout particulièrement avec cette mesure, et qu’il faut nous y opposer.
Je suis saisie de quatre amendements identiques.
L'amendement n° I-25 rectifié bis est présenté par MM. Adnot et Bernard-Reymond.
L'amendement n° I-76 est présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° I-365 est présenté par M. de Montgolfier et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
L'amendement n° I-455 est présenté par MM. Delahaye, Maurey et Guerriau, Mme Létard et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L'amendement n° I-25 rectifié bis n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour présenter l'amendement n° I-76.
Dans un souci d’égalité de traitement entre les contribuables, le Gouvernement nous propose de nous attaquer ici, après le quotient familial et l’exonération des contributions des employeurs au financement de la complémentaire santé, à une nouvelle mesure de caractère universel, à savoir la majoration de pension de retraite dévolue aux contribuables ayant élevé trois enfants au moins.
J’ai lu, bien évidemment, l’argumentaire de notre rapporteur général en faveur de cette mesure, et je voudrais formuler une première remarque sur ses appréciations : alors même qu’elle est censée rapporter de l’argent pour équilibrer les comptes des caisses de retraite, j’observe que le transfert des sommes à l’assurance vieillesse attendra 2015. Et pour 2014, si j’ai bien compris – M. le rapporteur général nous corrigera en cas d’erreur – c’est un virement au compte de l’État pour solder le déficit budgétaire qui est prévu.
Parlons maintenant du niveau de vie des retraités, puisque la pension moyenne est passée, en sept ans, de 1 029 à 1 256 euros, comme l’indique le rapport général. Cette évolution, qui touche les personnes parties en retraite entre 2004 et 2011 – c’est-à-dire les salariés nés entre 1942 et 1951 environ, qui n’ont pas connu, comme peuvent en souffrir les jeunes d’aujourd’hui, le chômage, la précarité du travail et les mauvaises conditions de rémunération – me semble normale.
Les différentes réformes des retraites, à commencer par la réforme Balladur de 1993, qui a été la première à remettre en cause cette évolution, avec la désindexation des retraites et des salaires, puis les réformes Fillon I de 2003 et Fillon II de 2010, ont toutes tendu à comprimer le montant des pensions des classes de population nombreuses, très expérimentées, qui ont quitté le monde du travail au début du XXIe siècle pour un repos bien mérité.
Les femmes nées entre 1942 et 1951 ont été les pionnières de l’essor de l’emploi féminin et des grandes conquêtes sociales des années soixante et soixante-dix, qui ont permis aux femmes de s’imposer progressivement dans le monde du travail, dans l’économie et dans la société.
Le problème, aujourd’hui, ce n’est pas que le niveau des retraites ait progressé plus vite que celui des salaires, mais bien plutôt que les salaires soient aussi bas. Quand on sait, par exemple, que certains organismes, y compris, malheureusement, gouvernementaux, recrutent aujourd’hui des bac + 2, des bac + 3 voire des bac + 5 pour leur demander de travailler à temps partiel avec une rémunération horaire égale au SMIC, on se dit que, effectivement, quelque chose ne va pas !
Les politiques d’allégement du coût du travail, lancées à grande échelle à l’automne 1993 – soit quelques mois après la réforme des retraites – avec la loi quinquennale sur le travail, l’emploi et la formation professionnelle n’ont jamais cessé de gagner en vigueur depuis.
À l’époque, on dépensait l’équivalent d’un milliard d’euros pour alléger les supposées « charges » des entreprises. Aujourd’hui, cette dépense fiscale atteint près de 30 milliards d’euros et le CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, ne fera que l’alourdir.
Voilà une dépense publique sur laquelle, apparemment, on n’a pas été très regardant, et qui pourtant, au vu du nombre de personnes inscrites à Pôle Emploi, ne semble pas avoir été d’une grande efficacité dans la lutte contre le chômage de masse !
Rendre imposable un plus grand nombre de retraités, voilà, semble-t-il, l’objectif de cet article. À notre avis, l’augmentation des tranches du barème de l’impôt sur le revenu et des taux de prélèvement rapporterait autant et serait plus juste.
J’ajoute que, si l’on diminue les ressources des nombreux retraités qui aident financièrement des enfants qu’ils ont contribué à élever, ces derniers risquent de se retrouver dans des situations difficiles et de revenir vers nous pour obtenir des mesures d’accompagnement social.
La parole est à M. Philippe Dallier, pour présenter l'amendement n° I-365.
La parole est à M. Vincent Delahaye, pour présenter l'amendement n° I-455.
Dans le même esprit que tout à l'heure, il s’agit ici pour nous de nous opposer aux impôts supplémentaires qui figurent dans ce projet de budget, car nous souhaitons que les efforts d’économies du Gouvernement soient axés sur la dépense publique.
Le présent amendement vise donc à supprimer l’article 6 et à conserver l’exonération d’impôt sur le revenu des majorations de retraite ou de pension pour charges de famille.
En effet, le projet de loi du Gouvernement « garantissant l’avenir et la justice du système de retraites » – une appellation que je ne trouve pas du tout adaptée ! – fait référence à une réflexion nationale sur l’évolution des droits familiaux, notamment des majorations de pension. Cependant, le Gouvernement n’envisage pas de réforme avant l’année 2020. Un simple rapport au Parlement a été envisagé.
Dans le même temps, et afin de financer cette réforme, l’article 6 du présent projet de loi prévoit de fiscaliser les majorations de pension pour parents de trois enfants et plus en les soumettant à l’impôt sur le revenu, et ce dès le 1er janvier 2014. Cette mesure n’est ni plus ni moins qu’une baisse déguisée des pensions de retraite et pénalisera immédiatement les familles.
De fait, tout en promettant une réforme nécessaire, mais dont la concrétisation s’annonce lointaine et incertaine, le Gouvernement s’apprête à pénaliser lourdement les familles nombreuses, et ce dès le 1er janvier 2014, par une mesure qui grèvera leur pouvoir d’achat à hauteur de 1, 2 milliard d’euros.
Nous nous opposons fermement à cette double mesure, qui laissera les foyers dans l’incertitude la plus totale, tant que la refonte des droits familiaux n’aura pas été effectuée. Nous souhaitons que la fiscalisation éventuelle des majorations de pension soit faite concomitamment à la réforme des droits familiaux, et ce dès 2014.
Mes chers collègues, il est question ici d’une jolie niche fiscale. Or, j’ai entendu, comme certains d’entre vous sans doute, de beaux discours en commission des finances sur les 450 niches fiscales qui existent dans notre pays et sur la nécessité de résorber un certain nombre d’entre elles.
Je rappelle que la Cour des comptes et la Commission pour l’avenir des retraites, présidée par Yannick Moreau, ont toutes deux préconisé la suppression de cette dépense fiscale au motif qu’elle accroît, je cite, « le caractère anti-redistributif de ce droit familial de retraite qui est proportionnel au niveau de pension ». Voilà donc une niche fiscale qui est injustifiée, …
… aux dires mêmes des autorités compétentes, et que l’article 6 vise à supprimer.
J’ajoute que la mesure proposée dans l’article participe à la répartition équitable des efforts entre générations en vue de résorber les déficits du système de retraite ; cette préoccupation est également à l’arrière-plan de cette disposition. Je le répète, la suppression de cette dépense fiscale se justifie au regard de l’exigence d’équité entre retraités et entre générations.
Je suis donc bien sûr défavorable à ces amendements identiques et demande au Sénat de les rejeter.
L’article 6 du projet de loi de finances pour 2014 a pour objet de soumettre à l’impôt sur le revenu, à compter de l’imposition des revenus de l’année 2013, les majorations de retraite ou de pension pour charges de famille, qui en sont actuellement exonérées.
Comme cela a été rappelé dans le rapport remis par la Commission pour l’avenir des retraites, cette majoration est doublement favorable aux titulaires des pensions les plus élevées, d’une part, parce qu’elle est proportionnelle à la pension, donc d’autant plus importante que la pension est élevée, et, d’autre part, parce qu’elle est exonérée de l’impôt sur le revenu, exonération qui procure un avantage croissant avec le revenu. En revanche, les retraités les plus modestes, non imposés, ne tirent quasiment pas de bénéfice de cette mesure.
La suppression de cette exonération paraît donc pleinement justifiée au regard des principes généraux de l’impôt sur le revenu et du caractère inéquitable de cette dépense fiscale. En outre, les dispositions de l’article garantissent que, à pension égale, les retraités supporteront un impôt égal.
Par ailleurs, le Gouvernement a pris en considération les préoccupations des contribuables les plus modestes du barème de l’impôt sur le revenu. À cet égard, je vous rappellerai ce que vous avez déjà voté et décidé ensemble.
Au-delà de l’indexation de 0, 8 % du barème prévue à l’article 2, qui permet de revenir sur la décision de gel pour deux ans prise en 2011 par la précédente majorité, il est proposé de revaloriser de 5 % le montant de la décote applicable à l’impôt sur le revenu, en le portant de 480 euros à 508 euros, afin de soutenir le pouvoir d’achat des ménages modestes.
Ces mesures, dont le coût total est évalué à 893 millions d’euros, dont 193 millions d’euros au titre de la seule revalorisation de la décote, constituent un effort budgétaire important, qui montre, s’il en était besoin, la volonté du Gouvernement de tenir compte des préoccupations des contribuables modestes, tout particulièrement des retraités, ainsi que son attachement aux considérations de justice en matière fiscale.
À ces dispositifs s’ajoute, j’en ai déjà parlé, un effort de 450 millions d’euros au titre de la revalorisation du seuil du revenu fiscal de référence ouvrant droit à des avantages en matière de fiscalité et de prélèvements sociaux. Cette mesure sera particulièrement bénéfique aux retraités, beaucoup des avantages concernés étant, comme vous le savez, placés sous condition d’âge.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à ces amendements identiques de suppression.
Je défendrai naturellement les amendements de suppression de cet article.
Tout d'abord, pour répondre à M. le rapporteur général, le terme de « niche » est désobligeant. Ce ne sont pas les contribuables qui ont inventé les niches, mais, je le répète, les gouvernements successifs qui, souhaitant inciter, orienter ou favoriser tel ou tel comportement, ont décidé d’offrir un avantage fiscal à ceux qui l'adopteraient. Une bonne fois pour toutes, je voudrais que l'on se rappelle que ces niches ont été voulues par des gouvernements et votées par des majorités.
En général, les gouvernements ne sont pas irresponsables : quand ils choisissent de défendre une mesure, qu’elle soit de gauche ou de droite, elle correspond à un projet de société. En l'occurrence, ce projet est parfaitement avouable, puisqu'il s'agit de soutenir la famille et la solidarité entre les générations.
Le dispositif de politique familiale qui en est résulté aurait certes pu être différent – une augmentation des retraites ou des taux des pensions de réversion, par exemple –, mais les gouvernements successifs, devant arbitrer entre différents coûts au service de ce projet, ont trouvé que l'avantage fiscal constituait dans l'immédiat la solution la moins onéreuse. À défaut, d'autres organismes auraient dû prendre en charge ce soutien.
Les défenseurs de ces mesures ont disparu, mais il reste Bercy, qui combat une dépense fiscale considérée comme perverse par nature ; le ministère des finances est d'ailleurs ici dans son rôle.
Toutefois, lorsqu'il y a dépense fiscale, c'est tout simplement qu’il n’y a ni politique salariale, ni politique de retraite, ni politique de taux mesurés de l'impôt sur le revenu et que, par conséquent, la seule compensation possible est la niche, qui a été acceptée parfois plusieurs décennies auparavant et dont on ne connaît pas toujours l'origine.
En l'espèce, avec la crise actuelle, les retraités qui ont eu de nombreux enfants – au moins trois – ont des charges de solidarité intergénérationnelle particulièrement fortes. Cela ne montre pas un repli, ni de l'égoïsme, mais au contraire une disponibilité en termes de service et d'accompagnement financier.
Sur le terrain, nous voyons tous que si les études supérieures peuvent être financées, si l'accès au logement est rendu possible, si des jeunes qui n’ont pas encore trouvé leur voie professionnelle et qui errent de contrats à durée déterminée en stages sont soutenus, c'est souvent grâce à la solidarité intergénérationnelle.
Chers collègues de la majorité, vous venez de créer un RSA pour les moins de vingt-cinq ans. Soit ! Mais pourquoi organiser cette dépense et pénaliser ceux qui, avec leur revenu, ont institué en quelque sorte une solidarité privée résultant de l'appui de la génération des grands-parents à celle des petits-enfants ? C'est une réalité vécue sur le terrain.
C'est pourquoi, avec conviction, je défends non pas une niche fiscale, mais la certitude que la solidarité intergénérationnelle dont la charge est assumée par les grands-parents mérite d'être reconnue et respectée. C'est une situation qui procure des économies à l’État, en évitant des dépenses publiques là où la famille pourvoit à différents besoins. Pourquoi, à cet instant, pénaliser cette dernière ?
Les amendements sont adoptés.
En conséquence, l'article 6 est supprimé.
La parole est à M. le président de la commission.
Je rappelle aux membres de notre commission que nous devons nous réunir lors de la suspension de séance afin d’examiner le décret d'avance dont le Gouvernement vient de nous saisir ; sous réserve de ce qu’en dira M. le rapporteur général, cela ne devrait pas nous prendre un temps considérable.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.