Intervention de Yves Daudigny

Réunion du 15 février 2011 à 14h30
Débat d'orientation sur la prise en charge de la dépendance et la création d'un cinquième risque — Orateurs inscrits

Photo de Yves DaudignyYves Daudigny :

Je suis bien convaincu qu’elle est, pour l’essentiel, déjà écrite, de même que la stratégie en est fixée, comme l’était par avance celle de la réforme des retraites. Je ne crois pas à la sincérité de l’organisation de ce grand débat, dont nous voyons bien qu’il est mis au service de convictions profondément individualistes !

Ce n’est pas le moindre des paradoxes, à cet égard, d’entendre le Président de la République se féliciter de ce que la France a mieux absorbé les effets de la crise que d’autres pays européens, grâce à l’existence d’un système de protection sociale solidaire qui en a amorti une partie des effets. Or c’est en contradiction absolue avec les principes mêmes de ce système protecteur que s’esquissent les grandes lignes du projet de réforme, que nous retrouvons dans les orientations liminaires du rapport de la mission commune d’information, à savoir : le rôle donné à la prévoyance individuelle pour la prise en charge de la perte d’autonomie ; la perspective de réinstaurer le gage patrimonial ; enfin, la distinction opérée entre les personnes âgées et les personnes handicapées.

Les constats et plusieurs propositions de ce rapport, cela a été dit, recueillent cependant notre accord : le maintien du GIR 4 dans le dispositif de l’APA, l’exclusion du recours à l’assurance obligatoire – ouf ! –; l’affirmation du principe de parité de financement de l’APA entre l’État et les conseils généraux. La majorité sénatoriale a rejeté une proposition de loi relative à la compensation des trois allocations de solidarité, que j’avais défendue à cette même tribune le 9 décembre dernier. Elle y revient aujourd’hui, tant mieux, même si ce n’est que très partiellement !

Bien sûr, nous serons également très attentifs à la décision que rendra le Conseil constitutionnel, si le Conseil d’État décide de le saisir de la question prioritaire de constitutionnalité qui lui a été récemment transmise par le tribunal administratif de Montreuil sur ce problème de compensation.

Mais nous ne pouvons suivre la mission d’information sur la question de la convergence. Le monde du handicap vit mal, et à juste titre, sa mise à l’écart d’un projet de réforme relatif à la perte d’autonomie. La barrière d’âge produit des écarts profondément inéquitables de prise en charge ! Elle constitue clairement une discrimination, humainement indéfendable et juridiquement contestable, en particulier au regard du droit européen qui prohibe toute distinction par l’âge dans l’attribution des prestations sanitaires et sociales. Je le rappelle, l’article L. 114-1-1 du code de l’action sociale et des familles, issu de la loi du 11 février 2005, énonce un droit à compensation « quels que soient l’origine et la nature de [la] déficience, [l’]âge et [le] mode de vie » ; au-delà de l’affirmation du droit, la loi prévoyait une mise en œuvre réaliste, car étalée dans le temps.

Certaines problématiques, nous le savons, sont communes aux deux catégories de population. Ainsi, les règles en matière d’accessibilité des lieux publics, issues de la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, profitent surtout, dans les faits, aux personnes âgées. Il en va de même des règles d’accessibilité dans le domaine de l’habitat ou de l’urbanisme : les personnes âgées vivent le plus souvent à domicile ; c’est seulement à partir de 96 ans que plus de 50 % d’entre elles se retrouvent dans des institutions.

La convergence sans confusion – car personne n’imagine, aujourd’hui ni demain, une allocation unique qui se substituerait à l’APA et à la PCH – est techniquement possible et financièrement supportable, dans un cadre solidaire rétabli et progressif.

S’agissant du recours à la prévoyance individuelle, nous savons que les coûts de gestion sont supérieurs à ceux de la sécurité sociale. Nous savons que les assurances commerciales trient les risques. Nous savons que les primes peuvent fortement varier et que les assurés paient beaucoup plus aux assureurs qu’ils ne paieraient en prélèvements obligatoires. Nous savons que les prestations forfaitaires servies ne sont pas adaptées aux besoins. Nous savons que nombre d’assurés ont tout perdu avec la chute des fonds de pension.

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