Intervention de Bernard Fournier

Réunion du 15 février 2011 à 14h30
Débat d'orientation sur la prise en charge de la dépendance et la création d'un cinquième risque — Orateurs inscrits

Photo de Bernard FournierBernard Fournier :

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, nous abordons aujourd’hui au Sénat un des débats les plus importants de ces prochaines années. Portant sur une question de société, c’est aussi un débat moral très attendu par nos concitoyens, parce qu’il concerne – ou concernera – la plupart d’entre nous un jour ou l’autre.

Sur un tel sujet, nous pouvons et nous devons éviter les clivages politiques, socioprofessionnels ou générationnels. Faisons en sorte, ou essayons de faire en sorte que ce débat garde son caractère humaniste. La dépendance ne concerne-t-elle pas pour beaucoup, malheureusement, une étape de la vie qui devrait être belle, cette période de transmission du témoin à nos enfants, de transmission de nos valeurs…

Il est de notre devoir, de notre responsabilité de parlementaires d’anticiper les grandes évolutions de nos sociétés et d’y apporter des solutions.

Le thème de la dépendance se retrouvera naturellement, au cours des prochaines années, dans la plupart des politiques publiques menées par les gouvernements, qu’ils soient de droite ou de gauche. Bien sûr, c’est une question de santé publique, une question de société, mais aussi une question familiale, économique, urbaine.

La dépendance est tout simplement le résultat de l’allongement de la durée de la vie et de sa principale conséquence, le vieillissement de la population française.

Nonobstant les progrès considérables de la médecine, il faudra trouver des réponses adaptées pour tous ces Français qui connaissent une perte d’autonomie importante et qui ne peuvent pas toujours compter sur leur famille.

Un tiers des Français – cela a été dit – aura plus de soixante ans en 2035. Onze millions d’entre eux auront plus de quatre-vingts ans en 2050. Si, bien sûr, ces données démographiques constituent une très bonne nouvelle pour notre pays, c’est l’ensemble de notre modèle économique et social qui va s’en trouver bouleversé.

Cette évolution fondamentale, il nous faut dès maintenant l’accompagner. En effet, seule une personne âgée sur cinq est aujourd’hui en mesure de financer sur ses seuls revenus son hébergement en maison de retraite.

Pour toutes ces raisons, le Président de la République et le Gouvernement ont souhaité que la prise en charge de la perte d’autonomie soit un chantier majeur en 2011. Dans son discours de politique générale du 24 novembre 2010, le Premier ministre a annoncé une grande concertation nationale sur la protection sociale, ayant pour objectif principal de traiter la question de la dépendance, dont le coût est estimé à 21 milliards d’euros par an.

Au-delà de ces différentes remarques sur le plan sociétal et humain, il nous appartient de trouver des financements viables et pérennes.

Nous le savons, cette réforme intervient dans un contexte financier dégradé. Malgré la sortie de crise, la situation demeure fragile. L’état de nos finances publiques est préoccupant et nous sommes tous conscients que la maîtrise de nos déficits est une impérieuse nécessité.

Il nous faudra donc faire preuve d’imagination, d’inventivité, et surtout il nous faudra trouver de nouveaux financements si nous voulons mettre en place une prestation universelle de compensation de la perte d’autonomie.

En somme, nous avons trois impératifs : ne pas accroître nos déficits ; ne pas taxer plus le travail en augmentant les charges sociales et ne pas laisser aux familles toute la charge financière de la dépendance.

L’un des enjeux du cinquième risque est celui du financement des prestations individuelles et du « reste à charge » pour les usagers. Le recours à la prévoyance collective ou individuelle a été évoqué par le Président de la République comme un financement complémentaire aux financements émanant des solidarités nationale et familiale, ainsi que de la participation directe de l’usager.

Nous devrons aussi être très attentifs à la place du conseil général, qui, depuis la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, est devenu le chef de file de l’action sociale en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées. Dans mon département, le conseil général vient de voter un budget avoisinant 200 millions d’euros pour 2011 en faveur de ces publics, soit pratiquement 30 % du budget total.

M. Pierre Jamet, directeur général des services du conseil général du Rhône, qui a remis son rapport sur les finances départementales, le 22 avril 2010, au Premier ministre, a mis en exergue les difficultés croissantes des départements pour absorber dans leur budget la montée en charge des prestations sociales, avec la diminution inversement proportionnelle de leurs recettes.

Pour répondre à cette urgence, la loi de finances rectificative pour 2010 a mis en place un fonds exceptionnel de soutien aux départements en difficulté, abondé à hauteur de 150 millions d’euros.

Aujourd’hui, nous ne partons pas de rien.

L’excellent rapport sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque, rédigé, au nom de la mission commune d’information, par notre collègue Alain Vasselle, nous rappelle très précisément toutes les mesures qui ont été prises depuis des années. Mais il dresse aussi le constat de l’accroissement significatif et nécessaire de l’effort public en direction des personnes âgées dépendantes.

Depuis 2008, M. le rapporteur les a soulignées, de nombreuses évolutions très positives ont eu lieu. Je pense en particulier au plan de relance de l’économie, qui a permis d’accélérer la création de nouvelles places dans les structures d’accueil. Je pense au plan Alzheimer, mais aussi à la réforme de la tarification des EHPAD ou encore à la réforme de la gouvernance du secteur médico-social, avec la création des agences régionales de santé.

N’ayant pas le temps d’évoquer toutes les mesures préconisées dans le rapport de la mission commune d’information, je voudrais conclure mon intervention en insistant sur celles qui, à mes yeux, sont les plus pertinentes.

Tout d’abord, il m’apparaît effectivement indispensable d’accentuer la politique de prévention de la perte d’autonomie et d’améliorer l’évaluation des besoins, la « solvabilisation » des personnes âgées en perte d’autonomie, ainsi que la gestion de l’APA.

Des efforts doivent être fournis pour assurer et développer le maintien à domicile. C’est d’ailleurs un souhait qu’expriment de nombreuses personnes âgées : elles désirent conserver le plus longtemps possible le cadre de vie dans lequel elles ont leurs habitudes, leurs repères, leurs souvenirs. Nous devrons donc être très attentifs, à terme, au décrochage qui peut survenir entre l’effectif des personnes dépendantes et celui des aidants à domicile, ce décrochage pouvant avoir une influence sur les possibilités de maintien à domicile.

Par ailleurs, je soutiens le principe d’une organisation et d’un financement de la prise en charge de la dépendance reposant sur un partenariat entre les secteurs public et privé. Je suis opposé à une assurance obligatoire, mais favorable à une assurance facultative, contractée sur la base du volontariat.

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