Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 22 novembre 2013 à 14h30
Loi de finances pour 2014 — Articles additionnels après l'article 2

Bernard Cazeneuve, ministre délégué :

Tout d’abord, je tiens à remercier Mme Lipietz d’avoir permis l’ouverture de ce débat. Les interventions de M. le rapporteur général et de M. le président de la commission des finances montrent qu’il s’agit là d’un sujet de fond, sur lequel le Parlement est très mobilisé.

Avant de m’exprimer plus précisément sur la problématique soulevée par l’amendement, je commencerai par répondre aux deux questions posées par M. le président de la commission des finances : la réforme est-elle engagée à seule fin de renforcer la progressivité de l’impôt ? Dès lors qu’une large consultation des partenaires sociaux est prévue, faut-il en déduire que le Parlement n’interviendra qu’en « second rideau », ce qui reviendrait à minorer son rôle ?

En ce qui concerne la méthode, dans toutes les grandes démocraties européennes, sur des questions aussi importantes que celles que soulève l’amendement, à savoir le sens de l’impôt, les objectifs de politique publique pour lesquels il est mobilisé, le consentement à l’impôt qui, en France, est consubstantiel à la République, il est normal que les partenaires sociaux, surtout quand il s’agit de prélèvements pouvant contribuer au financement de la solidarité et de la protection sociale, et le Parlement, qui a à connaître de l’ensemble des lois financières, soient conjointement associés à la réflexion. Ces questions intéressent en effet la société dans son ensemble.

Il ne convient donc pas d’opposer le Parlement et les partenaires sociaux. Le fait que ces derniers soient associés à une réflexion ne signifie pas que le Parlement ait vocation à en être écarté. Réciproquement, la volonté clairement exprimée du Premier ministre de mobiliser le Parlement dans la réflexion ne signifie pas que cela pourrait être au détriment de la concertation sociale, sur laquelle repose la méthode du Gouvernement, dès lors que l’on traite de protection sociale, de solidarité, du modèle social français.

Par conséquent, monsieur Marini, tant le Parlement que les partenaires sociaux seront associés à la préparation de la réforme, chacun dans son rôle !

Les parlementaires ont un rôle éminent : ils incarnent la souveraineté nationale et sont fondés à s’exprimer sur tout sujet dont le Parlement a à connaître. Quant aux partenaires sociaux, ils ont eux aussi un rôle essentiel à jouer dans une démocratie sociale comme la nôtre.

Quant au fond, rien n’est pire à mon avis, quand on engage une réflexion sur une réforme fiscale, que de tomber dans l’un des deux pièges suivants.

Le premier, c’est de considérer que tout commence le jour où la réflexion est engagée. En l’occurrence, nous avons déjà entamé cette réforme fiscale ; elle n’arrive pas dans le paysage comme porte-chaussettes sur divan. En effet, au cours des derniers mois, nous avons aligné la fiscalité des revenus du capital sur celle des revenus du travail, nous avons réformé l’impôt de solidarité sur la fortune, nous avons décidé de revoir les droits de succession, nous avons engagé cet été une réflexion avec le monde de l’entreprise, qui se prolongera à l’occasion des Assises de la fiscalité des entreprises, au mois de janvier.

Par conséquent, les orientations données par le Président de la République lors la campagne pour l’élection présidentielle se sont traduites par de premières mesures. Le Premier ministre souhaite que nous profitions du débat sur la fiscalité pour tout remettre en perspective. Il ne faut donc pas fermer le débat avant de l’avoir ouvert – c’est le second piège à éviter –, en affirmant que le seul et unique objectif est de renforcer la progressivité de l’impôt.

Comme le signifie l’expression « remise à plat » employée par le Premier ministre, notre volonté est bien d’examiner la totalité des sujets, de façon globale, méthodique, en associant l’ensemble des acteurs, pour atteindre un certain nombre d’objectifs que je voudrais maintenant rappeler devant le Sénat.

Tout d’abord, nous avons besoin de simplification. À la question du niveau des prélèvements obligatoires s’ajoute celle du nombre de taxes. Il faut rendre plus lisible, simplifier le système fiscal. Pour le contribuable personne physique comme pour l’entreprise, c’est un élément indispensable pour faciliter l’investissement et renforcer le consentement à l’impôt.

Ensuite, il faut tendre vers la stabilisation. Tous les gouvernements prennent de multiples mesures fiscales, ce qui aboutit à la formation d’un véritable palimpseste, difficilement lisible.

La simplification et la stabilisation sont des moyens de stimuler la croissance, troisième objectif de notre action.

Enfin, il faut faire en sorte que l’impôt soit juste et, par conséquent, plus progressif, même si ce n’est pas le seul but. Cela est très important, car l’impôt est aussi un instrument de redistribution.

Tels sont les quatre axes qui guident notre action : simplification, stabilisation, stimulation de la croissance, justice fiscale.

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