Mes chers collègues, j’ai toujours eu pour principe, que ce soit à l’Assemblée nationale ou au Sénat, de ne jamais interrompre un orateur. Je vous remercie de faire de même.
Les sondages indiquaient, au début du mois d’octobre, que nos concitoyens estiment payer trop d’impôts. Mais, en même temps, ils veulent plus de services publics, plus de justice, tandis que certains élus locaux veulent plus de subventions ! Il est donc important de mettre les choses à plat.
Ne nous voilons pas la face : suivant les travées sur lesquelles nous siégeons, nous n’avons pas la même conception de l’impôt. Je reconnais, à cet égard, que les thèses libérales occupent aujourd’hui une place très forte dans l’opinion publique : vous avez réussi à rendre assez consensuel le leitmotiv du « trop d’impôts », qui est l’affirmation d’une doctrine libérale à laquelle je n’adhère pas.
Ce qui compte en réalité, c’est le principe de justice fiscale, grand principe révolutionnaire en vertu duquel chacun est imposé selon sa capacité contributive. Surtout, il faut que ce que financent les impôts, aussi juste soient-ils, soit conforme à l’intérêt général.
Il y a là matière à un grand débat. Je constate d’ailleurs, depuis de très nombreuses années, que l’État a modernisé sa fiscalité, mais que les collectivités locales sont toujours en retrait : c’est ce que j’ai appelé le « grand évitement ».
L’évolution du débat, au cours de l’histoire, nous donne tout de même des raisons d’être optimistes. Je me souviens des conditions dans lesquelles la création de la CSG a été votée à l’Assemblée nationale, en 1990 : une motion de censure avait failli être adoptée. Ici même, au Sénat, il s’était trouvé des élus pour saisir le Conseil constitutionnel, au motif que la CSG n’était pas progressive. Je suis heureux de constater que, aujourd’hui, le principe de progressivité semble réunir un certain consensus.
Monsieur Marini, je vous remercie d’avoir bien précisé le principe de mixité auquel vous êtes attaché, associant proportionnalité et progressivité. Le grand débat entre nous portera justement sur la mise en œuvre ou non de ce principe de mixité.
Nous connaissons actuellement des circonstances extrêmement difficiles. N’oublions jamais que toute réforme fiscale se traduit par des transferts : ceux qui en bénéficient ne disent rien, les autres protestent. Je ne veux pas refaire l’histoire, monsieur le ministre, mais je suis navré de devoir rappeler le sort qui fut réservé à la taxe départementale sur les revenus, en 1992.
Si M. le Premier ministre a pris l’initiative d’ouvrir maintenant le débat, c’est parce qu’une grande réforme prend du temps et ne peut jamais se décider à la veille d’une élection, quelle qu’elle soit ! §