Nous abordons l’un des sujets clés du projet de loi de finances pour 2014 : le quotient familial.
L’abaissement du plafond nous est généreusement présenté, notamment dans le rapport de la commission des finances, comme une mesure de justice sociale touchant les ménages les plus aisés. Or nous savons très bien que cette décision n’est qu’une étape dans un processus de longue haleine qui pourrait conduire à la disparition pure et simple du quotient familial.
Selon les estimations fournies par le Gouvernement lui-même, le quotient familial coûterait 12, 4 milliards d’euros aux finances publiques. Il aurait donc un impact significatif sur le produit de l’impôt, puisqu’il faut bien évidemment le mettre en rapport avec les 75, 6 milliards d’euros attendus. Ce serait même la principale « niche fiscale ».
Une telle assertion mérite sans doute d’être analysée avec plus de précision. D’après l’évaluation des voies et moyens, en 2014, près de 12, 9 milliards d'euros serviront à financer des réductions et des crédits d’impôt, dont une bonne partie n’est qu’un pis-aller de la dépense publique ou privée directe. Même amoindrie, la prime pour l’emploi est un succédané de hausse des salaires, dont les employeurs peuvent se dispenser.
Nous connaissons les données du problème : certes, le quotient familial représente 12, 4 milliards d’euros, mais il est partagé entre 7, 78 millions de ménages, c'est-à-dire plus d’un ménage sur cinq. En d’autres termes, cette niche fiscale représente, en moyenne, environ 1 600 euros d’impôt en moins par contribuable concerné. Rien à voir, mes chers collègues, avec le régime ISF-PME ! Certes, il ne coûte que 460 millions d’euros – cela fait tout de même le dixième du produit de l’ISF –, mais il concerne 41 600 ménages, soit, pour chacun d’entre eux, un chèque moyen de 11 060 euros. J’ai d’ailleurs cru comprendre récemment que, contrairement au quotient familial, il était question de le « sanctuariser ». Quelle bonne méthode pour rétablir l’égalité entre les contribuables !
À ce propos, je précise qu’en 2011 – c’est le dernier chiffre dont je dispose – ont été recensés 136 000 déclarants de plus-values possédant 5, 4 milliards d’euros de revenus. Le régime extrêmement favorable d’imposition des plus-values qui figure un peu plus loin dans le texte n’améliorera pas la justice fiscale, me semble-t-il, si c’est bien le sujet qui nous importe ici.
Pour les ménages n’ayant qu’un enfant, les effets du plafonnement se feront sentir à partir de 64 481 euros de revenu de référence, soit un revenu annuel brut de 71 645 euros. Cela correspond à la rémunération de deux cadres touchant environ 3 000 euros nets fiscaux par mois. Dans de nombreux cas, ce seront des couples de salariés, diplômés, normalement payés, qui seront frappés. Selon le rapport de la commission des finances, cette mesure concernera 80 % des foyers dont le revenu est soumis aux taux d’imposition intermédiaires de 14 % et de 30 %.
Je souhaite revenir sur le rôle de cette économie fiscale.
Aujourd’hui, dans les faits, nous avons un dispositif où les allocations familiales participent, comme le quotient familial, à la politique familiale générale du pays. Au demeurant, les sommes en jeu sont quasiment les mêmes : les allocations familiales liées à l’enfant, de caractère universel, ont le même « coût » que le quotient familial. Réalisera-t-on un transfert de l’un à l’autre, avec le milliard d’euros attendu de l’application de l’article 3, par exemple en finançant l’attribution d’allocations familiales dès le premier enfant ? Malheureusement, la somme ainsi « économisée » sera immédiatement engloutie dans le financement d’une nouvelle exonération de cotisation sociale relative aux allocations familiales normalement due par les entreprises.
La question que pose cette mesure, c’est encore une fois celle de la fiscalité de substitution, un impôt nouveau frappant les ménages venant alléger la contrainte des entreprises. Observons d’ailleurs que l’État va faire à cette occasion coup double, puisque la base imposable des entreprises, en général, sera majorée de 1 030 millions d’euros et pourra produire 340 millions d’euros de recettes fiscales en plus.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre l’article 3.