Ma génération n’a pas connu la crise de l’emploi. Il n’y avait pas de chômage et une simple licence, acquise en trois ou quatre ans, nous ouvrait toutes les possibilités. La situation de l’emploi était plus qu’euphorique. Dans ces circonstances, on trouvait normal que ceux qui partaient à l’étranger, alors qu’on se trouvait si bien en France, ne paient pas d’impôts : ils partaient loin, à Bruxelles ou ailleurs. Je force un peu le trait, mais je ne suis pas très loin de l’état d’esprit qui régnait à l’époque parmi les étudiants.
Monsieur le ministre, en vous écoutant parler, j’ai cru voir l’équipe de hauts fonctionnaires internationaux qui a rédigé les trois arguments que vous avez cités, en bon ministre, en reprenant les articles de la convention internationale…
Dans le même temps, je suis très sensible aux arguments de Roger Karoutchi : nos hauts fonctionnaires sont aussi nos missionnaires. Évidemment, nul doute, ils n’ont pas fait vœu de pauvreté. Nous sommes néanmoins très fiers que des fonctionnaires français occupent des postes importants à la Banque mondiale ou à la Commission européenne.
En revanche, je ne suis pas d’accord avec mon collègue Yung. La crise mondiale, la pression fiscale, la diminution du pouvoir d’achat, le chômage sont devenus des problèmes européens, voire mondiaux. Automatiquement, les gens s’interrogent sur les salaires des fonctionnaires, notamment des fonctionnaires internationaux, qui sont des acteurs importants dans la résolution des crises et l’élaboration des solutions à mettre en œuvre. Le problème soulevé par Mme Goulet n’est donc pas un problème français. En tant que membre de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l’OSCE, et du Conseil de l’Europe, je voyage beaucoup, et je suis étonné de constater que cette question agite de nombreuses opinions publiques.
Je ne crois pas, monsieur Yung, que vous puissiez rayer d’un trait de plume ce problème important. Il touche à l’exemplarité des hauts fonctionnaires. Certes, ces derniers méritent notre protection, parce qu’ils sont envoyés dans le monde entier, mais il me semble qu’un signe à la fois français, mais aussi européen, serait le bienvenu.
Je le dis au ministre des affaires européennes ou au ministre des affaires étrangères : il serait bon que la France donne le signal. Il est grand temps que les hauts fonctionnaires internationaux, qui n’ont pas vraiment prononcé le vœu de pauvreté, même s’il s’agit de missionnaires, se sentent un peu concernés par la pression fiscale que l’ensemble des habitants de l’Europe et au-delà supportent. Cet argument est important.
Si Mme Goulet maintient son amendement, je le voterai dans une logique d’appel. Il n’est pas juste de dire, comme l’a fait M. Yung, que nous nous battons contre des moulins à vent. C’est un amendement important pour l’action politique du monde, notamment en direction des activités internationales qui prennent de plus en plus d’ampleur.