Intervention de Philippe Dallier

Réunion du 22 novembre 2013 à 21h30
Loi de finances pour 2014 — Articles additionnels après l'article 6

Photo de Philippe DallierPhilippe Dallier :

Dès son installation, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault s’est empressé de supprimer le dispositif emblématique du quinquennat précédent que vise à reprendre cet amendement. Il a fait de cette question un véritable combat idéologique, sans prendre en considération les vertus de cette mesure.

Lorsque la défiscalisation des heures supplémentaires a été mise en place, les arguments pour la combattre furent les mêmes que ceux qui avaient été employés en faveur de la loi sur les 35 heures : le travail se partage et c’est ainsi que nous pourrons le mieux lutter contre le chômage. Voyez ce qu’il en est aujourd’hui !

Pour mémoire, le groupe UMP s’était très fermement opposé à sa suppression dans le collectif budgétaire de juillet 2012 et avait proposé sa réintroduction, via un amendement, dans le projet de loi de finances pour 2013, qui avait alors été rejeté. La situation, un an après, n’est plus tout à fait la même, mes chers collègues, car le ras-le-bol fiscal a atteint un niveau assez inquiétant.

Nous pensons donc que le dépôt de cet amendement pourrait être mieux accueilli cette année, sinon par le Gouvernement, du moins par nos collègues de la majorité qui ne sont pas insensibles à cette mesure de pouvoir d’achat.

Rappelons qu’il s’agit d’un dispositif composé de deux volets : un volet fiscal qui permet d’exonérer d’impôt sur le revenu les heures supplémentaires et complémentaires effectuées ; un volet social qui permet, pour les salariés, une réduction de cotisations sociales au titre des heures supplémentaires et complémentaires et, pour les employeurs, une déduction forfaitaire des cotisations patronales au titre des heures supplémentaires uniquement.

Ce double dispositif était générateur d’un double effet positif.

Le premier portait, bien évidemment, sur le pouvoir d’achat des salariés, notamment les plus modestes d’entre eux : 9 millions de salariés au total ont pu profiter de cette mesure au cours du quinquennat précédent, pour un gain moyen estimé de 500 euros annuels.

Le second portait sur la compétitivité des entreprises : la réduction de charges cumulable à la « réduction Fillon » a permis aux entreprises de s’affranchir du carcan des 35 heures, de gagner en souplesse, donc de mieux répondre aux contraintes du marché. Elle a même fonctionné comme un mini-plan de relance lors de sa création, contribuant ainsi à ralentir les effets sur l’économie française de la crise intervenue à la fin de l’année 2008.

Le dispositif TEPA, c'est-à-dire travail, emploi, pouvoir d’achat, se donnait pour triple objectif de réhabiliter la valeur travail, d’améliorer le niveau de vie des salariés et de lutter contre le chômage.

Certes, le coût des allégements fiscaux et sociaux supplémentaires, soit 4, 5 milliards d’euros par an, était important, mais il se justifiait à nos yeux par un effet favorable sur le taux de croissance, dont découlent logiquement le niveau d’emploi et le niveau de vie des salariés.

Loin de créer une dynamique alternative et de lutter structurellement contre la crise, le Gouvernement contribue à l’aggraver depuis son arrivée au pouvoir.

Un petit rappel s’impose. Le pouvoir d’achat des Français a été constamment mis à mal, comme nous n’avons eu de cesse de le répéter depuis le début de ce débat. La période budgétaire voit s’empiler les taxes qui s’abattent sur les ménages : 2, 2 milliards d’euros d’augmentation de charges pour les salariés, auxquels il faut ajouter 3, 2 milliards d’impôts supplémentaires pour les retraités d’ici à 2020 dans le cadre de la réforme des retraites ; un nouvel abaissement du quotient familial pour un milliard d’euros – même si le Sénat vient de supprimer cette mesure, on peut craindre que la situation ne reste pas en l’état – ; la suppression de l’exonération sur les complémentaires de santé pour environ un milliard d’euros également. Il faut y ajouter, à partir du 1er janvier prochain, la hausse de la TVA, pour une facture de 6, 5 milliards d’euros.

En outre, la politique du Gouvernement nous semble aussi anti-compétitive : aux 17 milliards d’euros d’impôts supplémentaires votés depuis 2012 il faut ajouter, entre autres, une augmentation de l’impôt sur les sociétés pour 2, 5 milliards d’euros dans le budget que nous examinons.

En matière de compétitivité, c’est donc un CICE inefficace et en tous les cas très complexe qui remplace la TVA compétitivité.

Rappelons aussi la conduite d’une politique de l’emploi qui favorise les contrats aidés au détriment de l’apprentissage, ce qui est contre-productif à nos yeux. Les emplois d’avenir et les contrats de génération, en plus des classiques CAE-CIE, c'est-à-dire des contrats d’accompagnement dans l’emploi et des contrats initiative emploi, sont financés dans ce budget à hauteur de 3, 4 milliards d’euros, alors que la politique d’apprentissage est détricotée, avec la division par deux du crédit d’impôt et la suppression des ICF, les indemnités compensatrices forfaitaires, pour les entreprises de plus de onze salariés.

C’est pour toutes ces raisons, mes chers collègues, qu’il convient de soutenir le pouvoir d’achat des Français de condition modeste en votant en faveur de cet amendement.

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