M. Yung propose de permettre aux contribuables dont les revenus de source française représentent plus de 75 % de leur revenu mondial de déduire leurs charges de ce revenu et, ainsi, de généraliser la jurisprudence Schumacker à l’ensemble des contribuables domiciliés en dehors de l’Union européenne et de l’Espace économique européen.
Ce sujet a fait l’objet de longs débats à l’Assemblée nationale, et le Gouvernement a souhaité que les parlementaires représentant les Français de l’étranger engagent avec lui une réflexion en vue de trouver une solution. Bien entendu, le Sénat a vocation à participer à ces travaux, qui ne manquera de donner lieu à des propositions. Celles-ci seront évidemment examinées par le Gouvernement avec la plus grande attention.
Selon nous, les travaux en question doivent être conduits en ayant à l’esprit certaines contraintes juridiques et budgétaires que je veux rapidement rappeler.
D’abord, c’est parce que les personnes domiciliées hors de France sont soumises à une obligation fiscale limitée en France qu’elles ne peuvent déduire aucune charge de leur revenu global. Les personnes fiscalement domiciliées en France sont soumises à l’impôt sur le revenu sur l’ensemble de leurs revenus, qu’ils soient de source française ou étrangère : leur obligation fiscale est illimitée. En revanche, les personnes dont le domicile fiscal est situé à l’étranger ne sont imposables en France que sur leurs seuls revenus de source française : ils sont soumis à une obligation fiscale limitée. C’est pour tenir compte de cette différence objective de situation entre résidents et non-résidents que l’article 164 A du code général des impôts prévoit que les personnes qui n’élisent pas domicile fiscal en France ne peuvent déduire aucune charge de leur revenu global.
Ensuite, l’exception prévue pour les « non-résidents Schumacker » n’est pas transposable aux non-résidents établis hors de l’Europe. Les contribuables « non-résidents Schumacker » domiciliés dans un autre État de l’Union européenne ou dans un État partie à l’Espace économique européen peuvent, de la même manière que les contribuables fiscalement domiciliés en France, faire état, pour le calcul de leur impôt sur le revenu, des charges admises en déduction de leur revenu global lorsqu’ils tirent de la France la majorité ou la quasi-totalité de leur revenu. Cette règle est issue de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. Elle s’applique à tous les États membres, ce qui implique une réciprocité aux termes de laquelle un Français imposé dans un autre État membre peut, le cas échéant, se prévaloir des principes imposés par l’arrêt Schumacker.
Les Français qui résident dans les États tiers à l’Union européenne ne peuvent pas bénéficier d’une telle réciprocité. C’est pour cette raison que, dans le respect de l’égalité de traitement devant l’impôt, la déductibilité des charges n’est pas étendue aux personnes résidant hors de l’Union européenne et de l’Espace économique européen.
Afin de ne pas grever les finances publiques, il conviendra d’agir dans le cadre des conventions fiscales qui nous lient aux autres États, en veillant à ce que la condition de réciprocité soit respectée. À défaut, nous serions dans une logique « perdant-perdant ». À cet égard, je vous rappelle qu’en vertu du principe de répartition du droit d’imposer, c’est au pays de résidence que revient le soin de déduire les charges.
Je sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’en demanderai le rejet.