Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sur le fond, comme l’a dit le Président de la République, ce qui nous rassemble aujourd’hui n’est pas un débat simplement technique. C’est effectivement bien plus que cela. C’est l’une de ces marques qui traduisent l’état d’une société.
À ce titre, le rapport de la mission commune d’information nous rappelle que notre pays n’a pas à rougir de sa politique publique. Les plans successifs « vieillissement et solidarités » et « solidarité-grand âge » ont placé la France en tête des pays européens pour la prise en charge technique de la dépendance.
La volonté de solidarité est bien présente tant dans l’opinion publique que sur l’ensemble des travées de cet hémicycle. Encore faut-il qu’on sache anticiper les limites financières du système actuel, et surtout que l’on sache organiser le système autour de l’aidant et du médecin. Ce lien social est à la fois la clef de la qualité mais aussi celle de l’efficience économique.
Le remarquable rapport de la mission commune nous éclaire sur une situation d’une absolue complexité administrative et décrit précisément les perspectives statistiques et financières, à moyen et long termes.
Le débat ne devrait pas être seulement technique, mais il le sera inévitablement.
D’abord, sur la recherche d’une gouvernance simplifiée, tout ce qui revient à l’humain devrait être lisible. La clarté est nécessaire tant pour les familles que pour les professionnels. Actuellement, les administrations et les structures manquent de coordination entre elles, si bien qu’un médecin traitant ne sait plus à qui s’adresser quand un patient chronique se déstabilise. Alors, c’est la solution sans retour, celle des urgences de l’hôpital le plus proche.
Lors de l’hospitalisation, les bilans sont refaits sans réelle nécessité, et pour peu que le séjour se prolonge, le patient devient inapte au retour au domicile. Et c’est le placement dans un service de long séjour onéreux, où il finira sa vie. C’est le pire sur le plan humain, c’est aussi le pire sur le plan financier, sachant qu’une journée d’hospitalisation à domicile est facturée à la tarification à l’acte environ 200 euros alors que, en centre hospitalier ou en centre hospitalier général, c’est jusqu’à dix fois plus.
La gouvernance, sans nom et sans corps, est différenciée selon que l’on traite de l’hébergement, des soins ou de l’aide à la personne. Unifions, clarifions, donnons-nous un chef de file et soyons novateurs en créant un « guichet unique ».
Nous ne partons pas de rien. Les outils sont nombreux et de qualité : les centres locaux d’information et de coordination gérontologique, les CLIC, les établissements hospitaliers pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, les services de soins infirmiers à domicile, les SSIAD, les hospitalisations à domicile, les HAD, les maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer, les MAIA, les services de maintien au domicile, les réseaux de soins palliatifs et les associations. Les départements, eux aussi, ont acquis une expertise.
Il émane du rapport un manque de lien et de coordination entre ces acteurs de terrain que le régime de la « grande cathédrale centralisée », termes employés par Mme la ministre, ne saurait instaurer.
En réalité, c’est bien sûr la refonte du financement que les conclusions de la mission ont déjà suscité des réactions relevant plus de la posture idéologique que de la raison.
Peut-on créer une cinquième branche sur le modèle des quatre autres ? Rationnellement, non ! Sauvons les branches existantes, mais ne chargeons pas la mule, elle marche déjà sur les genoux, si j’ose dire, tant du côté de l’entreprise que de celui du salarié.
Les travaux parlementaires concluent à la nécessaire participation du privé à la gestion du risque dépendance.
Qu’elle soit obligatoire, comme le préconisent nos collègues députés, et alors ce ne sera ni plus ni moins que la création d’une cinquième branche exclusivement financée par les particuliers, sans qu’en soient connus les moyens de contrôle !
Qu’elle soit volontaire, comme le suggère la mission sénatoriale, et, dans ce cas, nous restreignons l’assiette et augmentons les cotisations ou les primes. Mais alors Quid de ceux qui ne feront pas cet effort soit par manque de moyens, soit par négligence ou méconnaissance ! In fine, nous savons très bien que c’est la collectivité qui les prendra en charge.
Cette piste est néanmoins intéressante non seulement parce qu’il y a déjà cinq millions de cotisants mais aussi du fait de la mobilisation du secteur mutualiste. Particulièrement réactifs et visionnaires, ces acteurs sont à l’écoute de solutions moins onéreuses et s’inscrivent en partenaires de programmes spécifiques et novateurs, comme c’est actuellement le cas pour une expérimentation menée en Languedoc-Roussillon.
Pour compléter le dispositif de financement, nos collègues de la mission commune d’information préconisent la prise en gage avec un rendement de l’ordre du milliard d’euros couvrant l’augmentation annuelle de la dépense publique pour la dépendance ; c’est effectivement séduisant et équitable socialement.
Je rejoins toutefois les réserves émises par d’autres parlementaires sur ses effets pervers, pouvant aller jusqu’à la pression des familles pour conserver le patrimoine au détriment de la personne fragile, quand ce n’est pas le patient lui-même qui éviterait la prise en charge pour léguer l’intégralité de son patrimoine.
Dans tous les cas, il me semble souhaitable de réserver une place prépondérante à la solidarité nationale, ce qui est conforme aux positions de la mission, en complétant les ressources par urne fiscalité bien ciblée, comme celle sur les jeux d’argent en ligne, qu’il faut intégrer à la refonte de la fiscalité du patrimoine. Mes chers collègues, nos concitoyens tiennent à cette solidarité ; sachons les entendre !