Intervention de Raymond Vall

Réunion du 15 février 2011 à 14h30
Débat sur le schéma national des infrastructures de transport

Photo de Raymond VallRaymond Vall :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite remercier tout d’abord le président Jean-Paul Emorine, qui a accepté ma demande de création d’un groupe de travail interne sur le schéma national des infrastructures de transport. .

Je le remercie aussi d’avoir désigné mon collègue Louis Nègre pour présider ce groupe de travail. Vous savez combien celui-ci a travaillé sur ce dossier. Je le remercie de s’être déplacé sur certains territoires, dont la Gascogne au sens large : il a ainsi pu constater un certain nombre de choses, sur lesquelles je vais revenir.

Je remercie enfin Yvon Collin, président du groupe RDSE, d’avoir demandé l’inscription de ce débat à l’ordre du jour de la Haute Assemblée : elle me paraissait s’imposer.

Mes chers collègues, je garde encore en mémoire toute l’émotion que j’ai ressentie lorsque j’ai pris connaissance, un matin de juillet, de la première version du SNIT. J’ai en effet découvert une sorte de caricature de l’esprit du Grenelle, une diabolisation de tout ce qui a trait au routier, une sorte d’utopie, celle d’un retournement de l’histoire qui, d’un seul coup, mènerait l’humanité vers des déplacements et des échanges réduits à la fois en volume et en vitesse.

En juillet 2010, le Gouvernement nous a en effet proposé une première version du SNIT, qui devait être examinée à la fin décembre 2010. Ce document a donné lieu à de nombreuses réactions, comme l’a souligné Mme la ministre, et suscité bien des interrogations.

Nous avons ensuite découvert, tout récemment, la version définitive, amendée, en janvier 2011. Cette version retient un certain nombre de remarques formulées par le président Louis Nègre lui-même. Elle contient en particulier une page 118, où figure un titre qui va fonder mon intervention : « Le renforcement de l’accessibilité des territoires dont les populations souffrent d’enclavement ». C’est, à mon sens, l’un des sujets majeurs qu’aborde ce document.

Bien sûr, la lecture de la dernière version du SNIT fait d’abord apparaître qu’il correspond à une stratégie privilégiant les modes de transports alternatifs à la route et à l’aérien dans un cadre intégré et multimodal, au sein duquel tous les modes ont néanmoins leur place et leur rôle à jouer.

Il décline une soixantaine d’actions visant à orienter les politiques des gestionnaires d’infrastructures, en termes d’exploitation, d’entretien et de modernisation des réseaux. Il est clair qu’il reflète un choix de projets de développement fondé sur une grille d’évaluation multicritères normalement construite en concertation avec les acteurs du Grenelle.

Il représente 166 milliards d’euros d’investissements, hors Grand Paris, dans le développement des infrastructures de transport, dont plus de 90 % dans les modes alternatifs à la route et à l’aérien.

Une fois ce constat effectué, le débat peut et doit continuer, car les interrogations, les insuffisances et les inquiétudes demeurent très nombreuses et sont encore loin d’être levées. Je ne m’en suis pas caché au cours des différents entretiens, en l’état, cet avant-projet de SNIT reste inacceptable à mes yeux.

Avec plusieurs de mes collègues du groupe de travail, nous n’avons cessé de le souligner : dans de nombreux registres essentiels, la version présente du SNIT est à compléter, à repenser ou, dans le meilleur des cas, à préciser.

Louis Nègre s’est fait l’interprète de ces différentes remarques. Il a agi avec beaucoup de tact, voire de pudeur, mais il a sincèrement rapporté une inquiétude qui demeure et qui devra être prise en compte dans les travaux d’élaboration qui doivent se poursuivre.

À l’issue du Grenelle de l’environnement, l’État s’était engagé à exploiter, entretenir, moderniser et développer son réseau d’infrastructures de transports de manière à le rendre plus performant tout en intégrant trois enjeux : contribuer à la diminution de 20 % des gaz à effet de serre d’ici à 2020, contribuer à la préservation des milieux naturels et de la biodiversité, participer à l’objectif d’améliorer de 20 % l’efficacité énergétique de l’Union européenne d’ici à 2020.

Le SNIT est ainsi, théoriquement, destiné à concrétiser la politique de l’État en matière d’infrastructures de transport, en cohérence avec les orientations environnementales prévues depuis 2007. II s’agit donc de faire en sorte que, tout en répondant aux besoins de mobilité et aux exigences de compétitivité et de performance inhérents à la compétition économique mondiale, le système de transport relevant de la compétence de l’État participe aux objectifs portés par le Grenelle.

Avec le projet de schéma actuel, nous sommes encore bien loin de satisfaire à ces objectifs puisque, en filigrane, la viabilité et la pertinence de ce projet de SNIT sont peu convaincantes, particulièrement en termes de faisabilité et d’équilibre financier.

Je m’explique : le ferroviaire et les transports collectifs urbains absorbent plus des trois quarts de l’effort financier inscrit dans le SNIT. Or ces deux secteurs sont, par nature, les plus déficitaires, mais néanmoins les plus subventionnés parmi l’ensemble des modes de déplacement.

L’ambition des transferts modaux de transports, tels qu’ils sont affichés dans le SNIT, pose donc l’incontournable question du déficit public puisqu’ils visent à minorer un mode routier abondamment taxé et dégageant un solde bénéficiaire, au profit d’autres modes largement moins rentables. Cette équation est totalement occultée dans le projet de SNIT. Il est pourtant certain qu’elle est incontournable en l’état actuel des finances publiques.

Au terme de ces premiers constats, je me permettrai, madame la ministre, de concentrer l’essentiel de mes observations sur les problématiques soulevées par le projet de SNIT qui ont déjà ému nombre de mes collègues et qui me paraissent difficilement acceptables.

Elles se rapportent toutes, peu ou prou, à la question des infrastructures routières, à celle de la ruralité, à celle de l’aménagement du territoire, à celle du développement économique et, comme l’a fort justement souligné notre collègue Michel Teston à plusieurs reprises, au droit au transport et à la mobilité pour tous les citoyens.

Sur tous ces points, la dernière version du SNIT ne peut être acceptée.

Je veux, ici, tordre le cou à une mystification. Le ministère a répondu au président Louis Nègre que les projets d’aménagement et de modernisation des routes nationales existantes relevaient des programmes de modernisation des itinéraires routiers, ou PDMI, dont l’enveloppe s’élève à 1 milliard d'euros par an. On ne peut que rester sceptique ! Comment, en effet, pourrait-on imaginer une programmation annuelle ou quinquennale des crédits de l’État qui ne soit pas en cohérence avec la planification établie par le SNIT ?

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