Je peux étayer encore ma démonstration.
Mes chers collègues, vous connaissez tous cette première liste de routes nationales sélectionnées pour être assujetties à l’éco-redevance que vont acquitter les entreprises de poids lourds. Eh bien, ces itinéraires, qui sont pourtant reconnus d’intérêt structurant et qui généreront des recettes fiscales nouvelles, n’étant pas concernés par le SNIT, se retrouvent ipso facto exclus de tout investissement significatif pour les vingt ou trente prochaines années. C’est ce que j’appelle la double peine en matière d’aménagement du territoire !
Tout cela est accablant et part d’une interprétation réductrice et partiale de la lettre et de l’esprit du Grenelle de l’environnement. L’article 10 de la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement pose en effet comme principe que l’augmentation des capacités routières doit être limitée au traitement des points de congestion, des problèmes de sécurité ou des besoins d’intérêt local.
Quelle interprétation en a le Gouvernement ? Il refuse d’inscrire dans le SNIT des projets d’aménagement de routes existantes qui ne répondent qu’à des problèmes de desserte du territoire, de sécurité, de congestion, de nuisances ou d’intégration environnementale. Le message gouvernemental est clair : il s’agit de réserver strictement le SNIT aux aménagements induisant de « nouvelles fonctionnalités » et modifiant à grande échelle les comportements, au travers de nouveaux trafics ou de reports modaux.
Cette interprétation du Grenelle me paraît pour le moins erronée et abusive. Le Gouvernement instrumentalise le Grenelle ! J’y reviendrai d’ailleurs en prenant l’exemple de ma Gascogne d’origine, notamment la RN20 en Ariège et la RN21 dans le Gers. Il n’est qu’à se reporter à la page 118 de l’avant-projet consolidé du SNIT pour s’apercevoir que, avec cet alibi du Grenelle de l’environnement, ces axes qui relèvent pourtant de la compétence de l’État, sont laissés aujourd'hui dans une situation inacceptable, ainsi qu’a pu le constater Louis Nègre.
On peut s’interroger, comme l’a fait Michel Teston : Quelle cohérence y a-t-il ? Avec cet avant-projet, n’est-on pas aux antipodes du diagnostic sur les territoires enclavés établi par la DATAR en 2003 ? La ruralité est la grande absente, elle est sacrifiée, et cela en contradiction avec les ambitions explicitement formulées lors du comité interministériel d’aménagement et de développement des territoires du 11 mai 2010.
Cet avant-projet de SNIT est une dénégation de l’engagement solennel du Président de la République, que vous connaissez certainement, madame la ministre, pris dans son discours de Morée du 9 février 2010, qui constitue le point d’ancrage sur lequel s’appuie l’espoir de la ruralité. Je n’en citerai qu’une phrase : « Autant j’étais contre le tout autoroute ou le tout route comme on a pu l’avoir pendant des années dans le pays ; autant passer à l’excès inverse de l’interdiction de tout projet, c’est condamner des départements et des territoires à une mort qui ne correspond en rien à leurs aspirations et à leur avenir. »
À ce stade de ma démonstration, je souhaite mettre l’accent sur le fait que nous avons voté un certain nombre de textes qui prévoyaient une péréquation, mais que nous l’attendons toujours !
Dans ces mêmes territoires sacrifiés, des contributions énormes ont déjà été demandées aux collectivités pour les TGV et les routes nationales. Comment imaginer que l’on va continuer ainsi ? Sur une enveloppe globale de 260 milliards d'euros, les collectivités territoriales dépenseront plus que l’État, puisque celui-ci ne contribuera au SNIT qu’à hauteur de 86 milliards d'euros. La répartition est la suivante : 37 % pour les collectivités territoriales contre 32, 2 % pour l’État, le tout pour satisfaire à des objectifs marquant l’abandon des efforts antérieurs fournis dans la bataille du désenclavement territorial. Comment peut-on accepter ce marché de dupes ?
Pour mieux illustrer mes propos, j’évoquerai de nouveau cette portion du Sud-Ouest que je représente ici, tout en sachant que mon analyse locale est transposable à bien d’autres territoires métropolitains.
Entre les axes Bordeaux-Toulouse et Langon-Pau, un vaste territoire, qui s’étend jusqu’aux Pyrénées, n’a d’autre artère structurante nord-sud que ce bout de RN21. Louis Nègre a pu constater que, sur soixante kilomètres, il n’y avait aucune possibilité de dépassement !