La France est un pays de bas salaires. Des études ont été menées à ce sujet : la moitié des salariés de notre pays gagnent moins de 1 600 euros par mois ; plus d’un tiers d’entre eux gagnent moins que le SMIC et plus de la moitié se trouvent sous le seuil fatidique de 1, 6 SMIC, en deçà duquel les employeurs ont droit à des allégements de cotisations. De là à dire que les employeurs maintiennent les salaires au plus bas pour bénéficier d’exonérations, il n’y a qu’un pas, que nous franchissons d’ailleurs. N’est-ce pas pour cette raison que la Cour des comptes définit les mécanismes d’exonération de cotisations sociales comme étant de véritables trappes à bas salaires ? Et cela ne va pas s’arranger avec le CICE !
Notre pays n’est donc pas, soulignons-le pour tordre une fois encore le cou à certaines idées reçues, celui où le travail coûte le plus cher. L'INSEE a ainsi mis en évidence que le taux de prélèvements sociaux est de 32, 1 % du SMIC aujourd’hui, contre 31, 9 % en 1972.
De plus, la vérité commande de dire que si, il y a quarante ans, c’est au compte des cotisations patronales que l’essentiel de ces prélèvements était réalisé, il n’en est pas de même aujourd’hui. En effet, sur la fiche de paye d’un smicard figurent non seulement un prélèvement au titre de la CSG – c’est l’impôt sur le revenu que paient clairement tous les salariés non imposables –, mais aussi une dernière ligne, précédée de guillemets, représentant la ristourne dont bénéficie l’employeur.
En outre, la part des salaires dans la valeur ajoutée est en diminution. Ainsi, avant la récession de 1974-1975, elle était supérieure de 5 points à ce qu’elle est aujourd’hui, et l’écart atteint 10 points par rapport au pic de 1982. En revanche, il est une part de la valeur ajoutée qui ne cesse de croître, celle des dividendes : ils représentent aujourd’hui environ 25 %, contre 5 % seulement en 1985. Cette explosion des dividendes est assise sur la faiblesse des salaires, mais les salariés sont en réalité deux fois perdants, puisqu’ils sont aussi victimes des politiques de délocalisation de l’emploi.
Plus les dividendes versés aux actionnaires croissent, plus les réinvestissements, notamment dans les nouvelles technologies ou la réorientation industrielle, diminuent. En effet, l’effort d’investissement ne représente plus aujourd’hui que 19 % de la valeur ajoutée, contre près de 24 % dans les années 1970.
Pour notre part, nous sommes convaincus que, plutôt que de geler les salaires, l’heure est venue de geler les dividendes à leur niveau actuel et de les transférer à un fonds de mutualisation destiné à d’autres usages, qui serait placé sous le contrôle des salariés. Notre amendement, dont l’objet se limite à porter le taux d’imposition des dividendes à 46 %, s’inscrit dans cette logique de valorisation de l’emploi face à la spéculation.
Si vous refusez, pour des raisons qui n’échappent à personne, d’augmenter les salaires et de reconnaître réellement le travail, alors vous devez taxer les dividendes en conséquence, c’est-à-dire davantage que le travail, afin d’inciter les entreprises à repenser leurs politiques salariales et d’investissement. Les millions d’euros versés aux actionnaires sont précisément des millions qui échappent à l’investissement, c’est-à-dire à l’entreprise, et donc au maintien de l’emploi qualifié et adapté aux exigences nouvelles. Ce sont ceux-là qui peuvent apporter de la croissance à notre pays. Et c’est aussi sans doute là la meilleure manière de renforcer les fonds propres de nos entreprises !