Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je saisis l’occasion de l’examen de cet article pour appeler votre attention sur un sujet délicat : il s’agit du précontentieux communautaire concernant l’assujettissement aux prélèvements sociaux des revenus immobiliers de source française, perçus par les non-résidents.
La loi de finances rectificative d’août 2012 a soumis les revenus fonciers et les plus-values immobilières de source française perçus par des personnes ne résidant pas en France à l’ensemble des prélèvements sociaux sur les revenus du capital, parmi lesquels figure la CSG. Je m’étais alors prononcé en faveur de cette mesure, qui reprenait au demeurant un amendement que j’avais introduit dans un texte précédent, pour deux raisons.
D’une part, elle renforce la cohérence entre le régime fiscal et le régime social de ces revenus ; en effet, les revenus du patrimoine perçus par des non-résidents étaient déjà soumis à l’impôt sur le revenu ou au prélèvement libératoire de 19 %.
D’autre part, elle répond à un souci d’équité entre les non-résidents et les résidents, ces derniers acquittant à la fois l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux au taux global de 15, 5 % sur leurs revenus immobiliers.
Or, au cours de ces derniers mois, de nombreuses plaintes de particuliers ont été transmises à la Commission européenne. Sur le fondement de ces plaintes, la Commission a ouvert une procédure d’infraction à l’encontre de la France au motif que la soumission à la CSG des revenus immobiliers des non-résidents reviendrait à assujettir ces personnes à un double prélèvement social, ce qui serait contraire au règlement européen n° 1408/71 du 14 juin 1971 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale. De plus, le Conseil d’État a transmis, le 17 juillet dernier, une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne sur ce sujet.
Cette affaire nous renvoie en réalité à un débat juridique sur la nature de la CSG. Dans un arrêt du 15 février 2000, la Cour de justice des communautés européennes a considéré que « la CSG, qui est destinée à contribuer au financement de plusieurs branches du régime de sécurité sociale français [...] constitue une cotisation de sécurité sociale ».
À l’inverse, le Conseil constitutionnel a qualifié, à plusieurs reprises, la CSG d’imposition de toutes natures au sens de l’article 34 de la Constitution.
La Cour de cassation, quant à elle, a indiqué que la CSG entre dans la catégorie des impositions de toutes natures, au sens du droit interne français, mais qu’elle constitue également une cotisation sociale, au sens du droit communautaire, du fait de son affectation exclusive à la sécurité sociale.
Pour ma part, je considère que la CSG est bien une imposition de toutes natures ; à ce titre, les revenus immobiliers des non-résidents doivent y être assujettis.
Cela étant, nous en sommes encore à un stade précoce de la procédure précontentieuse. Mais il convient de réfléchir sans plus attendre à un moyen d’éviter toute saisine de la Cour de justice de l’Union européenne et toute condamnation future de la France, sans pour autant renoncer à taxer les revenus immobiliers de source française à un niveau identique pour toutes les personnes physiques, résidentes ou non résidentes.
Ces remarques me conduisent à vous poser deux questions, monsieur le ministre chargé du budget.
Tout d’abord, quelles solutions envisage le Gouvernement pour répondre à ce risque de contentieux communautaire ?
Ensuite, le Premier ministre a annoncé voilà peu une « remise à plat » de notre système fiscal. La question de la nature de la CSG au regard du droit communautaire sera-t-elle prise en compte dans le cadre de cet exercice ? En particulier, un rapprochement entre l’impôt sur le revenu et la CSG ne serait-il pas une piste pour résoudre définitivement ces problèmes de compatibilité entre droit interne et droit européen ?
Vous le constatez, messieurs les ministres, mes questions peuvent être tout à fait constructives !