Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous éprouverez sans doute un léger sentiment de flash-back en abordant cet amendement qui nous ramène, il est vrai, quelques mois en arrière, quand, examinant le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, nous avions débattu longuement des activités dites de « tenue de marché » et de leur rôle sur l’économie réelle.
La taxe sur les transactions financières, dont la genèse fut longue et la naissance difficile, est née avec quelques handicaps, dans un contexte de forte résistance des acteurs financiers, qui trouveront toujours les arguments pour justifier le fait qu’il faut leur laisser le champ libre, car leur activité, nous expliquent-ils, est indispensable au financement de l’économie réelle. Permettez-moi ici d’en douter : la finance autocentrée n’a, à ce jour, jamais fait la preuve de son efficacité dans l’économie générale.
En effet, suivant une habitude assez largement ancrée dans notre pays, à peine le principe de la taxe était-il établi que des dispositions étaient prises pour en restreindre l’application. Ainsi, en examinant l’article 235 ter ZD du code général des impôts, on constate qu’ont immédiatement été définis rien moins que douze cas d’exonération, touchant notamment, « aux acquisitions réalisées dans le cadre d’activités de tenue de marché ». Je poursuis la citation : « Ces activités sont définies comme les activités d’une entreprise d’investissement ou d’un établissement de crédit ou d’une entité d’un pays étranger ou d’une entreprise locale membre d’une plate-forme de négociation ou d’un marché d’un pays étranger lorsque l’entreprise, l’entité ou l’établissement concerné procède en tant qu’intermédiaire se portant partie à des opérations sur un instrument financier, au sens de l’article L. 211-1 du même code :
« a) Soit à la communication simultanée de cours acheteurs et vendeurs fermes et compétitifs de taille comparable, avec pour résultat d’apporter de la liquidité au marché sur une base régulière et continue ;
« b) Soit, dans le cadre de son activité habituelle, à l’exécution des ordres donnés par des clients ou en réponse à des demandes d’achat ou de vente de leur part ;
« c) Soit à la couverture des positions associées à la réalisation des opérations mentionnées aux a et b ; ».
Avec de telles dispositions, je ne suis même pas certain que les opérations menées par les traders fassent l’objet d’une imposition !
Le résultat est connu : la taxe, qui devait dégager 1, 6 milliard d’euros de rendement, dont 60 millions d’euros pour le compte spécial d’aide au développement, stagne aujourd’hui aux alentours de 700 millions d’euros. C’est une évidence, les milieux de la finance ont pris suffisamment d’importance et de poids – trop, à mon sens - pour influer sur certains choix politiques. Il est simplement regrettable que cela se produise.
Nous souhaitons donc, par cet amendement, procéder à une extension d’assiette de la taxe en retirant du champ des exonérations les opérations pour tenue de marché qui ne sont rien d’autre, le plus souvent, que des opérations pour compte propre. Cela musclera quelque peu le rendement de la taxe sur les transactions financières et la rendra, de fait, plus pertinente.