Monsieur le ministre, l’État a transféré l’apprentissage aux régions voilà déjà une bonne dizaine d’années et cela fait très longtemps que les régions essaient de tenir leurs propres objectifs en termes d’effectifs d’apprentis. La principale d’entre elles, la région d’Île-de-France, n’y parvient pas. Plus exactement, nous avons augmenté le nombre d’apprentis, mais avec une extrême difficulté, le paysage économique et entrepreneurial, en Île-de-France comme ailleurs, n’étant guère positif.
Il faut opérer une grande réforme de l’apprentissage, nous dit-on, non seulement en termes de financement mais également en termes d’organisation, de structure, voire de répartition géographique des centres de formation d’apprentis, les CFA, et de filières. Or vous n’abordez pour le moment que le seul aspect financier de la réforme, à savoir le « qui paie quoi » Des frais de gestion sont transférés aux régions. Parallèlement, dans cet équilibre difficile à trouver, vous essayez de regagner un peu d’argent sur le crédit d’impôt aux entreprises.
Bref, je ne suis pas convaincu que le transfert d’une fraction des frais de gestion aux régions leur permette pour autant de multiplier le nombre d’apprentis. Si vous souhaitez atteindre l’objectif de 500 000 apprentis, à l’instar de l’Allemagne, où l’intégration des jeunes dans le premier emploi réussit, car ils peuvent être apprentis et ne sont pas tous poussés à suivre un enseignement supérieur auquel ils ne sont pas forcément adaptés, ne brouillez pas le signal ! Vous décidez d’aider les régions en matière d’apprentissage et, dans le même temps, vous réduisez le crédit d’impôt bénéficiant aux entreprises employant des apprentis.
Je sais que le contexte budgétaire est difficile, mais, si vous voulez faire de la jeunesse et de l’apprentissage une priorité, adressez un même signal aux régions et aux entreprises. Si vous donnez plus aux régions mais moins aux entreprises, quand les régions demanderont aux entreprises de prendre davantage d’apprentis, la réponse sera simple : « Pouce ! Nous ne marchons pas ! Il est plus lourd de former des apprentis et nous avons globalement moins de crédit d’impôt à ce titre ? Nous en recruterons moins ! » Alors, les régions auront peut-être un peu plus de moyens – et encore, car, parallèlement, elles recevront moins de dotations -, mais, confrontées à des entreprises plus réticentes, elles seront moins en mesure de faire vivre l’apprentissage.
Nous verrons, année après année, s’il convient de changer le système, dites-vous, notamment si, d’un seul coup d’un seul, le nombre des apprentis devait exploser. Cependant, je crains que, compte tenu de la dualité des signaux, l’un positif adressé aux régions, sur les frais de gestion, l’autre négatif en direction des entreprises, sur le crédit d’impôt, nous n’arrivions pas du tout à améliorer la situation de l’apprentissage dans notre pays.