Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 26 novembre 2013 à 14h30
Loi de finances pour 2014 — Articles additionnels après l'article 23 bis

Bernard Cazeneuve, ministre délégué :

Ne prenez pas mal ce que je vais dire, monsieur Bocquet, mais, puisque notre discussion est sincère, je me permettrai d’être aussi franc que vous !

Je ne peux pas préférer les postures à l’efficacité. J’ai eu l’occasion de le souligner à propos de l’optimisation fiscale, certaines postures sont extrêmement avantageuses sur le plan médiatique - elles donnent lieu à de très beaux articles, où l’on vante la détermination de ceux qui les adoptent -, mais, en réalité, elles n’ont aucune efficacité et n’aboutissent à rien.

Vous ne pouvez pas dire que nous sommes pusillanimes, monsieur le sénateur. C’est nous qui avons défendu la taxe sur les transactions financières au plan européen ! Avec le ministre de l’économie et des finances, et alors que j’étais ministre chargé des affaires européennes, nous avons fait la tournée des capitales européennes, pour aller recueillir la signature des États encore réticents.

Par ailleurs, je le rappelle, à la fin de son mandat – au moment de la campagne présidentielle de 2012 –, le précédent Président de la République s’était empressé de remettre en place un droit de timbre, déjà appelé « taxe sur les transactions financières », qu’il avait pourtant supprimé au début de son mandat. Il considérait, en effet, qu’il était impossible de mettre en œuvre une telle taxe au sein de l’Union européenne, fût-ce sous la forme d’une coopération renforcée.

Qui donc a mené ce combat ? N’en déplaise aux commentateurs, c’est nous, et non le précédent gouvernement. Et nous avons réussi à obtenir que cette taxe soit mise en œuvre au titre d’une coopération renforcée, en allant arracher la signature de onze États.

Il apparaît, en outre, que ces sujets sont d’une certaine complexité.

Certains États se battent pour que le lieu de résidence, et non le lieu d’émission, préside à la taxation des transactions, ce qui se ferait au détriment total des intérêts de la France. On peut souhaiter la régulation de la finance et être soucieux des intérêts de son propre pays : ce n’est pas incompatible, monsieur le sénateur ! Je vous le dis, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes en train de gagner cette bataille.

On peut souhaiter, enfin, que la taxe sur les transactions financières ne pénalise pas les États endettés. Le groupe CRC a raison de se battre pour que les dettes souveraines n’étranglent pas les pays dont les peuples font des efforts pour le redressement des comptes publics, et pour éviter que l’austérité n’entraîne l’austérité. Un débat existe cependant, sur le fait de savoir s’il faut inclure les dettes souveraines dans l’assiette de la taxe sur les transactions financières. Le faire, c’est prendre le risque d’augmenter le coût de la dette pour les États endettés.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, il n’y a pas, d’un côté, la vertu, et, de l’autre, le vice ! Ces sujets exigent de nous détermination et pragmatisme, avec le souci des intérêts de notre pays et la volonté de mettre fin aux dispositifs spéculatifs. Ils obligent à mesurer à chaque instant l’efficacité de nos actes, au regard de nos objectifs.

J’ai eu l’occasion de tenir des propos similaires à l’Assemblée nationale, à propos de l’optimisation fiscale. Adopter des dispositions de lutte contre l’optimisation qui créent beaucoup d’incertitudes juridiques, ou qui affaiblissent la portée de notre action, c’est donner l’occasion à ceux qui se livrent à ces pratiques d’engager des procédures sans fin devant les tribunaux. Ils peuvent ainsi, tout le temps que durent ces procédures, continuer à optimiser, parce que les concepts juridiques fixés par la loi n’ont aucune efficacité.

Alors, oui, on prend des poses, qui ont une certaine portée médiatique et peuvent susciter de l’intérêt. Mais, au final, l’efficacité est nulle.

Sur des questions de cette importance, monsieur le sénateur, il faut savoir combiner la volonté politique et l’efficacité !

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