Intervention de Ronan Kerdraon

Commission des affaires sociales — Réunion du 27 novembre 2013 : 2ème réunion
Loi de finances pour 2014 — Mission « egalité des territoires logement et ville » - examen du rapport pour avis

Photo de Ronan KerdraonRonan Kerdraon, rapporteur pour avis :

Composée de cinq programmes, la mission « Egalité des territoires, logement et ville » s'articule autour de trois grands volets que sont l'hébergement, le logement et la politique de la ville. Malgré les contraintes qui pèsent sur l'évolution des dépenses publiques, les crédits de paiement alloués à la mission progresseront de 1 % l'année prochaine pour s'établir à un peu plus de 8 milliards d'euros. Cet effort mérite d'être salué et traduit la priorité qu'accorde le Gouvernement à la lutte contre l'exclusion, à l'accès au logement ainsi qu'au développement équilibré de nos territoires. Des réformes ont été engagées, notamment dans le cadre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale adopté le 21 janvier dernier. Le projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové ainsi que le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine sont tous deux en cours d'examen au Parlement.

C'est le programme « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » qui enregistre la plus forte hausse de crédits puisque ceux-ci connaissent, à périmètre constant, une augmentation de 9 %. 1,3 milliard d'euros viendront financer en 2014 les structures d'hébergement, la veille sociale et l'accompagnement des personnes les plus fragiles vers le logement.

Cet effort était indispensable car le programme se caractérise depuis plusieurs années par la sous-évaluation des crédits qui lui sont alloués en loi de finances initiale. Une telle pratique est contestable car elle oblige systématiquement à des abondements en cours d'exercice budgétaire. Or la mise en oeuvre du plan de lutte contre la pauvreté rend nécessaire la mobilisation de moyens accrus. Près de 113 millions d'euros lui ont été consacrés en 2013. Un montant sensiblement équivalent le sera à nouveau en 2014 et l'effort devrait se poursuivre dans les prochaines années. Pour autant, il conviendra d'être attentif à ce que la dynamique engagée soit maintenue sur toute la durée du plan.

L'augmentation des crédits tient compte des 5 000 places d'hébergement d'urgence créées ou pérennisées en 2013. L'enjeu est essentiel car, malgré les efforts réalisés au cours des dernières années pour renforcer et améliorer la qualité du parc d'hébergement, celui-ci demeure incapable de satisfaire une demande sans cesse croissante. Selon le dernier baromètre de la fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale, la Fnars, réalisé à partir d'observations menées dans 37 départements, celles-ci ont augmenté de 31 % en un an. Au mois de septembre dernier, 78 % des demandes n'ont pas pu être satisfaites, le plus souvent en raison du manque de places.

Pour développer et mieux répartir l'offre sur les territoires, le Gouvernement a demandé aux préfets, à l'automne dernier, de mettre en place des projets territoriaux de sortie de l'hiver. Ceux-ci ont été suivis en 2013, dans plusieurs départements pilotes, par des diagnostics territoriaux à 360° qui doivent être généralisés à l'ensemble des départements dans les prochains mois et serviront de base à l'élaboration des futurs plans départementaux pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées. Derrière ces démarches réside l'ambition de sortir d'une gestion du parc d'hébergement en fonction des variations saisonnières et de mieux adapter les prises en charge aux situations individuelles. Il est à ce titre essentiel, au-delà des solutions temporaires d'urgence, de porter une attention accrue au développement d'une offre de logements adaptés et de places d'hébergement suffisamment stables pour servir de tremplins vers l'accès à un logement autonome.

Près de 89 millions d'euros seront destinés à la veille sociale en 2014, ce qui correspond à une hausse de 3,3 % par rapport à 2013. Ces crédits serviront en particulier au financement des services intégrés d'accueil et d'orientation, les SIAO, dont le projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové consacre les missions. Les moyens supplémentaires alloués à ces structures pivots du dispositif d'accueil, d'hébergement et d'accompagnement vers l'insertion et le logement devraient notamment permettre d'assurer le déploiement d'un système d'information commun à l'ensemble des services. Cet outil s'avère en effet indispensable pour assurer une connaissance exhaustive et partagée des besoins ainsi que de l'offre d'hébergement et de logement adapté sur tout le territoire.

Enfin, un effort notable est effectué en faveur des dispositifs d'accompagnement dans le logement. Les crédits destinés à l'intermédiation locative augmentent de 87 % pour s'établir à 70,1 millions d'euros. L'objectif du Gouvernement, qui est d'assurer le financement de 6 500 logements en 2014, mérite d'être salué. Fondée sur l'intervention d'un tiers, le plus souvent associatif, chargé de sous-louer un logement à des conditions plus favorables que celles du marché, l'intermédiation locative constitue en effet une alternative efficace à l'hébergement pour des personnes ou familles en difficulté.

Concernant le soutien à la construction de logements sociaux, 270 millions d'euros seront destinés au versement de subventions pour les opérations de construction ou d'acquisition effectuées grâce aux prêts accordés à partir des fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations. Ce montant, en baisse par rapport à l'année précédente, sera cependant complété par une contribution de la caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) d'un montant de 173 millions d'euros. En outre, en application des engagements conclus avec l'État à la fin de l'année 2012, Action logement contribuera à hauteur de 950 millions d'euros à l'objectif de construction de 150 000 logements sociaux. En complément des crédits du programme « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat », le fonds national de développement d'une offre de logements locatifs très sociaux, créé par la loi du 18 janvier 2013 et alimenté à partir des majorations payées par les communes ne respectant pas la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain, devrait financer la construction de 2 000 logements destinés aux ménages les plus modestes.

Les crédits du programme « Aide à l'accès au logement » augmenteront quant à eux de 3,5 % en 2014 pour être portés à 5 milliards d'euros. Cette évolution est liée à la dynamique des aides personnelles au logement qui résulte en grande partie de la dégradation de la situation économique et sociale de notre pays. Pour rappel, il existe trois types d'aides personnelles au logement : l'aide personnalisée au logement (APL), l'allocation de logement sociale (ALS) et l'allocation de logement familiale (ALF). Seules les deux premières, financées par le fonds national d'aide au logement (Fnal), bénéficient d'une contribution de l'État. La troisième est entièrement prise en charge par la branche famille de la sécurité sociale. En 2012, plus de 6,4 millions de ménages ont bénéficié des aides personnelles au logement pour un montant total de 17 milliards d'euros. Si le dispositif est perfectible, il est indéniable que ces aides jouent un rôle indispensable pour limiter le taux d'effort des ménages les plus fragiles.

L'article 64 du projet de loi de finances vise cependant à geler le barème de l'APL et de l'ALS en 2014, habituellement indexé sur l'indice de référence des loyers (IRL). Une mesure parallèle est prévue pour l'ALF dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. L'économie attendue, pour le budget de l'Etat, s'élèverait à 93 millions d'euros l'année prochaine. Cette mesure, dont je comprends la nécessité, ne permet pas d'engager une réforme structurelle du financement des APL mais demeure ponctuelle au regard de son impact budgétaire. Dans le même temps, elle risque de mettre en difficulté certains bénéficiaires. De fait, elle est largement incomprise par les acteurs du secteur et conduit à faire oublier l'ensemble des réformes courageuses que le Gouvernement engage par ailleurs dans le domaine du logement.

Pour ces raisons, j'ai très longuement hésité à déposer un amendement visant à supprimer cette mesure de gel. Il m'a cependant semblé, compte tenu de l'effort de responsabilité que doivent supporter l'ensemble des missions du budget de l'Etat pour assurer le redressement de nos finances publiques, qu'il n'était pas opportun de vous proposer un tel amendement. J'ai été conforté dans mon choix par la position adoptée par l'Assemblée nationale. Cette dernière, consciente des risques que fait peser la mesure sur les bénéficiaires et de l'incompréhension qu'elle suscite, a en effet adopté un amendement visant, plutôt qu'un gel pur et simple, à reporter la revalorisation du 1er janvier au 1er octobre. L'économie pour l'État serait ramenée à 74 millions d'euros. Le rapporteur général nous l'a indiqué hier soir, un amendement identique a été adopté à l'Assemblée nationale en nouvelle lecture du PLFSS concernant l'ALF. Je pense qu'il s'agit là d'un compromis acceptable, dans l'attente d'une réforme plus globale des aides personnelles qui puisse, à coûts constants, améliorer leur efficacité sociale. Je me satisfais à ce titre que l'Assemblée nationale ait intégré à l'article 64 une demande de rapport sur ce point.

Le troisième grand axe de la mission concerne la politique de la ville. Les crédits du programme devraient diminuer de 4,4 % pour s'établir à 481,4 millions d'euros. Cette baisse est entièrement supportée par la diminution de la compensation par l'Etat des exonérations de charges sociales en zones franches urbaines et en zones de revitalisation urbaine qui passe à 87,5 millions d'euros. En revanche, 11,3 millions d'euros permettront d'assurer la montée en puissance de l'expérimentation des emplois francs lancée en 2013, qui vise, grâce au versement d'une aide forfaitaire aux employeurs, à faciliter l'insertion professionnelle des jeunes de moins de trente ans résidant en zone urbaine sensible. L'objectif en 2014 est d'assurer la création de 5 000 emplois francs.

Les moyens d'action de l'agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (Acsé), principal opérateur du programme, seront quant à eux préservés en 2014. 168 millions d'euros seront destinés aux actions menées dans le cadre des contrats urbains de cohésion sociale, qui ont été prolongés jusqu'à la fin de l'année 2014. 164,5 millions d'euros permettront de financer les trois programmes nationaux dont l'agence assure le pilotage. Le programme « Adultes-relais » bénéficie actuellement à 3 500 personnes. Il leur permet de s'insérer professionnellement en exerçant des missions de médiation sociale dans les quartiers de la politique de la ville. 500 postes supplémentaires devraient être créés en 2014. Le programme de réussite éducative, qui vise à mettre en place un accompagnement individualisé des élèves en situation de fragilité, a concerné 128 271 enfants pour l'année scolaire 2012-2013. Enfin, le programme « Ville vie vacances » permet à environ 300 000 jeunes de participer à des activités de loisirs lors des vacances scolaires.

Plusieurs évolutions importantes interviendront en 2014 concernant le pilotage et la mise en oeuvre de la politique de la ville, dont nous devrions trouver une traduction dans la construction du budget pour 2015. Dans le cadre de la modernisation de l'action publique, un commissariat général à l'égalité des territoires sera créé qui regroupera l'Acsé, le secrétariat général du comité interministériel des villes (SG-CIV) et la délégation à l'aménagement des territoires et à l'attractivité régionale (Datar). Comme je l'ai indiqué en introduction, un projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine est en cours d'examen à l'Assemblée nationale et sera très prochainement présenté au Sénat. Il vise en particulier à refondre la géographie prioritaire afin de concentrer les interventions sur un nombre plus restreint de quartiers dans le cadre de contrats de ville uniques qui seront définis au niveau intercommunal. Ce texte doit également consacrer le lancement d'un nouveau programme national de rénovation urbaine, PNRU, sur la période 2014-2024. 5 milliards d'euros seront alloués à l'agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) pour un objectif d'investissement global de 20 milliards d'euros. J'attire à ce titre votre attention sur la fragilité dans laquelle se trouve l'Anru pour achever le financement du premier PNRU. En effet, alors qu'elle devra faire face à des dépenses dont le montant est évalué à plus d'un milliard d'euros en 2014, les ressources qui lui seront affectées l'année prochaine ne s'élèveront qu'à 930 millions d'euros, l'obligeant par conséquent à puiser dans ses réserves de trésorerie. Il faut espérer que la mise en oeuvre du deuxième PNRU puisse être fondée sur des modalités de financement davantage sécurisées.

Au regard de ces observations, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission et des articles qui lui sont rattachés.

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