Intervention de Jeanny Lorgeoux

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 26 novembre 2013 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2014 — Mission « défense » programme « environnement et prospective » - examen du rapport pour avis

Photo de Jeanny LorgeouxJeanny Lorgeoux, co-rapporteur :

Avec mon collègue M. André Trillard, nous souhaitons vous présenter les crédits du programme 144 « environnement et prospective de la politique de défense » de la mission « Défense ».

Le responsable de ce programme, M. Philippe Errera, directeur des affaires stratégiques au ministère de la défense, est venu devant la commission, le 24 octobre dernier, exposer dans le détail ce projet de budget.

Avec notre collègue M. André Trillard, nous avons également eu des entretiens avec le Directeur général de la sécurité extérieure, M. Bernard Bajolet, le Directeur de la protection et de la sécurité de la Défense, le général Jean-Pierre Bosser, ainsi qu'avec le sous-chef « relations internationales » de l'état-major des armées, le général Gratien Maire.

Je rappelle que ce programme 144 présente la particularité de regrouper des éléments très différents, puisqu'il comprend notamment :

- les crédits de deux des trois services de renseignement qui relèvent du ministère de la défense : la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et la direction générale de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD), le troisième, la Direction du renseignement militaire (DRM), relevant de la responsabilité du chef d'état-major des armées au sein du programme 178,

- une partie de l'effort de recherche et de prospective en matière de défense, avec en particulier les « études amont » ;

- des subventions aux opérateurs, comme l'école polytechnique ou l'ONERA ;

- les crédits consacrés à l'action internationale du ministère, à travers le soutien aux exportations d'armement et la diplomatie de défense ;

Je limiterai mon intervention aux crédits des services de renseignement, avant de laisser la parole à notre collègue M. André Trillard, qui traitera des aspects relatifs à la recherche, à la diplomatie de défense et au soutien aux exportations.

Globalement, le programme 144 « environnement et prospective de la politique de défense » voit ses crédits augmenter de 1% et ses effectifs de 22 postes supplémentaires en 2014. Il constitue à cet égard une originalité au sein du ministère de la défense.

Cette hausse est principalement due à l'augmentation des effectifs et des moyens des services de renseignement, notamment la DGSE. Je rappelle que la DGSE est le service de renseignement ayant pour mission de protéger les intérêts et les ressortissants français à l'étranger.

Pour 2014, le budget de la DGSE s'élèvera à 650 millions d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 8,5% par rapport à 2013 (+17% hors masse salariale). A cette dotation, il faut ajouter les crédits provenant des fonds spéciaux, dont le montant est de 50 millions d'euros, et qui bénéficient principalement à la DGSE.

Quelles sont les raisons qui expliquent l'augmentation de ses crédits ?

Premièrement, 65 emplois supplémentaires devraient être créés à la DGSE en 2014, ce qui est conforme au plan de recrutement prévu par le précédent Livre blanc de 2008 et la précédente LPM, qui ont prévu la création de 690 agents supplémentaires sur la période 2009-2014.

Les recrutements concernent exclusivement des personnels de haut niveau : deux tiers d'ingénieurs spécialisés dans le renseignement technique, un tiers sur des analystes et des linguistes pour l'exploitation du renseignement.

Un deuxième facteur d'augmentation des crédits est la poursuite de l'amélioration de la situation statutaire et indiciaire des fonctionnaires de la DGSE, avec notamment la création d'un corps d'administrateurs de la DGSE, en partie recruté à la sortie de l'ENA.

Le régime des primes des personnels civils de ce service serait, toutefois, moins favorable que celui en vigueur au sein des autres services du ministère de la défense, ce qui constitue à nos yeux une anomalie qu'il conviendrait de corriger.

Troisième facteur d'augmentation, les crédits d'équipement, avec une hausse de 60% des dépenses d'investissement. Il s'agit de renforcer les moyens d'écoute des télécommunications, afin de s'adapter à la croissance des flux, ainsi que les capacités de déchiffrement. Il faut préciser, à cet égard, qu'une partie des moyens font l'objet d'une mutualisation avec les autres services de renseignement, notamment la DRM.

En résumé, le projet de budget de la DGSE traduit l'accentuation des moyens humains et techniques prévue par le précédent Livre blanc de 2008.

Cet effort qui se chiffre en dizaines de millions - ce qui reste modeste par rapport à l'ensemble du budget de la défense (le budget total de la DGSE représente 1,3% du budget de la défense) - doit surtout être analysé comme un rattrapage nécessaire.

Dans le passé, les moyens de la DGSE n'avaient pas vraiment été augmentés à la hauteur des besoins.

Le service compte actuellement 5 100 agents, dont deux tiers de civils et un tiers de militaires.

A périmètre comparable, les services britanniques comptent un effectif pratiquement deux fois supérieur à celui de la DGSE. C'est aussi le cas des services allemands, qui ne remplissent pas les mêmes missions.

Par ailleurs, je regrette que malgré la priorité accordée au renseignement, les services de renseignement, dont la DGSE, ne soient pas épargnés par le « gel » et le « surgel » des crédits pour la mise en réserve de précaution. A ce titre, le budget de la DGSE a été amputé de 19 millions d'euros en AE et 16 millions d'euros en CP en 2013.

Toujours sur le renseignement, je voudrais dire un mot sur la DPSD, service moins connu que la DGSE et dont on parle peu.

La DPSD est en quelque sorte le service de sécurité interne du ministère de la défense. Elle est chargée de rendre des avis sur les demandes d'habilitation des militaires et elle assure la protection des installations, y compris sur les théâtres d'opérations extérieures, comme le Mali. Elle agit également au profit des entreprises liées à la défense, en matière de contre-ingérence et d'intelligence économique.

A l'exact opposé de la DGSE, la DPSD a perdu près d'un tiers de ses effectifs en dix ans, passant de 1 500 postes en 2003 à 1 100 actuellement. Cette diminution a porté essentiellement sur des personnels affectés à des tâches très administratives de gestion des procédures d'habilitation des personnels. Ces procédures vont être entièrement numérisées, grâce au projet SOPHIA.

Les gains obtenus ont été en partie redéployés pour renforcer le niveau de qualification, en recrutant davantage d'officiers brevetés et de personnels civils de catégorie A. Ainsi, la DPSD n'avait que 15 emplois civils de catégorie A en 2009. Elle en avait 33 en 2012. L'organisation territoriale du service, qui dispose d'antennes sur l'ensemble du territoire, a également été rationnalisée, afin d'être cohérente avec l'implantation des bases de défense.

En 2014, il est prévu une diminution de 4% du budget de fonctionnement la DPSD, mais aussi, ce qui est plus problématique, de 1,6% de la masse salariale, qui est susceptible de fragiliser la DPSD car celle-ci compte un effectif de 1 050 postes, soit une centaine de postes de moins que le plafond autorisé. En outre, comme la DGSE, la DPSD est impactée par le « gel » et le « surgel » des crédits liés à la réserve de précaution.

Comme vous le savez, le nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 et le projet de Loi de programmation militaire font du renseignement une priorité majeure.

En matière de capacités techniques, la priorité est donnée par la nouvelle LPM aux composantes spatiales et aériennes, pour l'imagerie et pour l'interception électromagnétique. Il s'agit notamment de lancer le programme de satellites d'écoute électromagnétique CERES, qui présente une importance particulière pour la surveillance de certaines zones comme le Sahel, de mettre en service, à partir de 2017, les deux premiers satellites d'observation MUSIS, de livrer quatre systèmes de quatre drones MALE et deux systèmes de drones tactiques comprenant quatorze vecteurs. Le développement des activités de renseignement dans le domaine cyber et des moyens techniques associés sera également poursuivi.

A l'initiative de notre commission, un amendement a été adopté au texte de la LPM afin de donner une indication précise concernant l'augmentation des moyens humains des services de renseignement, en s'inspirant de la précédente LPM.

Ainsi, il est dorénavant précisé, dans le rapport annexé, que la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) bénéficiera du recrutement d'au moins 430 personnels supplémentaires sur les cinq prochaines années et que les services de renseignement du ministère de la défense bénéficieront d'un recrutement de l'ordre de 300 agents supplémentaires sur la période 2014-2019.

Sur ces 300 postes supplémentaires, la DGSE devrait bénéficier de 284 postes supplémentaires, le reste (soit seize agents) devant bénéficier à la DRM. C'est beaucoup moins que ce qui avait été demandé initialement par la DGSE, mais cela devrait néanmoins permettre au service de poursuivre le renforcement de ses capacités, notamment en matière technique. La DPSD devrait, quant à elle, voir ses effectifs stabiliser à 1 100 personnels sur la période 2014-2019, conformément au souhait que nous avions exprimé l'an dernier. Il faudra cependant veiller à préserver ses crédits et à poursuivre l'effort de requalification de ses personnels.

Je laisse maintenant la parole à notre collègue M. André Trillard, en précisant que je voterai les crédits de la mission « Défense ».

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