Intervention de Xavier Pintat

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 26 novembre 2013 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2014 — Mission « défense » programme « equipement des forces » - examen du rapport pour avis

Photo de Xavier PintatXavier Pintat, co-rapporteur :

Je ferai cette année cinq observations sur ma partie.

Première observation : la force de dissuasion nucléaire, le Livre blanc, la LPM et maintenant le projet de loi de finances pour 2014, tous confirment la décision du Président de la République de maintenir les deux composantes et de les moderniser. Ce choix correspond à la très large majorité de notre commission -tel qu'il avait été fait en juillet 2012- à travers l'adoption, à l'unanimité moins une abstention, du rapport sur l'avenir des forces nucléaires. Je m'en réjouis. De fait, les crédits de paiement en faveur de l'action stratégique « dissuasion » s'établissent pour 2014 à 3 505 millions d'euros (+9,7%) et les autorisations d'engagement à 3 115 millions (-13,7%). Il faut interpréter ces fortes variations d'une année sur l'autre avec beaucoup de prudence, puisqu'il s'agit d'investissements relevant d'une programmation pluriannuelle sur un temps long. Nous avons pour la première fois cette année obtenu la programmation pluriannuelle -et sa trajectoire financière. Il nous a fallu quelques années avant d'apprendre à poser les bonnes questions. Malheureusement cette trajectoire est classifiée et nous ne pouvons en faire état.

Deuxième observation : malgré ce premier satisfecit, il ne faut pas se dissimuler ce qui nous attend. Notre effort de défense va descendre en dessous du seuil des 1,5% dès 2014 pour atteindre -si tout se passe bien, c'est-à-dire si l'exécution est conforme aux résultats -1,3% en 2019- très loin des 1,8% dont nous avons beaucoup parlé dans cette commission. Dans ces conditions, le maintien à niveau de notre dissuasion va exercer un effet d'éviction sur les autres programmes. Dans cinq ans, il faudra choisir. La question est d'une grande simplicité : à quelle capacité majeure militaire devrons-nous renoncer dans cinq ans ? Autant s'y préparer. Que supprimerons-nous, si nous voulons garder la dissuasion ? Faudra-t-il renoncer au porte-avions ? Revendre les Rafale ? Ou faire l'impasse sur quelques Barracuda ? Ou alors faire -vraiment- la défense européenne -c'est-à-dire consentir à des abandons de souveraineté ? Y sommes-nous prêts ?

Troisième observation : afin d'éviter d'être confrontés à ce choix, j'aurais souhaité que les crédits consacrés à la défense nationale reprennent, dès l'an prochain, une trajectoire financière normale, c'est-à-dire qu'ils tiennent compte au moins de l'inflation. Et nous avions tous été unanimes l'an dernier -sous l'impulsion du président Carrère- pour dire que nous ne laisserions pas faire cela et qu'il serait hors de question d'accepter une baisse des crédits deux années de suite. Aujourd'hui, on peut se réjouir que ce ne soit pas pire. Nous avons oeuvré avec efficacité pour l'adoption du projet de LPM en première lecture au Sénat. Mais on peut regretter cette diminution des crédits. D'autant qu'une autre politique eût été possible, qu'une autre trajectoire financière aurait pu être dessinée, comme l'a montré Jacques Gautier, tout simplement en vendant une petite partie -20 milliards sur 100 de participations dans les sociétés cotées et non cotées. Nous sommes nombreux dans cette commission à nous poser la question de leur utilité pour l'exécution de la politique industrielle de l'Etat -comme l'a démontré l'affaire EADS.

Quatrième observation : l'espace militaire. Jusqu'à présent les crédits en faveur de l'espace militaire ont été maintenus à un niveau satisfaisant. Les programmes inscrits dans le PLF 2014 bénéficient de 209,4 millions d'euros de crédits de paiement, auxquels s'ajoutent 171,9 millions de crédits de paiement du P 402, soit un total de 381,3 millions d'euros. Ces crédits de paiement doivent permettre de mener à bien les programmes MUSIS et l'opération CERES qui doivent respectivement pérenniser et améliorer nos capacités d'observation par satellite, ainsi que de doter la France d'une capacité opérationnelle d'écoute spatiale. C'est une excellente chose et je m'en félicite. On peut regretter en revanche que rien ne soit prévu pour l'alerte spatiale. Nous savons tous ce que cela veut dire en matière d'indépendance et d'autonomie et de surveillance de la prolifération. Je n'en dis pas plus.

Cinquième observation : les drones tactiques. C'est un sujet que nous avons régulièrement évoqué avec vous. Cette fois nous y sommes. Le projet de LPM prévoit la livraison de 14 vecteurs à partir de 2017. Dans le cadre de Lancaster House, une évaluation du drone Watchkeeper de l'industriel israélien Elbit britannisé par Thales UK et qui doit entrer en service au Royaume-Uni, a été menée en France. Un accord a été signé entre la France et le Royaume-Uni en juillet 2012 afin de conduire une expérimentation. Cette expérimentation a eu lieu de novembre 2012 à juin 2013. Résultat : selon Laurent Collet-Billon, que nous avons auditionné il y a quelques semaines à peine devant cette commission : « le Watchkeeper n'a pas un degré de maturité satisfaisant ». Face à lui, le drone Patroller de SAGEM vole depuis plusieurs années à partir d'une cellule de planeur allemande. Il est équipé des capteurs français, possède une capacité d'emport supérieure et a un moteur plus puissant lui permettant de mieux résister aux vents de travers. Mais ce drone n'a pas bénéficié des mêmes soutiens de la part de l'Etat français que le Watchkeeeper de la part de l'Etat anglais. Il est peut être donc moins mature. Personne n'en sait rien car il n'y a pas eu d'expérimentation digne de ce nom. Dans ces conditions, Daniel Reiner, Jacques Gautier et moi-même ne disons pas qu'il faut choisir tel drone ou tel autre. C'est à l'état-major de définir le besoin opérationnel et à l'état-major -sous l'autorité du ministre et, le cas échéant, avec les conseils de la DGA- de dire ce qui convient le mieux. Mais il revient aux parlementaires de donner ou de refuser l'autorisation budgétaire. Or nous pensons que dans l'intérêt financier de l'Etat -aussi bien que dans celui de nos armées- un appel d'offres s'impose. Faisons le tout de suite, c'est-à-dire en 2014 -afin que nous puissions être au rendez-vous de 2017 et que l'on ne vienne pas nous dire au dernier moment qu'on n'a plus le temps. Il n'y a aucune raison, alors que le fabricant du matériel n'est même pas européen, de lui acheter en gré à gré -c'est-à-dire avec l'assurance de payer plus cher- alors que nous avons un industriel national à la tête, c'est un comble, de la seule filière industrielle de drones qui fonctionne en Europe depuis plus de dix ans et qui crée des emplois. Avoir le même drone que les Britanniques ne doit pas être le seul critère de choix. Nos amis n'ont pas eu la même analyse que nous dans l'affaire de leurs porte-avions.

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