J'irai à l'essentiel pour ce qui concerne les crédits de fonctionnement et d'entraînement, avec 4 remarques.
1ère remarque : l'effort budgétaire pour redresser la disponibilité des matériels ne se fera pas sentir en 2014. Le ministre a fait, à juste titre, du redressement de la disponibilité des matériels sa priorité. Elle est globalement dégradée avec des points noirs bien identifiés comme les V.A.B., le transport stratégique et tactique de l'armée de l'air ou la patrouille maritime, où moins d'un avion sur deux est en état de voler.
Malgré un effort budgétaire, +4,3% pour les crédits, 3,4 milliards d'euros, on ne pourra pas redresser pas la situation en 2014. Pourquoi ?
- d'abord il faut du temps pour reconstituer les stocks de pièces de rechange dans lesquels on a puisé ces dernières années,
- ensuite, on se heurte à la fameuse « courbe en baignoire » : les parcs trop vieux ou au contraire tout récents qui sont les nôtres coûtent plus cher à entretenir,
- enfin, les besoins de régénération sont accrus après une période d'engagements multiples.
2ème remarque, l'entraînement restera en dessous des normes OTAN en 2014 (et sans doute en 2015). La préparation opérationnelle est depuis plusieurs années 15 à 20% en dessous des normes ; elle le restera en 2014 et sans doute en 2015. Nous serons à 83 jours d'entraînement contre un objectif de 90 pour l'armée de terre, à 156 heures de vol contre 180 pour les pilotes de l'ALAT, à 86 jours de mer contre 100 pour les bâtiments de la marine nationale, à 150 heures de vol contre 180 pour l'aéronavale et la chasse de l'armée de l'air. Le général Mercier nous a ainsi indiqué que le maintien d'un tel niveau dans le temps dégraderait forcément le niveau opérationnel. « Le maintien de certaines compétences est dès à présent fragilisé » (je cite).
L'effet « aguerrissement en OPEX » n'a joué qu'un temps, au prix d'un fossé entre les unités projetées et les autres. Face au rationnement de l'entrainement, la différenciation de la préparation sera désormais la règle. Les modalités sont à définir : l'armée de terre l'appliquait déjà, mais pour les pilotes de l'armée de l'air, par exemple, il pourrait y avoir deux cercles, un premier cercle entraîné pour tout type d'opérations, et un deuxième cercle de pilotes, qui, après un passage en premier cercle, n'auraient plus que 40 h de vol par an sur avion de chasse, pour maintenir leurs compétences a minima, quitte à être « réentraînés » à la demande en cas d'opérations.
3ème remarque : Le pari des économies sur le soutien est très ambitieux. De 2014 à 2019, les coûts de fonctionnement doivent être contenus à 3,5 milliards d'euros par an. En 2014, il faut 100 millions d'euros d'économies de plus dans le soutien. Or, nous le savons bien, les dépenses sont rigides ou en hausse. Toutes les économies « faciles » ont déjà été faites.
Le ministre et les chefs d'état-major se sont livrés devant nous à un concours d'euphémismes : économies « très volontaristes », « défi majeur et immédiat »..., bref, vous l'aurez compris : c'est une vraie inconnue, presque un pari. La méthode employée ? Renégocier les contrats d'énergie, rogner sur tout, y compris les repas, supprimer encore des véhicules, des emplois, laisser tomber l'entretien du propriétaire, et mettre en place une « énième » réforme des soutiens spécialisés, basée cette fois sur une organisation verticale, de « bout en bout ». Quand on sait que supprimer une unité ne « rapporte » que 2 millions d'euros d'économies de fonctionnement, on comprend mieux le défi.
4ème remarque : nos constats précédents restent valables pour les bases de défense, malgré la mise en oeuvre de la plupart de nos recommandations. Depuis 2 ans, l'environnement des bases de défense a été simplifié et consolidé, dans le droit fil des recommandations de notre rapport de 2012. Mais des difficultés demeurent, notamment budgétaires, au sein d'une enveloppe contrainte à 720 millions d'euros en 2014.
Prenons l'exemple de la base de Mont-de-Marsan que nous avons pu visiter récemment grâce à notre président Jean-Louis Carrère :
- malgré des demandes de crédits en baisse du fait d'économies très volontaristes, à 7 millions d'euros, la base n'a obtenu que 5,4 millions d'euros en 2013 ;
- la part des dépenses incompressibles (elle-même en baisse : bel effort !) était 4,8 millions d'euros (soit 88% des crédits !) ;
- il y avait un report de charge de 900 000 euros non payés en 2012 ;
- conclusion : comme dans les 60 bases de défense, les dépenses réalisées à compter du 1er novembre 2013 seront payées sur les crédits 2014... Je rappelle que le personnel de cette base, qui héberge le prestigieux Normandie-Niémen, fleuron de notre aviation de chasse, effectue désormais lui-même le nettoyage des locaux ; certains hangars n'ont pas eu de travaux depuis la 2ème guerre mondiale. Je salue l'engagement, la loyauté et l'abnégation des personnels.
Le ministre est très conscient de cette situation : il a récemment mis en oeuvre un plan d'urgence pour les bases et débloqué 30 millions d'euros qui vont permettre de réaliser 1 200 projets pour améliorer concrètement la vie des personnels. Ce plan est très bienvenu, ne serait-ce que sur le plan des symboles, pour les personnels du soutien. Nous avons besoin d'eux pour porter la réforme et réussir la LPM.
En conclusion, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 178 dans le projet de loi de finances pour 2014, qui sont une déclinaison fidèle du projet de loi de programmation militaire.