Le programme 105, « Action de la France en Europe et dans le monde » est le coeur du budget du ministère des affaires étrangères, puisqu'on y trouve nos contributions aux organisations internationales et les moyens du réseau diplomatique et du Quai d'Orsay. À 1,852 milliard d'euros en 2014, ils diminuent de 1%.
Point positif, les contributions internationales baissent de 42 millions d'euros, sous l'effet conjugué de la baisse de la quote-part française, renégociée, et d'une politique résolue de « croissance zéro » des budgets des 72 organisations internationales à qui nous verserons 803 millions d'euros en 2104, soit les deux tiers des crédits du programme, et ce, malgré de nouvelles opérations de maintien de la paix, toujours plus complexes, « robustes » et multidimensionnelles, puisque 100 000 casques bleus participent dans le monde à 15 opérations de maintien de la paix de l'ONU, à l'image de la MINUSMA, déployée depuis le 1er juillet dernier au Mali, qui coûtera en année pleine autour de 900 millions de dollars, soit, pour la France en 2014, 42 millions d'euros. Membre permanent du Conseil de sécurité, nous sommes le 3ème contributeur financier pour les opérations de maintien de la paix.
Point négatif, la masse salariale augmente de 1,8%, et ce malgré les réductions d'effectifs (- 196 postes en 2014, -600 postes sur le triennum). Nous avons interrogé le directeur général de l'administration sur cette évolution, qui n'est pas sans nous rappeler celle du ministère de la défense -à plus petite échelle-. La Cour des comptes a d'ailleurs « épinglé » la hausse de 20% du coût du réseau diplomatique depuis 2007. Les causes sont multiples, mais il est vrai que « l'effet change-prix » est spécifique au ministère des affaires étrangères, nombre de salaires étant payés en monnaie locale ; les postes subissent l'augmentation du coût de la vie dans les pays émergents. Deuxième point négatif : 22 millions d'euros de produits de cessions immobilières sont prélevés sur le Quai d'Orsay pour le désendettement de l'État.
En matière de politique immobilière, le Quai d'Orsay a lancé un programme de rationalisation de son parc, à Paris comme à l'étranger, où il bénéficie, à titre dérogatoire jusqu'à fin 2014, de 100% du produit des cessions. Ce mécanisme est assez pervers : outre que la « vente des bijoux de famille » -25 millions d'euros par an en moyenne- n'est pas soutenable indéfiniment, elle s'accompagne d'une telle insuffisance des crédits d'entretien que les produits des cessions sont peu à peu cannibalisés pour ... l'entretien lourd... l'entretien courant... et désormais même pour financer le plan de remise à niveau de la sécurité. Pour imparfait qu'il soit, ce système avait le mérite de procurer des ressources : je ne vous cache pas qu'il sera très difficile d'en obtenir la reconduction au-delà de 2014. Cette bataille est devant nous.
Les regroupements de sites se poursuivent, en particulier dans les capitales à implantations multiples où les résidences sont vendues, et les espaces de réception mutualisés : Bruxelles, Washington, Vienne, Montréal, Londres... Pour l'immobilier parisien, l'immeuble de la rue Huysmans est vendu par appartements, l'appartement ministériel rue Constantine a été cédé. Une solution est trouvée pour lancer les travaux de l'aile des Archives, dans l'objectif de réduire à terme de 4 à 3 sites (contre 11 il y a quelques années) le nombre d'implantations du ministère des affaires étrangères à Paris.
À l'issue d'une réflexion très volontariste et courageuse, menée par l'ambassadeur René ROUDAUT, que nous avons auditionné, treize ambassades vont voir leur format très allégé (Jamaïque, Cap Vert, Zambie etc...). En partant du concept britannique et canadien du « laptop ambassador » -ambassadeur solo pourrait-on traduire-, on a défini un tout petit format : « ambassadeur plus 4 », avec immobilier très réduit, gestion très simplifiée, dans lesquelles ne seront plus exercées que deux ou trois missions, suivant les cas.
« Ça décoiffe » par rapport à notre conception traditionnelle du prestige et du « standing » d'une ambassade de France ! Mais ce qu'il faut voir c'est que c'est une alternative aux fermetures : avec ce système, on divise par trois le nombre d'emplois dans les postes concernés. Évidemment, il faudra beaucoup de ténacité, pour garder un format léger et pour inventer des outils de gestion innovants : communications performantes, régies simplifiées etc.... Je pense que cette expérience pourra aller au-delà des 13 : la RGPP avait identifié une trentaine de petits postes, mais avait eu le tort de réduire « arithmétiquement » leurs moyens, sans alléger leurs missions. Cette démarche pragmatique et différenciée, qui part de l'analyse des missions exercées, est pour l'instant bien acceptée par les syndicats que nous avons rencontrés : ils se rendent bien compte que c'est un moyen de ne pas « baisser pavillon ».
Le budget 2014 affiche aussi une priorité pour la sécurisation du réseau diplomatique ; je rappelle l'attentat contre notre ambassade à Tripoli en avril dernier, qui va être entièrement relocalisée, logement des agents inclus, dans un campus sécurisé. Les risques montent partout et, qu'alors qu'il y avait 6 ambassadeurs protégés il y a quelques années, ils sont aujourd'hui une vingtaine. Cela pose un problème financier, mais aussi culturel : notre diplomatie traditionnellement « ouverte », se retranche progressivement. Nous n'avons pas le choix : c'est la sécurité des agents qui est en jeu. Les crédits de sécurité augmentent, à 42 millions d'euros au total, financés en partie par les cessions immobilières (la vente de l'appartement de notre représentant permanent à l'ONU ou la villa de notre ambassadeur auprès de l'OTAN, par exemple, sont programmées).