La commission examine le rapport pour avis de Mme Leila Aïchi et M. Alain Gournac sur le programme 105 - Action de la France en Europe et dans le monde - de la mission Action extérieure de l'État du projet de loi de finances pour 2014.
Le programme 105, « Action de la France en Europe et dans le monde » est le coeur du budget du ministère des affaires étrangères, puisqu'on y trouve nos contributions aux organisations internationales et les moyens du réseau diplomatique et du Quai d'Orsay. À 1,852 milliard d'euros en 2014, ils diminuent de 1%.
Point positif, les contributions internationales baissent de 42 millions d'euros, sous l'effet conjugué de la baisse de la quote-part française, renégociée, et d'une politique résolue de « croissance zéro » des budgets des 72 organisations internationales à qui nous verserons 803 millions d'euros en 2104, soit les deux tiers des crédits du programme, et ce, malgré de nouvelles opérations de maintien de la paix, toujours plus complexes, « robustes » et multidimensionnelles, puisque 100 000 casques bleus participent dans le monde à 15 opérations de maintien de la paix de l'ONU, à l'image de la MINUSMA, déployée depuis le 1er juillet dernier au Mali, qui coûtera en année pleine autour de 900 millions de dollars, soit, pour la France en 2014, 42 millions d'euros. Membre permanent du Conseil de sécurité, nous sommes le 3ème contributeur financier pour les opérations de maintien de la paix.
Point négatif, la masse salariale augmente de 1,8%, et ce malgré les réductions d'effectifs (- 196 postes en 2014, -600 postes sur le triennum). Nous avons interrogé le directeur général de l'administration sur cette évolution, qui n'est pas sans nous rappeler celle du ministère de la défense -à plus petite échelle-. La Cour des comptes a d'ailleurs « épinglé » la hausse de 20% du coût du réseau diplomatique depuis 2007. Les causes sont multiples, mais il est vrai que « l'effet change-prix » est spécifique au ministère des affaires étrangères, nombre de salaires étant payés en monnaie locale ; les postes subissent l'augmentation du coût de la vie dans les pays émergents. Deuxième point négatif : 22 millions d'euros de produits de cessions immobilières sont prélevés sur le Quai d'Orsay pour le désendettement de l'État.
En matière de politique immobilière, le Quai d'Orsay a lancé un programme de rationalisation de son parc, à Paris comme à l'étranger, où il bénéficie, à titre dérogatoire jusqu'à fin 2014, de 100% du produit des cessions. Ce mécanisme est assez pervers : outre que la « vente des bijoux de famille » -25 millions d'euros par an en moyenne- n'est pas soutenable indéfiniment, elle s'accompagne d'une telle insuffisance des crédits d'entretien que les produits des cessions sont peu à peu cannibalisés pour ... l'entretien lourd... l'entretien courant... et désormais même pour financer le plan de remise à niveau de la sécurité. Pour imparfait qu'il soit, ce système avait le mérite de procurer des ressources : je ne vous cache pas qu'il sera très difficile d'en obtenir la reconduction au-delà de 2014. Cette bataille est devant nous.
Les regroupements de sites se poursuivent, en particulier dans les capitales à implantations multiples où les résidences sont vendues, et les espaces de réception mutualisés : Bruxelles, Washington, Vienne, Montréal, Londres... Pour l'immobilier parisien, l'immeuble de la rue Huysmans est vendu par appartements, l'appartement ministériel rue Constantine a été cédé. Une solution est trouvée pour lancer les travaux de l'aile des Archives, dans l'objectif de réduire à terme de 4 à 3 sites (contre 11 il y a quelques années) le nombre d'implantations du ministère des affaires étrangères à Paris.
À l'issue d'une réflexion très volontariste et courageuse, menée par l'ambassadeur René ROUDAUT, que nous avons auditionné, treize ambassades vont voir leur format très allégé (Jamaïque, Cap Vert, Zambie etc...). En partant du concept britannique et canadien du « laptop ambassador » -ambassadeur solo pourrait-on traduire-, on a défini un tout petit format : « ambassadeur plus 4 », avec immobilier très réduit, gestion très simplifiée, dans lesquelles ne seront plus exercées que deux ou trois missions, suivant les cas.
« Ça décoiffe » par rapport à notre conception traditionnelle du prestige et du « standing » d'une ambassade de France ! Mais ce qu'il faut voir c'est que c'est une alternative aux fermetures : avec ce système, on divise par trois le nombre d'emplois dans les postes concernés. Évidemment, il faudra beaucoup de ténacité, pour garder un format léger et pour inventer des outils de gestion innovants : communications performantes, régies simplifiées etc.... Je pense que cette expérience pourra aller au-delà des 13 : la RGPP avait identifié une trentaine de petits postes, mais avait eu le tort de réduire « arithmétiquement » leurs moyens, sans alléger leurs missions. Cette démarche pragmatique et différenciée, qui part de l'analyse des missions exercées, est pour l'instant bien acceptée par les syndicats que nous avons rencontrés : ils se rendent bien compte que c'est un moyen de ne pas « baisser pavillon ».
Le budget 2014 affiche aussi une priorité pour la sécurisation du réseau diplomatique ; je rappelle l'attentat contre notre ambassade à Tripoli en avril dernier, qui va être entièrement relocalisée, logement des agents inclus, dans un campus sécurisé. Les risques montent partout et, qu'alors qu'il y avait 6 ambassadeurs protégés il y a quelques années, ils sont aujourd'hui une vingtaine. Cela pose un problème financier, mais aussi culturel : notre diplomatie traditionnellement « ouverte », se retranche progressivement. Nous n'avons pas le choix : c'est la sécurité des agents qui est en jeu. Les crédits de sécurité augmentent, à 42 millions d'euros au total, financés en partie par les cessions immobilières (la vente de l'appartement de notre représentant permanent à l'ONU ou la villa de notre ambassadeur auprès de l'OTAN, par exemple, sont programmées).
Le basculement du réseau diplomatique français, le 3ème au monde, d'un héritage, implanté en Europe occidentale et en Afrique, vers un réseau d'avenir, présent en Asie et dans les grands émergents, est une priorité affichée, mais quels sont les résultats ? On peut se féliciter que 300 postes soient redéployés en 3 ans vers les pays prioritaires (Chine, Inde, Afrique du Sud, Indonésie, par exemple), que les « grosses » ambassades (États-Unis, Royaume-Uni...), perdent 5 à 10% de leurs effectifs. La Chine, l'Inde, le Brésil, sont entrés dans le TOP 10 des plus gros postes diplomatiques français. Mais on peut aussi, à l'inverse, comme la Cour des Comptes, faire observer que ce redéploiement est lent, et constater que nous avons toujours davantage d'agents aujourd'hui au Maroc qu'en Chine, au Sénégal qu'en Inde, à Madagascar qu'au Brésil... Ne nous laissons pas non plus enfermer dans une vision trop étroite de l'émergence : je propose d'instituer une représentation permanente auprès de l'Union Africaine. Je pense que l'idée fera son chemin : l'Afrique de 2 milliards d'habitants demain, sa classe moyenne qui monte, ses ressources naturelles et ses taux de croissance ne nous attendront pas. Je pense que notre ambassade à Addis-Abeba ne peut pas tout faire. Ce serait un signal fort de notre confiance dans l'avenir de ce continent.
J'ai auditionné le directeur en charge de la diplomatie économique : c'est une priorité forte. Il y a des outils, comme les « conseils économiques » rassemblant tous les acteurs -y compris les entreprises- et la mise en place de plans d'action de 8 pages, dont 6 pages de propositions, en matière économique, dans près de 100 ambassades. La volonté de mettre les ambassadeurs « sous tension » sur le plan économique est bien réelle, même si nous pouvons mesurer, quand nous nous déplaçons, qu'ils sont inégalement mobilisés. J'ai suggéré de créer des « task forces » ponctuelles pour les grands contrats. Nous avons tous en tête des occasions manquées pour nos entreprises : il faut créer des « équipe France » plus visibles et plus pugnaces. Je pense que sinon, nous n'aurons pas de résultats.
Je terminerai sur les crédits de coopération de défense, qui baissent encore cette année, de 4%, soit une baisse de 15% en 3 ans, avec 300 coopérants dans le monde. Cette attrition des moyens conduit à un recentrage sur quelques missions les plus essentielles et sur quelques zones géographiques. Cette coopération « structurelle », est pourtant un vrai outil d'influence et de prévention des conflits. En aidant les pays partenaires à structurer, dans le long terme, leurs élites de sécurité, elle contribue au maintien de la paix et au renforcement de leurs capacités à assumer des missions non seulement sécuritaires mais aussi de protection civile, comme la lutte contre les catastrophes naturelles, le déminage, les inondations, la dépollution... Le but est de mettre les pays partenaires en situation de traiter des enjeux tels que le terrorisme, la criminalité organisée, le trafic de stupéfiants, l'insécurité des flux maritimes.... La baisse de ces crédits ne me parait pas cohérente avec les objectifs affichés de notre politique étrangère, notamment le soutien à l'architecture africaine de sécurité que veut constituer l'Union africaine.
L'impact d'un directeur des études français dans une école régionale est considérable rapporté aux crédits budgétaires nécessaires pour le financer. Quand on sait que le nouveau chef d'état-major de l'armée malienne, partenaire essentiel pour stabiliser le pays et nous permettre de nous désengager, est l'ancien directeur de l'école de maintien de la paix de Bamako, on mesure tout de suite l'importance d'y être présent et actif. J'ajoute que ces écoles sont aptes à recueillir des financements européens, japonais et canadiens au titre de la coopération : on a un fort effet de levier démultiplicateur d'influence, avec un très bon niveau de formation. Nous insistons sur ces points dans notre rapport. En conclusion, comme plaiderait un avocat devant un magistrat, « si par impossible le budget venait à être voté », je vous proposerais d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'État », qui préservent l'essentiel des missions du ministère des affaires étrangères.
Les structures existaient, bien sûr, mais cette priorité à la diplomatie économique me paraît nouvelle. Les chefs d'entreprise le disent au sujet de l'Iran : la notion de « task force » est importante : pourriez-vous la préciser ? Même si cela ne sera pas facile, nos entreprises doivent être présentes en Iran ; au contraire de ce qui s'est passé en Libye.
Nous avions visité l'ambassade à Tripoli avant l'attentat ; va-t-elle être prochainement relocalisée ?
Compte tenu de la situation des finances publiques, on peut se demander s'il faut maintenir toutes nos représentations dans de petits pays, je pense en particulier à l'Amérique centrale, voire à l'Asie centrale.... Il faudrait que nous ayons le courage de ne pas être partout...
La France est déjà passée du 2ème au 3ème rang pour son réseau diplomatique et consulaire... Nous devons veiller à ce que les redéploiements ne privilégient pas nos intérêts économiques -en Asie- au détriment de nos intérêts stratégiques -en Afrique-. Vous avez cité Madagascar : la situation y est très difficile, notre influence culturelle, importante, y diminue ; les problèmes consulaires et d'état civil ne doivent pas non plus être sous-estimés. Sur l'immobilier, j'attire votre attention sur la maison de France à Berlin, qui me parait un symbole politique fort. Attention à ne pas faire passer les intérêts économiques avant les gestes politiques.
L'idée de mutualiser nos implantations diplomatiques et consulaires avec nos partenaires européens a-t-elle prospéré ?
Quand on voit qu'on demande à l'AFD de réaliser 85% de ses interventions en Afrique, je me demande s'il est raisonnable de vouloir être partout ? J'ai parfois le sentiment, notamment pour les OPEX, que moins la France a de moyens plus elle agit... Dans nos sphères d'influence nous avons de moins en moins de moyens, et même dans les grandes ambassades les réceptions du 14 juillet sont sponsorisées par des entreprises privées. Est-ce digne de la France de se « marchandiser » à ce point ?
Sur la mise en commun de nos moyens diplomatiques avec les pays de l'Union européenne, c'est comme pour l'Europe de la défense : il faut cesser de parler, et agir. Il en va de notre survie. Mais j'avais moi-même pu constater lors d'une mission à ce sujet que les difficultés suscitées par la co-localisation étaient nombreuses -et d'ailleurs les diplomates n'y tenaient pas vraiment-.
Vous dites que la France, dont les moyens se réduisent, se lance davantage dans des OPEX : mais toutes les formations politiques ont soutenu ces engagements ! Qui à part la France peut empêcher que certaines zones en Afrique ne deviennent le champ clos des terroristes, des trafics, des violences inter-ethniques et interreligieuses ? La situation en RCA nous interpelle.
Nos positions ne sont pas antinomiques : je ne souhaite pas que la France se désengage, mais je considère qu'elle ne devrait pas agir seule. J'ai été stupéfait de la réaction de nos partenaires allemands lorsque nous les avions rencontrés ensemble au sujet du Mali. Il faut mieux de France et plus d'Europe, y compris pour les OPEX, mais pas seulement. Avant l'intervention, il y avait à Bamako 20 actions indépendantes de coopération des pays européens, sans autre coordination qu'informelle. Cette situation n'est pas satisfaisante. Nous pourrions de la même façon coopérer davantage avec les Britanniques et conduire ensemble des actions d'aide au développement.
Je souscris à votre analyse mais je crains que les échéances électorales à venir ne fassent pas progresser l'idée européenne dans notre pays.
Notre ambassade en Libye va être relocalisée, y compris en ce qui concerne les logements des agents, qui doivent être sécurisés. Vous trouverez la liste des projets de mutualisation et de co-localisation, franco-allemande, franco-britannique, franco-finlandaise ou franco-européenne dans le rapport écrit : il y a au total plus de 10 projets, en Corée, au Sierra Leone, à Katmandou... les choses se font petit à petit.
Pour les réceptions du 14 juillet, c'est simple : sans financement extérieur, pas de réception, car il n'y a plus de crédits ! Plus globalement, je ne suis pas choqué que nos ambassadeurs doivent s'orienter vers des problématiques économiques : c'est aussi leur rôle de soutenir nos entreprises.
Il faut faire avec les moyens dont on dispose. Faisons confiance à nos ambassadeurs pour mobiliser des financements innovants. Je voulais souligner aussi que les contributions de la France aux opérations de maintien de la paix sont en baisse dans le budget 2014.
J'approuve la mutualisation des espaces de réception dans les capitales : nous avons pu observer en certains lieux une multiplicité de résidences...
Je voulais vous citer les chiffres de nos 10 premières implantations diplomatiques pour illustrer la nécessité de redéployer : États-Unis, 412 personnes, Maroc, 334, Chine, 301, Algérie, 284, Sénégal, 231, Allemagne, 217, Inde 217, Russie, 208, Brésil, 196, Madagascar, 181....
L'idée des « task forces » est de partir des besoins exprimés localement plutôt que de continuer dans la logique, moins performante, où l'on se projette depuis Paris. J'ai constaté des marchés perdus (en Algérie face aux Coréens par exemple, actifs pendant plusieurs jours au sein d'une forte délégation ministérielle) par insuffisance de mobilisation de tous les acteurs concernés -il nous manquait, en l'espèce, la brique « formation universitaire », pourtant indispensable. D'autres savent, comme les Chinois par exemple, présenter une offre complète et lisible, allant de l'aide au développement jusqu'à l'investissement et à la formation. Nous souffrons d'une multiplicité d'intervenants et d'une absence de lisibilité des dispositifs.
Je reviens sur le manque de crédits pour les réceptions dans les ambassades : elles ne sont pas seules concernées ; j'avais constaté en Afghanistan dans nos forces qu'il en allait de même pour le petit équipement des soldats -cela a été corrigé par la suite. La présence des ministres et leur mobilisation peut certes être décisive pour emporter des contrats : j'ai pu constater aux Émirats Arabes Unis combien le lien personnel de confiance entre notre ministre de la défense et le prince héritier avait en effet joué favorablement. Prenons garde toutefois à l'opinion publique française, qui ne porte pas toujours un regard positif sur les déplacements des ministres à l'étranger...
Le 14 juillet est aussi une occasion d'adresser des messages aux représentants officiels du pays hôte, qui sont présents ; c'est aussi de la diplomatie d'influence. Comment nos ambassadeurs peuvent-ils faire sans crédits ? Ils doivent bien innover !
La commission examine le rapport pour avis de MM. Jean Besson et René Beaumont sur le programme 185 - Diplomatie culturelle et d'influence - de la mission Action extérieure de l'Etat du projet de loi de finances pour 2014.
Vous le savez, le programme 185 regroupe l'ensemble des moyens destinés à la diplomatie culturelle et d'influence. Il porte également sur les crédits destinés au service d'enseignement français à l'étranger. Il représente 24,5 % des crédits de la mission « action extérieure de l'État ».
D'un montant de 725 millions d'euros, le programme 185 connaît une diminution de 3,1 % par rapport à 2013. Sa composante principale en termes budgétaires, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, qui représente 57,5 % des crédits, est moins affectée. Sa dotation ne diminue que de 2%. L'effort est donc produit par les autres composantes du programme.
Les capacités d'autofinancement et de mobilisation des financements complémentaires sont donc une nouvelle fois sollicitées. La présentation stratégique du projet annuel de performance pour 2014 précise : « la mise en oeuvre de cette stratégie d'influence privilégiera en 2014 les moyens d'intervention capables de mobiliser des financements additionnels». Cette politique présente toutefois des limites. Il importe de faire preuve de prudence et ne pas en surestimer les résultats attendus du dynamisme d'un gisement d'ores et déjà exploité.
Ce tableau peut paraitre sombre, mais il doit être éclairé par la transformation et la professionnalisation que nous observons dans la gestion tant des opérateurs que les établissements du réseau. Les instruments de pilotage que sont les contrats d'objectifs et de moyens sont déployés : nous venons de rendre un avis sur celui de Campus France, le deuxième contrat de l'Institut français va nous être soumis prochainement, comme celui de l'AEFE, la convention avec la Fondation des Alliances françaises va être renouvelée. Des cadres stratégiques rénovés se mettent en place, qui adaptent les politiques publiques dans le sens de la recherche de l'efficacité de la dépense publique. Cette période apprend donc à nos opérateurs et à nos établissements à faire souvent mieux avec moins, mais naturellement la baisse progressive des moyens budgétaires va atteindre là aussi des limites, au-delà desquelles il faudra revoir nos ambitions.
Comme vous le savez, notre diplomatie culturelle et d'influence repose, à l'étranger, sur l'action de deux réseaux de nature et de culture différentes : celui des instituts français, établissements à autonomie financière, placés sous l'autorité des ambassadeurs d'une part, le réseau associatif des alliances françaises d'autre part. L'Institut Français, en tant qu'opérateur, apporte son concours aux deux réseaux.
S'agissant du réseau des instituts français, sa restructuration est achevée. Il ne devrait pas connaître de bouleversement d'ensemble puisque le rattachement à l'Institut français, établissement public, qui a fait l'objet d'une expérimentation dans 12 pays, ne semble plus d'actualité. Le troisième rapport d'évaluation est net dans ses conclusions : « l'expérimentation ne revêt pas un caractère concluant. Elle confirme l'existence de risques majeurs pour la stabilité de notre réseau (...) en cas de rattachement. Le rattachement impliquerait un surcoût budgétaire estimé à 52 millions d'euros sur la période 2014-2016(...), enfin, il poserait la question de l'articulation de notre politique dans ce domaine avec les autres champs de notre action diplomatique ».
Nous apportons quelques nuances à cette argumentation dans notre rapport écrit, mais la décision revient en matière d'organisation des services à l'exécutif. Nous regrettons que l'expérimentation et son évaluation n'aient pas été menées en recherchant des solutions correctives des défauts qu'elle pouvait révéler. En fait, nous percevons bien que les enjeux administratifs et budgétaires ont pris le pas sur le débat mis en exergue par le rapport Rohan-Legendre et la commission du Livre blanc qui, en s'appuyant sur les exemples anglais et allemand, envisageaient une approche, de long terme, fondée sur le constat que l'influence est fonction de la pérennité des structures, de la continuité de leur action et des compétences de leurs personnels. À titre personnel, je le regrette.
Enfin dans le cadre des objectifs fixés pour le budget triennal 2013-2015, le ministère poursuivra l'adaptation de son réseau. Vous le savez, une réorganisation des réseaux diplomatiques et consulaires est en cours. Au cas par cas, une articulation est recherchée notamment pour rationaliser les emprises, ce qui ne va pas parfois sans difficulté, comme à Berlin avec le déménagement envisagé de la Maison de France.
Les dotations en fonctionnement des EAF, qui figurent dans l'action 01 « animation du réseau », s'élèvent 35,51 millions d'euros. À périmètre constant, ces crédits baissent de 4 %, comme en 2013.
Les crédits pour opération destinés à la mise en oeuvre des différentes actions progressent de façon sensible : 17,23 millions d'euros pour 2014 (12,77 millions d'euros en 2013 en loi de finances initiale). Mais cette augmentation n'est qu'apparente car elle résulte du redéploiement de 5 millions d'euros des « autres moyens bilatéraux d'influence ».
Il est donc attendu du réseau qu'il compense cette perte de ressources publiques par de l'autofinancement ou des projets cofinancés. Ainsi en 2013, les ressources propres des EAF au niveau mondial devraient s'établir à près de 122 millions d'euros en prévisionnel, soit une augmentation de 2,46%. Toutefois leur rythme de croissance tend à baisser, ce qui laisse présager des perspectives d'évolution moins favorables. S'y ajoutent également plus de 180 millions d'euros de cofinancements sur des projets particuliers.
Le taux d'autofinancement a atteint en moyenne 64 % en 2013. Par nature de recettes, les cours, les examens et les Centre pour les études en France (CEF) représentent 70% des ressources propres des établissements.
S'agissant des alliances françaises qui, je vous le rappelle, sont des associations locales, les plus importantes, au nombre de 445 en 2012, sont conventionnées et reçoivent des subventions et/ou d'autres formes de soutien comme la mise à disposition de personnels. En application des restrictions budgétaires, une baisse de 15% sur trois ans a été décidée sur le budget triennal 2013-2015. En 2014, la contribution de l'État à la Fondation et à ses délégations générales d'une part et aux alliances locales d'autres part, d'un montant global de 7 millions d'euros, baisse de 4 %. Mais le soutien principal procède de mises à disposition de personnels qui représentent en 2013 301 emplois dont 75 sur le programme 185. La masse salariale s'élève à 31 millions d'euros. Le réseau des Alliances Françaises a été, jusqu'à cette année, préservé de l'effort en matière de restitutions d'emplois contrairement au réseau culturel. Sur la période 2013-2016, elles devraient comme le réseau culturel, réduire ces emplois mis à disposition de 10%.
L'Institut Français constitué sous forme d'établissement public industriel et commercial est l'opérateur de la politique d'action culturelle. Le contrat d'objectifs et de moyens signé avec l'État en février 2012 est en cours d'exécution. Un deuxième contrat est en préparation.
La dotation à l'Institut Français (43,38 millions d'euros en 2013) est réduite de 2,5 millions d'euros en 2014 pour s'établir à 40,85 millions d'euros soit une baisse de 5,8% succédant à une baisse de 10 % en 2013. Cette situation est préoccupante compte tenu de la structure des ressources de l'opérateur, les dotations budgétaires représentant les trois quarts de ses produits.
Le bilan de l'action de l'Institut français dans ce contexte ne peut qu'être contrasté. Il a réussi à imposer une marque et renforcer ainsi la visibilité de l'action culturelle extérieure de la France. Il a su en établissant des conventions de partenariat avec une trentaine d'institutions françaises et européennes se placer en situation de fédérateurs d'initiatives. Il a constitué un véritable appui au réseau en contribuant à sa professionnalisation, notamment en mettant en place des programmes de formation des agents. Il a, dès sa création, intégré la dimension numérique dans ses missions par la diffusion culturelle à l'international à travers Internet en développant des outils performants. Cet appui ainsi fourni au réseau est en tout point remarquable.
Cependant, les restrictions budgétaires ont été préjudiciables à sa capacité de développer des projets ambitieux. La difficulté qu'il a eue à lever des cofinancements auprès de partenaires, en dehors des grands évènements, ne lui a pas permis de compenser la diminution des financements publics.
Je développerai trois points : la politique d'attractivité, l'enseignement français à l'étranger et enfin les moyens affectés à la diplomatie économique.
289 274 étudiants étrangers sont inscrits dans les établissements de l'enseignement supérieur en France. Ils représentent aujourd'hui 12,1 % des étudiants inscrits soit une augmentation de plus de 30 % en dix ans. 75% d'entre eux sont inscrits dans une université.
Le Maroc (32 000) et la Chine (30 000) sont les deux premiers pays d'origine des étudiants internationaux en France. L'Afrique du Nord et subsaharienne reste en 2012-2013 la 1ère région d'origine avec près de la moitié des étudiants (44,8%).
En 2010, l'OCDE estimait à 3,6 millions le nombre d'étudiants poursuivant leurs études supérieures dans un pays autre que celui de leur résidence habituelle. Ils pourraient être 8 millions en 2020. Le marché de la formation universitaire à l'étranger est donc en plein développement et il est devenu très concurrentiel.
Aujourd'hui 8 pays concentrent près de 70 % des étudiants en mobilité internationale. La France (7%) est le 4ème pays d'accueil d'étudiants étrangers derrière les Etats-Unis (19%), le Royaume-Uni (11%), et l'Australie (8%) et au coude-à-coude avec l'Allemagne, mais de nombreux pays ont élaboré plus récemment des stratégies d'internationalisation de leur enseignement supérieur et ambitionnent de devenir des pays d'accueil d'étudiants et d'institutions étrangères d'excellence pour constituer des «hub» éducatifs mondiaux ou régionaux.
L'accueil des étudiants étrangers constitue un enjeu pour l'internationalisation des établissements d'enseignement supérieur, mais aussi un outil majeur de notre diplomatie d'influence et de notre politique de coopération.
Cette politique qui comprend de nombreux volets à commencer par l'évolution de l'enseignement supérieur français lui-même, repose, s'agissant du programme 185, sur la promotion des études en France à travers le réseau culturel et notamment le déploiement des Espaces Campus France et des CEF, mais aussi sur l'allocation de bourses.
En 2012, le nombre total de bourses du Gouvernement français s'élève à 14 491. Ce nombre est en baisse sensible depuis une dizaine d'années (22 437 en 2002). Les crédits affectés n'ont cessé de diminuer 105 millions d'euros en 2005, 69,7 millions d'euros en 2012. La France peine donc à maintenir sa politique en la matière.
Le nouveau dispositif devra permettre une importante simplification des procédures de traitement des dossiers par l'opérateur et une plus grande visibilité pour les postes diplomatiques prescripteurs. Il est en cours de déploiement.
Campus France est l'opérateur de cette politique. Son contrat d'objectifs et de moyens a été approuvé hier par son conseil d'administration. Nous avons eu l'occasion de formuler un avis favorable sous réserve de quelques ajustements sur la proposition de Mme Ango Ela, rapporteure.
Pour mener à bien son action, l'établissement s'appuie sur le réseau des Espaces Campus France, intégrés au réseau diplomatique et culturel. Il existe 199 Espaces dans 112 pays. En outre, la création de CEF « Centres pour les études en France » intégrés aux Espaces dans 30 pays a permis la dématérialisation des procédures d'inscription.
L'attribution des bourses reste de la compétence du réseau ou de l'administration centrale. La mission de Campus France consiste à prendre en charge l'étudiant et à lui verser la bourse qui lui a été allouée. En contrepartie, l'établissement reçoit une rémunération pour frais de gestion.
Outre, la gestion des bourses du Gouvernement français ou de l'AEFE, une part de de son activité consiste à gérer les bourses dites « des Gouvernements étrangers » qui sont en réalité mises en place par des institutions de nature diverse. Le contrat d'objectifs et de moyens fixe une cible pour 2013 de 4500 boursiers avec 3,4 millions d'euros de produits associés pour atteindre en 2015 une cible de 5000 boursiers et de 3,75 millions d'euros de produits associés.
La subvention de fonctionnement de Campus France (5,94 millions d'euros) n'échappe pas en 2014 à une réduction de 3,8 %. Le plafond d'emplois de l'opérateur sera abaissé à 235 ETP sous plafond et à 25 ETP hors plafond.
Nous regrettons la diminution des crédits destinés aux bourses du Gouvernement français (- 3,5%, 68 millions d'euros) et en parallèle des crédits d'échanges d'expertises et d'échanges scientifiques (- 3,1% 15, 58 millions d'euros), car ce sont des éléments importants de notre politique d'attractivité. Nous comptons sur le dynamisme de Campus France pour développer la gestion des bourses des gouvernements étrangers et autres organismes. Nous nous réjouissons également du développement des guichets uniques en région et de la mise en place d'un système d'identification et d'animation du réseau des anciens boursiers et chercheurs. Cette politique de réseau, outil d'influence, est à décliner sur tous les registres de notre action (enseignement français à l'étranger, élèves des instituts français et des alliances françaises...).
L'enseignement français à l'étranger est également un instrument majeur de la présence et de l'influence de la France et de la promotion de la langue française.
Le réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) compte 481 établissements dans 131 pays : 75 établissements en gestion directe, 156 établissements conventionnés et 250 établissements partenaires homologués.
Les 231 établissements, conventionnés et en gestion directe, constituent le réseau proprement dit de l'AEFE. Ils perçoivent des subventions versées par l'Agence qui assure également la rémunération des personnels titulaires détachés grâce à la subvention allouée par l'État.
Le réseau scolaire français à l'étranger scolarise dans sa totalité 316 788 élèves (10 000 de plus que l'année dernière). Ce nombre est en forte augmentation en raison de la croissance des communautés françaises expatriées. La part des élèves étrangers est de 62,2%.
Pour satisfaire une demande de scolarisation l'AEFE est confrontée à plusieurs défis.
La problématique immobilière est une contrainte forte. Le montant des investissements décidés en 2012/2013 est de l'ordre de 50 millions d'euros. Leur financement est assuré par prélèvement sur le fonds de réserve de l'établissement concerné (20 millions d'euros) ; par une aide de l'AEFE prélevée sur ses fonds propres (15 millions d'euros) ; par recours à des avances de France Trésor sur autorisation annuelle (15 millions d'euros). Des assouplissements ont été admis en termes de durée de remboursement de ces avances, comme nous l'avions souhaité dans notre précédent rapport.
Dans les pays où la situation politique devient instable, l'Agence doit renforcer les conditions de sécurité de ses établissements. Une subvention exceptionnelle de 4 millions d'euros allouée en 2012 par le MAE a permis d'intervenir dans 26 établissements en gestion directe au Maghreb, en Mauritanie et au Niger. Des subventions ont été en outre accordées à des établissements conventionnés.
Une seconde contrainte concerne le recrutement de personnels enseignants titulaires détachés de l'éducation nationale. Or ce ministère soumis à ses propres contraintes de recrutement de professeur titulaire est moins en mesure de satisfaire la demande. La reprise du dialogue entre l'Education nationale et les Affaires étrangères, dans le cadre de la concertation engagée en 2013 permettra, nous l'espérons, de progresser.
En 2013, l'AEFE rémunère 10 914 ETP en poste dans son réseau : 6 353 emplois sous plafond et 4 561 emplois hors plafond (financés sur ressources propres). Pour 2014, elle est autorisée à recruter 100 ETP hors plafond.
L'Agence est financée par l'allocation d'une dotation budgétaire annuelle de fonctionnement et par des ressources propres. Le montant de la dotation pour 2014 s'établit à 416,5 millions d'euros soit une baisse de 2% par rapport à 2013. La stabilisation du taux de cotisation au CAS Pensions - c'est ce qui avait justifié le versement d'une dotation supplémentaire de 5,5 millions d'euros en 2013 - et des économies de fonctionnement ont été jugées possibles. Nous ne pouvons qu'être satisfaits de voir l'opérateur et les établissements échapper aux contraintes qui pèsent sur les autres opérateurs de l'action extérieure de l'État, nous nous inquiétons néanmoins de l'accroissement des charges, ce qui conduit les établissements à rechercher par l'augmentation des scolarités demandées aux familles les moyens de leur développement. L'articulation avec le système des bourses est dès lors une question sensible.
Cette situation oblige naturellement à se reposer la question de nos outils. De nouvelles orientations stratégiques ont été exposées par Mme Conway-Mouret, ministre déléguée en conseil des ministres le 28 août dernier à la suite d'une large concertation. Ce plan d'action fixe cinq objectifs : un pilotage politique renforcé, la préservation des deux objectifs « scolarisation des français / accueil des élèves étrangers », un développement maîtrisé du réseau, la garantie de la qualité de l'enseignement et une diversification de l'offre (développement des sections bilingues francophones et promotion du Label FrancEducation.) L'AEFE a ouvert ce champ de coopération avec les établissements étrangers qui ont développé des sections bilingues dès 2012 Ce label a été attribué à 32 établissements et pourrait en concerner 50 à l'horizon 2015.
C'est sur la base de ces travaux qu'un nouveau contrat d'objectifs et de moyens devrait être signé avec l'État.
Enfin, je voudrais dire quelques mots du développement de la diplomatie économique promue au premier rang des axes stratégiques dans la présentation du projet annuel de performances pour 2014, mais qui ne fait pas l'objet d'une action au titre de ce programme. En fait, elle n'est pas dotée de moyens budgétaires importants puisqu'il s'agit d'abord d'une mobilisation des ambassadeurs et des postes diplomatique. Il s'agit ensuite d'apporter un appui par la mise en place au sein de l'administration centrale du MAE, d'une direction des entreprises et de l'économie internationale qui compte 75 agents. Cette direction permet d'assurer une forme d'interface avec les opérateurs (Ubifrance, AFII) qui sont dans la mouvance du ministère des finances.
Enfin, pour promouvoir la coopération dans le domaine de l'innovation, le MAE positionnera plusieurs experts techniques internationaux dans des clusters internationaux d'innovation. Il recrutera 10 «volontaires internationaux en administration » dans des pays où l'agence Ubifrance n'est pas présente pour aider les entreprises, notamment PME et ETI, à investir ces marchés. Enfin, le dispositif des ambassadeurs pour les régions sera déployé en lien avec les collectivités territoriales concernées.
Nous ne pouvons que nous réjouir de cet investissement. Nous souhaiterions toutefois qu'en fonction de sa montée en puissance cette action puisse être isolée au sein du projet et du rapport annuel de performances afin de pouvoir en mesurer à la fois le coût et les résultats.
Nous estimons également que ce développement rend nécessaire une réflexion sur le recrutement, la carrière, la mobilité et la formation des diplomates.
En conclusion, le ministère des affaires étrangères a dû réaliser des arbitrages, en fonction des priorités qu'il a définies dans un contexte marqué par la réduction de la dépense publique. Comme nous l'avons indiqué en introduction, c'est aussi l'occasion d'une rationalisation, d'une transformation de nos outils et d'une recherche d'une plus grande efficacité à moindre coût. Ce chantier est engagé.
C'est une tâche difficile car elle implique une évolution culturelle, nous en convenons, mais nécessaire au nom de l'efficience et de la transparence.
L'enseignement du français est essentiel, c'est notre principal véhicule d'influence, y compris sur le plan économique, notamment au Maghreb et en Afrique. Sur les 290 000 étudiants étrangers en France, 80 000 viennent du Maghreb. Mais nous devons être vigilants, car il y a une tendance à l'apprentissage de l'anglais chez les élites et aussi sur la qualité de l'enseignement du français. Enfin, je pense et c'est une proposition de notre rapport sur les pays de la rive sud de la Méditerranée, que nous devons développer l'apprentissage de l'arabe en France à titre de réciprocité.
En Afrique, le potentiel de francophones est théoriquement important. Ils seraient à l'horizon 2050, 500 millions sur 2 milliards d'Africains, mais encore faut-il que les moyens d'enseigner notre langue soient présents.
Le Maroc est le pays dans lequel le réseau d'enseignement français est le plus développé. Mais on ne peut faire reposer le développement de la langue française que sur ces seuls établissements, il y a aussi une question de la qualité de l'enseignement du français dans les systèmes nationaux d'éducation.
Le réseau de l'AEFE est l'un des plus importants au monde. Il scolarise 62% d'élèves étrangers et sa double vocation est essentielle. Une difficulté est que l'on demande à l'Agence de prendre en charge un volume croissant d'activités, et notamment la formation des enseignants avec un budget qui n'augmente pas en conséquence. Il revient donc aux parents d'élèves de financer ces nouvelles charges, ce qui est contesté, d'autant que cela contribue à l'augmentation des frais de scolarité.
L'apprentissage des langues étrangères et les partenariats sont importants. Dans le projet de mise en place d'un lycée international dans l'Est parisien à Noisy-le-Grand, l'apprentissage de l'arabe est prévu, celui du chinois également.
Au Maroc, l'apprentissage de la langue française est un élément de ségrégation. Les élites et les classes moyennes apprennent le français, les plus pauvres et les moins insérés ne le parlent pratiquement pas.
L'AEFE est confrontée à une augmentation très forte du nombre d'élèves. Je regrette comme vous l'affaiblissement du français dans certains pays, où il n'est pratiquement plus enseigné comme le Vietnam.
Je me réjouis de voir un nombre croissant d'élèves inscrits dans les établissements français à l'étranger, ce qui démontre la qualité du modèle français d'enseignement, mais nous devons faire en sorte que cet enseignement de qualité reconnu ne soit pas réservé à une élite et aux plus fortunés, car le coût de scolarité est parfois inabordable pour des expatriés fonctionnaires ou salariés de PME.
Il est important de développer l'enseignement de l'arabe en France. Il faut le faire dans les structures scolaires de la République et ne pas laisser le champ libre, dans ce domaine, à des officines dont on ne peut s'assurer de la qualité d'enseignement, ni des intentions véritables.
Le lycée international de Ferney-Voltaire a mis en place des structures d'apprentissage des langues étrangères dans les écoles et collèges des communes voisines. On constate d'expérience que c'est l'anglais qui rencontre la préférence quasi unanime des parents et qu'il est difficile de proposer d'autres langues.
M. Jean Besson, co-rapporteur pour avis, pour ce qui concerne le programme 185, a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la Mission « action extérieure de l'Etat ». M. René Beaumont, co-rapporteur pour avis, a indiqué qu'il proposait un vote d'abstention, en regrettant très fortement l'abandon des perspectives de rattachement du réseau culturel à l'Institut français, qui n'avait pas la préférence des diplomates, mais aurait constitué sur le long terme un atout précieux pour le développement de notre action culturelle à l'international.
Au cours de sa réunion du 27 novembre 2013, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « action extérieure de l'Etat », les sénateurs des groupes UMP et CRC s'abstenant.
La commission examine le rapport pour avis de MM. Michel Boutant et Gérard Larcher sur le programme 152 - Gendarmerie nationale - de la mission Sécurité du projet de loi de finances pour 2014.
Comme vous le savez, la sécurité est, avec la justice et l'éducation, l'une des priorités du Gouvernement. Le projet de budget de la gendarmerie pour 2014 est la traduction de cette priorité.
Le ministre de l'intérieur, M. Manuel Valls, et le directeur général de la gendarmerie nationale, le Général Denis Favier, sont venus devant la commission nous présenter en détail ce budget.
Avec notre collègue M. Gérard Larcher, nous avons également procédé à l'audition du major général de la gendarmerie, le Général Richard Lizurey, et du directeur chargé des Finances, le Général Pierre Renault.
Je vous présenterai les grandes lignes du budget de la gendarmerie pour 2014, en insistant tout particulièrement sur l'augmentation des effectifs, puis je laisserai la parole à mon collègue Gérard Larcher, qui évoquera nos principales préoccupations, qui portent notamment sur l'immobilier et le fonctionnement.
L'enveloppe globale des crédits de la gendarmerie nationale augmente légèrement en 2014, avec une hausse de 1% des crédits. Cette augmentation peut certes paraître mesurée, mais je rappelle que globalement le budget de l'Etat diminue en 2014. Cela reflète donc le caractère prioritaire de la sécurité.
Les dépenses de personnel s'élèvent à 6,8 milliards d'euros pour 2014, en augmentation de 0,6 % par rapport à 2013. Elles représentent environ 85 % des crédits de la gendarmerie.
Cette hausse s'explique par la création de 162 postes supplémentaires au sein de la gendarmerie, sur laquelle je reviendrai dans mon exposé.
Une enveloppe de près de 20 millions d'euros est également prévue pour la poursuite des mesures de revalorisation des traitements des personnels, notamment pour les sous-officiers et les personnels civils.
En revanche, il est prévu une diminution de l'indemnité spécifique de sujétion « police » (ISSP) pour les élèves policiers et les élèves gendarmes, ce qui a provoqué des protestations de la part des syndicats de policiers.
Les dépenses de fonctionnement courant s'élèvent à 949 millions d'euros pour 2014, soit un montant quasiment identique à celui de 2013.
Compte tenu de l'augmentation continue des loyers (452 millions d'euros en 2014, soit 60 % des crédits de fonctionnement), la gendarmerie nationale est contrainte de faire des économies sur les autres postes de dépense, en freinant par exemple la mobilité des personnels, en renonçant à des actions de formation ou en raccourcissant la durée de certains stages.
Cette situation, aggravée par les mesures de « gel » et de « surgel » des crédits, provoque de fortes tensions sur le fonctionnement, notamment concernant l'entretien du matériel et le carburant.
Comme vous le savez, dans certaines unités, des consignes ont été données en fin d'année aux gendarmes pour réduire les dépenses de carburant en faisant moins de patrouilles en véhicules.
Enfin, après plusieurs années de forte baisse de l'investissement, le projet de loi de finances pour 2014 prévoit une légère augmentation des investissements de la gendarmerie.
Le budget d'investissement de la gendarmerie a été divisé par deux entre 2007 et 2012. En 2013, les crédits d'investissements étaient de l'ordre de 250 millions d'euros de crédits de paiement.
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014, il est prévu 265 millions d'euros de crédits de paiement.
Ces crédits devraient notamment permettre de commander 10 000 ordinateurs (pour un montant de 8 millions d'euros) et de commander 2 000 nouveaux véhicules ou motocyclettes, après une année 2013 qui, jusqu'à présent, a été une « année blanche », sans aucune commande d'ordinateurs ou de véhicules.
En revanche, aucun investissement n'est prévu pour le renouvellement des équipements lourds dont dispose la gendarmerie (hélicoptères, véhicules blindés, etc.).
En définitive, le principal motif de satisfaction de ce budget porte sur le coup d'arrêt, en 2013, de la diminution des effectifs de la gendarmerie et la poursuite, en 2014, de l'augmentation des postes au sein de la gendarmerie.
Je rappelle qu'entre 2007 et 2012, près de 6 250 postes de gendarmes ont été supprimés, en application de la règle de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, soit 6,2 % de l'effectif total. Cela représente l'équivalent de la suppression de 60 gendarmes dans chaque département.
Au total, le plafond d'emploi, qui était de 101 000 en 2008, est passé à 95 900 en 2012.
Cette baisse a été accentuée par le fait que la gendarmerie ne disposait pas des crédits suffisants pour atteindre son plafond d'emploi, ce qui explique qu'aujourd'hui elle connaît un sous-effectif équivalent à 1 000 gendarmes.
En application de la révision générale des politiques publiques, la gendarmerie devait à nouveau connaître une diminution de 1 034 emplois en 2013. Or, non seulement le Gouvernement a renoncé à ces suppressions d'emplois mais il a fait le choix de créer 193 postes supplémentaires de gendarme en 2013 et 162 postes en 2014.
Ces effectifs supplémentaires devraient concerner, pour les deux tiers, des sous-officiers et, pour un tiers, des gendarmes adjoints volontaires. Ils devraient permettre de renforcer la présence des gendarmes sur le terrain, notamment dans les zones de sécurité prioritaires.
L'arrêt de la RGPP représente pour la gendarmerie un véritable « ballon d'oxygène ». La chute des effectifs ne pouvait se poursuivre sans peser excessivement sur les personnels, voire le modèle même de l'institution et le « maillage » du territoire assuré par les brigades territoriales.
Je voudrais également dire un mot de la réserve opérationnelle de la gendarmerie, qui compte aujourd'hui un vivier d'environ 27 000 réservistes, servant en moyenne 27 jours par an.
Ces réservistes, qui sont souvent des jeunes, apportent un renfort indispensable aux unités, notamment pour faire face aux « pics d'activité », par exemple lors de la période estivale ou lors de grands événements, à l'image du Tour de France et participent au lien Armée-Nation.
Alors que la dotation de la réserve opérationnelle était de 40 millions d'euros en 2013, elle sera réduite à 35 millions d'euros en 2014, compte tenu des contraintes financières.
La gendarmerie sera donc contrainte de réduire le nombre de ses réservistes opérationnels ou la durée de leur contrat, ce que je regrette, compte tenu du rôle important joué par la réserve opérationnelle pour renforcer la capacité opérationnelle de la gendarmerie et sa présence sur le terrain.
Je laisse maintenant la parole au président Gérard Larcher, qui va vous faire part de ses préoccupations concernant l'immobilier et le fonctionnement, préoccupations que je partage.
Après la présentation générale du projet de budget de la gendarmerie nationale de 2014 par notre collègue M. Michel Boutant, je souhaiterais vous faire part de mes préoccupations sur le budget de la gendarmerie, qui portent sur quatre principaux sujets :
- la diminution de la dotation pour la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale et la forte baisse des crédits consacrés à la formation, qui ont des conséquences sur la capacité opérationnelles des unités ;
- le « gel » et le « surgel » des crédits, qui entraînent de fortes tensions sur le fonctionnement des unités ;
- le faible niveau des investissements, qui impose une nouvelle fois de différer le renouvellement des véhicules blindés et des hélicoptères ;
- l'absence de plan à long terme pour l'immobilier de la gendarmerie nationale, malgré la dégradation de l'état des logements.
Ma première préoccupation porte sur la diminution de la dotation de la réserve opérationnelle, qui passerait de 40 à 35 millions d'euros entre 2013 et 2014, ce qui entraînera une réduction du nombre de réservistes opérationnels de la gendarmerie, et sur la forte baisse des crédits consacrés à la formation, de l'ordre de 40 % ces dernières années, qui est préoccupante à mes yeux car elle est de nature à fragiliser l'avenir de l'institution.
Il est également urgent d'arriver à un accord entre le ministère de l'intérieur et le ministère de la justice concernant les transfèrements judiciaires, dont la charge pèse lourdement sur les personnels de la police et de la gendarmerie, et qui devrait être transférée à l'administration pénitentiaire, ce qui permettra de renforcer la capacité opérationnelle de la gendarmerie et sa présence sur le terrain.
Ma deuxième préoccupation porte sur le « gel » et le « surgel » des crédits et leur impact sur les crédits de fonctionnement de la gendarmerie.
Comme vous le savez, dès le début de l'année, les crédits votés par le Parlement sont amputés de manière automatique de 6 % pour chacun des ministères. Ces crédits sont « gelés ». Il s'agit d'une réserve de précaution pour faire face à de moindres recettes fiscales ou des dépenses imprévues.
En fin d'année, le gouvernement décide de lever ou non, en partie ou en totalité, ministère par ministère, les crédits faisant l'objet de ce « gel ».
Les autres crédits sont purement et simplement annulés, alors qu'ils avaient pourtant été autorisés par le Parlement !
Ce « gel » a été amplifié en 2013 en cours d'année par un « surgel » supplémentaire.
Comme nous l'avait indiqué le directeur général de la gendarmerie, le Général Denis Favier, lors de son audition, la gendarmerie était concernée fin 2013 par ce « gel » et ce « surgel » à hauteur de 34 millions d'euros pour les dépenses de personnel et de 90 millions d'euros hors dépenses de personnel.
Cela signifie que, même si le budget 2013 avait été calculé au plus juste, en réalité, la gendarmerie avait bénéficié d'une enveloppe d'un montant très inférieur, de l'ordre de 124 millions d'euros en moins.
Compte tenu du fait que les loyers représentent près de 60 % des crédits de fonctionnement, ce « gel » des crédits reposait essentiellement sur les crédits d'investissement et le fonctionnement courant.
C'est cela qui explique qu'en 2013, aucune nouvelle commande d'ordinateurs, aucune nouvelle commande de véhicules n'aient été passées. Cela explique aussi les fortes contraintes pesant sur le fonctionnement des unités, avec notamment la réduction des patrouilles pour limiter les dépenses de carburant. Les factures impayées, notamment les loyers aux collectivités locales, auraient induit un report de charges de 21 millions d'euros sur 2014, que le budget pour 2014 n'était pas en mesure d'absorber.
Le « cri d'alarme » du directeur général de la gendarmerie nationale devant notre commission, largement relayé dans les médias, a toutefois été entendu. En effet, quelques jours après l'audition du Général Denis Favier, le ministre de l'intérieur a annoncé avoir obtenu de Bercy une levée partielle de la réserve avec le « dégel » de 111 millions d'euros pour la police et la gendarmerie nationale et de 10 millions d'euros pour l'immobilier de la gendarmerie.
La gendarmerie devrait donc récupérer d'ici la fin de l'année une partie des crédits - mais une partie seulement - précédemment gelés, ce qui lui permettra notamment de régler les factures impayées.
Le problème reste cependant entier car la même situation risque de se reproduire en 2014 avec un « gel » et un « surgel » des crédits qui devrait passer l'année prochaine à 7 % et s'appliquer dès le début de l'année.
Outre le fait que ce mode de fonctionnement ne me paraît pas conforme au principe de sincérité budgétaire, il n'est pas gage de bonne gestion, puisque le « dégel » est très aléatoire et qu'il intervient souvent trop tard pour être utilisé convenablement.
Une deuxième source de préoccupation tient à mes yeux au faible niveau des crédits d'investissement de la gendarmerie nationale, qui ne permet pas de lancer de grands programmes d'équipements, comme le renouvellement des hélicoptères ou des véhicules blindés à roue de la gendarmerie mobile, ni même des véhicules.
Ainsi, en raison du faible niveau des investissements, la gendarmerie nationale sera contrainte une nouvelle fois de différer le renouvellement de ses hélicoptères. Or, le remplacement des 29 appareils de type Écureuil, qui datent des années 1970, par de nouveaux modèles s'impose au regard de la nouvelle réglementation européenne qui interdit le survol des habitations par des appareils monoturbines.
Compte tenu de l'absence de crédits d'investissement pour les prochaines années, on s'oriente vers une réduction du parc des hélicoptères par une mutualisation avec celui de la sécurité civile. Or, les hélicoptères de la gendarmerie jouent un rôle très important, notamment outre-mer, mais aussi pour le maintien de l'ordre public.
De même, le renouvellement des véhicules blindés à roue de la gendarmerie mobile a dû être une nouvelle fois différé faute de financement suffisant. Or, le taux de disponibilité des véhicules blindés, en service dans la gendarmerie depuis 1974, est préoccupant (il est de l'ordre de 40 %).
La gendarmerie devrait assurer le maintien en condition opérationnelle de ces matériels, en prélevant des pièces détachées sur les appareils hors d'usage, ce qui devrait permettre de disposer de 80 véhicules blindés (sur 130).
Or, les véhicules blindés sont indispensables, aussi bien outre-mer, sur les théâtres d'opérations extérieures, comme au Kosovo ou en Côte d'Ivoire, mais aussi sur notre territoire en cas de crise majeure.
Même si nous sommes bien conscients des contraintes budgétaires et de la nécessité de réduire la dépense publique, la sécurité est un domaine régalien qui suscite une forte attente de la part des citoyens.
Je souhaiterais également dire un mot du renouvellement des véhicules de la gendarmerie.
2 000 véhicules neufs devraient être commandés en 2014, pour un coût de 40 millions d'euros. C'est certes mieux qu'en 2012, année au cours de laquelle seulement 300nouveaux véhicules ont été commandés, et qu'en 2013 puisque, à ce jour, aucune commande de véhicules nouveaux n'a été passée en raison du « gel » de crédits.
Mais, si l'on considère que le parc automobile comporte plus de 30 000 véhicules et que la durée de vie moyenne d'une voiture est d'environ 8 ans (ou 200 000 km), il faudrait commander chaque année environ 3 000 nouveaux véhicules (soit un coût de 60 millions d'euros) pour maintenir en l'état le parc automobile de la gendarmerie.
Compte tenu du faible niveau d'investissement, le parc automobile de la gendarmerie est vieillissant et, en 2015, environ deux tiers des véhicules devraient avoir dépassé le seuil de réforme. Le parc opérationnel de véhicules de la gendarmerie départementale affiche ainsi un âge moyen de 6,5 ans avec en moyenne 121 000 km parcourus.
Enfin, comme les années précédentes, ma dernière et principale interrogation porte sur l'immobilier de la gendarmerie.
L'immobilier est traditionnellement un poste important pour la gendarmerie nationale car chaque gendarme dispose d'un logement concédé par nécessité absolue de service. Ce logement est la contrepartie de la disponibilité des militaires de la gendarmerie et il permet d'assurer la présence des gendarmes sur l'ensemble du territoire, grâce au maillage assuré par les brigades territoriales. La vie en caserne est aussi un élément structurant du statut militaire de la gendarmerie.
C'est surtout l'état du parc domanial qui est préoccupant. L'âge moyen des logements est de 38 ans et plus de 70 % des logements ont plus de 25 ans, ce qui nécessite des travaux de réhabilitation importants et suivis.
Les investissements n'ayant pas été suffisants ces dernières années, on constate une certaine dégradation des conditions de vie des gendarmes et de leur famille, qui peut peser sur le moral et la manière de servir. Je pense par exemple aux casernes des gendarmes mobiles du quartier Delpal à Versailles Satory, que nous avons visitées avec notre collègue Michel Boutant, et qui sont dans un état très délabré, ou à la caserne de Melun.
Aucun d'entre nous n'accepterait d'avoir sur nos territoires des logements sociaux dans un pareil état. Nous courons le risque d'assister à des mouvements sociaux de la part des conjoints des gendarmes.
2013 a été une « année blanche » pour l'immobilier, c'est-à-dire qu'aucun investissement n'a été prévu, faute de crédits suffisants.
En 2014, la situation devrait s'améliorer légèrement, puisqu'il est prévu 11 millions d'euros pour les opérations de maintenance les plus urgentes et 6 millions d'euros pour les subventions aux collectivités locales pour la construction de casernes locatives, contre 0 en 2013.
Ces crédits restent cependant très insuffisants au regard des besoins, tant en matière de construction, que d'entretien lourd. On estime que l'Etat devrait consacrer environ 200 millions d'euros par an à la construction et 100 millions d'euros à la réhabilitation des casernes domaniales. Nous en sommes très loin.
La seule marge de manoeuvre de la gendarmerie en matière d'investissement immobilier est donc de pouvoir compter sur les revenus tirés des cessions immobilières. On estime que le produit des cessions immobilières de la gendarmerie pourrait représenter environ 120 millions d'euros.
Malgré l'adoption de la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement (dite loi Duflot), il est donc crucial que la gendarmerie puisse continuer à bénéficier d'une partie au moins du retour de ses cessions afin de réaliser les opérations de construction ou de réhabilitation lourde les plus urgentes, qui sont évaluées à 80 millions d'euros par an.
En conclusion, tout en réaffirmant mon attachement à la gendarmerie et à ses personnels, je m'abstiendrai sur le vote des crédits de la mission « Sécurité ».
Je remercie nos deux co-rapporteurs. Sans méconnaître les fortes contraintes budgétaires et la nécessité de réduire les déficits publics, je partage la plupart des préoccupations exprimées, qu'il s'agisse de l'immobilier de la gendarmerie ou du renouvellement des équipements. Comme l'a indiqué le ministre de l'intérieur lors de son audition devant notre commission, il faut réfléchir à des solutions pour l'immobilier de la gendarmerie et répondre aux situations les plus urgentes.
Lorgeoux. - Dans la commune de Romorantin, nous avons mis en oeuvre une solution originale, grâce à une dérogation, pour rénover plus de 50 logements par l'office HLM où nous avons installé les gendarmes et leur famille, dans ce qu'on peut appeler une « caserne ouverte », ce qui a permis d'offrir de meilleures conditions de vie aux gendarmes et à leur famille, sans que cela nécessite de lourds investissements.
L'état de certains logements de gendarmes ne répond pas aux normes minimales du logement social ! Il serait donc paradoxal de vouloir priver la gendarmerie du produit de ses cessions immobilières pour la construction de nouveaux logements sociaux alors que le produit de ces cessions est précisément destiné à rénover les logements les plus délabrés destinés aux gendarmes et à leur famille.
Il serait d'ailleurs légitime que l'immobilier de la gendarmerie nationale puisse bénéficier des mêmes conditions avantageuses que le logement social en matière de taux bonifiés.
Je partage entièrement les préoccupations exprimées par notre collègue Gérard Larcher, au sujet de l'immobilier de la gendarmerie nationale. Mon département accueille les bâtiments et logements du commandement de la région Ile de France de la gendarmerie et certains bâtiments sont dans un tel état de délabrement qu'ils ne répondraient pas aux normes applicables au logement social !
La commission donne un avis favorable - les groupes socialiste, RDSE et écologiste votant pour ; le groupe UMP s'abstenant - à l'adoption des crédits du programme « gendarmerie nationale » de la mission « Sécurité ».
La commission examine le rapport de Mme Garriaud-Maylam et le texte proposé par la commission sur le projet de loi n° 114 (2013-2014) autorisant la ratification du traité entre la République française et la Fédération de Russie relatif à la coopération dans le domaine de l'adoption.
Je tiens à rendre hommage au courage de Mme Garriaud-Maylam qui a tenu à être parmi nous cet après-midi alors qu'elle vit des moments douloureux. Je lui adresse, au nom de la commission, mes plus sincères condoléances.
Ce projet de loi a été ratifié par l'Assemblée nationale le 31 octobre et nous espérons le faire adopter au Sénat la semaine prochaine. Ce texte est urgent et ses conséquences seront des plus concrètes : débloquer les dossiers des familles en cours d'adoption en Russie et permettre aux familles souhaitant adopter en Russie de le faire dans un cadre juridique rigoureux.
Cette convention, tant qu'elle n'est pas ratifiée, est source de souffrance à la fois pour les familles qui attendent l'arrivée d'un enfant dans leur foyer et dont le dossier est bloqué à cause de la non-ratification française, et pour les enfants qui, pour certains, ont déjà rencontré leurs parents mais restent en orphelinat pour cause de lenteur administrative.
Les couples français candidats à l'adoption se tournent le plus souvent vers l'adoption internationale qui représente plus de 80% de l'adoption en France. En 2011, près de 2 000 adoptions ont été réalisées à l'étranger. La Russie est le premier pays de provenance des enfants adoptés par des couples français à l'étranger, plaçant la France au quatrième rang des pays d'accueil. En 2012, 235 enfants russes ont ainsi été adoptés par des familles françaises.
La Russie appliquant le principe de subsidiarité prescrit par la convention de La Haye de 1993 sur la protection de l'enfance et la coopération en matière d'adoption internationale, ce sont principalement des enfants à besoins spécifiques qui sont proposés à l'adoption, puisque les enfants dits « sans problème » sont plus facilement adoptés nationalement. Sont considérés comme plus difficilement adoptables les enfants qui présentent une pathologie plus ou moins grave (177 des 235 enfants russes adoptés en 2012), ceux d'un âge plus avancé (41 enfants avaient plus de 5 ans) ou ceux adoptés en fratrie (51 sur 235).
Jusqu'à présent, les adoptions d'enfants russes pouvaient être faites par un opérateur agréé ou de façon individuelle. Dans ce dernier cas, le plus fréquent, les familles déposaient elles-mêmes leur demande auprès de l'organisme public russe par le biais d'un facilitateur. Dans les faits, certains parents, une fois l'adoption finalisée et l'enfant accueilli au foyer, ne respectaient pas l'obligation de transmission régulière de rapports d'information sur l'enfant, son intégration et son développement, rapports exigés par nombre de pays d'origine, dont la Russie. Une liste noire de départements où résidaient des familles ayant failli à cette obligation a été dressée, pénalisant ensuite celles qui voulaient adopter et qui résidaient dans lesdits départements.
La Russie a encadré plus strictement l'adoption, notamment en privilégiant la signature d'accords bilatéraux sur l'adoption, comme celui qui nous est soumis aujourd'hui. Deux ont déjà été conclus, avec l'Italie et les États-Unis, mais ce dernier a été dénoncé et il est désormais impossible pour des ressortissants américains d'adopter des enfants russes. D'autres sont en cours de négociation avec l'Espagne ou encore l'Allemagne. Enfin, la Russie a signé la convention de La Haye mais ne l'a pas ratifiée.
D'autres modifications sont intervenues dernièrement, qui concernent directement les parents : depuis 2012, ils doivent valider un séminaire préparatoire de 80 heures afin de se préparer à leur rôle de parents, et des questions sont posées lors du jugement. La Russie a la hantise de voir des homosexuels adopter certains de ses enfants ; dans cette optique, elle interdit même, depuis le 3 juillet 2013, l'adoption de ses enfants par tous les célibataires ressortissants de pays ayant légalisé le mariage homosexuel. Depuis le 3 septembre, elle exige que des rapports de suivi post-adoption soient envoyés régulièrement jusqu'à la majorité de l'enfant adopté. Et surtout, du fait de la loi du 3 juillet et de la non-ratification par la France de la présente convention, les adoptions sont bloquées, ou du moins accordées au compte-goutte.
C'est pourquoi il est très urgent que nous ratifiions ce traité, qui a été signé le 18 novembre 2011 à Moscou et ratifié par la Russie en août 2012. Ses dispositions s'inspirent de celles de la convention de La Haye sur la protection des enfants.
S'agissant de la procédure d'adoption, le traité met fin à la possibilité de recourir à l'adoption individuelle, qui représentait près de 80% des adoptions auparavant. Le recours à un opérateur agréé est donc obligatoire. Actuellement il en existe trois : l'Agence française de l'adoption, « De Pauline à Anaëlle », et « Enfance et Avenir ».
Le rôle de chaque État tout au long de la procédure est défini par le traité. Le pays d'origine étant seul décisionnaire pour l'adoption internationale, il doit s'assurer que l'enfant est bien légalement adoptable, avant que soit prononcée l'adoption. Le pays d'accueil, quant à lui, vérifie que les candidats sont en possession de l'agrément requis, qu'ils répondent aux exigences formulées par l'autre partie, notamment en termes de formation, et vérifie que les opérateurs agréés effectuent le suivi post-adoption demandé.
La procédure prévoit également les conditions de choix, de présentation des enfants et d'apparentement. L'adoption est prononcée par jugement, et entraîne la rupture définitive du lien de filiation d'origine. L'enfant acquiert de plein droit la nationalité française, tout en conservant la nationalité russe au moins jusqu'à sa majorité. Le traité règle également la question des obligations militaires pouvant découler de cette double-nationalité : l'enfant adopté sera exempté de ces obligations sur le territoire d'une partie s'il les a effectuées sur le territoire de l'autre partie.
Le traité encadre mieux le suivi. La fin des procédures individuelles permettra de contrôler que les parents envoient bien les rapports post-adoption. Les opérateurs agréés devront assurer le suivi des conditions de vie et d'intégration de l'enfant. Tout manquement entraînerait la suspension temporaire des dossiers des candidats à l'adoption.
Enfin, le traité prévoit les cas de replacement d'un enfant adopté. En cas de retrait d'un enfant adopté et d'une nouvelle adoption, le pays d'accueil doit demander l'accord du pays d'origine, puisque la Russie s'oppose à ce que ses enfants soient adoptés par des couples homosexuels. Dans les faits, le replacement d'un enfant adopté est exceptionnel.
Ce cadre juridique formalise les adoptions, en s'inspirant de la convention de La Haye, ratifiée par la France en 1998. Quelques questions demeurent cependant, en particulier sur les dossiers en cours qui sont, pour la plupart, bloqués, créant des souffrances pour les familles. La ratification du traité devrait débloquer la situation.
S'agissant des dossiers en cours relevant de la procédure individuelle, le traité prévoit que les candidats à l'adoption dont le dossier a été enregistré auprès d'une autorité régionale pourront mener à son terme la procédure d'adoption. Mais qu'en est-il des dossiers présentés par des femmes célibataires ? Nous allons attirer l'attention des autorités russes sur ce point, car des femmes ont rencontré les enfants et ont suivi toute la procédure. Que dire des enfants qui les ont identifiées comme futures mamans ? Nous espérons que leurs dossiers seront examinés avec bienveillance.
Les personnes auditionnées ont attiré notre attention sur le terme « dossier enregistré » : s'agit-il de l'apparentement qui est déjà un pas important dans la procédure ? Lorsque des parents rencontrent l'enfant et donnent leur accord à l'adoption, le lien est déjà créé. Il faudra préciser la terminologie.
La situation est donc urgente, tant pour les enfants que pour les parents. La ratification française permettra de surmonter les blocages et les enfants pourront enfin être accueillis dans leur nouveau foyer. Je vous propose donc d'adopter ce projet de loi, qui devrait faire l'objet d'un examen en procédure simplifiée dans l'hémicycle. Initialement, ce texte devait être examiné le 18 décembre, mais j'ai demandé au ministre chargé des relations avec le Parlement de l'avancer au 3 décembre. Tous les groupes politiques ont été consultés et j'espère qu'ils n'y sont pas opposés.
Ce soir, au cours de la Conférence des présidents, je veillerai à ce que cette date soit retenue.
Je veux dire toute mon amitié à notre rapporteure qui vit des moments difficiles.
Comme elle, j'estime urgent de trouver une issue rapide pour ces familles qui attendent un enfant. Mais que penser de cette phrase de la convention : « il s'agit d'assurer le respect des principes éthiques de l'adoption internationale dans l'intérêt supérieur de l'enfant » alors que la Russie va voter des lois homophobes ? Quelle définition ce pays donne-t-il au mot « éthique » ?
Ce terme peut effectivement être appréhendé de différentes manières, et c'est toute la difficulté du débat. Nous savions, lors du vote du mariage pour tous, que de telles conséquences étaient à craindre. Le Parlement russe a voté à l'unanimité contre l'adoption des enfants par des couples homosexuels, et donc aussi par des célibataires, tous soupçonnés d'homosexualité. Nous devrons agir par les voies diplomatiques pour que les parents célibataires ayant déjà obtenu un agrément puisse adopter. J'en ai dit un mot à l'ambassadeur de Russie la semaine dernière.
Du 16 au 20 décembre, MM. Cambon, Pozzo di Borgo et moi-même seront en Russie et nous aborderons cette question.
Je veux dire à notre rapporteure toute l'affection de notre groupe dans l'épreuve qu'elle traverse et je la félicite pour son courage d'être parmi nous.
Qu'en est-il des demandes individuelles antérieures à la promulgation de la convention ? Demeurent-elles valides ou la procédure doit-elle recommencer ?
L'article 20 de la convention dit que « Les candidats à l'adoption dont le dossier a déjà été enregistré auprès d'une autorité régionale de l'État d'origine à la date d'entrée en vigueur du présent traité ont le droit de mener à son terme la procédure d'adoption selon les modalités établies avant l'entrée en vigueur du présent traité ». En dépit de ce texte, les blocages risquent de se poursuivre. L'ambassadeur de Russie m'a dit qu'il attendait avec impatience la ratification par la France de cette convention.
Je tiens à féliciter notre rapporteure pour son rapport très humain. Les Russes sont les rois de la dialectique et prétendent que leur texte est juste destiné à lutter contre la pédophilie. J'espère que nous parviendrons à arranger les choses lors de notre voyage dans ce pays.
Chaque enfant adopté devra respecter les obligations militaires d'un de ses deux pays : en France, les jeunes suivent deux jours de formation et en Russie, la conscription dure trois ans. Le choix de ces jeunes est facile à deviner.
Dans d'autres pays, il existe aussi des différences très importantes en matière de conscription, ce qui explique que beaucoup de jeunes choisissent la nationalité française.
En matière de dialectique, les Russes pourraient dire : la terre est bleue ; non, la terre est ronde comme une orange ; non, la terre est bleue comme une orange.
Les Russes sont très réticents à voir leurs enfants adoptés par des couples homosexuels mais, de façon plus générale, par nationalisme, ils ne souhaitent pas voir leurs enfants adoptés par des pays étrangers.
C'est vrai. De plus en plus de pays ont ces réflexes nationalistes. C'est le cas de pays musulmans, de la Birmanie. Mais il existe également des différences d'appréciations : il y a quelques années, le Sunday Times avait publié un long article dans lequel les autorités indiennes suppliaient les Britanniques de venir adopter leurs enfants. J'avais alors posé une question écrite au ministère des affaires étrangères et j'avais envoyé une lettre à la Mission de l'adoption internationale qui m'avaient répondu qu'il y avait très peu d'enfants indiens à adopter. Nous en revenons à la différence entre réalité et vérité.
Le responsable des adoptions au Vietnam m'a dit que la France était mal organisée, contrairement aux États-Unis ; il m'a fait comprendre que les Américains payaient beaucoup plus pour obtenir des enfants.
A toutes les réticences russes s'ajoute le fait que nous n'avons pas ratifié cette convention.
Le rapport est adopté à l'unanimité.
À l'unanimité, la commission décide que cette convention sera présentée en séance publique sous forme simplifiée.
La commission examine le rapport pour avis de MM. Jean-Claude Peyronnet et Christian Cambon sur les programmes 110 - Aide économique et financière au développement - et 209 - Solidarité à l'égard des pays en développement - de la mission Aide publique au développement du projet de loi de finances pour 2014.
Jean-Claude Peyronnet et moi-même vous présentons les crédits de la mission « aide publique au développement » (APD) qui comprend le programme 110, géré par le ministère de l'économie et des finances, et le programme 209, géré par le ministère des affaires étrangères et qui comprennent l'essentiel de l'aide programmable.
Les moyens de l'APD française sont préservés dans un contexte budgétaire extrêmement difficile. Les crédits de paiement de la mission « aide publique au développement » ont diminué de 5,7%, soit 2,9 milliards. Les autorisations d'engagement s'élèvent à 4,2 milliards, en augmentation sensible. Nous aurons donc du mal à atteindre les 0,7% du PIB que nous évoquons régulièrement. En dépit de cette diminution, l'aide publique française, au sens où l'entend l'OCDE, augmente de 4,3% pour s'établir à 10,3 milliards.
Cette préservation a été possible grâce à des annulations de dettes et des refinancements qui triplent en volume, passant de 607 à 1 579 millions. En outre, les financements innovants au profit du Fonds de solidarité pour le développement (FSD) augmentent : l'article 36 prévoit en effet une hausse de 12,7% de la taxe de solidarité sur les billets d'avion. Au cours des échanges que nous avons eus avec les ministres, nous avons fait part de nos craintes concernant cette taxe ; ils nous ont rassurés. L'article 31, quant à lui, prévoit l'augmentation de 10 à 15% de la part de la taxe sur les transactions financières. Nous avions déposé des amendements l'an dernier en ce sens et le Président de la République a confirmé cette orientation lors des Assises du développement. Je salue cet effort, surtout en raison du contexte budgétaire actuel.
L'engagement du Président de la République de doubler en cinq ans l'aide transitant par les ONG françaises se traduit par une augmentation de 9 millions des autorisations d'engagement et d'1 million pour le fonds d'urgence humanitaire. Les ONG saluent cet effort tout en considérant que cette augmentation n'est pas à la hauteur des enjeux. Néanmoins cela va dans la bonne direction et nous nous en félicitons.
La lisibilité des documents budgétaires s'améliore, ce qui facilite notre tâche de contrôle. Le document de politique transversale « Aide publique au développement » contient ainsi quelques améliorations, que nous avions demandées depuis longtemps. En revanche, des progrès restent à faire pour mieux évaluer les résultats, notamment pour ce qui concerne le Mali. Nous ferons des propositions concrètes.
Les canaux de transmission de l'APD sont réorientés vers l'aide bilatérale, qui était descendue à 66% en 2012 et qui devrait à nouveau atteindre 70%. Au Sahel, il faudrait abonder de 200 à 400 millions l'aide bilatérale pour répondre à la multiplicité des projets sur lesquels la France est attendue. Nous allons donc dans le bon sens.
L'année 2013 aura été particulièrement dense, en raison des premières Assises du développement qui ont duré six mois et qui ont été closes par le Président de la République. Diverses annonces ont été faites et le ministre du Développement a rencontré tous les partenaires afin de dégager des priorités. Après cette première phase de concertation, le Premier ministre a réuni, le 31 juillet, le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) qui n'avait pas siégé depuis 2007. Les orientations arrêtées sont celles que nous appelions depuis longtemps de nos voeux, notamment une meilleure convergence des objectifs du millénaire et de l'agenda du développement durable, la concentration de notre aide sur des partenariats différenciés et une meilleure cohérence de notre action en matière de développement. Enfin, il convient de mieux coordonner notre aide avec celle de l'Europe. Nous devrions travailler avec les Britanniques car leurs méthodes d'évaluation et de contrôle sont excellentes. Ils ont mis un terme à leur APD en Inde, estimant que ce pays n'en avait plus besoin.
Au-delà des vingt-huit objectifs listés, dont la plupart font consensus dans le milieu de la coopération, vos rapporteurs souhaitent que le gouvernement passe de la parole aux actes. Le futur projet de loi de programmation devra comporter des engagements chiffrés et éviter des notions vagues comme « le retour à bonne fortune » qui figure dans la loi de programmation militaire. Il conviendrait que des pourcentages soient fixés, surtout pour le Sahel, afin d'apprécier l'adéquation entre les engagements et la réalité. Le CICID estime que 85% des fonds de l'AFD doivent aller au sud Sahel, mais 115 pays sont concernés par cette aide, dont 90 pays qui ne se trouvent pas dans cette région du monde ! M. Peyronnet et moi-même siégeons au conseil d'administration de l'AFD : nous voulons que les crédits soient efficaces et que les politiques soient évaluées. Le futur texte devra hiérarchiser les objectifs de l'aide, définir une trajectoire financière compatible avec la situation de nos finances publiques, rapprocher les indicateurs des objectifs. Le ministre a eu la courtoisie de nous envoyer l'avant-projet de loi, nous y sommes sensibles.
L'avant-projet de loi a été examiné aujourd'hui même par le Conseil économique, social et environnemental.
Le projet de loi devrait être adopté en conseil des ministres le 11 décembre et déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale.
Rien n'est encore décidé.
Je vous propose de voter les crédits de l'aide publique au développement comme je l'ai fait depuis trois ans quelle que soit la majorité. En fait, ce n'est pas tellement le budget global qui est en cause : que l'on affecte 0,1 ou 0,2 point de notre PIB en plus ou en moins à cette aide est secondaire, ce qui compte c'est ce que l'on fait de cet argent. Et c'est à l'aune de l'efficacité que nous faisons deux recommandations.
Malgré le relatif satisfécit de M. Cambon, nous sommes tous les deux un peu amers sur le fait que le budget 2014 ne tient aucun compte des événements du Mali et continue comme si rien ne s'était passé. La France ne peut se contenter d'être l'intervenant militaire, sans être aussi l'un des acteurs du développement, ce qui pourrait lui éviter de relancer une opération militaire. C'est notre intérêt, comme celui de l'Afrique, de prendre des mesures et d'inciter les financeurs internationaux à le faire, d'autant que la France dispose d'une grande expertise au Sahel.
Cette déconnection des choix budgétaires avec la situation actuelle est d'autant plus regrettable que notre commission a beaucoup travaillé sur cette question. Le rapport d'information de MM. Jean-Pierre Chevènement et Gérard Larcher propose diverses solutions. Nous avons auditionné des chercheurs, en particulier Serge Michailof dont je partage les analyses.
La situation du Sahel présente, malgré d'évidentes différences culturelles et géographiques, des analogies inquiétantes avec celles de l'Afghanistan d'il y a une dizaine d'années, à savoir une crise environnementale liée à la pression démographique alors que l'investissement public stagne dans l'agriculture, un grave sous-équipement économique et social conduisant la population au dénuement, sur fond de tensions interethniques. Cette région souffre également d'une sous-administration des zones rurales périphériques et d'une quasi-absence locale des appareils d'État régaliens. De plus, les jeunes sont touchés par un chômage de masse, ce qui provoque d'importantes migrations régionales. La présence de groupes armés très mobiles financés par des trafics divers, dont la drogue, s'appuie sur un fondamentalisme religieux et offre une idéologie séduisante, des perspectives de revenus et d'ascension sociale exceptionnelles pour des jeunes désoeuvrés. Enfin, il existe des zones de repli inexpugnables pour les groupes armés qui ont subi une défaite au Mali mais sont loin d'avoir été annihilés. À travers la crise malienne se dévoile l'ampleur gigantesque de la crise qui couve au Sahel, crise multiforme, économique, humanitaire, politique, et sécuritaire. Cette crise exacerbée au Mali est sous-jacente dans d'autres régions du Sahel, en particulier au nord du Burkina Faso, dans le centre du Tchad, au Niger, en Centrafrique.
Il est regrettable que notre intervention au Mali ne se traduise par aucune inflexion significative dans la loi de finances 2014. Cette situation est imputable au fait que notre outil de coopération ne dispose plus de ressources d'aide bilatérale nécessaire. L'essentiel de notre aide bilatérale est consentie sous forme de prêts de l'AFD qui sont mal adaptés aux besoins de reconstruction du Mali, ou à des actions liées à des contrats de désendettement et de développement dont les pays sahéliens ne bénéficient que très marginalement. Ces pays ont besoin d'une aide directe. Or les montants destinés à financer sur subvention des actions bilatérales dans les pays pauvres sont dérisoires, et répartis entre une vingtaine de pays. Les montants du fonds de solidarité prioritaire sont bien trop faibles.
Des amendements auraient pu être déposés mais la partie dépenses du budget, sauf miracle, ne sera pas examinée. Disons que nous travaillons pour l'avenir.
Il faudrait doubler l'aide bilatérale « projet » gérée par l'AFD pour la porter à 400 millions...
ou au moins à 300 millions et, comme le suggère M. Michailof, d'affecter 100 millions à un « fonds fiduciaire multi-bailleurs Mali » pour que la France puisse participer au pilotage de la gestion des ressources multilatérales. Il faudrait amorcer la pompe avec 100 millions et compléter les financements par des fonds partenaires, en s'imposant comme l'expert principal pour la mise en oeuvre de ces actions.
Nous recommandons aussi de doubler les crédits FSP et de les affecter prioritairement à l'appui institutionnel des pays sahéliens pour remettre en marche les institutions déliquescentes, surtout en milieu rural. On est actuellement à 3 ou 4 millions.
Afin de dégager des ressources sur le budget APD, il conviendrait de ramener à 150 millions le fonds sida, ce qui représenterait une économie de 210 millions. Certes, notre lutte contre le sida est saluée dans le monde, mais je ne suis pas sûr que les 362 millions que nous y affectons soient absolument indispensables. Il conviendrait aussi de raboter nos multiples contributions à la cinquantaine de fonds des Nations unies, dont l'efficacité a été discutée ; cela représenterait une économie de 25 millions. Il serait également possible d'économiser 25 millions sur les dotations budgétaires accompagnant les concours FMI.
Les SCAC font souvent doublons avec l'AFD. Avec une vraie volonté politique au sommet de l'État, nous pouvons réorienter entre 150 et 250 millions d'euros vers le Mali, sur un budget global de 4,2 milliards d'euros d'autorisations d'engagement. Il y a urgence, en effet, indépendamment des aides à moyen et à long terme qu'il faudra apporter, à donner du travail à toute cette jeunesse désoeuvrée, offerte aux trafics, à la drogue et à l'extrémisme religieux. Nous pourrions investir dans les infrastructures et dans la formation. Mon département a monté une radio locale au Burkina Faso, qui regroupe essentiellement des femmes autour de la culture, de l'acquisition et de la vente de plants, de microcrédit. Ce type d'actions peu coûteuses a des effets vertueux.
Nous souhaitons que soit mise en place une vraie stratégie d'influence au sein des instances multilatérales. À la différence des Britanniques, nous avons été incapables d'avoir une influence significative sur la nature des programmes et des projets financés par l'aide européenne et internationale. L'approche en termes d'effet de levier, dont nous nous targuons, est statistique et globale. Nous poussons ces instances à intervenir en Afrique, mais ne nous soucions pas assez de la nature et des modalités de leurs actions. Notre influence n'est pas à la hauteur de nos compétences ni des moyens humains et financiers que nous déployons.
Nous proposons d'adopter le budget de la mission « aide au développement ».
M. Cambon a indiqué que les Anglais se retiraient de l'Inde. Il n'est pas souhaitable que l'AFD se retire des BRICS. Ce qui relève de la diplomatie d'influence contribue à la bonne réputation de la France.
L'AFD est à la fois le bras séculier de l'État pour la coopération et banque de développement. Nous ne remettons pas ses engagements en cause, sauf pour certains petits pays. Les prêts sont consentis aux conditions du marché, certes, mais la présence de l'AFD a un coût : personnel, locaux...
L'aspect planétaire des interventions de l'AFD pose problème. Dov Zerah, qui a dirigé l'AFD, prétendait que les prêts couvraient aussi les frais de fonctionnement. Cela devra être vérifié.
Le dernier prêt, consenti par la France au Mexique, l'est au taux de 1,5%, quand la France emprunte à trente ans à 2,38%. Cela coûte, donc. Le Mexique est un pays ami, mais il n'est plus vraiment sous développé.
La règle des 85% fléchés sur l'Afrique Subsaharienne concerne les dons et non les prêts. Les capitaux propres de la Proparco en direction des PME doivent être augmentés et les plafonds autorisés par pays doivent être relevés.
La France a une bonne expertise en matière de santé. Sauf erreur, l'aide publique au développement diminue cette année de 6% dans ce domaine. Les deux tiers de notre aide y sont consacrés à des actions multilatérales. Comment rester très performants avec de telles perspectives ? Le financement des ONG en Afrique est très efficace.
Notre aide multilatérale est en effet majoritaire. Nous avons peu de maîtrise des choix qui y sont faits. En particulier, nous consacrons des crédits considérables à la lutte contre le sida, au risque de négliger d'autres maladies comme la tuberculose et le paludisme, sur lesquelles il faudrait recentrer nos efforts.
L'enveloppe du fonds sida nous vaut une réputation qui compense notre désengagement sur d'autres fonds.
La commission adopte le rapport pour avis de MM. Jean-Claude Peyronnet et Christian Cambon sur les programmes 110 « Aide économique et financière au développement » et 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » de la mission « Aide publique au développement » du projet de loi de finances pour 2014.
Elle vote les crédits de la mission « Aide au développement » à la majorité, les groupes UMP et UDI s'abstenant.