Après la présentation générale du projet de budget de la gendarmerie nationale de 2014 par notre collègue M. Michel Boutant, je souhaiterais vous faire part de mes préoccupations sur le budget de la gendarmerie, qui portent sur quatre principaux sujets :
- la diminution de la dotation pour la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale et la forte baisse des crédits consacrés à la formation, qui ont des conséquences sur la capacité opérationnelles des unités ;
- le « gel » et le « surgel » des crédits, qui entraînent de fortes tensions sur le fonctionnement des unités ;
- le faible niveau des investissements, qui impose une nouvelle fois de différer le renouvellement des véhicules blindés et des hélicoptères ;
- l'absence de plan à long terme pour l'immobilier de la gendarmerie nationale, malgré la dégradation de l'état des logements.
Ma première préoccupation porte sur la diminution de la dotation de la réserve opérationnelle, qui passerait de 40 à 35 millions d'euros entre 2013 et 2014, ce qui entraînera une réduction du nombre de réservistes opérationnels de la gendarmerie, et sur la forte baisse des crédits consacrés à la formation, de l'ordre de 40 % ces dernières années, qui est préoccupante à mes yeux car elle est de nature à fragiliser l'avenir de l'institution.
Il est également urgent d'arriver à un accord entre le ministère de l'intérieur et le ministère de la justice concernant les transfèrements judiciaires, dont la charge pèse lourdement sur les personnels de la police et de la gendarmerie, et qui devrait être transférée à l'administration pénitentiaire, ce qui permettra de renforcer la capacité opérationnelle de la gendarmerie et sa présence sur le terrain.
Ma deuxième préoccupation porte sur le « gel » et le « surgel » des crédits et leur impact sur les crédits de fonctionnement de la gendarmerie.
Comme vous le savez, dès le début de l'année, les crédits votés par le Parlement sont amputés de manière automatique de 6 % pour chacun des ministères. Ces crédits sont « gelés ». Il s'agit d'une réserve de précaution pour faire face à de moindres recettes fiscales ou des dépenses imprévues.
En fin d'année, le gouvernement décide de lever ou non, en partie ou en totalité, ministère par ministère, les crédits faisant l'objet de ce « gel ».
Les autres crédits sont purement et simplement annulés, alors qu'ils avaient pourtant été autorisés par le Parlement !
Ce « gel » a été amplifié en 2013 en cours d'année par un « surgel » supplémentaire.
Comme nous l'avait indiqué le directeur général de la gendarmerie, le Général Denis Favier, lors de son audition, la gendarmerie était concernée fin 2013 par ce « gel » et ce « surgel » à hauteur de 34 millions d'euros pour les dépenses de personnel et de 90 millions d'euros hors dépenses de personnel.
Cela signifie que, même si le budget 2013 avait été calculé au plus juste, en réalité, la gendarmerie avait bénéficié d'une enveloppe d'un montant très inférieur, de l'ordre de 124 millions d'euros en moins.
Compte tenu du fait que les loyers représentent près de 60 % des crédits de fonctionnement, ce « gel » des crédits reposait essentiellement sur les crédits d'investissement et le fonctionnement courant.
C'est cela qui explique qu'en 2013, aucune nouvelle commande d'ordinateurs, aucune nouvelle commande de véhicules n'aient été passées. Cela explique aussi les fortes contraintes pesant sur le fonctionnement des unités, avec notamment la réduction des patrouilles pour limiter les dépenses de carburant. Les factures impayées, notamment les loyers aux collectivités locales, auraient induit un report de charges de 21 millions d'euros sur 2014, que le budget pour 2014 n'était pas en mesure d'absorber.
Le « cri d'alarme » du directeur général de la gendarmerie nationale devant notre commission, largement relayé dans les médias, a toutefois été entendu. En effet, quelques jours après l'audition du Général Denis Favier, le ministre de l'intérieur a annoncé avoir obtenu de Bercy une levée partielle de la réserve avec le « dégel » de 111 millions d'euros pour la police et la gendarmerie nationale et de 10 millions d'euros pour l'immobilier de la gendarmerie.
La gendarmerie devrait donc récupérer d'ici la fin de l'année une partie des crédits - mais une partie seulement - précédemment gelés, ce qui lui permettra notamment de régler les factures impayées.
Le problème reste cependant entier car la même situation risque de se reproduire en 2014 avec un « gel » et un « surgel » des crédits qui devrait passer l'année prochaine à 7 % et s'appliquer dès le début de l'année.
Outre le fait que ce mode de fonctionnement ne me paraît pas conforme au principe de sincérité budgétaire, il n'est pas gage de bonne gestion, puisque le « dégel » est très aléatoire et qu'il intervient souvent trop tard pour être utilisé convenablement.
Une deuxième source de préoccupation tient à mes yeux au faible niveau des crédits d'investissement de la gendarmerie nationale, qui ne permet pas de lancer de grands programmes d'équipements, comme le renouvellement des hélicoptères ou des véhicules blindés à roue de la gendarmerie mobile, ni même des véhicules.
Ainsi, en raison du faible niveau des investissements, la gendarmerie nationale sera contrainte une nouvelle fois de différer le renouvellement de ses hélicoptères. Or, le remplacement des 29 appareils de type Écureuil, qui datent des années 1970, par de nouveaux modèles s'impose au regard de la nouvelle réglementation européenne qui interdit le survol des habitations par des appareils monoturbines.
Compte tenu de l'absence de crédits d'investissement pour les prochaines années, on s'oriente vers une réduction du parc des hélicoptères par une mutualisation avec celui de la sécurité civile. Or, les hélicoptères de la gendarmerie jouent un rôle très important, notamment outre-mer, mais aussi pour le maintien de l'ordre public.
De même, le renouvellement des véhicules blindés à roue de la gendarmerie mobile a dû être une nouvelle fois différé faute de financement suffisant. Or, le taux de disponibilité des véhicules blindés, en service dans la gendarmerie depuis 1974, est préoccupant (il est de l'ordre de 40 %).
La gendarmerie devrait assurer le maintien en condition opérationnelle de ces matériels, en prélevant des pièces détachées sur les appareils hors d'usage, ce qui devrait permettre de disposer de 80 véhicules blindés (sur 130).
Or, les véhicules blindés sont indispensables, aussi bien outre-mer, sur les théâtres d'opérations extérieures, comme au Kosovo ou en Côte d'Ivoire, mais aussi sur notre territoire en cas de crise majeure.
Même si nous sommes bien conscients des contraintes budgétaires et de la nécessité de réduire la dépense publique, la sécurité est un domaine régalien qui suscite une forte attente de la part des citoyens.
Je souhaiterais également dire un mot du renouvellement des véhicules de la gendarmerie.
2 000 véhicules neufs devraient être commandés en 2014, pour un coût de 40 millions d'euros. C'est certes mieux qu'en 2012, année au cours de laquelle seulement 300nouveaux véhicules ont été commandés, et qu'en 2013 puisque, à ce jour, aucune commande de véhicules nouveaux n'a été passée en raison du « gel » de crédits.
Mais, si l'on considère que le parc automobile comporte plus de 30 000 véhicules et que la durée de vie moyenne d'une voiture est d'environ 8 ans (ou 200 000 km), il faudrait commander chaque année environ 3 000 nouveaux véhicules (soit un coût de 60 millions d'euros) pour maintenir en l'état le parc automobile de la gendarmerie.
Compte tenu du faible niveau d'investissement, le parc automobile de la gendarmerie est vieillissant et, en 2015, environ deux tiers des véhicules devraient avoir dépassé le seuil de réforme. Le parc opérationnel de véhicules de la gendarmerie départementale affiche ainsi un âge moyen de 6,5 ans avec en moyenne 121 000 km parcourus.
Enfin, comme les années précédentes, ma dernière et principale interrogation porte sur l'immobilier de la gendarmerie.
L'immobilier est traditionnellement un poste important pour la gendarmerie nationale car chaque gendarme dispose d'un logement concédé par nécessité absolue de service. Ce logement est la contrepartie de la disponibilité des militaires de la gendarmerie et il permet d'assurer la présence des gendarmes sur l'ensemble du territoire, grâce au maillage assuré par les brigades territoriales. La vie en caserne est aussi un élément structurant du statut militaire de la gendarmerie.
C'est surtout l'état du parc domanial qui est préoccupant. L'âge moyen des logements est de 38 ans et plus de 70 % des logements ont plus de 25 ans, ce qui nécessite des travaux de réhabilitation importants et suivis.
Les investissements n'ayant pas été suffisants ces dernières années, on constate une certaine dégradation des conditions de vie des gendarmes et de leur famille, qui peut peser sur le moral et la manière de servir. Je pense par exemple aux casernes des gendarmes mobiles du quartier Delpal à Versailles Satory, que nous avons visitées avec notre collègue Michel Boutant, et qui sont dans un état très délabré, ou à la caserne de Melun.
Aucun d'entre nous n'accepterait d'avoir sur nos territoires des logements sociaux dans un pareil état. Nous courons le risque d'assister à des mouvements sociaux de la part des conjoints des gendarmes.
2013 a été une « année blanche » pour l'immobilier, c'est-à-dire qu'aucun investissement n'a été prévu, faute de crédits suffisants.
En 2014, la situation devrait s'améliorer légèrement, puisqu'il est prévu 11 millions d'euros pour les opérations de maintenance les plus urgentes et 6 millions d'euros pour les subventions aux collectivités locales pour la construction de casernes locatives, contre 0 en 2013.
Ces crédits restent cependant très insuffisants au regard des besoins, tant en matière de construction, que d'entretien lourd. On estime que l'Etat devrait consacrer environ 200 millions d'euros par an à la construction et 100 millions d'euros à la réhabilitation des casernes domaniales. Nous en sommes très loin.
La seule marge de manoeuvre de la gendarmerie en matière d'investissement immobilier est donc de pouvoir compter sur les revenus tirés des cessions immobilières. On estime que le produit des cessions immobilières de la gendarmerie pourrait représenter environ 120 millions d'euros.
Malgré l'adoption de la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement (dite loi Duflot), il est donc crucial que la gendarmerie puisse continuer à bénéficier d'une partie au moins du retour de ses cessions afin de réaliser les opérations de construction ou de réhabilitation lourde les plus urgentes, qui sont évaluées à 80 millions d'euros par an.
En conclusion, tout en réaffirmant mon attachement à la gendarmerie et à ses personnels, je m'abstiendrai sur le vote des crédits de la mission « Sécurité ».