Intervention de Marie-Noëlle Lienemann

Commission des affaires économiques — Réunion du 26 novembre 2013 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2014 — Mission « egalité des territoires logement et ville » - examen du rapport pour avis

Photo de Marie-Noëlle LienemannMarie-Noëlle Lienemann, rapporteur pour avis :

Avant d'en venir à l'examen des crédits de ces programmes, je souligne, comme l'année dernière, que le budget consacré par l'État à la politique du logement est grevé par le poids des « boulets fiscaux », ces dépenses fiscales inefficientes et très coûteuses qui ont été créées puis supprimées par le précédent Gouvernement.

Je pense notamment au « crédit d'impôt TEPA » et au « dispositif Scellier ». Le premier, instauré en 2007, a été supprimé en décembre 2010 notamment suite aux critiques du Comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales. Le « dispositif Scellier » créé en décembre 2007, a engendré un effet inflationniste important et a donc été supprimé à compter du 1er janvier 2013.

Or, ces deux dispositifs continuent de peser à hauteur de 2,1 milliards d'euros sur les finances publiques ! Le « dispositif Scellier » voit même son coût progresser de 10 % en 2014 ! D'ailleurs le « crédit d'impôt TEPA » continuera à peser sur les comptes publics jusqu'en 2020 et le « Scellier » jusqu'en... 2030 ! Ces dispositifs ont par ailleurs dopé, sur la durée, la production de logements privés qui se sont avérés inadaptés aux besoins.

De telles sommes seraient bien plus utiles au soutien de la construction de logements sociaux ou de l'accession sociale à la propriété.

J'en viens aux crédits des programmes « Logement » de la mission « Égalité des territoires, logement et ville ». Ces crédits augmentent sensiblement cette année, de près de 2,6 % en autorisations d'engagement (AE) et de 1,2 % en crédits de paiement (CP). Dans le contexte de redressement des comptes publics que nous connaissons, j'y vois l'illustration de la volonté soutenue du Gouvernement en matière de logement.

Le programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » concentre 16 % des crédits de la mission : il regroupe les crédits de la politique de l'hébergement et d'accès au logement des personnes sans abri ou mal logées.

Les crédits de ce programme augmentent très fortement, de près de 9 % ! Cette augmentation est la traduction budgétaire du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et l'inclusion sociale adopté par le Gouvernement le 21 janvier 2013.

Cette augmentation des crédits permettra notamment la création ou la pérennisation de 3 600 places supplémentaires pour l'hébergement d'urgence, la pérennisation sous le statut de centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) de 1 400 places d'hébergement d'urgence, le doublement des crédits destinés à l'intermédiation locative, la création de 1 000 places supplémentaires dans les pensions de famille, dispositif qui constitue, comme l'a rappelé la ministre lors de son audition par notre commission, l'une des priorités du Gouvernement.

Le programme 109 « Aide à l'accès au logement », qui comprend essentiellement la contribution de l'État au financement du Fonds national d'aide au logement (FNAL), concentre 60 % des crédits de la mission. Ses crédits augmentent de 3,5 % en 2014.

Je souhaite souligner que les aides à la personne (APL) constituent le principal poste budgétaire de la politique du logement.

L'augmentation des crédits de ce programme est liée à la crise, et notamment à l'augmentation du nombre de chômeurs. Cette progression des crédits se fait malgré une mesure d'économie prévue par le Gouvernement.

L'article 64 du projet de loi de finances, rattaché à la mission, concerne en effet les aides personnelles au logement et selon moi pose problème. En effet, son II prévoit le doublement du forfait de charges dans le calcul des APL pour les locataires de logements locatifs très sociaux, mesure que je ne peux que soutenir. Mais son I prévoyait initialement la suspension pour 2014 de l'indexation des paramètres de calcul des aides personnelles au logement sur l'IRL. Les députés ont modifié cette disposition en prévoyant l'application de la revalorisation des paramètres, en fonction de l'inflation, au 1er octobre et non pas au 1er janvier.

Pour ma part, je regrette cette mesure car elle me paraît contradictoire avec la volonté du Gouvernement de faire du logement une priorité, notamment en direction des plus modestes. Cette mesure, qui devrait permettre à l'État d'économiser près de 75 millions d'euros en 2014, pèsera sur le pouvoir d'achat de nos concitoyens les plus modestes : je vous rappelle que plus de 80 % des bénéficiaires des aides personnelles au logement ont un revenu inférieur à 1 SMIC et que l'effet solvabilisateur des aides au logement n'a cessé de décroître au cours des dernières années.

En conséquence, je vous proposerai de faire un geste politique en adoptant un amendement de suppression de cette disposition.

J'en viens au programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat », dont les crédits diminuent fortement en 2014, de 7,5 % en AE et de 27,6 % en CP.

Ce programme comprend notamment les crédits budgétaires destinés à soutenir la construction locative et l'amélioration du parc, autrement dit les « aides à la pierre ».

Les crédits budgétaires destinés aux aides à la pierre sont en forte diminution : les AE passent de 498 à 450 millions d'euros, tandis que les CP diminuent de 155 millions d'euros, occasionnant ainsi un lourd déséquilibre.

Je souhaite formuler plusieurs observations.

Tout d'abord, si cette diminution des crédits de paiement est compensée par 173 millions d'euros de fonds de concours issus d'un Fonds géré par la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), cette évolution ne me paraît pas totalement conforme aux engagements du Président de la République qui souhaitait doubler les crédits destinés aux aides à la pierre.

Ensuite, les objectifs annuels de construction de logements sociaux restent au niveau élevé fixé en 2013, soit 150 000 logements sociaux.

Par voie de conséquence, la subvention unitaire par logement social continue de diminuer pour passer de 400 à 300 euros par PLUS et de 7 500 à 7 000 euros par PLAI.

Enfin, le dernier programme, le programme 337 « Conduite et pilotage des politiques publiques de l'égalité des territoires, du logement et de la ville », qui regroupe les effectifs et les crédits de masse salariale du ministère de l'égalité des territoires et du logement, voit ses crédits diminuer de 1,4 % en crédits de paiement et en autorisations d'engagement. Il est grand temps de conduire une réflexion stratégique sur la présence de l'État en matière de politique du logement, qui se caractérise par un enchevêtrement des acteurs et des procédures qu'il conviendrait d'ailleurs de rationaliser.

Au-delà de l'évolution des crédits des programmes « Logement », le projet de loi de finances pour 2014 comprend de nouvelles mesures fiscales volontaristes en matière de logement. Je pense notamment à la réforme du régime d'imposition des plus-values immobilières, prévue par l'article 18 du projet de loi de finances, qui est attendue par les professionnels et que notre commission a appelé de ses voeux à plusieurs reprises : il s'agit de créer un choc d'offre foncière au service de la construction de logements.

Je pense également à l'abaissement du taux de TVA applicable à la construction et à la rénovation des logements sociaux, prévu par l'article 19 du projet de loi de finances, qui constitue une mesure forte au service des objectifs ambitieux fixés par le Président de la République. Même si les députés ont cependant prévu que ce taux de TVA serait de 5,5 % et non pas de 5 %, ce nouveau taux devrait permettre aux opérations immobilières d'atteindre plus aisément l'équilibre financier.

Je pense enfin au dispositif fiscal prévu par l'article 55 du projet de loi de finances pour 2014 qui vise à inciter les investisseurs institutionnels, dont le retrait massif amorcé depuis ces dernières années est notamment à l'origine de la crise du logement, à réinvestir ce secteur, grâce notamment à une réduction de la TVA à 10 % pour les logements intermédiaires. Il s'agit d'une mesure essentielle car le retour des investisseurs institutionnels peut contribuer à atteindre les objectifs ambitieux fixés par le Président de la République.

Après avoir présenté les différentes dispositions du projet de loi de finances, je souhaite m'attarder sur certains aspects de la politique du logement afin de montrer que des mesures volontaristes complémentaires doivent être prises pour apporter une réponse à la crise du logement.

Pour ce qui concerne le logement social, j'estime, pour ma part, que de nombreuses avancées ont été réalisées au cours des deux dernières années, à l'exemple du Pacte d'objectifs et de moyens pour la mise en oeuvre du plan d'investissement pour le logement signé le 8 juillet dernier par le Premier ministre et l'Union sociale pour l'habitat (USH).

Je salue la méthode et le dialogue qui a été formalisé entre les pouvoirs publics et les bailleurs sociaux. Je salue également les engagements pris par les uns et les autres pour atteindre les objectifs fixés par le Président de la République et répondre ainsi aux difficultés de nos concitoyens.

Je ne peux cependant que faire part de ma déception quant à certains reculs.

S'agissant de la TVA, le relèvement de 5 à 5,5 % du taux applicable au 1er janvier 2014 constitue une entorse au Pacte d'objectifs et de moyens signé avec l'USH. Elle devrait conduire à un surcoût de plus de 80 millions d'euros pour les organismes de logement social, ce qui correspond à une baisse de 20 % des aides budgétaires. Je regrette cette décision.

Pour ce qui concerne la mobilisation du foncier public, comme j'ai eu l'occasion de le dire lors de l'audition de Mme la ministre, les décrets d'application de la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public sont décevants, notamment pour ce qui concerne les établissements publics de l'État. L'intention politique doit être prise en compte, fût-ce au-delà des impératifs techniques.

Enfin, Christian Eckert, rapporteur général de la commission des Finances, avait proposé un amendement prévoyant un prélèvement de 78 millions d'euros sur le fonds de roulement de la CGLLS. Je me félicite que cet amendement ait été retiré. Il faut que l'utilisation de ce fonds de roulement soit codécidé avec les bailleurs sociaux. Le Président de l'Union sociale pour l'habitat (USH) Jean-Louis Dumont a proposé plusieurs axes : le désamiantage, les 1 000 logements HLM accompagnés, les modes de communication sur les élections des représentants des locataires et le système national d'enregistrement (SNE).

Deuxième point que je souhaite soulever : la nécessité de prendre des mesures en matière d'accession sociale à la propriété.

L'accession sociale à la propriété est en panne et il convient à mes yeux de prendre des mesures d'urgence, sans quoi l'objectif de 500 000 logements par an ne pourra être atteint.

Ces mesures doivent conduire à prolonger les dispositifs existant qui ont fait la preuve de leur efficacité, améliorer certains d'entre eux pour les rendre socialement plus efficaces et lever certains blocages identifiés, voire créer de nouveaux produits. C'est dans ce domaine où la politique du logement a le moins fait bouger les choses. Il est notamment urgent, d'une part, de prolonger l'existence du « PTZ + » de fin 2014 à fin 2016 : le « PTZ+ » constituant bien souvent une garantie dans les dossiers de PSLA, l'absence de visibilité conduit aujourd'hui les banques à refuser les demandes de PSLA au motif de la non-solvabilité de ceux qui désirent accéder à la propriété et, d'autre part, de réformer le PTZ pour en améliorer l'efficacité sociale en concentrant les moyens affectés à ce produit sur les premières tranches du barème, en élargissant les tranches.

Enfin, j'ai souhaité m'intéresser cette année à la question de la revitalisation des centres-bourgs, un enjeu majeur pour le logement en zones rurales. Je suis d'ailleurs heureuse que le Premier ministre partage cette priorité.

Aujourd'hui de nombreux centres-bourgs se vident, leurs habitants préférant s'installer dans des lotissements pavillonnaires - dont l'achat est moins onéreux que la rénovation d'une maison de centre-bourg. Ce phénomène a des conséquences sur le lien social, l'attractivité de certaines zones rurales ou encore sur l'étalement urbain.

Face à ce phénomène, il convient à mes yeux de définir une véritable stratégie de requalification des centres-bourgs. Des initiatives ont déjà été prises par les collectivités locales et il convient de s'en inspirer. Je suis quant à moi partisane du lancement d'un programme d'expérimentation prévoyant, le cas échéant, la création d'un produit d'accession sociale spécifique qui soit en mesure de proposer des prestations architecturales de qualité.

Je me réjouis donc des annonces faites par le Premier ministre à l'occasion du Congrès des maires la semaine dernière. Le lancement d'un programme spécifique en direction des centres-bourgs, doté de 30 millions d'euros et permettant l'accompagnement des collectivités ainsi que le soutien à la rénovation des logements et à la création de logements sociaux va ainsi dans le bon sens.

Nous demeurerons attentifs à la mise en oeuvre pratique de ce programme, afin que l'objectif de revitalisation des centres-bourgs soit bien atteint.

En conclusion, au vu de ces différentes observations, je vous invite, Monsieur le Président, mes chers collègues, à émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Égalité des territoires, logement et ville », qui illustre la mobilisation du Gouvernement en faveur du logement.

Je vous invite également à adopter mon amendement à l'article 64 rattaché à la mission.

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