J'ai l'honneur de vous présenter pour la troisième année consécutive les crédits du programme 147 « Politique de la ville » de la mission « Égalité des territoires, logement et ville » inscrits au projet de loi de finances.
L'examen de ce budget intervient cette année dans un contexte particulier en raison de l'examen à la mi-janvier du projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine : il s'agit donc d'un budget de transition avant la réforme de la géographie prioritaire ou la réforme de la gouvernance et de l'évaluation de la politique de la ville.
J'organiserai mon propos en deux temps :
- j'analyserai les crédits du programme 147 inscrits au projet de loi de finances et plus globalement les dispositions du projet de loi de finances qui concernent les quartiers de la politique de la ville. Il apparaît que le budget de la politique de la ville est globalement stable cette année. Je montrerai ensuite que plusieurs décisions prises en 2013, qui ne relèvent pas nécessairement du programme 147, et le dépôt du projet de loi de programmation illustrent le nouveau souffle donné à la politique de la ville.
S'agissant donc du projet de loi de finances pour 2014, je vous rappelle que j'estimais l'année dernière que le projet de loi de finances pour 2013 marquait un changement de cap pour la politique de la ville : les crédits destinés à la politique de la ville étaient globalement stables alors que les crédits du programme 147 avaient baissé de près de 50 % au cours de la dernière décennie.
Cette année encore, je salue la stabilité des crédits du programme 147 : ils diminuent certes de 2,2 % en autorisations d'engagement (AE) et de 4,4 % en crédits de paiement (CP), mais ces pourcentages correspondent à une baisse des crédits d'un peu plus de 10 millions d'euros en AE et de 20 millions d'euros en CP.
Surtout, cette réduction s'explique par la diminution mécanique, depuis 2010, des compensations de charges sociales dans les zones franches urbaines (ZFU), qui arrivent à leur terme en 2014.
Le budget de la politique de la ville est donc préservé en 2014, ce qui illustre la mobilisation du Gouvernement sur ce sujet majeur. Je ne peux que me féliciter de cette mobilisation, particulièrement dans le contexte actuel de redressement des comptes publics.
Près de 95 % des crédits de ce programme sont concentrés sur deux actions du programme : l'action « Actions territorialisées et dispositifs spécifiques de la politique de la ville » et l'action « Revitalisation économique et emploi ».
S'agissant de l'action « Actions territorialisées et dispositifs spécifiques de la politique de la ville », qui représente plus des deux tiers des crédits du programme, les crédits augmentent légèrement, de 0,1 %, soit 500 000 euros.
Cette action regroupe l'ensemble des crédits gérés par l'Agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSé) qui va prochainement disparaître : il faut donc se féliciter de la sanctuarisation des moyens de l'Agence.
Je souhaite évoquer quelques instants le dispositif des « adultes relais » dont les crédits augmentent de 3,5 millions d'euros par rapport à 2013, pour atteindre 79,5 millions d'euros.
Institué en 1999, ce dispositif vise à favoriser le lien social par des actions de médiation sociale, culturelle, de prévention de la délinquance et de tranquillité de l'espace public dans les quartiers de la politique de la ville.
Ce dispositif me paraît très pertinent et je regrette d'ailleurs qu'il n'ait pas été davantage mobilisé par les collectivités territoriales. Je salue donc l'engagement du Président de la République de créer 500 postes supplémentaires en 2014.
Je me réjouis par ailleurs de la poursuite par l'ACSé de ses actions en faveur de la professionnalisation des adultes-relais : la médiation joue un rôle essentiel dans les quartiers en difficulté et il serait à mes yeux utile qu'une véritable filière de formation puisse, dans l'avenir, émerger en matière de médiation.
Pour ce qui concerne l'action « Revitalisation économique et emploi », les crédits diminuent de 4,5 % en AE et de 14,5 % en CP.
Comme je l'indiquais précédemment, cette diminution des crédits s'explique par la baisse tendancielle du coût des zones franches urbaines, dispositif qui devrait s'éteindre au 31 décembre 2014. Le Premier ministre a d'ores et déjà saisi le Conseil économique, social et environnemental (CESE) pour qu'il dresse un bilan des ZFU et propose une évolution du dispositif après 2014 : les handicaps des quartiers de la politique de la ville n'ont pas disparu et il conviendra donc de trouver de nouveaux dispositifs de soutien à l'activité économique.
Le budget 2014 est surtout marqué par la montée en puissance des « emplois francs », mesure que j'avais saluée - et qui, je le crois, fait consensus au sein de notre commission - à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2013. Les crédits sont multipliés par 10 en AE et par 4 en CP ! Les deux tiers de la baisse des exonérations de charges sociales en ZFU sont ainsi redéployés vers les « emplois francs » ce qui constitue, en soi, une nouveauté puisqu'auparavant, les sommes dégagées n'étaient pas sanctuarisées au bénéfice de la politique de la ville.
Je vous rappelle le principe de cette disposition : l'exonération n'est plus liée au lieu d'implantation de l'entreprise concernée mais au lieu de résidence du salarié.
Le Président de la République a relevé les objectifs de 2 000 à 5 000 emplois en 2014, l'expérimentation passant donc de 7 à 40 sites, ce dont je ne peux que me réjouir. Il sera intéressant de faire l'année prochaine un premier bilan de cette disposition.
Au-delà de l'évolution des crédits du programme 147, d'autres dispositions du projet de loi de finances pour 2014 confirment la mobilisation du Gouvernement en faveur des quartiers de la politique de la ville. Je n'en citerai que trois :
- les députés ont introduit un article 59 quinquies qui prolonge d'un an le dispositif d'abattement de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) applicable aux logements locatifs appartenant aux organismes HLM et aux SEM situés en ZUS. Ce dispositif devra être revu en raison de la réforme à venir de la géographie prioritaire ;
- les députés ont également introduit un article 60 quater qui renforce la dotation de développement urbain (DDU), créée en 2008 et jusqu'à présent réservée aux cent communes les plus en difficulté. Le montant de la DDU devrait être ainsi accru de 25 millions d'euros, le nombre de communes bénéficiaires passant de 100 à 120 ;
- enfin, la mission « Écologie, développement et mobilité durables » comprend une nouvelle action intitulée « Ville durable et solidaire, excellence environnementale du renouvellement urbain », issue du nouveau programme d'investissements d'avenir (PIA2) annoncé le 9 juillet dernier par le Premier ministre. Cette action est dotée de 335 millions d'euros, dont 250 millions d'euros seront consacrés à la diversification fonctionnelle et à l'attractivité des quartiers.
Au vu de ces différents éléments, vous comprendrez aisément, Monsieur le Président, mes chers collègues, que ce projet de loi de finances me satisfait pleinement et que me réjouisse de la volonté résolue du Gouvernement d'apporter des réponses aux difficultés des quartiers.
Au-delà du projet de loi de finances pour 2014, plusieurs décisions du Gouvernement illustrent le nouveau souffle donné à la politique de la ville.
L'année dernière, je soulignais devant vous la nécessité de renforcer le caractère interministériel de la politique de la ville, déjà préconisé par le rapport Dubedout dès 1983 mais qui a fait largement défaut au cours de la dernière décennie. Je ne peux que faire part de ma satisfaction cette année.
Tout d'abord, un Comité interministériel des villes (CIV) s'est réuni sous la présidence du Premier ministre le 19 février dernier. Je rappelle que cette instance n'a été réunie qu'à quatre reprises entre 2001 et 2013. 27 décisions ont été prises par le CIV, articulées autour de cinq axes : construire ensemble la politique de la ville, en associant les habitants et les acteurs de proximité, mobiliser les politiques de droit commun, poursuivre la rénovation urbaine, concentrer les interventions publiques grâce à des contrats de ville de nouvelle génération portés au niveau intercommunal, et lutter contre les stigmatisations et les discriminations dont souffrent les habitants des quartiers populaires.
Sur la forme, je me réjouis de l'organisation de ce CIV qui consacre le caractère interministériel de la politique menée par le Gouvernement. J'espère que le CIV se réunira régulièrement afin de consolider cette démarche interministérielle.
Sur le fond, je salue les 27 décisions prises par le CIV qui embrassent l'ensemble des aspects de la politique de la ville.
S'agissant de cette dimension interministérielle, je salue l'innovation que constituent les conventions conclues entre le ministre de la ville et ses collègues du Gouvernement qui doivent permettre une meilleure mobilisation des crédits de droit commun au bénéfice des quartiers de la politique de la ville.
Dans son rapport de juillet 2012, la Cour des comptes avait en effet souligné que les moyens de droit commun n'étaient pas mobilisés à la hauteur des difficultés économiques et sociales rencontrées par les habitants de ces quartiers. Elle avait même évoqué le risque de substitution des crédits spécifiques aux crédits de droit commun.
Or, à mes yeux, la politique de la ville ne doit pas être un substitut aux politiques de droit commun mais un complément à celles-ci.
Lors du Conseil des ministres du 22 août 2012, le Gouvernement a décidé que des conventions seraient signées entre le ministre de la ville et les autres ministres, afin de fixer les objectifs, la méthode et les engagements, notamment financiers, de leur mobilisation dans leurs domaines de compétence en faveur des quartiers.
Il s'agit d'une démarche innovante tout à fait pertinente. 10 conventions ont d'ores et déjà été signées, avec des objectifs chiffrés. Ainsi, la convention signée avec le Ministère de l'éducation nationale prévoit ainsi le renforcement de la présence du ministère dans les ZUS avec 25 % des postes créés en faveur de l'accueil des moins de trois ans et 25 % des postes créés dans le cadre du dispositif « plus de maîtres que de classes ». La convention signée avec le ministère du travail fixe quant à elle un objectif de 30 % des bénéficiaires des emplois d'avenir issus des quartiers à l'horizon 2015 et 12 % des bénéficiaires des contrats uniques d'insertion (CUI) issus des quartiers dans le secteur marchand.
Le ministère a engagé une démarche conventionnelle semblable avec certains opérateurs de l'État, à l'exemple de Pôle Emploi : la convention signée avec cet opérateur prévoit ainsi le recrutement, dès 2013, de 400 salariés dans les agences des ZUS. Les collectivités, qui en étaient jusqu'alors dépourvues, vont pouvoir bénéficier de l'implantation de Pôle Emploi.
Une autre évolution importante pour la politique de la ville est la création du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) qui permettra une rationalisation de la gouvernance de la politique de la ville.
L'année dernière, je soulignais qu'il était nécessaire, de réfléchir à la gouvernance, à l'organisation administrative de la politique de la ville et à la répartition des rôles entre les différents acteurs institutionnels.
Je me réjouis donc de la décision prise par le Comité interministériel de l'action publique (CIMAP) d'instituer le Commissariat général à l'égalité des territoires, qui regroupera l'ACSé, le SG-CIV et la DATAR. Placée sous l'autorité du Premier ministre, cette nouvelle structure comprendra un pôle spécifiquement dédié à la politique de la ville, sous la direction d'un commissaire délégué.
À mes yeux, la création de cette nouvelle instance est une véritable révolution, permettant une vision élargie de l'égalité des territoires et la création de réelles synergies.
Il ne s'agit cependant que d'une première étape : il me paraît logique et nécessaire que le Commissariat étende sa compétence sur les outils de péréquation et absorbe donc, à terme, une partie de la direction générale des collectivités locales (DGCL).
Enfin, je ne peux terminer mon propos sans évoquer le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, déposé le 2 août dernier par le Gouvernement, adopté la semaine dernière par les députés et que nous examinerons très prochainement au Sénat.
Ce texte marque une nouvelle étape de la politique de la ville. Il comprenait initialement 18 articles et plusieurs mesures fortes telles que :
- la création d'un Observatoire national de la politique de la ville, qui se substituera à l'Observatoire national des zones urbaines sensibles (ONZUS) et au comité d'évaluation et de suivi (CES) de l'ANRU ;
- la prolongation de deux ans du programme national de rénovation urbaine (PNRU) et le lancement d'un nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) ;
- la réforme de la géographie prioritaire avec la définition des « quartiers prioritaires de la politique de la ville » qui se substitueront aux différentes zones prioritaires... Nous serons prochainement amenés à nous exprimer sur cette question compte tenu des derniers débats conduits, sur ce thème, à l'Assemblée nationale !
- enfin, les contrats de ville seront signés entre l'État et les collectivités territoriales pour constituer le cadre local de la mise en oeuvre de la politique de la ville, pilotés à l'échelle intercommunale en articulation avec les communes concernés et en veillant à la simplification des dispositifs.
Ayant l'honneur d'être votre rapporteur sur ce texte, je n'entrerai pas dans l'analyse de ses dispositions car vous aurez la chance de m'entendre à ce sujet dans trois semaines.
Je ne peux cependant que me réjouir du dépôt de ce texte et de l'accélération de son examen par le Parlement qui démontre là aussi la mobilisation du Gouvernement sur les questions de politique de la ville.
Je me réjouis également que la réforme de la géographie prioritaire, maintes fois annoncée au cours du dernier quinquennat, soit enfin mise en oeuvre ! Il s'agit, je vous le rappelle, de simplifier et de concentrer les interventions publiques sur les territoires qui en ont le plus besoin.
En conclusion, vous comprendrez aisément, Monsieur le Président, mes chers collègues, que je vous invite à émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Egalite des territoires, logement et ville ».
Le budget 2014 est un bon budget pour la politique de la ville et les différentes décisions prises en 2013 ainsi que le projet de loi de programmation me paraissent à même de donner un nouveau souffle à la politique de la ville.