Intervention de André Reichardt

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 26 novembre 2013 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2014 — Mission « conseil et contrôle de l'état » programme « cour des comptes et autres juridictions financières » - examen du rapport pour avis

Photo de André ReichardtAndré Reichardt, rapporteur pour avis :

La nouvelle présentation de ce budget est en tout point conforme aux attentes des rapporteurs. Pour 2014 les crédits du programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières » de la mission « Conseil et contrôle de l'État », diminuent de 1,8 % en autorisations d'engagement et 0,9 % en crédits de paiement. Cette diminution en trompe-l'oeil tient à des transferts au profit du nouveau programme n° 340 « Haut conseil des finances publiques », créé par la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. Hormis ces transferts, ce dernier budget de l'exercice triennal 2011-2013 n'est qu'en très léger recul par rapport à 2013, la masse salariale diminuant de 0,5 %.

Le plafond d'emplois théorique est stable à 1 840 équivalents temps plein. Il ne s'agit là que d'un plafond théorique. En 2012, par exemple, 57 emplois sont restés vacants. La Cour des comptes a engagé pour 2014 un véritable effort pour résorber ces vacances, tout en menant une politique de requalification des effectifs, par le recrutement de personnels de catégories A+ et A, des assistants de vérification, destinés au renforcement de l'activité de contrôle.

Les juridictions financières assument dans des conditions globalement satisfaisantes leurs missions actuelles. La situation, qui reste fragile, pourrait être altérée par une multiplication des missions.

Après l'échec de la réforme globale portée par l'ancien Premier président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, un certain nombre de dispositions touchant aux juridictions financières ont été introduites dans différents textes. La loi du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allégement de certaines procédures juridictionnelles a ainsi prévu le regroupement des chambres régionales des comptes, dont le nombre est passé de 27 à 20 pour la métropole et l'outre-mer. Réalisés sur les exercices budgétaires 2012 et 2013 à moyens constants, ces regroupements seront terminés au 31 décembre. Les conséquences sur l'exercice 2014 seront assez faibles. Les économies à terme de cette réforme structurelle, qui a coûté 7,19 millions d'euros au lieu des 12 millions prévus, sont pour l'instant difficiles à chiffrer.

Lors de mes auditions et de mon déplacement à la chambre régionale des comptes de Normandie, cette réforme m'a semblé avoir réellement amélioré le fonctionnement des juridictions. Un peu « dure » au départ, mais menée à bien dans le calendrier imparti, elle a finalement été « bien digérée » par les personnels, auxquels je rends hommage. Prévus à effectifs constants, les regroupements se sont traduits toutefois par une diminution des effectifs des chambres fusionnées. Cet état de fait ne devrait être que temporaire. Les départs provoqués par les regroupements, notamment celui de 44 agents vers les services de la direction générale des finances publiques en septembre 2013, n'ont pas encore été totalement compensés. L'objectif de la Cour des comptes est bien de revenir rapidement à des effectifs comparables à ceux d'avant la réforme.

Les opérations de contrôle semblent avoir retrouvé, dans la plupart des juridictions regroupées, leur niveau antérieur. Les contrôles sur place, notamment, n'ont pas particulièrement diminué. Au contraire, la réforme aurait apporté une nouvelle dynamique à l'activité des juridictions : les chambres régionales ont atteint une taille critique et renforcé leur spécialisation en constituant des sections supplémentaires.

Les missions ont également évolué. Depuis le relèvement du seuil de l'apurement administratif par la loi du 13 décembre 2011, les chambres régionales peuvent désormais se concentrer sur les comptes les plus importants. La réforme a entraîné une réduction du nombre des comptes relevant directement de leur apurement juridictionnel de 37% en 2012, et de 67 % en 2013 ; le nombre de comptes contrôlés est passé de 80 000 à 10 000 en deux ans ; simultanément les chambres contrôlent une masse financière équivalente, soit 90 % de la masse financière antérieure et environ 85 % de l'ensemble des organismes publics locaux.

Il est trop tôt pour tirer un bilan de cette réforme. J'étudierai avec attention ses effets sur les plus petites collectivités, et les conséquences de ces transferts sur l'activité des chambres régionales des comptes comme sur celle des directions régionales des finances publiques qui assurent l'apurement administratif.

La loi de finances rectificative du 28 décembre 2011 a aussi modifié le régime de responsabilité du comptable public. Désormais, lorsque la méconnaissance des obligations du comptable n'aura causé aucun préjudice à l'organisme public, le juge des comptes pourra le condamner au versement d'une somme dont le ministre ne pourra plus faire remise. En cas de préjudice causé, le comptable sera, comme précédemment, constitué en débet, le ministre ne pourra plus consentir qu'une remise gracieuse se traduisant par un laissé à charge, qui ne pourra être inférieur à un montant plancher.

On ne peut encore évaluer l'efficacité de cette réforme, les textes d'application n'ont été pris que tardivement et la nouvelle procédure ne s'applique qu'aux affaires postérieures au 1er juillet 2012. Or, une bonne part de la production juridictionnelle des juridictions financières en 2013 fait suite à des réquisitoires pris antérieurement.

La certification des comptes des collectivités territoriales, annoncée par le président de la République, et prévue par le projet de loi de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale, déposé par le Gouvernement au Sénat le 10 avril 2013, est une expérimentation d'une durée de cinq ans, basée sur le volontariat, et concernant les collectivités territoriales les plus importantes. Elle peut constituer une avancée très positive : les grandes collectivités, en particulier celles qui se financent sur les marchés obligataires, ne peuvent demeurer en dehors de la démarche de certification. Cependant, si la certification était confiée aux chambres régionales des comptes, cela ne pourrait se faire à effectifs constants, les chambres régionales participant aussi aux travaux de la Cour des comptes, notamment sur sollicitation du Parlement et du Gouvernement. Je demanderai le moment venu au Premier ministre de bien vouloir réaliser une évaluation des effectifs nécessaires à la mise en oeuvre de ce dispositif.

Je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de ce programme.

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