La commission procède tout d'abord à l'examen du rapport pour avis de M. Alain Anziani sur le projet de loi de finances pour 2014 (mission « Direction de l'action du Gouvernement », programme « Coordination du travail gouvernemental », et budget annexe « Publications officielles et information administrative »).
Les crédits du programme « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » baissent de 3,10 %.
Les mesures de sobriété gouvernementale prises en 2012 allaient de la baisse de la rémunération des ministres à des règles de déontologie. La publication du patrimoine des membres du Gouvernement a été effectuée en 2013 sur un site dédié. Les résultats nous intéressent directement dans la mesure où nous serons soumis à la même règle. Si l'on a dénombré en avril 2013 un million de visites et dix millions de téléchargements, soit une dizaine de déclarations consultées par visite, il n'y en a eu que 4 300 fois sur la première quinzaine de juillet 2013, avec 17 000 à 18 000 téléchargements : la curiosité a fondu.
Le plafonnement des effectifs des cabinets à 15 membres au lieu de 20 pour les ministres, et à 10 membres au lieu de 12 pour les ministères délégués, est globalement bien respecté, bien que les dérogations aient pris de la place : pour un total théorique de 470 membres de cabinet, nous sommes aujourd'hui à 495 membres. Une nouvelle annexe à la loi de finances détaille le nombre, la rémunération et les fonctions des membres des cabinets ministériels. Enfin, l'engagement de sobriété des déplacements ministériels est tenu, suivant l'exemple du Premier ministre.
Le travail gouvernemental a été fortement affecté par les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), lesquelles ont nécessité la création d'un poste de chargé de mission au secrétariat général du Gouvernement pour coordonner l'action des ministères. Bien qu'en diminution, leur flux reste significatif. Or elles pèsent sur le calendrier du conseil des ministres, les projets de loi correctifs devant être présentés dans des délais très courts.
Enfin, il convient de relever un paradoxe dans la communication du Gouvernement. La baisse des crédits du service d'information du gouvernement (SIG) prolonge la rupture marquée l'an dernier avec la période précédente, de sorte qu'à un excès dans un sens, a succédé un excès en sens inverse. Le budget du SIG avait quadruplé entre 2007 et 2011, passant de 4,9 millions à 19,7 millions, avec un pic à 21 millions en 2009, tandis que les crédits de communication propres à chaque ministère augmentaient de 50 % ; il est revenu à 13 millions en 2013, soit une baisse de 40 % par rapport à 2011. Les douze millions prévus pour l'achat d'espaces publicitaires pour tous les ministères aujourd'hui sont à comparer aux dix millions consacrés en 2010 à la seule campagne publicitaire sur les retraites. De même, les crédits pour les enquêtes d'opinion sont revenus de 2,5 millions en 2010 à 1,7 millions d'euros en 2013. Je partage l'inquiétude du directeur du SIG, qui craint de ne plus avoir les moyens d'exercer sa mission. En 2013, il n'y a aucune campagne de communication lancée par un ministre, pas même pour le contrat de génération.
Malgré cette réserve sur cet appauvrissement trop considérable de la communication gouvernementale, je vous propose d'accepter les crédits de la mission.
Le travail que vous nous présentez a pris une nouvelle ampleur. Voilà l'ouvrage bien faite que célébrait Péguy, à propos des chaises rempaillées « exactement du même esprit et du même coeur, et de la même main que ce même peuple avait taillé ses cathédrales... ».
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés au programme « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » et au budget annexe « Publications officielles et information administrative » du projet de loi de finances pour 2014.
La commission procède ensuite à l'examen du rapport pour avis de Mme Virginie Klès sur le projet de loi de finances pour 2014 (mission « Direction de l'action du Gouvernement », programme « Protection des droits et libertés »).
Les crédits du programme 308 « Protection des droits et libertés » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » passent de 91,7 millions en 2013 à 94,5 millions pour 2014. Cette augmentation de 3,02 % est due à la création de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Pour le reste, le programme connaît peu d'évolutions à périmètre constant.
La pratique des gels et des surgels constitue une difficulté récurrente pour les autorités administratives indépendantes ; elle se fait encore plus prégnante pour celles qui ont un petit budget, parce qu'elle concerne une part plus importante de leurs crédits hors titre II. Celles qui ont des loyers élevés voient leur possibilités opérationnelles réduites, puisque ces gels et surgels peuvent atteindre jusqu'à 50 % de leur budget de fonctionnement. Le Gouvernement devra être attentif sur ce point.
Il convient de relever une incompréhension sur les schémas d'emplois. Certaines autorités, utilisant des personnels mis à disposition par les ministères, les voient désormais intégrés à leur plafond d'emplois mais pas aux schémas d'emplois.
Au cours de mes auditions de toutes ces autorités indépendantes, je n'ai croisé que des personnes responsables, aussi soucieuses que des ministres ou directeurs de ministères d'économiser l'argent public. Néanmoins, ces autorités ont atteint les limites de leurs possibilités d'économie ; quant au CSA, il les a dépassées.
La Haute autorité pour la transparence de la vie publique se voit allouer 2,85 millions d'euros. Soulignant qu'elle ne fonctionnerait pas sur une année pleine, M. Dominati, rapporteur spécial de la commission des finances, a déposé un amendement diminuant d'un million ces crédits. Toutefois, la déclaration que les parlementaires devront redéposer d'ici février constituera une charge importante de travail. Dans la mesure où elle s'appuiera sur la Commission pour la transparence financière de la vie politique, dont les moyens demeurent dans le budget et qu'il faudra finaliser les transferts entre la commission et la Haute autorité, il est légitime de considérer que celle-ci ne fonctionnera pas en année pleine. Destiné à ne pas perdre un million sur ce programme, mon sous-amendement n° II-34 à l'amendement n° II-26 affecte 800 000 euros au CSA, qui les utilisera directement pour commander des études d'impact.
Le projet immobilier Ségur-Fontenoy reste primordial pour le Défenseur des droits, car le regroupement des quatre anciennes autorités indépendantes sous un seul toit facilitera des mutualisations. Il semblerait que cela ne se fasse pas avant 2017 : il ne sera pas réalisé par l'actuel Défenseur des droits, ce qui est regrettable. En revanche, peut-être du fait de la crise, la renégociation des baux immobiliers de la CNIL et du Défenseur des droits se passe bien, les propriétaires préférant sans doute avoir l'État comme locataire.
Je rejoins les inquiétudes de M. Dominati, de M. Eckert à l'Assemblée nationale, et de la Cour des comptes, sur le choix de l'opérateur SOVAFIM. Cette petite structure a mené à bien un premier projet, mais de petite taille. Le projet Ségur-Fontenoy exige une expertise en secret défense afin de sécuriser les locaux et les systèmes informatiques de la CNCIS notamment. De plus les délais me semblent très courts : les travaux doivent démarrer un an après le choix du maître d'oeuvre, fixé à janvier 2014, soit en février 2015. Les probables recours des riverains, dans cette zone de stationnement difficile, ne sont pas pris en compte. Il conviendrait enfin de formaliser davantage les relations entre la SOVAFIM et l'État. À la fois seul actionnaire et seul client, ce dernier n'a pas à assumer seul les frais dus à des retards ou malfaçons. Nous devons faire en sorte que le projet se déroule bien en compte final, d'autant plus que nous expérimentons un mode de financement innovant, en flux financiers. En dépit de ces réserves je suis favorable à l'adoption des crédits du programme 308, assorti de mon sous-amendement.
J'ai découvert la pratique des gels et surgels lors de de mon évaluation de la loi de 2009 qui a rattaché la gendarmerie au ministère de l'Intérieur. Les conséquences sont désastreuses sur le terrain. Si le ministre n'avait pas révisé ces crédits, certains loyers ne seraient pas payés, des véhicules ne seraient pas remplacés, des travaux seraient abandonnés, alors que certaines casernes sont dans un état de complète insalubrité.
Le budget est une autorisation de dépense. Nous avons parfois voté des budgets dont les décrets de modification étaient déjà rédigés !
La pratique n'est pas nouvelle. Il est vrai qu'elle se remarque plus en période de vaches maigres.
Le sous-amendement n° II-34 à l'amendement n° II- 26 est adopté.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés au programme « Protection des droits et libertés » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », ainsi modifiés.
La commission procède ensuite à l'examen du rapport pour avis de M. André Reichardt sur le projet de loi de finances pour 2014 (mission « Conseil et contrôle de l'État », programme « Cour des comptes et autres juridictions financières »).
La nouvelle présentation de ce budget est en tout point conforme aux attentes des rapporteurs. Pour 2014 les crédits du programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières » de la mission « Conseil et contrôle de l'État », diminuent de 1,8 % en autorisations d'engagement et 0,9 % en crédits de paiement. Cette diminution en trompe-l'oeil tient à des transferts au profit du nouveau programme n° 340 « Haut conseil des finances publiques », créé par la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. Hormis ces transferts, ce dernier budget de l'exercice triennal 2011-2013 n'est qu'en très léger recul par rapport à 2013, la masse salariale diminuant de 0,5 %.
Le plafond d'emplois théorique est stable à 1 840 équivalents temps plein. Il ne s'agit là que d'un plafond théorique. En 2012, par exemple, 57 emplois sont restés vacants. La Cour des comptes a engagé pour 2014 un véritable effort pour résorber ces vacances, tout en menant une politique de requalification des effectifs, par le recrutement de personnels de catégories A+ et A, des assistants de vérification, destinés au renforcement de l'activité de contrôle.
Les juridictions financières assument dans des conditions globalement satisfaisantes leurs missions actuelles. La situation, qui reste fragile, pourrait être altérée par une multiplication des missions.
Après l'échec de la réforme globale portée par l'ancien Premier président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, un certain nombre de dispositions touchant aux juridictions financières ont été introduites dans différents textes. La loi du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allégement de certaines procédures juridictionnelles a ainsi prévu le regroupement des chambres régionales des comptes, dont le nombre est passé de 27 à 20 pour la métropole et l'outre-mer. Réalisés sur les exercices budgétaires 2012 et 2013 à moyens constants, ces regroupements seront terminés au 31 décembre. Les conséquences sur l'exercice 2014 seront assez faibles. Les économies à terme de cette réforme structurelle, qui a coûté 7,19 millions d'euros au lieu des 12 millions prévus, sont pour l'instant difficiles à chiffrer.
Lors de mes auditions et de mon déplacement à la chambre régionale des comptes de Normandie, cette réforme m'a semblé avoir réellement amélioré le fonctionnement des juridictions. Un peu « dure » au départ, mais menée à bien dans le calendrier imparti, elle a finalement été « bien digérée » par les personnels, auxquels je rends hommage. Prévus à effectifs constants, les regroupements se sont traduits toutefois par une diminution des effectifs des chambres fusionnées. Cet état de fait ne devrait être que temporaire. Les départs provoqués par les regroupements, notamment celui de 44 agents vers les services de la direction générale des finances publiques en septembre 2013, n'ont pas encore été totalement compensés. L'objectif de la Cour des comptes est bien de revenir rapidement à des effectifs comparables à ceux d'avant la réforme.
Les opérations de contrôle semblent avoir retrouvé, dans la plupart des juridictions regroupées, leur niveau antérieur. Les contrôles sur place, notamment, n'ont pas particulièrement diminué. Au contraire, la réforme aurait apporté une nouvelle dynamique à l'activité des juridictions : les chambres régionales ont atteint une taille critique et renforcé leur spécialisation en constituant des sections supplémentaires.
Les missions ont également évolué. Depuis le relèvement du seuil de l'apurement administratif par la loi du 13 décembre 2011, les chambres régionales peuvent désormais se concentrer sur les comptes les plus importants. La réforme a entraîné une réduction du nombre des comptes relevant directement de leur apurement juridictionnel de 37% en 2012, et de 67 % en 2013 ; le nombre de comptes contrôlés est passé de 80 000 à 10 000 en deux ans ; simultanément les chambres contrôlent une masse financière équivalente, soit 90 % de la masse financière antérieure et environ 85 % de l'ensemble des organismes publics locaux.
Il est trop tôt pour tirer un bilan de cette réforme. J'étudierai avec attention ses effets sur les plus petites collectivités, et les conséquences de ces transferts sur l'activité des chambres régionales des comptes comme sur celle des directions régionales des finances publiques qui assurent l'apurement administratif.
La loi de finances rectificative du 28 décembre 2011 a aussi modifié le régime de responsabilité du comptable public. Désormais, lorsque la méconnaissance des obligations du comptable n'aura causé aucun préjudice à l'organisme public, le juge des comptes pourra le condamner au versement d'une somme dont le ministre ne pourra plus faire remise. En cas de préjudice causé, le comptable sera, comme précédemment, constitué en débet, le ministre ne pourra plus consentir qu'une remise gracieuse se traduisant par un laissé à charge, qui ne pourra être inférieur à un montant plancher.
On ne peut encore évaluer l'efficacité de cette réforme, les textes d'application n'ont été pris que tardivement et la nouvelle procédure ne s'applique qu'aux affaires postérieures au 1er juillet 2012. Or, une bonne part de la production juridictionnelle des juridictions financières en 2013 fait suite à des réquisitoires pris antérieurement.
La certification des comptes des collectivités territoriales, annoncée par le président de la République, et prévue par le projet de loi de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale, déposé par le Gouvernement au Sénat le 10 avril 2013, est une expérimentation d'une durée de cinq ans, basée sur le volontariat, et concernant les collectivités territoriales les plus importantes. Elle peut constituer une avancée très positive : les grandes collectivités, en particulier celles qui se financent sur les marchés obligataires, ne peuvent demeurer en dehors de la démarche de certification. Cependant, si la certification était confiée aux chambres régionales des comptes, cela ne pourrait se faire à effectifs constants, les chambres régionales participant aussi aux travaux de la Cour des comptes, notamment sur sollicitation du Parlement et du Gouvernement. Je demanderai le moment venu au Premier ministre de bien vouloir réaliser une évaluation des effectifs nécessaires à la mise en oeuvre de ce dispositif.
Je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de ce programme.
Cette mesure doit être mise en relation avec la réforme constitutionnelle de 2008 qui a consacré le principe de l'exigence d'une évaluation des politiques publiques, faisant de la Cour des comptes et, implicitement, des chambres, les instances légitimes de cette évaluation. Tout le monde dans notre beau pays fait une révérence sacramentelle au principe d'évaluation, et le jour où l'on veut le mettre en oeuvre, quelle levée de boucliers ! La première réforme pensée par Philippe Seguin, qui fusionnait la Cour des comptes et les chambres, avait un côté nuit du 4 août. Le compromis finalement retenu me semble bon : il resserre le réseau des chambres et, en augmentant leur taille, fait évoluer un rôle qui avait été conçu au moment de la suppression de la tutelle de l'État sur les collectivités, en 1981, comme celui de garde-fou au sens propre du terme. On avait constaté une surqualification du personnel dans ces chambres ; cette réforme vient rééquilibrer les choses : une main d'oeuvre rare et qualifiée vient épauler la Cour des comptes. Nous avons désormais un bien meilleur outil d'évaluation des politiques publiques.
J'ai des doutes quant à la certification, qui est une activité de marché. Introduire des organismes publics opère une brèche dans le principe de la libre prestation de service. Elle doit rester expérimentale et limitée. Si la Cour et les chambres deviennent les seules qualifiées pour certifier, et gratuitement, nous courons un risque d'atteinte au droit de la concurrence.
Pour les chambres des grandes régions, dont l'office s'étend par exemple de Dreux à Tulle, je craignais qu'il y ait moins de contrôles sur place, où que les personnes qui les réalisent soient en permanence dans les transports. Or ce n'est pas le cas. De plus, de nombreux travaux thématiques très bénéfiques se sont multipliés dans les chambres, nourrissant les travaux de la Cour des comptes.
Je remercie le rapporteur pour avis de ce premier bilan. Je partage son inquiétude sur le contrôle réellement exercé sur la multitude des collectivités territoriales qui sortiront du champ d'activité des chambres. Dans un contexte de diminution des effectifs des services extérieurs de l'État, nous allons vers un recul du contrôle sur les petites collectivités, ce pour un montant conséquent de deniers publics. Quant à la certification, si l'on a une distinction claire entre l'ordonnateur et le comptable, et que le comptable vérifie bien que le mandat qui lui est soumis est bien imputé sur la bonne ligne, nous ne devrions pas avoir besoin de certification.
La certification est très importante pour les collectivités qui vont sur le marché de l'argent. Beaucoup d'entre elles ont trouvé des financements auprès d'établissements étrangers, qui ont brutalement durci leurs conditions du fait de leur ignorance des comptabilités publiques françaises. La certification apparaît à l'évidence comme un outil nécessaire à condition d'offrir des garanties à tous, à commencer par les collectivités locales. Le président Sueur a rappelé ses inquiétudes sur l'extension du périmètre des contrôles. Je rapproche ces craintes du chiffre donné par le rapporteur sur le nombre de comptes vérifiés, qui serait passé de 80 000 à 10 000. C'est inquiétant.
La certification sera traitée dans le second projet de loi décentralisation que le Sénat examinera au printemps. Elle s'opèrerait sur la base du volontariat, pour une durée déterminée de cinq ans, après trois années préalables de mise au carré des comptes. Nous ne sommes pas loin des assurances nécessaires, évoquées par notre collègue Alain Richard.
L'an dernier, j'avais interrogé les commissaires aux comptes sur ce projet, qui n'était pas encore officiellement annoncé; ils étaient tout à fait désireux d'intervenir sur ce nouveau marché. Il conviendra, le moment venu, d'opérer une mise en concurrence, notamment pour les petits comptes, comme nous l'a laissé entendre le secrétaire général adjoint de la Cour. Les chambres régionales et la Cour des comptes en sont conscientes même si celle-ci se réserve la possibilité de ne pas participer aux appels d'offres pour les petits comptes. La loi pourrait prévoir, comme cela a été le cas pour les établissements hospitaliers, que les grands comptes fassent l'objet d'une certification par les juridictions financières.
Le nombre de déplacements n'a pas diminué, au contraire. Ainsi, la chambre régionale des comptes Aquitaine, Poitou-Charentes en a réalisé 90 en 2008, 92 en 2009, 81 en 2010 et probablement 105 cette année. L'évolution est comparable en Auvergne Rhône-Alpes : le nombre de contrôles est passé de 145 en 2008 à 170 selon les prévisions pour 2013. L'exception qui confirme la règle concerne la chambre Centre-Limousin, les chiffres sont de 69 en 2008, 72 en 2009, 68 en 2010, 67 en 2011, 54 en 2012 et 37 en 2013. Mais cette chambre cumule un sous-effectif notoire et un ressort géographique très étendu. Des magistrats sont peu désireux de se déplacer d'Orléans à Tulle.
On nous avait dit qu'à Limoges les magistrats étaient trop peu nombreux pour que le travail fût efficace. C'est sans doute à tort qu'ils n'ont pas rejoint la bonne ville d'Orléans, mais il est important que les difficultés liées à l'étendue des ressorts soient évoquées ici.
Le périmètre du ressort de cette chambre doit être mis en relation avec son sous-effectif.
En revanche, en Normandie, le nombre de déplacements s'élève à 150 selon les prévisions pour 2013, alors qu'en 2008, les deux chambres de Haute et de Basse Normandie avaient réalisé 106 contrôles.
C'est prémonitoire ! Cette chambre des comptes montre le chemin... quoique l'unification des Normandie puisse buter sur la suppression d'une présidence de région...
Ces chiffres doivent être mis en relation avec le relèvement du seuil d'apurement administratif. La disparition des petits contrôles a libéré du temps pour les contrôles sur place.
Tout cela n'est cependant pas sans incidence sur la qualité de vie des personnels. Le président du syndicat des juridictions financières unifié, que j'ai auditionné, se plaint du niveau du barème de remboursement des frais de mission. Les nuitées sont normalement prises en charge à hauteur de 50 euros ; ce montant a été relevé, de manière dérogatoire, à 60 euros mais cette somme reste insuffisante, notamment en période estivale. Cela dissuade les magistrats de se déplacer.
La baisse drastique du nombre de comptes contrôlés, dont M. Vial s'est inquiété, était prévue, puisqu'elle résulte du relèvement du seuil d'apurement administratif. Il conviendra d'examiner l'an prochain la situation des petites collectivités qui ne font plus l'objet d'un contrôle juridictionnel, bien que leurs comptes puissent être examinés par leur chambre régionale des comptes à la demande d'une direction régionale des finances publiques ou du préfet s'il existe des soupçons d'irrégularité.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés au programme « Cour des comptes et autres juridictions financières » de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».
La commission procède ensuite à l'examen du rapport pour avis de M. Yves Détraigne sur le projet de loi de finances pour 2014 (mission « Conseil et contrôle de l'État », programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives »).
Le programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » de la mission « Conseil et contrôle de l'État » regroupe les moyens affectés au Conseil d'État, aux 8 cours administratives d'appel, aux 42 tribunaux administratifs et, depuis le 1er janvier 2009, à la Cour nationale du droit d'asile.
Dans un contexte de forte contrainte budgétaire, les crédits de paiement alloués à ce programme augmentent de 1,5 % pour 2014. Toutefois, les juridictions financières participent à l'effort budgétaire. Leurs moyens diminuent par rapport à ce qui avait été prévu dans le plan triennal 2013-2015 : les crédits de fonctionnement et d'investissement baissent de 750 000 euros et seulement 35 emplois seront créés au lieu des 40 envisagés.
Ces moyens apparaissent suffisants pour le bon accomplissement de leurs missions par les juridictions. Les performances récentes des juridictions sont satisfaisantes : le délai prévisible moyen de jugement s'établit désormais à moins d'un an et, surtout, le délai moyen constaté pour les affaires ordinaires, hors procédures d'urgence et ordonnances, est pour la première fois inférieur à deux ans pour les cours administratives d'appel et les tribunaux administratifs. Le stock des affaires diminue. Dans les tribunaux administratifs, en 2012, la part des affaires enregistrées depuis plus de deux ans, ne représentait plus que 13 % du total des affaires en stock, alors que ce chiffre s'élevait à 40 % en 2002.
Outre les moyens octroyés et l'amélioration des procédures, ces bonnes performances traduisent l'effort de productivité réalisé ces dernières années par les juridictions administratives. Ces résultats sont d'autant plus remarquables que la pression contentieuse ne se relâche pas. Malgré un recul de 2,4 % en 2012 du nombre d'affaires enregistrées, les contentieux spéciaux continuent à progresser : en 2012, le contentieux des étrangers a représenté 32 % des affaires enregistrées par les tribunaux administratifs, soit une progression de 6,2 % par rapport à 2011. S'y ajoute le transfert aux juridictions administratives de nouveaux contentieux : litiges relatifs au plan de sauvegarde de l'emploi, en application de la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, et recours contre les redevances de post-stationnement prévu par le projet de loi métropoles.
Face à ce niveau élevé d'activité, le levier budgétaire est devenu insuffisant compte-tenu du contexte économique tendu. Pour faire face à la pression contentieuse, il convient d'apporter d'autres solutions, en particulier de rationaliser les procédures.
À la fin de l'année 2013, les avocats, administrations, collectivités et les établissements chargés d'une mission de service public auront accès à l'application Télérecours pour introduire les recours en ligne et échanger les mémoires par voie électronique. L'utilisation de cet outil dégagera des économies d'affranchissement, évaluées par le Conseil d'Etat à 1,5 million d'euros en 2015, soit environ 15 % des frais d'affranchissement. Elle produira des gains de productivité en raison de la disparition des opérations manuelles liées à la communication sous forme papier des courriers et pièces de la procédure. Le réseau et le serveur du Conseil d'Etat, déjà saturé, absorberont-ils de tels flux de données ? Une question technique se règle toujours...
Le décret du 13 août 2013 a supprimé l'appel pour le contentieux du permis de conduire et les contentieux sociaux. Pour les contentieux sociaux, le maintien du double degré de juridiction ne paraissait pas indispensable compte tenu du faible taux d'appel et du recours massif aux ordonnances de rejet. Le décret du 13 août 2013 a mis en place un régime spécifique qui pourrait s'avérer plus adapté à ces contentieux. Il conviendra toutefois de s'assurer avec un an de recul de la pertinence de cette mesure.
Le décret du 1er octobre 2013 relatif au contentieux de l'urbanisme confie en premier et dernier ressort au tribunal administratif le contentieux des permis de construire ou de démolir un bâtiment à usage principal d'habitation et le contentieux des permis d'aménager un lotissement en cas de déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements. Cette réforme vise à réduire la durée moyenne des procédures contentieuses pour faciliter la réalisation de programmes de logements dans un marché en tension.
Une prudence particulière est de mise car l'absence d'appel est toutefois susceptible, dans certains cas, de porter atteinte aux droits du justiciable.
L'adaptation des procédures à la complexité des affaires constitue un troisième outil d'amélioration de la productivité. La loi du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit offre la possibilité au président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public de présenter publiquement ses conclusions. La dispense concerne notamment les contentieux répétitifs et factuels comme celui des étrangers ou le DALO. L'objectif principal de cette réforme, en vigueur au 1er janvier 2012, était que les rapporteurs publics se concentrent sur les dossiers plus complexes. Son impact pourrait toutefois être faible. Les rapporteurs doivent en effet étudier le dossier pour décider de solliciter la dispense. De surcroît, celle-ci concerne les affaires qui faisaient déjà l'objet de conclusions très brèves. Enfin, le justiciable qui voit le rapporteur public se dispenser de conclusions sur son dossier alors qu'il conclut sur le dossier suivant pourrait être tenté d'interjeter appel, se croyant victime d'une injustice.
Le recours au juge unique et aux ordonnances n'offre plus de possibilité de gain de productivité supplémentaire. Ces procédures, qui représentaient en 2012 environ 60 % des affaires jugées devant les tribunaux administratifs, sont en recul. Sur l'année, le nombre d'ordonnances est resté stable et le nombre d'affaires réglées par juge unique a diminué.
La rapidité constitue leur intérêt principal. Cependant la maîtrise des délais ne doit pas affecter la qualité de la justice. Or, sans qu'un lien certain ne puisse être établi, on constate une augmentation des annulations par le Conseil d'État de jugements des tribunaux administratifs. Selon la prévision actualisée pour 2013, le taux serait de 25,6 %, bien supérieur aux 15 % initialement prévus et aux 17,7 % relevés en 2012. Selon la haute juridiction, cette dégradation de l'indicateur résulte du traitement de séries d'affaires identiques et ne devrait pas compromettre l'objectif cible fixé pour 2015. Il reste nécessaire de surveiller la situation d'autant que le décret du 13 août 2013 étend le champ des matières pouvant relever du juge unique.
Enfin, lors de nos déplacements et auditions, nous avons constaté un sentiment d'impuissance des magistrats face aux procédures récentes relevant davantage, selon eux, du précontentieux que du contentieux. En matière de RSA ou de DALO, le juge ne tranche aucune question de droit, il ne règle pas non plus la situation du justiciable, il constate seulement un état de fait. Un recours administratif préalable obligatoire opèrerait un premier filtre avant la saisine du juge.
En conclusion, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de ce programme.
Tous les leviers de productivité ont été utilisés, en particulier le recours au juge unique. Nous ne pouvons aller plus loin. L'acte de juger est par essence collégial. Le dernier gisement réside dans la réduction du contentieux à la source. En 2012, le nombre de recours a diminué, mais c'est une baisse conjoncturelle : la réduction de leurs capacités financières a pu décourager des requérants potentiels d'aller en justice.
Le ministère de la défense a mené une expérience intéressante en montant un système global de précontentieux. Cela nécessite des marges budgétaires actuellement inexistantes. L'impulsion doit venir du Premier ministre.
Le budget des juridictions administratives a été relativement préservé.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés au programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives » de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».
La commission procède enfin à l'examen du rapport pour avis de Mme Nicole Bonnefoy sur le projet de loi de finances pour 2014 (mission « solidarité, insertion et égalité des chances », programme « égalité entre les femmes et les hommes »).
Comme chaque année désormais, l'examen du programme n° 137 : « égalité entre les femmes et les hommes » nous donne l'occasion de dresser un bilan des politiques mises en oeuvre pour faire progresser l'égalité et améliorer la lutte contre les violences.
Ce programme porte des subventions allouées à un important réseau d'associations nationales et locales pour des missions au long cours ou des projets ponctuels. De taille modeste, il n'a pas vocation à prendre en charge dans leur intégralité des politiques publiques, mais à exercer un effet levier en incitant des partenaires publics et privés à s'investir dans un certain nombre de projets. Il ne représente qu'une partie de l'effort engagé par le Gouvernement en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes.
En 2014, ses crédits s'élèveront à 24,26 millions d'euros, en hausse de 3,4 % par rapport à 2013, ce qui constitue un effort important dans l'actuel contexte de maîtrise des dépenses publiques. Vous trouverez dans mon rapport le détail des associations et projets qui bénéficient des crédits d'intervention du programme : au risque de saupoudrage répond la nécessité d'agir dans de nombreux domaines, en suscitant l'implication d'acteurs divers. Cette année, une attention particulière est accordée à l'accompagnement des personnes prostituées ou victimes de la traite, avec une enveloppe dédiée de 2,39 millions d'euros.
Les associations peinant à faire face à l'augmentation de leurs charges et à remplir leurs missions dans de bonnes conditions, le ministère des droits des femmes s'est engagé dans une démarche de contractualisation sur trois ans : des conventions d'objectifs sont conclues avec les principales associations, ce qui sécurise leur financement en contrepartie de la réalisation d'un certain nombre d'objectifs. Les représentantes d'associations que j'ai rencontrées ont salué cette démarche qu'elles réclamaient depuis longtemps.
En matière d'égalité dans le domaine économique, le ministère des droits des femmes s'est fixé pour objectif d'accroître de dix points d'ici 2017 la place des femmes dans la création ou la reprise d'entreprises. Des actions d'information et de formation sont également conduites ; un accord-cadre national a été conclu avec Pôle Emploi le 28 juin 2013 et 19 conventions ont été signées avec de grandes entreprises afin de les sensibiliser à la promotion des femmes aux postes à responsabilités et à la levée du « plafond de verre ».
L'effort du Gouvernement en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes ne se réduit pas au programme n° 137. Il a commencé par la création d'un ministère de plein exercice dédié aux droits des femmes. La ministre, Najat Vallaud-Belkacem, a mené cette année avec résolution une importante activité institutionnelle marquée par la création du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, confié à Danielle Bousquet, et de la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF), animée par Ernestine Ronai.
L'activité normative a également été soutenue : les questions liées à la parité et à la lutte contre les violences ont été au coeur du débat public en 2013, qu'il s'agisse des mesures votées dans le cadre de la loi du 5 août 2013, du projet de loi relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes que nous avons récemment adopté, ou encore des nombreux textes de droit électoral examinés cette année. Enfin, la question de l'égalité a participé du renforcement du dialogue social initié avec la conférence sociale de juillet 2012 et déjà décliné dans trois accords, dont l'accord national interprofessionnel du 19 juin 2013.
La dimension interministérielle de la politique en matière d'égalité conduit à confier la responsabilité de sa mise en oeuvre à plusieurs autres programmes du projet de loi de finances pour 2014. Le document de politique transversale retrace en principe l'effort global de l'État en faveur de cette politique, mais un tiers des programmes identifiés ne bénéficient pas de crédits chiffrés. Au total, l'effort financier consenti par l'État devrait s'établir pour 2014 à un peu plus de 200 millions d'euros (+ 5,46 % par rapport à 2012).
La question des violences faites aux femmes revêt une importance particulière. Le Gouvernement a dévoilé vendredi le quatrième plan interministériel de lutte contre les violences. Les violences conjugales, commises dans le huis-clos du foyer familial, sont par nature cachées, insidieuses et trop souvent tues. À peine un dixième des femmes victimes de violences conjugales portent plainte. Peu d'entre elles osent consulter un médecin ou se rendre dans une association. Les plateformes d'écoute téléphoniques jouent un rôle essentiel - là est souvent la première main tendue à la femme victime. Au niveau national, il existe deux plateformes téléphoniques gérées par des associations grâce aux subventions allouées par l'État. La Fédération nationale solidarité femmes (FNSF) gère depuis juin 1992 le service téléphonique « Violences Femmes Info - 39 19 ». Ce numéro, gratuit depuis 2008 sauf pour les appels émanant de certains opérateurs de téléphonie mobile, offre aux femmes victimes de violences conjugales, à leur entourage mais également aux professionnels concernés une écoute, des conseils et une orientation. Le Collectif féministe contre le viol gère quant à lui depuis mars 1986 une permanence téléphonique destinée aux femmes victimes de violences sexuelles. L'appel est gratuit.
Pour des raisons budgétaires, ces deux plateformes peinent à répondre à l'ensemble des appels reçus, appels dont le nombre augmente sensiblement dans les semaines suivant les campagnes d'information à destination du grand public. Je me suis rendue dans les locaux du 39 19 : 19 écoutantes assurent 78 heures de permanence hebdomadaires - un appel dure en moyenne une vingtaine de minutes. Le travail de l'écoutante consiste avant tout à rassurer la victime, à lui expliquer qu'elle n'est pas responsable des faits qu'elle a subis puis à rechercher avec elle une solution, au besoin en l'orientant vers une association d'aide aux victimes. Je rends hommage au professionnalisme de ces personnels et à leur implication sans faille.
Le Gouvernement a décidé de prendre appui sur le 39 19, aujourd'hui spécialisé sur les questions de violences conjugales, pour mettre en place un numéro de référence unique qui prendra en charge les appels concernant l'ensemble des violences contre les femmes. À compter du 1er janvier prochain, il sera gratuit et accessible sept jours sur sept depuis l'ensemble des téléphones. Pour ce faire, une dotation supplémentaire de 300 000 euros sera allouée à la FNSF.
Les modalités d'articulation de ce nouveau dispositif avec les autres numéros existants et l'action d'associations plus spécialisées sont en cours de définition. Le projet du Gouvernement ne consiste pas à faire du 39 19 le seul numéro d'appel en matière de violences faites aux femmes mais à en faire une porte d'entrée en matière d'écoute. Il faudra rapidement tirer un bilan de l'expérience et veiller à ce que l'association gestionnaire ait les moyens de faire face à l'augmentation prévisible de son activité.
Après la première écoute vient souvent le temps de la plainte. Les témoignages que j'ai reçus font état d'une réelle amélioration et d'une meilleure prise en compte par les forces de police et de gendarmerie. Il faut saluer les efforts accomplis en la matière par le ministère de l'intérieur, notamment en matière de formation. Il s'appuie désormais sur des associations et des intervenants sociaux qui jouent un rôle essentiel pour accompagner la victime dans ses démarches et rechercher une solution durable, pour elle et ses enfants.
Le Gouvernement intensifiera ce dispositif dans le cadre du quatrième plan, avec pour objectif un doublement du nombre de ces intervenants sociaux qui devrait atteindre 350 d'ici 2017. Ce déploiement sera financé pour partie par le Fonds interministériel de prévention de la délinquance.
Le travail interministériel entrepris parallèlement sur le traitement des mains courantes prend la suite des instructions de la chancellerie pour encadrer strictement leur utilisation. Un protocole établi conjointement par les ministères de la justice, de l'intérieur et des droits des femmes a été adressé aux préfets et aux parquets afin de réaffirmer le principe de la plainte et de limiter le recours aux mains courantes aux seuls cas de refus répétés de la victime et en l'absence de gravité des faits ; il rend systématique une visite différée au domicile de la victime lorsque le dépôt de la main courante est consécutif à une première alerte des forces de l'ordre ; il prévoit un contrôle régulier de ces mains courantes par les parquets. Une circulaire du ministère de la justice harmonisera les pratiques en la matière.
Le Gouvernement a aussi annoncé le lancement d'une expérimentation afin que les victimes de viol accèdent plus rapidement aux urgences médicales pour constater les violences subies. Un kit de constatation en urgence, inspiré de l'expérience américaine, est également en préparation. Cela est fondamental car les procédures judiciaires doivent être appuyées par des preuves.
Les témoignages demeurent en revanche sévères à l'égard des professionnels de justice et de santé. Leur méconnaissance des ressorts de la violence conjugale, notamment des violences psychologiques qui les accompagnent, constitue l'une des lacunes de notre dispositif de détection et de répression des violences. Il en résulte des réponses judiciaires inappropriées ainsi qu'une insuffisante circulation de l'information entre les magistrats. La mise en oeuvre de l'ordonnance de protection reste très inégale. Certains parquets ont encore recours à la médiation pénale en matière de violences conjugales, à rebours de la volonté exprimée par le législateur et des instructions précises de la chancellerie. Les juges aux affaires familiales ne sont toujours pas formés à la détection des violences alors que leur rôle en matière de signalement devrait être essentiel.
Le manque de formation des personnels de santé est tout aussi criant. Certains d'entre eux s'abstiennent de poser des questions sur l'origine de violences physiques évidentes, comme si les violences relevaient d'un tabou. Cela est d'autant plus regrettable que les médecins ont le droit de signaler des faits de violences au procureur de la République sans être tenus par le secret médical. L'insuffisante formation des professionnels de santé se traduit également par l'absence de prise en compte du préjudice psychologique subi par la victime : toutes les unités médico-judiciaires ne sont pas dotées de médecins psychiatres susceptibles de constater ces violences et de nombreux médecins omettent d'en tenir compte dans la rédaction de certificats médicaux.
La MIPROF a mis en place un plan de formation spécifiquement axé sur les professionnels de santé. Le protocole national adressé aux agences régionales de santé afin de renforcer les liens entre services de santé, de police et de justice, contribuera à faire de la prise en charge des victimes de violences conjugales un véritable sujet de santé publique. Nous serons vigilants sur les efforts accomplis.
La perspective de ne pas disposer d'un logement sûr pour elle-même et ses enfants dissuade souvent la victime de solliciter la protection des autorités. Pour cette raison, notre droit permet d'évincer le conjoint violent du domicile conjugal dans le cadre d'une procédure civile ou pénale. Pourtant, malgré des instructions réitérées aux parquets, le nombre de mesures d'éviction qui avait augmenté entre 2006 et 2010, a significativement régressé depuis : la part des affaires pénales dans lesquelles une mesure de ce type a été prononcée est passée de 19,3 % en 2010, à 5,9 % en 2012 et 5,8 % en 2013. Je souhaiterais que la chancellerie établisse un recensement des raisons conduisant les magistrats à ne plus prononcer cette mesure que marginalement.
Une centaine de structures spécialisées proposent une capacité d'environ 3 000 places d'hébergement pour des femmes victimes. Cette offre est très largement inférieure aux besoins, notamment en région parisienne. Trop fréquemment, les victimes de violences conjugales sont orientées vers un hébergement généraliste inadapté à leur situation. Le Gouvernement avait décidé en novembre 2012 qu'un tiers des 5 000 créations ou pérennisations de places d'hébergement d'urgence programmées seraient dédiées aux femmes victimes de violence. Cet engagement est réitéré dans le quatrième plan : d'ici 2017, 1 650 solutions d'hébergement seront créées. Je souhaiterais que la réalisation de cet objectif fasse l'objet d'un suivi précis dans le cadre des documents budgétaires.
Au bénéfice de ces observations, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du programme n°137 : « égalité entre les femmes et les hommes » de la mission « solidarité, insertion et égalité des chances ».
Créer ce rapport a été un bon choix. Même s'il n'est pas discuté en séance publique, il sera imprimé et diffusé. Le Monde annonçait hier que sept femmes sur dix dans le monde sont confrontées à la violence. Selon le Haut conseil à l'égalité, seulement 9 % d'entre elles portent plainte.
Je souscris à tout ce qui a été dit par notre rapporteur. L'emprise n'étant pas sans analogie avec les phénomènes sectaires, un travail en commun avec la Miviludes serait utile. En outre, une formation des personnels de l'éducation nationale favoriserait la détection des violences intra-familiales.
J'ai voulu signaler des cas de prostitution de roms mineurs ; la position officielle du parquet de Roubaix est que ces jeunes vivant avec leur famille, il n'y a pas enfance en danger. La violence est dans la rue, il suffit de changer de trottoir pour la rencontrer.
À 180 degrés de sa ligne éditoriale, Le Monde racontait cela très précisément il y a quelques mois, au tribunal de Nancy.
Les 300 000 euros supplémentaires alloués à la FNSF pour l'élargissement du « 39.19 » suffiront-ils ?
Quand nous sommes allés à leur rencontre, nous n'avons pas entendu de remarque particulière à cet égard, ce qui ne nous empêchera pas d'évaluer le dispositif.
Un grand nombre d'écoutants sera nécessaire pour faire face à l'augmentation du nombre d'appels. Mes félicitations pour ce beau rapport.
Sur la question des violences psychologiques, je suis moi-même membre de la Miviludes. J'évoquerai ce sujet avec mes collègues.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés au programme «égalité entre les hommes et les femmes » de la mission « solidarité, insertion et égalité des chances ».