Le programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » de la mission « Conseil et contrôle de l'État » regroupe les moyens affectés au Conseil d'État, aux 8 cours administratives d'appel, aux 42 tribunaux administratifs et, depuis le 1er janvier 2009, à la Cour nationale du droit d'asile.
Dans un contexte de forte contrainte budgétaire, les crédits de paiement alloués à ce programme augmentent de 1,5 % pour 2014. Toutefois, les juridictions financières participent à l'effort budgétaire. Leurs moyens diminuent par rapport à ce qui avait été prévu dans le plan triennal 2013-2015 : les crédits de fonctionnement et d'investissement baissent de 750 000 euros et seulement 35 emplois seront créés au lieu des 40 envisagés.
Ces moyens apparaissent suffisants pour le bon accomplissement de leurs missions par les juridictions. Les performances récentes des juridictions sont satisfaisantes : le délai prévisible moyen de jugement s'établit désormais à moins d'un an et, surtout, le délai moyen constaté pour les affaires ordinaires, hors procédures d'urgence et ordonnances, est pour la première fois inférieur à deux ans pour les cours administratives d'appel et les tribunaux administratifs. Le stock des affaires diminue. Dans les tribunaux administratifs, en 2012, la part des affaires enregistrées depuis plus de deux ans, ne représentait plus que 13 % du total des affaires en stock, alors que ce chiffre s'élevait à 40 % en 2002.
Outre les moyens octroyés et l'amélioration des procédures, ces bonnes performances traduisent l'effort de productivité réalisé ces dernières années par les juridictions administratives. Ces résultats sont d'autant plus remarquables que la pression contentieuse ne se relâche pas. Malgré un recul de 2,4 % en 2012 du nombre d'affaires enregistrées, les contentieux spéciaux continuent à progresser : en 2012, le contentieux des étrangers a représenté 32 % des affaires enregistrées par les tribunaux administratifs, soit une progression de 6,2 % par rapport à 2011. S'y ajoute le transfert aux juridictions administratives de nouveaux contentieux : litiges relatifs au plan de sauvegarde de l'emploi, en application de la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, et recours contre les redevances de post-stationnement prévu par le projet de loi métropoles.
Face à ce niveau élevé d'activité, le levier budgétaire est devenu insuffisant compte-tenu du contexte économique tendu. Pour faire face à la pression contentieuse, il convient d'apporter d'autres solutions, en particulier de rationaliser les procédures.
À la fin de l'année 2013, les avocats, administrations, collectivités et les établissements chargés d'une mission de service public auront accès à l'application Télérecours pour introduire les recours en ligne et échanger les mémoires par voie électronique. L'utilisation de cet outil dégagera des économies d'affranchissement, évaluées par le Conseil d'Etat à 1,5 million d'euros en 2015, soit environ 15 % des frais d'affranchissement. Elle produira des gains de productivité en raison de la disparition des opérations manuelles liées à la communication sous forme papier des courriers et pièces de la procédure. Le réseau et le serveur du Conseil d'Etat, déjà saturé, absorberont-ils de tels flux de données ? Une question technique se règle toujours...
Le décret du 13 août 2013 a supprimé l'appel pour le contentieux du permis de conduire et les contentieux sociaux. Pour les contentieux sociaux, le maintien du double degré de juridiction ne paraissait pas indispensable compte tenu du faible taux d'appel et du recours massif aux ordonnances de rejet. Le décret du 13 août 2013 a mis en place un régime spécifique qui pourrait s'avérer plus adapté à ces contentieux. Il conviendra toutefois de s'assurer avec un an de recul de la pertinence de cette mesure.
Le décret du 1er octobre 2013 relatif au contentieux de l'urbanisme confie en premier et dernier ressort au tribunal administratif le contentieux des permis de construire ou de démolir un bâtiment à usage principal d'habitation et le contentieux des permis d'aménager un lotissement en cas de déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements. Cette réforme vise à réduire la durée moyenne des procédures contentieuses pour faciliter la réalisation de programmes de logements dans un marché en tension.
Une prudence particulière est de mise car l'absence d'appel est toutefois susceptible, dans certains cas, de porter atteinte aux droits du justiciable.
L'adaptation des procédures à la complexité des affaires constitue un troisième outil d'amélioration de la productivité. La loi du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit offre la possibilité au président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public de présenter publiquement ses conclusions. La dispense concerne notamment les contentieux répétitifs et factuels comme celui des étrangers ou le DALO. L'objectif principal de cette réforme, en vigueur au 1er janvier 2012, était que les rapporteurs publics se concentrent sur les dossiers plus complexes. Son impact pourrait toutefois être faible. Les rapporteurs doivent en effet étudier le dossier pour décider de solliciter la dispense. De surcroît, celle-ci concerne les affaires qui faisaient déjà l'objet de conclusions très brèves. Enfin, le justiciable qui voit le rapporteur public se dispenser de conclusions sur son dossier alors qu'il conclut sur le dossier suivant pourrait être tenté d'interjeter appel, se croyant victime d'une injustice.
Le recours au juge unique et aux ordonnances n'offre plus de possibilité de gain de productivité supplémentaire. Ces procédures, qui représentaient en 2012 environ 60 % des affaires jugées devant les tribunaux administratifs, sont en recul. Sur l'année, le nombre d'ordonnances est resté stable et le nombre d'affaires réglées par juge unique a diminué.
La rapidité constitue leur intérêt principal. Cependant la maîtrise des délais ne doit pas affecter la qualité de la justice. Or, sans qu'un lien certain ne puisse être établi, on constate une augmentation des annulations par le Conseil d'État de jugements des tribunaux administratifs. Selon la prévision actualisée pour 2013, le taux serait de 25,6 %, bien supérieur aux 15 % initialement prévus et aux 17,7 % relevés en 2012. Selon la haute juridiction, cette dégradation de l'indicateur résulte du traitement de séries d'affaires identiques et ne devrait pas compromettre l'objectif cible fixé pour 2015. Il reste nécessaire de surveiller la situation d'autant que le décret du 13 août 2013 étend le champ des matières pouvant relever du juge unique.
Enfin, lors de nos déplacements et auditions, nous avons constaté un sentiment d'impuissance des magistrats face aux procédures récentes relevant davantage, selon eux, du précontentieux que du contentieux. En matière de RSA ou de DALO, le juge ne tranche aucune question de droit, il ne règle pas non plus la situation du justiciable, il constate seulement un état de fait. Un recours administratif préalable obligatoire opèrerait un premier filtre avant la saisine du juge.
En conclusion, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de ce programme.