Intervention de Jean-Patrick Courtois

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 27 novembre 2013 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2014 — Mission « administration générale et territoriale de l'état » programme « administration territoriale » - examen du rapport pour avis

Photo de Jean-Patrick CourtoisJean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis :

Placé sous la responsabilité du secrétaire général du ministère de l'intérieur, le programme Administration territoriale couvre l'ensemble des missions assumées par les préfectures, sous-préfectures et hauts-commissariats en métropole et en outre-mer. Mises en oeuvre par 27 000 agents, ces actions portent sur les compétences propres au ministère de l'intérieur, la coordination des services de l'État sur le territoire et le suivi de la performance des services déconcentrés dans le cadre de la Lolf.

Les crédits pour 2014 du programme 307 « Administration territoriale » sont supérieurs à ceux de 2013 : 1 727 millions d'euros en autorisation d'engagement, soit + 1,59 %, et 1 726 millions d'euros en crédits de paiement, soit + 0,81 %. En revanche, son schéma d'emploi perd 398 ETP : les services préfectoraux ont perdu, depuis 7 ans, plus de 10 % de leurs effectifs.

La réforme de l'administration territoriale (Réate), mise en application en 2010, a profondément modifié la structure des services déconcentrés. La modernisation de l'action publique (MAP), lancée en octobre 2012, comprend un volet consacré à l'administration territoriale de l'État, pour qu'elle réponde plus efficacement aux besoins et attentes des usagers. Elle vise également à améliorer le fonctionnement des services déconcentrés et les conditions de travail des agents.

Deux rapports récents, l'un commandé par le Premier ministre pour donner des orientations dans le cadre de la MAP, l'autre de la Cour des comptes, ont dressé un diagnostic sévère de l'administration territoriale post-Réate. Cette dernière souffre d'incohérences dans son organisation, de contradictions entre les moyens et les missions qui lui sont affectées, d'une gouvernance et de méthodes de travail inadaptées. L'ayant perçue comme un outil de réduction des moyens et des effectifs, les agents ont été démotivés par la Réate et ses conséquences, car les moyens d'accompagnement de la réforme ont été insuffisants. L'objectif d'amélioration de l'action de l'État au niveau local n'a pas été assez mis en avant. Les décisions prises dans le cadre de la MAP tendent à résoudre la plupart de ces difficultés, même s'il est trop tôt pour évaluer leur bien-fondé et leur application.

Le ministère de l'Intérieur a reporté à 2015 la réforme du réseau sous-préfectoral. Pour le moment, le ministère se veut rassurant : le réseau des 240 sous-préfectures sera largement maintenu. À terme, la réforme devrait s'orienter vers la fermeture de sous-préfectures proches de zones urbaines et péri-urbaines. En revanche, les sous-préfectures situées en milieu rural seraient maintenues ou transformées en Maisons de l'État. Le ministre a demandé aux préfets des régions Alsace et Lorraine d'expérimenter une méthodologie de rénovation de la carte des sous-préfectures concernant les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. Cette rénovation devra avoir été opérée au 1er janvier 2015, selon une méthode déconcentrée.

Cette réforme ne peut être menée sans une réflexion approfondie sur l'évolution des missions des sous-préfets et des sous-préfectures. Je souhaite le maintien des postes de sous-préfets : le symbole qu'ils représentent est important aux yeux de la population. Leur attribuer davantage de missions d'envergure départementale ou régionale les valoriserait tout en allant contre le ressenti d'abandon du public et des élus locaux. Les sous-préfectures doivent évoluer vers une fonction d'expertise et de conseil aux collectivités territoriales, ce qui requiert davantage de fonctionnaires de catégorie A.

J'en viens au contrôle de légalité. Le nombre d'actes contrôlés a encore baissé de 10,58 % malgré la stabilité du nombre d'actes transmis. Tous les indicateurs connaissent une évolution négative. Le taux de contrôle des actes prioritaires est de 91,67 % pour 2012 ; l'objectif était de 96 %. Le ministère explique ce résultat insatisfaisant par l'impact de l'évolution des effectifs en charge du contrôle ainsi que par les ajustements dans les stratégies départementales, à la suite de la circulaire du 25 janvier 2012. Il sera difficile d'atteindre les 100 % d'actes prioritaires contrôlés en 2014. L'évolution qualitative du contrôle de légalité est également préoccupante. La stratégie de priorisation a considérablement resserré son champ d'application et certains domaines, comme les actes de police, ne sont que très peu contrôlés.

En matière de gestion des ressources humaines dans l'administration territoriale de l'État, les attentes sont fortes. La disparité des conditions de travail dans les services réorganisés dans le cadre de la Réate continue de poser problème : la réforme a en effet abouti à la réunion au sein de mêmes services d'agents dont les régimes en termes d'horaires, de congés, d'action sociale, de tickets-restaurant et de rémunération ne sont pas les mêmes. Le sentiment d'inégalité né de ces situations ne contribue pas à la création d'une synergie au sein des nouvelles structures territoriales. Le comité interministériel de la modernisation de l'action publique du 17 juillet 2013 a engagé une harmonisation de ces conditions de travail. La question est très importante pour le bon fonctionnement des services territoriaux et la motivation du personnel.

La politique actuelle de gestion des ressources humaines dans l'administration déconcentrée est inadaptée : effectifs ni connus, ni suivis ; gestion prévisionnelle des emplois et des compétences très peu développée ; règles et pratiques contraires à une gestion efficace du personnel. Il faut aller vers plus de souplesse et d'anticipation, mais aussi prendre en compte des compétences spécifiques, conserver et développer les compétences rares. On pourrait pour cela mutualiser certaines spécialités au niveau interdépartemental ou interrégional.

S'agissant des titres sécurisés, 2013 a été marquée par le lancement du projet FAETON, qui a connu des retards. Ce projet regroupe la production du nouveau permis de conduire européen, uniformisé au format carte bancaire et contenant des données biométriques, et l'application gérant l'ensemble des droits à conduire, depuis l'inscription en école de conduite jusqu'à la gestion des points du permis. Sa mise en place était prévue pour janvier 2013. Afin de respecter les échéances européennes, un permis transitoire « F 9 » est délivré depuis janvier, alors que de nouveaux tests ont conduit à un nouveau report au premier semestre 2014.

Lancés tous les deux en 2009, le passeport biométrique et le système d'immatriculation à vie des véhicules ont connu une mise en place difficile, mais leur production et leur acheminement aux usagers ne posent plus de difficultés majeures.

La carte nationale d'identité électronique devait être déployée en 2009, date régulièrement repoussée. La censure partielle par le Conseil constitutionnel de la loi du 27 mars 2012 a remis en cause le projet. Le Conseil avait considéré que la création d'une base de données biométriques commune au passeport et à la carte d'identité, pouvant être consultée à des fins policières ou judiciaires, attentait au respect de la vie privée de manière disproportionnée par rapport au but poursuivi. Aucun calendrier de mise en place de la carte nationale d'identité électronique n'a été fixé.

Enfin la transmission dématérialisée des actes d'état civil devrait être généralisée en 2014. Avec ce dispositif d'échange sécurisé des données entre les mairies et les organismes demandeurs d'actes d'état civil, les usagers n'auront désormais plus qu'à faire une simple déclaration auprès de l'organisme demandeur, lequel se chargera de la vérification auprès de la mairie concernée.

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